Résumés
Résumé
De nombreuses personnes mobilisées pour la confection de masques artisanaux visant à parer la crise de la COVID-19 pratiquent ordinairement une couture de loisirs, parfois artistique (comme c’est le cas de certains pratiquants du quilting). Or, cette production, au-delà de sa finalité pratique, impose la maîtrise de normes techniques et scientifiques précises, comme celles de l’Association Française de Normalisation (AFNOR). Notre étude s’intéresse au passage de l’une à l’autre de ces activités pour comprendre ce que cette production a signifié pour ses acteurs. Ayant conduit une enquête anthropologique associant les méthodes du terrain in situ à l’exploration des mondes virtuels, nous avons voulu interroger les couturières et couturiers concernés au moyen d’un questionnaire en ligne, cette approche permettant d’aller à leur rencontre, malgré le contexte sanitaire. La question de la participation civile en temps de crise s’est finalement posée dans l’examen d’une mobilisation trop rapidement présentée comme un bricolage de fortune.
Mots-clés :
- art,
- technique,
- participation civile,
- COVID-19,
- masques,
- normes
Abstract
A multitude of masks have been sewn in an attempt to cope with the COVID-19 crisis. The people involved in this fabrication often practice sewing as a hobby or engage in more specialized needlework activities such as patchwork and quilting. However, the production of COVID masks requires the application of precise technical and scientific standards, for instance those of the French standardization authority AFNOR (Association Française de Normalisation). In an ongoing study, we question the passage from one to the other of these activities, with a view to understanding what this production means for those who take part in it. The study is based on an anthropological investigation combining in situ field methods with the exploration of virtual worlds. The seamstresses and tailors involved in the making of masks were interviewed by means of an online questionnaire, which allowed us to meet, despite the health context, the people who engage in this production. Beyond what is sometimes presented as makeshift bricolage, the examination of this mobilization ultimately raises the question of civil participation in times of crisis.
Keywords:
- art,
- technique,
- civil society,
- participation,
- COVID-19,
- masks,
- norms
Corps de l’article
Une multitude de masques artisanaux a été cousue pour parer à la crise de la COVID-19. Or, de nombreuses personnes mobilisées dans cette entreprise pratiquent ordinairement une couture de loisirs, parfois artistique. C’est, par exemple, le cas des pratiquants du quilting[1], qui se sont engagés au printemps 2020 dans la production de ces masques. Malgré son apparente simplicité, une telle fabrication impose la maîtrise de normes techniques précises, comme les spécifications de l’Association Française de Normalisation (AFNOR Spec) en France. Notre étude s’intéresse au passage de l’une à l’autre de ces activités, artistique et technique, pour comprendre ce que l’opération a signifié pour celles et ceux qui s’y sont prêtés. Il semble, en effet, que la crise de la COVID-19 a bousculé les modes de reconnaissance de l’utilité des arts textiles, comme de celles et ceux qui les pratiquent.
Nous avons conduit l’enquête anthropologique en associant les méthodes du terrain in situ à l’exploration des mondes virtuels. Alors que les mondes virtuels se montrent incontournables autant du fait de leur développement dans le secteur de la couture, qu’en raison des confinements, l’exercice du terrain numérique s’est imposé pour suivre les voies de confection des masques. Nous sommes revenus sur nos études de la mobilisation féminine partant des travaux d’aiguilles (Trigeaud 2013) et sur nos observations lors d’un rassemblement international consacré au patchwork. Puis, nous avons interrogé les couturières et couturiers concernés par la confection de masques au moyen d’un questionnaire en ligne, allant ainsi à la rencontre des personnes malgré le contexte sanitaire. Nous voulions croiser les perspectives de l’étude des modes de mobilisation autorisés par l’aiguille et de notre enquête sur la confection des masques pour voir si les interrogations posées quant à la première situation – le problème de la reconnaissance sociale de l’activité et de la mobilisation en jeu – tiennent face à la seconde, ou si cette dernière en suscite de nouvelles.
Si la confection artisanale des « masques COVID » est perçue comme un geste de solidarité souvent salué, elle tombe également sous le feu des critiques. Le premier argument de la critique repose sur les faiblesses supposées du produit sur le plan technique ; faiblesse qui a incité deux spécialistes du sujet, Bruno Strasser et Thomas Schlich, à déclarer « une petite pique pour le mouvement DIY (do it yourself) : produire des masques artisanaux à domicile est évidemment utile et sympathique, mais c’est un emplâtre sur une jambe de bois » (cité dans Jolly 2020). Pourtant, on insiste tout autant aujourd’hui sur le nombre de couturiers engagés et de masques produits. Des normes ont été pensées pour garantir une certaine fiabilité technique. Alors que penser ? L’on assiste à la dénonciation de l’absence de rémunération des personnes ayant confectionné les masques au coeur de la crise au printemps 2020 ; or, l’activité se voulait bénévole et solidaire. Moyen du bord ou produit certifié ? Activité industrielle et commerciale ou bénévole et solidaire ? Des questions émergent quant aux diverses compréhensions qui s’opposent, dans un instant où les cadres sont bousculés. Et on se demande si les doutes en jeu ne tiennent pas finalement au thème identifié dans nos premiers travaux, de la (non)reconnaissance généralement accordée aux couturières et aux couturiers.
Études et sources antérieures utiles à l’examen du cas présent
À sujet nouveau, étude nouvelle, pourrait-on penser. Mais la question de la confection artisanale des masques sanitaires contre la COVID-19 est-elle aussi inédite qu’elle ne le paraît ? Le fait relève sans doute de caractères sui generis qu’il incombe aux chercheurs de déceler, à l’heure d’une pandémie causée par une maladie nouvelle, occasionnant des initiatives semblant originales. Cependant, des études antérieures contribuent à relire la situation actuelle sous des angles déjà connus.
