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Amour je ne puis t’aimer

hors du cercle de ton absence[1]

Lorsque, en 1996, je me suis mise à travailler sur l’oeuvre de Fernand Ouellette, il n’avait pas publié de poésie depuis Les heures[2]. Il était alors dans ce qu’on peut considérer comme sa période essayistique. En à peine plus d’une décennie, il faisait paraître neuf essais — certains portant sur l’art et la littérature[3], d’autres sur des questions spirituelles et théologiques[4] — pour un seul livre de poésie[5]. Au cours des dix dernières années, et surtout depuis la parution de L’inoubliable[6], les choses ont pris un autre tour, et on ne peut que s’en réjouir. Cette somme poétique, presque immédiatement suivie par une autre (L’abrupt[7]), force l’admiration, et le poète depuis n’a cessé de produire.

Au moment où j’ai découvert son oeuvre, Ouellette m’interpellait par l’esprit. Partageant son amour des idées, j’ai plongé dans ses livres en acceptant, comme il l’a toujours fait lui-même, d’affronter des questions fondamentales, tel notre rapport au temps et à la mort. Ce faisant, je m’engageais sur une voie où parfois la réflexion devrait le céder à la méditation et au recueillement. Si bien qu’une autre chose s’est peu à peu dévoilée au fil de mes lectures, qui m’apparaît aujourd’hui d’une importance capitale : l’amour, ce sentiment banalisé, dont on n’ose plus guère parler, et sans quoi pourtant il n’est pas de véritable pensée. Mais il ne s’agit pas de n’importe quel amour. Cet amour a son exigence, et elle est de taille. À l’instar de la foi de Ouellette qu’on ne peut, même si on ne la partage pas, que respecter, il doit être porté par l’intelligence. Comme l’écrivait Simone Weil :

La foi, c’est l’expérience que l’intelligence est éclairée par l’amour. Seulement l’intelligence doit reconnaître par les moyens qui lui sont propres, c’est-à-dire la constatation et la démonstration, la prééminence de l’amour. Elle ne doit se soumettre qu’en sachant pourquoi, et d’une manière parfaitement précise et claire. Sans cela, sa soumission est une erreur, et ce à quoi elle se soumet, malgré l’étiquette, est autre chose que l’amour surnaturel. C’est par exemple l’influence sociale[8].

Or si la mort et le temps y sont omniprésents, c’est sous le signe de l’amour que se présente Avancées vers l’invisible[9], le plus récent recueil de l’auteur. Il y est question de l’amour divin, vers lequel le poète est en marche, mais aussi — et peut-être surtout — de l’amour humain, celui qu’il éprouve pour son fils disparu, pour sa compagne décédée, à qui sont consacrées les deux dernières suites du livre[10], aussi bien que pour ses proches, parents et amis, à qui de nombreux poèmes sont dédicacés, comme autant de dons, d’offrandes faites au long du chemin.

Pour qui a fréquenté assidûment la poésie de Ouellette, il y a quelque chose d’apaisant, de rassurant à retrouver, à intervalles réguliers, cette voix posée, parfaitement maîtrisée, jamais exubérante, même lorsqu’elle tente de dire l’indicible. On l’investit tranquillement, comme un lieu familier, et l’on se laisse bercer par sa parole amie. Ici comme dans ses derniers opus, le poète reste près de l’essayiste. On y chercherait en vain la densité formelle des premiers recueils. C’est la pensée plutôt que la forme qui est tendue, et cependant jamais la langue ne se relâche (peut-être la forme définitive de l’écrivain est-elle à cheval sur le poème et l’essai ?). Bien qu’il reprenne la plupart des figures symboliques et des polarisations auxquelles le poète nous a habitués, c’est aux confins du connu que son livre nous convie. Il n’y a qu’à songer aux titres des oeuvres récentes pour saisir la nature radicale de la démarche en cours, laquelle s’inscrit résolument dans le temps.

