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Cet ouvrage collectif propose un état des lieux des politiques de (re)développement urbain de la ville de New York en 2014, alors que s’achève le troisième mandat de Michael Bloomberg et que Bill de Blasio lui succède à City Hall. Les 22 contributeurs qu’il réunit—architectes et urbanistes ayant oeuvré à New York, universitaires et membres de cabinets de l’administration municipale, d’associations et de commissions d’urbanisme et de planification—présentent les plus importants et emblématiques projets engagés, achevés ou initiés au cours des années Bloomberg (2003–2013) et qui doivent, suivant le principe constitutif du programme PlaNYC 2030 dévoilé en 2007, faire de New York la première ville durable des États-Unis. C’est bien ce vaste programme, inédit par la nature, l’ampleur et la portée de ses objectifs, qui constitue le fil rouge de l’ouvrage et permet d’en relever le principal enseignement. PlaNYC 2030, dont les constats et les stratégies « ont été établis en concertation entre élus et services municipaux et entre organisations et acteurs associatifs ou privés » (p. 41), illustre avec éloquence un urbanisme new-yorkais qui, loin de ne relever que d’une seule compétence municipale, se révèle être un enjeu partagé.
L’ouvrage se compose d’une cinquantaine de courts articles regroupés en quatre chapitres. Le premier de ces chapitres, introductif et dont on peine quelque peu à saisir la cohérence interne, en réunit huit. Y sont d’abord présentés les grands enseignements qu’il convient de tirer de cette expérience particulière qu’est PlaNYC 2030, qui, assurément, « devrait faire école pour un renouveau de la planification urbaine élaborée sous forme de charte au lieu de plans, une doctrine au lieu de prévisions » (p. 10). Parmi les leçons relevées, on retiendra qu’un urbanisme réussi en est un qui lie dans l’action secteurs privé et public, qu’une ville durable ne saurait se penser qu’à une échelle élargie et métropolitaine, et que face aux profonds bouleversements climatiques désormais indéniables—que l’ouragan Sandy, en 2012, a violemment donné à voir à l’ensemble des New Yorkais–, « la résilience est de mise » (p. 10) pour tous les projets urbains d’aujourd’hui et de demain. La suite du chapitre consiste en un bref historique des administrations de la ville et de ses édiles, de son urbanisme et de ses outils fondamentaux (plans, règlements de zonage, quadrillage, etc.). On y décrit notamment un urbanisme historiquement pris en tension entre planification et adaptation pragmatique de celle-ci, une caractéristique qui demeure encore aujourd’hui.
Le second chapitre, « Une stratégie urbaine à grande échelle », décrit la nature et l’ampleur des projets en cours à New York. Une première section regroupe deux articles : le premier présente le programme PlaNYC 2030 dans ses grandes lignes (l’utilisation des sols, l’eau, les transports, l’énergie, la qualité de l’air et le changement climatique) et le second dépeint la complexité de la gouvernance métropolitaine new-yorkaise. Une seconde section décline par la suite les grands thèmes dans lesquels s’inscrivent les différents projets new-yorkais, et que recoupe PlaNYC 2030 : la mobilité, les espaces publics et leur aménagement durable et intelligent, la réappropriation des rivages—précisément comme lieux publics–, ou encore le logement.
Le chapitre suivant vient illustrer le principe déjà relevé d’une gouvernance flexible des programmes architecturaux et urbanistiques new-yorkais. Intitulé « Qui fait quoi et comment ? », il réunit les contributions d’une dizaine d’acteurs aux statuts variés, de l’architecte au juriste, en passant par la fondatrice d’une association de défense du quartier du South Bronx. Chacun vient témoigner par son expérience d’une dynamique décisionnelle souple, fondée sur la négociation et l’amendement de la règle formelle, et dans laquelle chaque groupe concerné par un projet est en mesure de faire valoir ses intérêts spécifiques. On comprend ainsi la façon par laquelle le règlement de zonage établi en 1961, et toujours en vigueur aujourd’hui, a vu ses 318 pages originelles passer au nombre de 994 : c’est dire qu’à New York on préfère « modifier les règles quartier par quartier, régler les problèmes les uns après les autres, en suivant une approche progressive et cumulative plutôt qu’en créant périodiquement un nouveau plan pour l’ensemble de la ville qui serait le dogme figé de son époque » (p. 103).
Le dernier chapitre présente les principaux projets (achevés ou en cours) des différents boroughs de la ville. Les directeurs de l’ouvrage ont ici choisi une formule originale : pour chacun des boroughs, un article introductif expose l’enjeu central du district, par exemple « La régénération urbaine dans le Bronx » (p. 195), et décrit une série de projets architecturaux ou urbanistiques qu’il convient d’y visiter. Suivent les présentations plus ou moins approfondies des plus emblématiques de ceux-ci. Si l’on peut y noter quelques approximations, notamment le fait d’avoir intégré les projets de Governors Island et de Fresh Kills à la section consacrée à Queens alors qu’ils concernent respectivement les boroughs de Manhattan et de Staten Island, et remarquer que l’on ne justifie pas la décision de ne pas dédier de section propre au district de Staten Island, ce chapitre clôt d’une façon plutôt intéressante le livre en proposant au lecteur la description d’un ensemble de projets venant illustrer les enseignements qu’il aura su tirer des chapitres précédents.
La mise en page inspirée et l’iconographie abondante et toujours pertinente de cet ouvrage en font une franche réussite sur le plan esthétique, tout en rendant sa lecture intuitive, agréable et instructive. Son principal défaut demeure cependant le manque criant de recul critique à l’égard de l’administration Bloomberg. Le (trop) bref texte spécifiquement dédié à l’exercice (« Les années Bloomberg : regards critiques » aux pages 32–33) ne suffit pas à compenser un ton qui se révèle franchement complaisant. Sans doute est-ce là l’inévitable contrepartie d’avoir recouru à un ensemble de contributeurs dont l’expertise et la justesse du propos tiennent précisément au fait qu’ils ont participé, de près ou de loin, à ces fameuses années Bloomberg.