Comme le soulignent Strasser et Schlich dans leurs travaux sur les masques médicaux et la culture du jetable (Jolly 2020 ; Strasser et Schlich 2020) et Nejma Omari dans une chronique du Le Blog de Gallica (2020), l’usage de masques en tissu à des fins sanitaires n’est pas un phénomène nouveau car on en trouve trace à de nombreuses occasions épidémiques de l’histoire (id est peste en Europe aux XVIIe-XIXe siècles, grippe dite « espagnole » de 1917-1919, grippe en France en 1929). L’antériorité de la grippe dite « espagnole » au début du XXe siècle introduit d’abondantes sources mobilisables aujourd’hui. Parmi elles, les fonds du War Department General and Special Staffs, 1860-1952 des National Archives of the United States fournissent des archives photographiques attestant de l’imposition du masque sanitaire dans les lieux publics durant l’épisode de 1917-1918 aux États-Unis, ainsi que de la participation de la Croix Rouge à la production des masques. Ces photographies ont été largement exploitées depuis le début de la crise de la COVID-19. Deux documents de 1918 et 1919 sont pertinents, en raison de l’image, mais aussi et surtout des descriptifs qui les accompagnent : un premier cliché rapporte le cas de la ville de Seattle où le masque fut obligatoire dans les lieux publics et les transports, et pour laquelle la Croix Rouge fournit 260 000 masques (Figure 1) ; et un second, présente des membres de la Croix Rouge de Boston préparant des masques en tissu (Figure 2)[2] :
Ces documents font état d’un usage imposé des masques en tissu et de la participation d’organisations humanitaires à les fournir dans une optique solidaire. Précisons que l’action de la Croix Rouge, quoique s’appuyant sur le « plus large réseau mondial de volontaires », ne peut pour autant être qualifiée de participation de la société civile en raison des statuts de l’organisation (IFCR 2005). C’est un point à souligner car comparable à d’autres formules observées en temps de COVID, de participation intermédiaire entre la participation civile et celle encadrée par les institutions publiques. Le sujet des masques en tissu lors de l’épidémie de grippe, en France, au début du XXe siècle, a aussi été traité par des historiens rapportant le fait qu’à cette occasion, l’on ait parfois encouragé le recours aux moyens du bord, à défaut de masques en bonne et due forme, comme l’explique Françoise Bouron (2009, 88) :
On conseille aussi de mettre un masque protecteur car il limite la diffusion des germes et si on ne dispose pas de masques, on peut aussi, écrit un médecin, dans Le Matin remplacer ce masque par « une simple compresse hydrophile trempée dans l’eau bouillie, posée sur le nez et la bouche et attachée par-dessus les oreilles avec un cordonnet ».
Traitant de l’épidémie en France en 1918-1919, sous l’angle de la démographie historique, Pierre Darmon (2000) mentionne l’existence de mesures similaires à celles d’aujourd’hui, dont un masques « rentré dans les moeurs », ou le contrôle de voyages avec désinfection des mains et port de gants. Darmon (2000, 162-163) souligne également le « culte » rendu au masque par des médecins jugeant nécessaire défendre la méthode contre « les préjugés absurdes » de ceux qui « sont contre » :
En premier lieu, les médecins rendent un culte au platonique masque protecteur. Il faut dire que le masque est entré dans les moeurs et que l’on passe de façon naturelle du masque à gaz au masque de gaze. « Être contre, écrit le Professeur Vincent, c’est le même préjugé absurde qui a entraîné la mort de tant de combattants au début de la guerre barbare par les gaz toxiques ou asphyxiants inventés par les Allemands. »
Vincent 1919, 36
À l’heure où nous rédigeons cet article, peu de travaux se sont intéressés à l’usage des masques sanitaires et à leur confection artisanale. Il existe une littérature scientifique, technique et médiatique incontournable sur le sujet. Strasser et Schlich (2020) fournissent des données nodales sur l’alternative médicale entre masque jetable ou durable. Une étude sur l’efficacité des masques faits-maison durant la grippe en 2013 dans la revue Disaster Medicine and Public Health Preparedness, fait office de référence (Davies et al. 2013). Des recherches ont été conduites dans la même veine à l’Université de Stanford, avec un rapport d’Amy Price et Larry Chu (2020) sur la réponse à adresser au manque de masques durant la pandémie de la COVID-19. Ils y rappellent qu’en contexte de pénurie, l’autorité fédérale aux États-Unis en matière de protection de la santé publique (le Center for Disease Control and Prevention) autorise l’utilisation de masques fait-maison par des soignants s’occupant de malades de la COVID-19, malgré l’absence de certitudes sur l’efficacité de ces masques, et moyennant les précautions reposant sur l’état des connaissances (Ibid.). Le Center for Disease Control and Prevention (CDC) a lui-même publié une documentation sur les « Stratégies pour optimiser l’approvisionnement en masques faciaux » (CDC 2020), précisant sous quelles précautions ces masques faits-maison peuvent être utilisés à défaut d’autre solution. Enfin, les médias tâchent de rendre accessibles ces études à une audience publique (par exemple, le patron des masques faciaux est expliqué par Tracy Ma et Natalie Shutler (2020) dans le New York Times.