Le temps, une préoccupation de toujours pour Ouellette, se présente de manière particulière dans ce livre en ceci que les jours du poète semblent désormais comptés. L’expression est à prendre au pied de la lettre. En effet, depuis L’inoubliable, tous les recueils ont des allures de chronique, comme si à chaque jour suffisait son poème, dont l’une des fonctions serait précisément d’assurer le relais entre les jours. Ainsi les textes se présentent sous la forme de méditations : le poète se questionne sur ce qui le retient à la terre ; ses mots mesurent le poids que cela représente en regard de l’Infini qui l’appelle. Jour après jour il chemine, poursuit son avancée, tantôt pénétré d’angoisse devant la fin imminente et aveuglé par le vertige, tantôt ébloui par le soleil du matin et pris d’élévation, constamment tendu entre l’arrachement à la terre et l’essor définitif. Si méditer sur la mort entraîne son lot de douleur et d’effroi, l’esprit se butant invariablement à l’impensable, le poète vise au-delà, s’efforçant d’y voir une apothéose. Ainsi l’avancée vers l’invisible n’est pas une entrée dans la nuit, mais un envol vers le bleu. C’est le propre du poème que de retarder le moment du départ tout en le gardant présent à l’esprit, que d’apprendre, en somme, au poète à mourir. Il s’agit de contempler la fin prochaine, de figurer le plongeon en en décomposant le temps, de manière à entretenir à la fois cette proximité et cette distance, dont la conjugaison fait de la tension un lieu habitable, où l’ombre est susceptible de se retourner en lumière. Ce double mouvement de rapprochement et de distanciation est favorisé par l’adresse autoréflexive qu’empruntent souvent les poèmes. C’est ainsi que le sujet parvient à accepter la vieillesse qui gagne du terrain, mine ses forces, et qu’il conserve de la mort l’idée d’une nouvelle naissance :

Le vrai voyage, au-delà des cimes,

Qui t’obsède tant,

Va commencer bien avant ta fin,

Ou la fusion du corps avec l’argile.

Vois je t’ouvre le chant, le pose en toi

Pour que tu entendes

La première musique qui va t’entraîner

À l’infini hors du temps.

207

L’avancée se fait de plus en plus laborieuse à mesure que la mort besogne, gruge les souvenirs, éloigne le passé. En tout temps une « panne de sens inattendue » (32) peut survenir.

Il devient impossible

D’enjamber un ciel bien dégagé,

De jongler comme jadis avec l’immensité.

80

Rien dans le désir

Ne demeure inerte.

Le souffle l’emporte.

297

Plusieurs poèmes commencent sur une note sombre, évoquant la rudesse du parcours, l’impuissance et l’insensibilité croissantes, pour n’entrevoir qu’à la fin une possible élévation. Mais en dépit de la fatigue et de l’émoussement que cause le vieillissement, et même si « [l]e corps se soumet/[à] sa fragilité native » (128), ce n’est ni plus ni moins qu’un traité d’espérance que le poète propose, une profession de foi dans la lumière, celle qui l’a polarisé depuis ses débuts, et à laquelle il voue un attachement indéfectible. Or deux choses permettent de soutenir l’espérance : la présence de l’aimée (son souvenir) et la poésie.

Il y a dans ces poèmes un souci constant de la parole, de son élévation, de sa brillance, de sa capacité à rejoindre le bleu. Ici comme partout ailleurs chez l’auteur, la parole est l’arc et le poème, la flèche qui vise la cible. Et même si l’échec se profile parfois, si la lumière s’éclipse, si sa « langue s’effrange/[e]n perdant sa vivacité et son aptitude/[à] maintenir le siège de l’inaccessible » (251), et si, « [l]oin des cimes et des arabesques d’oiseaux », « [l]a seule approche du divin [l]e mortifie » (251), le poète maintient sa « trajectoire » :

Les chants venus de la bouche des muses

De grâce en grâce prolongent leur trajectoire,

Se ressemblent en galaxie opale

À chaque rapprochement du divin.

Et la lumière à nouveau se rend disponible,

Reprend le relais,

Même en l’absence d’espoir

Fortifiant le souffle.

