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Ce livre est le produit du premier Symposium international VRM des études urbaines tenu en juin 2010. Le symposium marquait le dixième anniversaire de la création de VRM, le réseau Villes Régions Monde. Financé par le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC), ce réseau fait la concertation, l’animation, la formation ainsi que la diffusion des résultats de la recherche. VRM a établi une présence dynamique dans le milieu de la recherche au Québec et ailleurs dans le monde, notamment aux États-Unis où plusieurs membres du réseau participent annuellement aux conférences de l’« Urban Affairs Association ».
Le but de cet ouvrage est donc d’illustrer le dynamisme des études urbaines au Québec depuis les dix dernières années avec ses nouveaux programmes, ses chaires de recherche, ses écrits, etc. D’ailleurs les choix faits par les auteurs de ce livre démontre bien les qualités du réseau VRM – un sens de l’histoire et, en même temps, des directions innovatrices.
Le sens de l’histoire se voit par la reconnaissance des premiers travaux au Québec sur la recherche urbaine. De cette façon, on reconnaît le travail important fait par Jacques T. Godbout et le numéro de Recherches sociographiques qu’il a dirigé il y a 25 ans. Le sens de l’innovation, quant à lui, se voit par l’organisation donnée à l’ouvrage. Les auteurs ont privilégié l’approche thématique plutôt que l’approche disciplinaire classique. Le livre possède quatre chapitres: gouverner les villes dans un contexte mondialisé; habiter la ville : diversité des populations et des pratiques; repenser les dynamiques économiques et les mobilités et, finalement, saisir la ville matérielle et idéelle. Il est certain que l’on rencontre au cours de la lecture des recoupages avec les disciplines – les dynamiques économiques intéressent particulièrement les économistes et la gouvernance, les politicologues. Cependant, l’approche par thème ouvre à une grande multidisciplinarité, ce qui permet d’aborder des enjeux selon différents points de vue et ainsi démontrer que la gouvernance intéresse également les étudiants des mouvements sociaux, tout comme la diversité des populations intéresse les criminologues, les juristes et les étudiants en service social.
L’organisation par thème du livre a également d’autres avantages. La juxtaposition des études regroupées selon une logique nouvelle nous révèle des liens auxquels nous n’avions pas pensé. Le chapitre qui traite de la diversité des populations et des pratiques en est un bel exemple. Regrouper ensemble des enjeux tels que la diversité des revenus, la diversité culturelle, la diversité des âges avec l’accès au logement, le climat social, les communautés, les quartiers et les conflits et les insécurités, cela nous donne des idées d’assemblages aux variétés infinies. Il est ainsi possible de reconnaitre des pistes de recherche intéressantes, dont plusieurs sont mentionnées dans le chapitre, mais aussi de nous en inspirer d’autres. De la même façon le chapitre sur la ville réelle et idéelle pose les enjeux de la ville concrète vécue au quotidien et ceux de l’avenir – comment refaire nos villes en réaction aux changements climatiques et comment densifier nos villes d’une façon à la fois efficace et acceptable pour le public.
Le livre se termine avec un épilogue dans lequel les auteurs énumèrent différents défis pour les études urbaines au Québec pour la prochaine décennie. L’épilogue commence avec une comparaison, fort intéressante, entre les études urbaines aux États-Unis et celles faites au Québec. Le grand avantage des chercheurs québécois est d’être formé par des traditions intellectuelles francophones et anglophones et donc, tout en produisant majoritairement des études empiriques, ceux-ci sont également influencés par des traditions théoriques issues de la France. Mais contrairement aux études urbaines américaines, domaine issu d’une crise sociale des quartiers centraux et dont les représentants universitaires sont considérés comme des acteurs sociaux importants dans les villes, les études urbaines au Québec doivent encore se créer une tradition, se forger une place en tant que discipline des sciences humaines.
Les auteurs de l’ouvrage lancent également trois défis disciplinaires pour la décennie à venir. D’abord, mettre en place davantage de théorisation sur l’urbain, ensuite, élargir les comparaisons – surtout du côté des pays du Sud avec leur urbanisation galopante, leurs phénomènes urbains uniques et les possibles solutions aux problèmes urbains qui méritent une réelle attention et, finalement, sortir un peu plus du milieu des grandes villes pour étudier d’autres lieux et phénomènes urbains se produisant à une plus petite échelle.
Un livre donc très utile. Utile d’abord pour sa bibliographie de presque cinquante pages, qui, bien que non exhaustive, offre un panorama diversifié de ce qui s’est fait en études urbaines dernièrement. Utile également, comme j’ai tenté de l’indiquer ici, en tant qu’outil de réflexion sur les nouveaux projets et enjeux de recherche en juxtaposant des références à des études dont nous n’avions pas imaginé les liens. Pour terminer, les défis lancés dans l’épilogue sont aussi utiles autant pour les chercheurs individuels que pour les programmes d’enseignement. Le mot de la fin des auteurs met finalement en surbrillance le caractère éminemment multidisciplinaire des études urbaines au Québec, ce qui est, selon moi, le message le plus utile de tout l’ouvrage. En effet, ce livre démontre clairement la vitalité du champ urbain au Québec et cette vitalité est indissociable de son caractère résolument multidisciplinaire.