Les éléments techniques du débat en France
Au niveau technique, une ample documentation précise les normes d’hygiène, de sécurité et de confection (allant des tests de perméabilité des textiles au virus, jusqu’aux patrons), en provenant de différentes instances pouvant ou non prétendre à se positionner comme certificateurs en la matière. Parmi les documents émanant d’organismes officiels certificateurs, on peut citer en France ceux de l’Association française de Normalisation. L’AFNOR a, en effet, émis des « spécifications » (AFNOR Spec) concernant la forme, la matière, l’usage et l’entretien des « masques COVID » qui sont synthétisées dans le Document AFNOR Spec – Masques barrières (AFNOR 2020a), et qui : « permet à des particuliers et des industriels de fabriquer des masques grand public de catégories 1 et 2, pour atteindre les objectifs définis le 29 mars par une note interministérielle. » (AFNOR 2020b). L’AFNOR s’appuie sur plusieurs organismes habilités à tester les matériaux ou à émettre des normes, en particulier pour les « Tests de caractérisation matière de la Direction générale de l’armement du Ministère des armées » (EURAMATERIALS 2020). Elle garantit considérer les « avis des autorités sanitaires » telles que l’Agence nationale de la Santé et du Médicament (ANSM), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) (AFNOR 2020b). Enfin, la Direction générale des entreprises du Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance en France a publié un document précisant que « la mise sur le marché de masques grand public ne fait pas l’objet d’une autorisation, ni d’une homologation » et, renvoyant à la spécification de l’AFNOR pour « la fabrication de masques grand public », en indiquant que « le respect de l’AFNOR Spec S76-001 n’est pas obligatoire mais est un moyen privilégié pour produire des masques conformes au cadre exposé sur cette page » (DGE 2020). Ce document inclut un lien vers la plateforme « du CSF savoirfaireensemble.fr »[3] favorisant la mise en commun des initiatives de fabrication de masques grand public par des « ateliers textiles et habillement français ». Cette plateforme se distingue de celle du « Masque solidaire » liée à l’AFNOR et fédérant les volontaires, dont des particuliers, participant à l’opération de confection. À mi-chemin entre les initiatives générales et particulières, les Centres universitaires hospitaliers (CHU) ont, très tôt, fournis des patrons de masques et des recommandations à l’usage des volontaires qu’ils ont appelés pour les aider à produire des masques et des blouses. Ainsi, l’appel du collectif « Des Masques en Nord », partenaire du CHU de Lille :
APPEL AUX COUTURIER(E)S VOLONTAIRES ! La disponibilité des équipements individuels de protection est un enjeu majeur pour les professionnels de santé dans le contexte de l’épidémie Covid-19. Or, il existe des tensions sur l’approvisionnement en masques, qui entraînent des inquiétudes chez les personnels soignants. Afin de contribuer aux solutions alternatives crédibles au masque chirurgical jetable, le CHU de Lille a développé et testé en laboratoire un modèle de masque tissu, lavable et réutilisable. Ce modèle a été mis au point par les équipes du CHU de Lille, en partenariat avec l’entreprise LEMAHIEU, avec l’aide de volontaires et bénévoles. Les tests qualité réalisés ont permis de définir le patron et la composition permettant un niveau de protection similaire en termes de particules à celui des masques chirurgicaux classiques jetables. […] Le collectif « Des Masques en Nord », lancé le 20 mars, passe maintenant dans une 2nde phase d’action pour permettre à toutes les régions de répliquer le modèle. Ainsi, nous proposons à tout(e)s les couturier(e)s de s’inscrire ci-dessous […].
Des Masques en Nord et CHU de Lille 2020
La radio et télévision nationale, France info, rapporte les résultats de cette opération, en interrogeant le directeur du Souffle du Nord, partenaire de l’opération, indiquant qu’« En 24 heures, 10 000 personnes se sont inscrites [… et] Quinze jours après le début de l’opération, on a 18 000 couturières qui sont prêtes à en découdre avec ce virus », assure Sylvain Derreumaux. « On dit en s’amusant qu’en 24 heures, on a monté le plus grand atelier de couture du monde. » (Illy 2020).
Les médias ont largement relayé ce type d’opérations, en soulignant autant le geste de solidarité que ses retombées quant à l’aide fournie aux soignants, ou même économiques par l’activité maintenue dans certaines entreprises grâce aux partenariats. Ils informent également sur la fiabilité des produits. Ainsi, dans un article d’avril 2020 du journal quotidien Sud-Ouest, Stéphane Durand (2020) revenait sur l’« élan de solidarité » ayant permis au CHU de Royan d’obtenir 2300 masques en une semaine, en utilisant une « toile de stérilisation » dont le directeur de l’hôpital assurait que « les capacités filtrantes sont pratiquement les mêmes que celles des masques chirurgicaux ».
La question de l’engagement dans une confection solidaire aujourd’hui
Corollaire de la question des masques, celle des couturières et couturiers nécessite également l’examen de sources contribuant au débat. Revenant au cas du CHU de Royan, Durand précise que deux ateliers ont été installés à l’hôpital, avec des couturières munies de leur propre « machine à coudre et leur enthousiasme » ; tandis que d’autres ont participé depuis chez elles au moyen de kits et instructions fournis par le CHU (Ibid.). Tout comme se pose la question du caractère inédit du masque sanitaire, apparaît maintenant celle de l’originalité des personnages de la scène se déroulant ici.
La pratique de la couture a motivé de nombreuses publications, utiles car étudiant ces activités comme des lieux de mobilisation solidaire. Comme nous le montrons dans un article sur la « mobilisation féminine et des travaux d’aiguilles » (Trigeaud 2013), les études antérieures ciblent souvent les liens de ces activités, notamment aux États-Unis, avec des problématiques culturelles et socio-politiques particulières. Les dimensions émancipatrices et politiques du patchwork ont éveillé l’attention des chercheurs attentifs aux Freedom Trail Quilts (ou le Secret Quilt Code of the Underground Railroad dont on cherche à savoir s’il a existé et concouru à l’évasion d’esclaves ou à l’abolition ; (Brackman 2006 ; Cummings 2004 ; Horton 2017 ; Tobin et Dobard 1999) ; aux Names ou Aids Quilts (posant les noms des morts du SIDA pour la reconnaissance du drame humain de cette maladie ; Hawkins 1993 ; Howe 1997) ; ainsi que, plus généralement, aux Protest Quilts (Chouard 2001, 2008 ; Fauque et Fayard 1993 ; Trigeaud 2013). Le lien entre travaux d’aiguilles et mobilisation politique ou économique a également été analysé quant aux actions des brodeuses et des dentelières (Beaudry 2006 ; Cluckie 2008 ; Hedges 1991 ; King, 1995 ; Parker 2010). Nantis de ces éléments, examinons la situation présente, afin de voir si elle est autant inédite qu’elle ne le paraît, et ce que l’on peut en retenir aujourd’hui.