232

Et de même qu’il parvient à cibler la lumière qui guide l’orant vers l’invisible, le poème procède aux retrouvailles des amants :

Mais, après les pleurs, après le silence,

Un étincellement innommable va nous diriger,

Graver la voie au milieu de l’étoile

Pour nos retrouvailles ardentes,

À jamais.

236

L’aimée est la gardienne du souffle, l’« intuition de l’éternité » (195). Telle Béatrice, telle Ariane, elle conduit le poète, le guide dans le labyrinthe du temps, assurant le lien entre l’amour humain et l’amour divin, le passage entre le monde terrestre et le monde céleste. S’adonnant au rêve, il la retrouve, intacte dans sa beauté, comme au jour du premier éblouissement.

Un espoir tardif ouvre la vie

À la lisière de ton rêve,

Chassant l’essaim des ombres

Trop insistantes.

L’espérance reprend corps,

Se tourne vers le levant,

Pour que tu combles d’ardeur

Le souffle de ta bien-aimée.

206

Bien sûr son absence le laisse en proie au vide et à la tristesse, mais c’est moins sur sa détresse à lui qu’il insiste que sur celle qu’elle semble avoir portée sa vie durant, et dont la mort l’aura délivrée. Et s’il regrette les vieux chagrins et les mésententes qui ont pu persister par-delà la mort, il compte sur « l’ailleurs le plus vif » pour corriger les défauts de présence et réunir les amants dans « la vraie lumière/[q]ui à jamais nous parlera/[c]omme notre unique voix » (355). Aussi la perte de sa bien-aimée est-elle une occasion de réaffirmer sa foi en cette joie de l’ailleurs qu’elle goûte désormais, et qui fait d’elle un guide :

Sans elle, là-haut,

Dans l’attente de ma venue,

Montant, je me serais trompé de paradis,

De présent espéré, de félicité.

348

Oui ! Je te rejoindrai mon unique,

Dès qu’un présage m’indiquera

La voie lumineuse jusqu’à toi.

351

Je tiens à signaler que les poèmes de l’avant-dernière suite du recueil, « L’absent », avaient d’abord été publiés en 2007 dans un livre d’artiste, aux Éditions du passage, accompagnés de trente-quatre oeuvres sur papier de Christian Gardair[11]. Je le signale non seulement parce qu’il s’agit d’un splendide coffret, mais parce que c’est là un aspect de l’oeuvre moins connu, et néanmoins considérable. Je me rappelle la joie que j’ai ressentie devant les premiers livres d’artiste, Errances et Éveils[12] : il me semblait que le dialogue entre les oeuvres et les poèmes donnait à ces derniers une force d’évocation encore jamais atteinte. Comme si le travail des artistes assumait la part de charnel qu’elle peinait à se donner d’elle-même, cette poésie habitée de toutes les tensions, jamais en repos, maîtrisait tout à coup son pouvoir d’ascension. Et alors la lumière qu’elle jette sur les êtres révélait toutes ses nuances. C’est le même ravissement que j’ai éprouvé devant L’absent, dans lequel les volets poétique et plastique s’harmonisent avec un rare bonheur.

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Qui fait de la critique littéraire son métier se voit rarement enlevé par un texte. Bien souvent le regard spécialiste l’emporte sur la spontanéité du lecteur. Non pas qu’une telle attitude le prive de tout plaisir ; au contraire il n’en est parfois que plus grand, mais il s’agit d’un plaisir d’un autre ordre, qui n’a rien à voir avec celui de se perdre et de s’oublier dans un livre, ce plaisir vif que distillent les lectures de l’enfance, quand le temps disparaît et que tout autour de soi s’estompe. Il est cependant des exceptions : on les reçoit comme une grâce. Ainsi n’est-ce qu’à ma troisième lecture des Heures que j’ai pu traverser le livre sans fondre en larmes. Il en est allé pareillement de L’obéissance de Suzanne Jacob. J’étais si submergée par les émotions que ma lecture du roman suscitait que j’avais dû reporter la remise d’un travail que je lui consacrais. De même, j’ai été bouleversée en lisant Des amours[13], de Paul Bélanger.