« La confection des masques COVID » : Notre enquête
Dans la continuité de mon étude sur les réseaux de mobilisation féminine via le patchwork, j’ai conduit une enquête de terrain lors du Carrefour Européen du patchwork à Sainte-Marie-aux-Mines (France, septembre 2019). Là, des acteurs internationaux du patchwork contemporain, oeuvrent à plusieurs niveaux allant de la création d’oeuvres exposées à la sauvegarde du patrimoine, en passant par la formation aux techniques et la vente de matériel spécialisé. Quelques mois plus tard, surgit la crise de la COVID-19 et mon enquête (entre temps poursuivie sur les réseaux sociaux représentant l’arrière-scène des manifestations telles que celle-ci) prend une nouvelle tournure quand se multiplient, sur ces réseaux, des appels à solidarité, des tutoriels ou autres publications sur la fabrication des masques. Des groupes se forment pour le montage d’entreprises collectives ad hoc. Le phénomène prend bientôt une ampleur que je ne saurais ignorer.
Je m’intéresse alors aux acteurs individuels de ces réseaux de confection artisanale et quasi-domestique –quasi-domestique pour celles et ceux qui se sont installés dans des hôpitaux avec leur propre machine à coudre non-professionnelle. Cette investigation ne s’est pas restreinte aux milieux du quilt et du patchwork, mais s’est ouverte à tous ceux ayant cousu des masques afin de ne pas biaiser le regard porté sur cette action devenant terrain : un terrain concret (des femmes et des hommes qui fabriquent des choses), mais aussi un terrain virtuel (l’Internet et ses réseaux jouant ici un rôle capital) et d’autant plus virtuel que le confinement est là au début, et que la distanciation sociale et la prévention du virus opèrent ensuite. L’enquête devient une observation de mondes pseudo-virtuels, faisant finalement le lien entre le plus concret de la fabrication-distribution et tout ce que le Web recèle de virtualité[4].
Méthodes et premiers résultats de l’enquête
L’exploration commence par l’observation, sur les réseaux sociaux, des groupes d’intérêt pour les travaux d’aiguilles où il est question de masques, ainsi que des groupes ad hoc constitués pour leur fabrication. Puis un questionnaire bilingue (français-anglais) en ligne s’intéresse au profil des acteurs de cette confection et à leur pratique des travaux d’aiguilles, en laissant place à l’expression libre du rapport de chacun à l’action, regardant ses motivations et l’expérience de vie dans laquelle elle s’inscrit ou encore le regard posé a posteriori. Au moyen d’une soixantaine de questions, l’attention anthropologique est portée aux récits des vies, tandis que la sociologie est mobilisée pour évaluer le rapport à la technicité du geste ou aux normes visées par l’étude. S’ajoutent des entretiens à distance et des échanges écrits avec ces couturiers et des représentants d’organismes tels que l’AFNOR ou les CHU.
Nous ciblerons ici une dimension technique, soit le rapport des couturiers aux normes, spécifications et recommandations énoncées pour la confection des masques – ayant interrogé les francophones au sujet de deux normes ou spécifications retenues comme significatives en contexte francophone : celles de l’AFNOR et celles de l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité). Les premières sont les plus largement désignées pour les particuliers (les secondes ayant, d’après nos observations, beaucoup moins circulé dans les réseaux et servant de témoin pour l’évaluation). Il s’agissait de déterminer si ces couturiers avaient connaissance ou utilisaient ces normes, ou d’autres, considérant le nombre d’information ayant circulé, émanant notamment des CHU (par exemple, le CHU de Lille[5]) ou des médias (par exemple, le New York Times ; Ma et Shutler 2020). Ces normes, voulant encadrer la confection des masques des matériaux jusqu’au patron, représentent un objet complexe, ainsi qu’en témoigne cet extrait des 11 pages auxquelles renvoie l’AFNOR Spec pour les matériaux (EURAMATERIALS et al. 2020) :
D’où l’importance d’évaluer la mesure dans laquelle ces spécifications sont lisibles et exploitées par des usagers, chevronnés ou non.
À l’heure où nous écrivons cet article (août 2020), nous avons reçu 124 réponses francophones à notre questionnaire, et retenu 115 réponses, en respect du consentement des participants et en application du Règlement général sur la protection des données (RGPD). 110 des répondants résident en France, 2 en Espagne, 1 en Allemagne, 1 en Belgique et 1 au Canada. Dans cet article, nous retiendrons les 110 résidents en France, en réservant à un travail ultérieur les autres réponses témoignant de la transnationalité des pratiques[6]. Le portrait des 110 répondants se dessine en quelques chiffres : 108 femmes et 2 hommes.
En temps ordinaire, leur relation aux travaux d’aiguilles se définit ainsi :
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13 professionnels, 96 non-professionnels, 1 non-réponse ;
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110 y voient une activité de loisir, 35 une activité artistique, 18 une activité solidaire et 7 une activité commerciale ;
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62 (en effectifs cumulés) y consacrent au moins 5 heures hebdomadaires, 39 au moins 10, 15 au moins 20 et 4 au moins 35.
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26 ont des oeuvres ayant été exposées et 47 des photographies de leurs oeuvres publiées (numériques inclues).
Au-delà de ce qui reflète l’activité des jours ordinaires, les répondants renseignent sur la nature d’une réactivité dans l’urgence de la confection des « masques COVID ». La quantité et la destination des masques cousus par chacune et chacun, et les moyens utilisés, sont instructifs quant aux modes de production, que ce soit pour un usage d’appoint (moins de 10 masques) ou une production à grande échelle (plus de 100, voire plus de 500 masques). En effectifs cumulés, 69 d’entre eux ont cousu plus de 50 masques, dont 49 plus de 100 et 14 plus de 500 (Tableau 2). Notons que l’une indiqua ne pas avoir cousu de masque, mais des blouses pour les soignants (11 autres l’ayant fait également).