Si le poète s’est souvent inspiré de la littérature et des arts[14], son dernier recueil est plus intime et, pour ainsi dire, viscéral, car il s’y donne comme projet d’approcher la vérité d’un amour immense fauché par la mort et qui continue de vivre en lui. Ici comme chez Ouellette, la mort de l’aimée, bien qu’omniprésente, se fait discrète. Elle est à peine esquissée, on la devine plutôt qu’on ne la lit. Elle travaille le texte à la manière d’une hantise.

Le sujet souhaite écrire sa « centaine d’amour » (4). Cette curieuse formule, par son incorrection grammaticale délibérée, induit l’idée d’une convergence vers la seule, l’unique — l’une, comme le dit la dédicace du magnifique poème qui clôt la première partie du livre (« pour une » [40]). Car s’il rêvait jadis de ces amours multiples, l’amante, en entrant dans sa vie, l’en a détourné, et c’est vers elle désormais qu’ils convergent pour n’en former plus qu’un. C’est dire l’importance de cet être singulier, bien plus que du sentiment amoureux lui-même. D’ailleurs l’amour subjectivé est interpellé, et le poète implore son pardon (« pardonne-moi amour/de ne pas assez t’aimer » [15]). Aussi distingue-t-il « amour » et « Amour », la majuscule allant à celle à qui ses poèmes s’adressent. D’entrée de jeu, on est saisi par l’intensité du chant :

Je t’écris ma centaine d’amour

afin que tu existes et que soit établi mon Amour éternel

Petite Soeur des ombres

croisée parmi les aléas

et depuis seule présence

qui conduise les mots

l’adresse la plus ancienne

l’emporte corps du chant

Par-delà ses désirs et les siècles

Tant ton visage est

l’amour penché sur moi

5

La première suite évoque la rencontre, la naissance du désir — un désir cuisant, irrésistible. Puis viennent l’apprivoisement de l’intimité, dans le respect de la différence des vies qui se croisent, et l’apprentissage d’une « langue inédite » (12). On assiste à un véritable envoûtement, lequel comporte une sagesse, celle de reconnaître que l’être aimé, même dans la plus parfaite intimité, à jamais nous échappe, que l’amour relève du plus total mystère. C’est à cette part d’insondable, sans doute autant qu’à sa douleur, que renvoie « la ténèbre » associée à l’amante. Car sa singularité vient notamment de cette souffrance intime que l’amant a sentie dès les premiers instants, et à laquelle il demeure profondément attaché. Il y a donc, ici comme chez Ouellette, une sensibilité et un accueil de la douleur de l’amante. Plus encore, cette douleur semble intrinsèquement liée à son pouvoir d’envoûtement :

maintenant qu’en toi elle vivait

tu ne pourrais plus ignorer le drame

qui se jouait dans sa vie

liée à la lourdeur d’exister

elle t’envahissait chaque jour

davantage chaque jour plus

chargé charnel et chaleureux

13

Certes, il n’y a chez Bélanger ni l’ombre d’un amour divin ni rédemption promise. Et s’il est des signaux indiquant la présence de l’aimée, ils ne viennent pas du ciel, mais de la réalité terrestre ou encore de l’intériorité du sujet, là où sévissent le vide et l’absence. Et cependant les deux poètes se rencontrent dans la foi qu’ils prêtent à la poésie, ainsi que dans la place primordiale qu’ils accordent à l’amoureuse dans son avènement. Seul le poème parvient à donner, sinon un sens, du moins une forme à cette expérience douloureuse de la perte. Seul à pouvoir prendre la mesure de « cette intimité » et de « l’intransigeance/du réel » (31), il est aussi le seul à pouvoir approcher l’intensité de cet amour, mais aussi son mystère, offrant ainsi un lit[15], une sépulture à l’amante et à la nuée d’ombre qu’elle laisse derrière elle : « pour celle qui jamais ne se dévoile/je donne un poème » (57). Car l’amour arrive aux êtres « au point le plus obscur/de leur inconnaissance/comme une vague déferlante/au sommet de sa chute » (35). Or l’aimée est la source, l’inspiratrice, le modèle du poème :