Quant à distinguer ceux qui ont fabriqué pour eux ou leur entourage et ceux qui ont produit à plus large échelle ou pour des structures ad hoc, les réponses ont montré que la grande majorité des masques ont été confectionnés pour les proches (100 réponses) ou soi-même (43), tandis que 19 répondants les ont adressés à des « structures spéciales pour la collecte des masques » et que seuls cinq attestèrent les avoir produits pour la plateforme AFNOR-masques-solidaires. D’où l’hypothèse de la prévalence d’une réaction dans l’urgence pour un usage immédiat, appuyée par les réponses concernant le bilan de cette action : « Il n’y avait rien dans le commerce, j’ai la connaissance et les tissus. Je ne me voyais pas ne rien faire pour mes proches et ne pas répondre aux demandes de mon entourage amical ou professionnel ».
Toutefois, une grande variété de destinataires va des « personnels médicaux » (pour 28 répondants), aux « personnels d’autres professions en besoin de masques » (28), en passant par les « hôpitaux ou établissements médicalisés ou EPHAD » (13), les mairies et communes ou environnements voisins (12) et les institutions religieuses (1) (Tableau 3).
Pour ce qui est du rapport des couturières et des couturiers aux normes : premièrement, 78 répondants sur 110 mentionnent d’eux-mêmes les normes AFNOR, lorsque nous demandons « Quel.s guide.s ou recommandations techniques [ils avaient] utilisés ». Et s’agissant de savoir, plus directement, s’ils avaient été informés des normes AFNOR, 104 répondent par l’affirmative, contre 11 pour celles de l’INRS. Le tableau suivant reflète la prévalence des normes AFNOR sur les autres normes, en termes d’information comme d’application et tant au niveau du patron que des matériaux utilisés :
Les normes n’ont donc pas été systématiquement utilisées, y compris par ceux qui étaient informés (101 répondants se déclarèrent informés des normes AFNOR relatives au patron, mais 94 les utilisèrent ; et sur 97 connaissant les normes AFNOR pour les matériaux, 85 les ont appliquées). Interrogés sur les difficultés rencontrées pour appliquer ces normes, 30 affirmations ont précisé les limites du recours à l’AFNOR Spec. Plusieurs ont mis en avant la pénurie ou la difficulté d’accès au matériel :
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« Pénurie de matériel » ;
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« Du mal à trouver les matériaux » ;
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« Ma machine n’étant pas une machine industrielle j’ai eu du mal » ;
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« Les normes Afnor sont compliquées à appliquer au niveau des choix de matériaux lorsque ceux-ci ne sont pas vendus dans les boutiques grand public » ;
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« Trouver du tissu en confinement ».
D’autres ont relevé la multiplicité, voire les contradictions, entre les informations en circulation :
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« Oui car énormément de contractions sur différents sites » ;
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« Oui, surtout au début, on trouvait tout et n’importe quoi ! » ;
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« Oui car tout était très flou du 15 au 25 mars environ, ensuite un modèle unique et pratique a émergé, on a réalisé celui-ci jusqu’à ce jour. ».
La plupart ont souligné la difficulté du choix des matériaux correspondant à ceux recommandés :
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« Oui, identifier le bon tissu malgré des années de pratique » ;
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« Trouver les informations sur le nombre de fils/cm2 était compliqué. Je suis donc passé par des fabricants de linge de lit (seuls à fournir clairement cette information) » ;
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« Le choix du tissu “valideˮ ;
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« Le doute de coller aux normes » ;
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« Pas évident à titre particulier d’évaluer si un tissu est OK ou pas ».
Cette difficulté, parfois exprimée par des personnes expérimentées est révélatrice de la difficulté du passage des travaux d’aiguilles à la confection de masques sanitaires. On peut pourtant penser qu’elle ne témoigne pas d’une incompétence à gérer la norme mais au contraire, du souci d’en tenir compte en toute rigueur, sans sentiment de certitude fondé sur une expérience préalable.
Certains ont d’ailleurs directement ciblé la complexité des normes :
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« Grâce à la “traductionˮ de […], non. Mais avec seul le protocole AFNOR, compliqué » ;
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« Oui, car destinés aux industriels, heureusement que des blogueurs ont épluché ce guide pour qu’il soit compréhensible par le public ».
D’autres ont évoqué l’insatisfaction vis-à-vis de patrons de masques qu’ils ont adaptés :
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« Oui, pour le patron que j’ai adapté... ».
Soulignons le rôle des réseaux sociaux (groupes, blogueurs, tutorial en ligne, etc.) dans la levée de solutions face aux problèmes rencontrés – confirmant l’analyse de Mathieu Béra et Yvon Lamy (2003, 181 et sq.) sur le rôle des réseaux dans le monde culturel. On relève aussi que, parmi nos répondants, les professionnels n’ont généralement pas exprimé de difficulté particulière. Cependant, le lien entre l’habitude de la pratique (id est le temps consacré aux travaux d’aiguilles) et les difficultés rencontrées n’est confirmé ni en termes statistiques, ni par l’expression, chez les mieux habituées, de difficultés à sélectionner et obtenir les matériaux adéquats. Ces limites ne peuvent pour autant dévaluer l’accomplissement de l’exercice pour des répondants qui expliquent comment ils les ont surmontées.
Le passage de l’art à la technique comme adaptation à des contraintes techniques partant de la couture, est un exercice moins incongru que le néophyte pourrait le croire, la couture exigeant la maîtrise de techniques précises. Et à ce niveau, les répondants ne sont pas dépourvus d’expérience préalable : 74 d’entre eux font de la couture vestimentaire, 76 de la couture de décoration et 46 du patchwork et/ou du quilting. Certains ont l’habitude de la couture solidaire (22 répondants) et d’autres actions participatives (22). Sans le développer ici, les réponses sont éclairantes quant à l’investissement des volontaires en temps et en moyens engagés (pour certains, la machine à coudre n’a pas résisté, avec des réparations ou remplacements à leurs charges).
Comment l’analyse anthropologique d’un « emplâtre sur une jambe de bois » invite à discerner quelle participation civile recouvrent les apparences d’un supposé bricolage
Ce sont de nombreuses plateformes et groupes qui ont fédéré des volontaires pour la confection des masques. Et le bilan de cette mobilisation est de grande ampleur, si l’on considère seulement l’estimation, le 24 août 2020, du Service de Communication du groupe AFNOR qui, en réponse à nos questions, atteste que l’on a compté « plus de 8000 confectionneurs inscrits, dont plus de 4000 encore actifs sur la plateforme [ainsi que] plus de 3000 offreurs de tissus [et] 175 000 mises en relation entre offreurs et demandeurs ». Un message de l’ancien ministre de la santé Xavier Bertrand (2020) aux bénévoles Des Masques en Nord, précise qu’un demi-million de masques en tissu ont été confectionnés par Le Souffle du Nord avec le CHU de Lille.
Le débat sur l’efficacité médicale des masques faits-maison reste pourtant nourri. Des journalistes, comme Olivia Cohen (2020) restent prudents, considérant la « fabrication à la maison » comme une « fausse bonne idée […] plus pro qu’il n’y paraît ». Des études médicales signalent une efficacité imparfaite mais pas nulle pour autant. L’idée est défendue par le rapport de Stanford sur la réponse à adresser au manque de masques (Price et Chu 2020), s’appuyant sur l’étude publiée dans le Disaster Medicine and Public Health Preparedness sur l’efficacité des masques faits-maison contre la grippe (Davies 2013). D’autres études médicales démontrent également l’utilité sanitaire des masques en tissu (Clase et al. 2020 ; Esposito et al. 2020) qui, bien que ne stoppant pas autant le virus que des dispositifs de plus fort niveau de filtration, parviennent à amoindrir les conséquences de l’exposition au virus (Gandhi et al. 2020 ; Mitze et al. 2020). Strasser et Schlich, à qui l’on doit le qualificatif « d’emplâtre sur une jambe de bois » concernant les capacités du DIY à répondre à la crise, admettent que l’abandon des masques en tissu pour du jetable ne tient pas tant à des arguments sanitaires qu’économiques, en posant un certain nombre de problèmes scientifiques, éthiques et écologiques (Strasser et Schlich 2020). Dans l’optique de la recherche d’un risque zéro, il est vrai que les considérations techniques laissent persister le besoin de recherche de solutions optimisées pour les masques faits-maison. Cependant, comme le montrent aussi Strasser et Schlich, le problème du masque solidaire ne peut se résumer à ses dimensions techniques et médicales (Jolly 2020).
Notre étude montre que les personnes qui ont confectionné les masques sont souvent conscientes des limites de ceux-ci (on l’a vu du côté du respect des normes), et certains affirment aussi ne plus faire de masques maintenant qu’il y en a de plus fiables. Un pareil recul concerne les normes, ainsi qu’en témoigne un jeune homme, en mentionnant les difficultés rencontrées : « J’ai commencé les masques avant que l’association AFNOR publie sa «proposition» de masque qui a bien souvent été confondue avec une certification (ce qui me fait me demander ce que signifie normer un produit) ».
Ces personnes sont autant conscientes de leur efficacité à répondre à des problèmes non résolus par ailleurs : au début, l’absence d’autres masques (23 personnes affirment avoir été premièrement motivées par cela), aujourd’hui la difficulté économique ou pratique pour certains de s’en procurer (42 se sont dites motivées par la solidarité, l’utilité, l’aide, le don, le service et le devoir) ou encore le défi écologique : « Pour ne pas utiliser les masques jetables » ; « Ne pas rajouter une crise écologique… ».
Le mot d’ordre spontanément affirmé par beaucoup est que « c’est mieux que rien ». Et contrairement à l’information parfois relayée, presque tous ont trouvé preneurs pour tous leurs masques (103 sur 110), y compris auprès d’instances publiques théoriquement en position de faire appel à des solutions techniquement plus performantes :
« Sortant de l’hôpital le 16 mars, mes infirmières en manquaient alors j’ai décidé de leur en faire. »
« Infirmière, “mon devoirˮ est [de] protéger la population et mes collègues notamment, ainsi que faire de la prévention, la confection de masques est venue naturellement. »
Au-delà de l’efficacité matérielle se pose donc la question de l’efficacité symbolique et sociale, à créer ou consolider les liens et la solidarité là où elle est nécessaire. Or, dans le monde du patchwork et du quilt, cette façon de faire, qui consiste à rassembler des couturières pour aider à l’accomplissement d’un ouvrage voué à être offert, n’est en rien nouvelle mais s’appuie, au contraire, sur une pratique traditionnelle connue sous le nom de quilting bee (Mainardi 1973, 341 ; Trigeaud 2013).
La mesure de l’efficacité sociale de la réponse à la nécessité se pose quant au type de crise en question, lorsqu’il s’agit de crise humanitaire, de pandémie, d’extrême pauvreté ou de toute catastrophe appelant à la solidarité. Ces situations impliquent la prise en compte de l’objectif prioritaire de la survie de ses destinataires. On observe d’ailleurs la circulation sur les réseaux sociaux d’annonces d’objets promotionnels avançant que le « quilt is not a hobby, but a 2020 survival skill »[7]. Or, force est de constater que la compétence de survie ici en jeu relève en partie du bricolage, au sens qu’Abdou Salam Fall (2007, 228) lui donne de « combler un manque par des objets, des procédés, discours […] [de] fabriquer, par un processus ad hoc, les substantifs à la vie normée ». Fall (Ibid., 130 et 170) analyse le rôle du « bricolage pour survivre » en contexte de pauvreté dans l’agglomération urbaine de Dakar, et ce que cette activité requiert de force de coopération et de mobilisation collective pour « se donner le pouvoir d’agir ». Il décrypte le caractère substantiel de ce bricolage, rendu « nécessaire par l’absence de ressources » (Ibid., 228) et relève sa force subversive vis-à-vis de ce que sont les normes :
Bricoler, c’est amener à poser subrepticement une table de valeurs marginales, ou du moins faire du futile la composante d’un mode d’être revendiquant, par la force de la banalité, une normalité émergeante. C’est, en quelque sorte, réhabiliter le potentiel caché de l’inventivité d’acteurs anonymes ».