tu es mon modèle disais-tu

incapable de la dessiner autrement

qu’en une caricature dramatique

où toutes les molécules des corps

entraient dans le poème

28

Parmi les questions que pose l’amour, il y a celle de savoir si l’on a su être à sa hauteur : « amante ma ténèbre/t’ai-je assez aimée/assez pour une vie » (37), se demande le sujet. Or il est un paradoxe en cet amour, qui force le poète à se détourner de l’amante au profit du poème qu’elle inspire : « je n’écris jamais qu’à ton absence Aimée », dit-il au début de la seconde suite, où il contemple la profondeur de sa solitude et l’immensité de l’éloignement qui les sépare :

j’écris à jamais ce manque

comme l’espoir d’une âme

rejoignant les soirs

dans la nuit qui me laisse

sans repos

45

Cet amour, on le voit bien, ayant été de tout temps poème, devait retourner au poème, celui précisément qu’on adresse à « l’absente aimée » et qui la rend à la présence. Mais elle n’échappe aux ténèbres que pour entrer dans l’opacité du poème, où les corps à nouveau peuvent s’étreindre, comme au premier jour. Ainsi l’amour n’a de cesse de renvoyer à son commencement, à l’instant de l’éblouissement, à cette part de mystère que le quotidien et les longues fréquentations font parfois disparaître. Mais ce n’est là qu’illusion : « tu ne la connaîtrais pas davantage/qu’à ce plaisir d’un commencement » (28), admet le poète. En effet, l’amour, par le mal qu’il instille (« tu ne guérissais pas » [36]), ne creuse-t-il pas plutôt l’écart entre les êtres, une fois passé l’instant unique de la rencontre, celui où l’on avance l’un vers l’autre, qui est le véritable événement de l’amour, et que les amants s’évertuent à reproduire par la suite ? Or c’est précisément cela, cette épiphanie du commencement, que le poème recueille et actualise :

Tu n’es jamais si loin, en moi,

une âme sans poids ; car tu es aimée

et dans mon coeur l’espace semble

s’ouvrir à l’infini. Tu es

celle qui ne comblera jamais l’écart. Tes failles

et tes forces me détruisent :

t’aimer ne s’épuisera jamais.

46

Mais c’est là aussi la leçon magistrale de Mallarmée, à laquelle le poète fait écho[16] : à jamais l’aimée sera « l’absente/aimée de toute absence » (55), et c’est ainsi qu’elle est poésie. Et sur les traces de l’absente les poèmes vont, semant leur chemin d’errance, dans une syntaxe louvoyante, jouant sur les enjambements, souvent de manière très fine. Ceux de la troisième suite semblent tenir du songe ou de la rêverie, déployant un univers fantomatique, fantasmatique où le poète rejoint l’aimée. L’éros y côtoie la mort. C’est là, en rêve, au plus intime de leurs retrouvailles, et bien qu’il ne se fasse pas d’illusion sur la nature de leur amour (« il ne sera toujours/qu’un amour du monde de notre temps » [80]), que le poète demande à l’amante de le guider :

en l’instant unique où je t’aime demande-

moi aumône et plaisir que mes doigts

reconnaissent le trajet alchimique de l’amour

Beauté

 sens le sel de ta peau mes larmes

saluent la longue plongée

dans tes yeux je marche

80

Le livre se termine sur un « Psaume », qui lui-même se clôt sur quatre vers empruntés à Pétrarque, lesquels créent un effet de relance, signe sans doute que cet amour, unique entre cent, n’a pas dit son dernier mot, et que le cercle de l’absence que le livre ouvre ne se referme pas avec lui.

« [Q]ue soit béni le jour, et le mois, et l’année,

et la saison, le temps, et l’heure et le moment,

le pays joli et le lieu, où je fus pris

par deux yeux qui m’ont lié. »

95