Ibid., 228
Faut-il donc percevoir ici de la subversion ou une participation constructive ? Le concept de Civil Society Participation (participation de la société civile) qui est classiquement encouragé par les organisations internationales dans les situations de crises (Trigeaud 2017a et b), ne saurait être ici négligé. Il souligne, en effet, en quoi le « bricolage » par la population civile, peut constituer une contribution positive à la vie sociale bien plus qu’une force de subversion. Les résultats de notre enquête témoignent d’ailleurs du fait que la société civile mobilisée dans cette confection solidaire, l’a parfois fait en étroite collaboration avec des instances publiques. Au-delà des CHU, les pouvoirs publics ont parfois organisé la mobilisation, comme la ville de Blois qui a « coordonné la fabrication de masques en tissu pour la population », en s’appuyant, pour la confection, sur la collaboration d’établissement d’enseignement, d’entreprises, d’associations de couture et de 230 personnes du grand public (Ville de Blois 2020). Enfin la plateforme Masques-solidaire de l’AFNOR constitue l’exemple le plus clair de cette coopération entre institution publique et forces individuelles.
Compte-tenu de ces éléments, on peut donc s’interroger sur la non-reconnaissance souvent ressentie par les répondants :
« Avec le recul : Aucune reconnaissance pour les couturiers bénévoles et professionnels qui se sont investis dans cette action de fabrication de masques par l’État. Au niveau local, il y a une petite reconnaissance. Et surtout ce qui est affligeant c’est que l’État et des administrations ont commandé et offert des masques aux habitants qui sont fabriqués hors de France. »
« Très bonne action mais peu de reconnaissance au niveau du temps des couturières même si cela a été un plaisir de se rendre utile. »
« C’est un bel acte, mais l’État nous a pris pour des “abrutiesˮ, aucun merci alors qu’on a pallié aux manques étatiques. »
« Un bon cadeau de la mairie et rien des amis et famille(normal). »
La situation des « petites mains invisibles derrière les promesses de l’État » est d’ailleurs relevée par Jane Roussel (2020). On se demande aussi pourquoi le problème de la reconnaissance –ou ce que nous avions qualifié dans notre première étude de syndrome de la petite sirène devant renoncer à sa voix pour marcher parmi les hommes– semble ressurgir dès lors qu’il s’agit de travaux d’aiguilles. Le classique thème de la ségrégation symbolique des activités féminines peut être convoqué dans l’interprétation d’un tel phénomène. Et un retour au rapport entre arts, normes et techniques conduit à compléter ces considérations.
Conclusion. De l’art au survival technical skill : Les enjeux de la confection solidaire aux prismes de l’anthropologie du geste
S’intéresser aux normes techniques dans l’approche anthropologique d’un tel sujet surprendrait si un retour aux sources n’invitait pas à l’attention quant à la nature et à la fonction des normes dans des contextes différenciés de production liés « à l’industrie de la protection et du confort », comme le souligne Marcel Mauss dans son Manuel d’ethnographie. Mauss (1929, 67-68) pose ce sujet comme nodal dans l’observation de techniques demeurant nécessairement liées à la question de la création :
Beaucoup plus que comme des besoins naturels, protection et confort s’analyseraient comme des nécessités d’habitude. Toutes les notions que nous nous formons depuis Adam Smith de production d’un bien, de mise en circulation de cette production pour aboutir à la consommation, sont des abstractions. La notion de production est particulièrement vague en ce qui concerne des industries-type comme celles de la protection et du confort : vague non par rapport à la notion de marché, mais par rapport à l’idée de création. L’élasticité des besoins humains est absolue : à la rigueur, nous pourrions vivre en chartreux. Il n’y a pas d’autre échelle des valeurs, en matière de protection et de confort, que l’arbitraire social. Or, sorti des limites de notre civilisation, on se retrouve aussitôt en présence d’hommes qui possèdent une échelle des valeurs, une raison – ratio –, une façon de calculer, différente des nôtres. Ce que nous appelons production à Paris n’est pas nécessairement une production en Afrique ou chez les Polynésiens. […] Il est donc essentiel de ne jamais rien déduire a priori […].
Si Mauss rappelle que la production est liée à la création, Tristan Tzara (2006, 50) souligne également que la création artistique relève d’une nécessité non matérielle, celle de l’expression, elle-même profondément liée aux « vicissitudes, peines, malheurs » poussant l’homme au « perfectionnement de sa condition ». Dans une rétrospective de la collection anthropologique fondée par Jean Malaurie, Terre humaine, Pierre Aurégan (2001, 283-290) insiste aussi sur la valeur anthropologique de l’« éloge du geste » :
En publiant le récit d’hommes qui travaillent de leurs mains […] Terre humaine contribue en effet non seulement à réhabiliter une condition humiliée, un trésor de savoirs, de gestes, de techniques en voie de disparition, mais aussi à rappeler la dimension créatrice de l’activité manuelle. La main fait plus qu’appliquer des recettes, elle est plus que l’exécutante docile du cerveau comme l’a montré Leroy Gourhan […] Dans les Derniers rois de Thulé, Jean Malaurie revient souvent sur cette gestualité inuit qui déborde le simple cadre du travail pour donner naissance à une théâtralisation de l’existence. [… citant Malaurie :] « Il est tout une anthropologie du geste, des silences et des intonations qui donnent le sens et nous échappent toujours. ».
Or, la considération du cas des ONG précise la portée du geste ici observé, et de la reconnaissance qu’il met en question. Comme dans l’action des ONG (Atlani-Duault 2009 ; Chardon et Heurtin 2016 ; Trigeaud 2017a, 2017b), la confection des masques solidaires ne peut se faire sans l’engagement d’individus et de leur créativité face aux crises. Ceci rejoint le débat sociologique sur l’économie participative dans l’urgence écologique (Renou 2018) : les couturières et les couturiers que nous avons rencontrés représentent une option différentielle d’un point de vue écologique, par la durabilité des masques, mais aussi économique considérant la difficulté de financer les masques au moment où la crise sanitaire engendre celle de l’économie. Loin de toute ambition normative, les résultats de notre enquête laissent suggérer qu’il serait constructif de mieux accompagner les volontaires des opérations de couture solidaire dans l’obtention des matériaux recommandés, car quoique des dispositifs existent déjà, les difficultés se situent souvent à ce niveau. La reconnaissance du geste aurait également une forte valeur symbolique, en termes de consolidation d’une culture de la solidarité souhaitable dans des sociétés où la cohésion est parfois menacée. Achevant cet article, nous soulignons la déclaration du Haut Conseil pour la Santé Publique, dans son rapport publié le même jour, affirmant que :
Le HCSP incite au choix préférentiel des masques grand public réutilisables pour éviter un risque écologique par la présence de masques à usage unique […] Il recommande de favoriser le port de masque grand public en tissu réutilisable (selon les préconisations de l’Afnor), en facilitant le choix et l’accès des masques pouvant être réutilisés jusqu’à 50 fois, ayant des performances de respirabilité et de filtration constantes et validées, et en simplifiant les conditions d’entretien. Une information pédagogique simple à travers des messages positifs et actualisés devrait être programmée à la rentrée […]. »
HCSP 2020
Comme cette déclaration l’expose, il serait envisageable d’accompagner des populations dans la production et l’accès à des masques réutilisables en tissu, suffisamment performants sur le plan technique. Or, les résultats de notre enquête soulignent que les moyens civils pouvant soutenir le développement de l’accès à de tels masques sont là, et capables de mobilisation de grande ampleur, de réactivité dans l’urgence, de maniement de contraintes techniques complexes comme de réflexivité sur ces contraintes et d’adaptation aux difficultés. Ils sont parfois dotés d’une expérience préalable (voire de l’héritage de traditions dédiées à la mobilisation couturière solidaire) dont il pourrait être question de tirer parti. Comme nous l’observons au niveau des pratiques, certaines instances publiques ont déjà trouvé l’intérêt du recours à cette forme de participation civile. Reste donc à s’interroger plus en avant[8] sur la reconnaissance sociale de cette participation. En paraphrasant Mauss, on peut se demander si « ce qui est production » pour ces couturiers et couturières, est « nécessairement » compris comme tel par ceux qui recourent à leurs services. Les enjeux ne sont pas seulement économiques mais symboliques, l’anthropologie tentant de discerner le geste dont il est précisément fait l’éloge lors d’une crise telle que celle de la COVID-19. La question de la reconnaissance du geste invite à examiner les termes anthropologiques de l’équilibre précaire sur lequel repose l’alternative opposant le don comme geste solidaire au geste d’un travail sans la reconnaissance équitable duquel le risque d’exploitation survient, en dénaturant autant le geste du bénévole que celui travailleur. D’où l’importance de distinguer ce qui relèverait, dans la confection des masques, d’un bricolage de fortune ou d’une participation civile constructive. L’hypothèse, que nous poursuivons à ce jour, est que l’équilibre reposerait sur une attention accrue en contexte de crise envers les conditions de la coexistence de la solidarité et de l’équité, une coexistence que les études sur le genre obligent à reconsidérer dans ce contexte.
Parties annexes
Annexe
Archives
Photograph N°45499311/165-WW-269B-11, 1918. « Medical Department, Influenza Epidemic 1918, Precautions taken in Seattle, Washington, during the Spanish Influenza epidemic would not permit any one to ride on the street cars without wearing a mask. The Red Cross made 260,000 masks », recorded Dec. 1918. Series of American Unofficial Collection of World War I Photographs, 1917-1918 ; Records of the War Department General and Special Staffs, 1860-1952, Record Group 165 ; National Archives at College Park, College Park, MD. [Use Restriction(s) : Unrestricted].
Photograph N°45499341/165-WW-269B-26, 1918. « Medical Department, Influenza Epidemic 1918, Masks for protection against influenza. Red Cross workers making anti-influenza masks for soldiers in camp. Boston, Massachusetts », recorded Dec. 5, 1919. File Unit: Medical Department, Influenza Epidemic 1918, 1917-1918. Series of American Unofficial Collection of World War I Photographs, 1917-1918 ; Records of the War Department General and Special Staffs, 1860-1952, Record Group 165 ; National Archives at College Park, College Park, MD. [Use Restriction(s) : Unrestricted].
Notes
-
[1]
Le quilting est une technique de confection de pièces matelassées, reposant sur l’assemblage de couches de tissus (avec souvent un patchwork au-dessus) puis le piquage de points plus ou moins serrés, suivant des motifs de complexité variable, selon le mode retenu. Les quilts faits-main peuvent nécessiter plusieurs mois de travail et parfois la coopération de nombreuses personnes.
-
[2]
La partie supérieure de cette photographie a été utilisée par Strasser et Schlich dans les articles liés à leur recherche sur le masque et la culture du jetable [Strasser et Schlich, 2020 ; Jolly 2020].
-
[3]
Il s’agit d’une initiative du « Comité Stratégique de la Filière mode et luxe en lien la Direction Générale des Entreprises du Ministère de l’Économie et des Finances et la Direction Générale de l’Armement (DGA) [par laquelle] les ateliers textile et habillement français se sont coordonnés en urgence en un groupement baptisé SAVOIR FAIRE ENSEMBLE » (DGE 2020).
-
[4]
Cette réunion des dimensions pratiques et relationnelles dans les mondes virtuels de l’art ne tient pas seulement à ce contexte, étant plus généralement observée par Alexandrine Boudreault-Fournier (2016).
-
[5]
Voir le communiqué de presse du CHU sur le développement et le test en laboratoire du modèle déposé « Garrigou » (CHU de Lille 2020), et le cahier des charges encadrant sa fabrication (CHU de Lille et al. 2020).
-
[6]
Ils sont plus nombreux parmi les répondants de la période septembre-décembre 2020 (non couverte dans cet article) et plus encore chez les anglophones.
-
[7]
Par exemple, des T-shirts commercialisés par les marques Morgan Schai, Lamitee et Teepublic.
-
[8]
Voir notre projet de recherche en cours.
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