Abstracts
Résumé
Le ménadisme est sans doute le phénomène rituel grec qui suscite encore aujourd’hui le plus de fascination et d’interrogations. Bien qu’un grand nombre de sources littéraires et iconographiques se rapportent à ce sujet, la réalité historique du ménadisme reste néanmoins difficile à appréhender. Ce que nous en savons et ce qui nous a été transmis relève avant tout de l’image mythico-poétique, une idée préformée d’un comportement et d’un état d’esprit propres à l’enthousiasme dionysiaque. Réalité cultuelle d’un rite dansé ou image poétique d’un état d’esprit : dans les sources textuelles comme iconographiques, les deux réalités se confondent. Il s’agira ici d’en dégager les différents principes, afin d’offrir une analyse de la gestuelle ménadique et de sa signification.
Abstract
Even today, maenadism is probably one of the most fascinating Greek ritual phenomena. Although numerous literary and iconographical sources are related to this subject, the historical reality of maenadism remains difficult to comprehend. What we know and what was transmitted is a matter for mythical and poetical imagery. It is a preformed idea about a behavior and a state of mind specific to dionysiac enthusiasm. Whether it is a cultual reality of a danced ritual or a poetic imagery of a state of mind, both merge in textual and iconographical sources. It comes here to identify the various principles of maenadism in the aims to offer a study of the maenadic gesture and its significance.
Article body
Il est généralement admis que la danse en Grèce ancienne est, au moins depuis l’âge du bronze, intimement associée aux pratiques cultuelles en tant que moyen de communication privilégié permettant d’établir le contact avec le divin (Marinatos 1993, 175-180 ; Lonsdale 1993, 114-121 ; Lonsdale 1993, 279-280 ; Burkert 2011, 57 et 147-149)[2]. La danse est d’ailleurs, comme le remarque Burkert, « un rituel cristallisé dans sa forme la plus pure », dont les mouvements, exécutés en rythme, s’apparentent à une imitation de la parole (Platon, Lois, VII, 816a ; Lucien, De la danse, 72 ; Spencer 1985, 1-38 ; Burkert 2011, 147). Mais c’est aussi et surtout une pratique collective, celle du choeur (choros), liée au calendrier cultuel de chaque cité[3]. La danse est conçue comme une activité spontanée, une réponse innée du corps à la musique, un cadeau des dieux aux hommes (Platon, Lois, II, 653e-654a), qui vise à imiter les choeurs divins originels (Platon, Lois, VII, 816a 3-5 ; Calame 1977 ; Lonsdale 1993, 111-136 ; Burkert 2011, 147)[4].
Parmi ces danses, le caractère singulier des danses dédiées à Dionysos fut relevé dès l’Antiquité[5]. Platon, dans son énumération des divers types de danses et de leurs vertus, en particulier éducatives (Lois, VII, 814e-816d), fait exception des danses de types « bacchiques » (bakcheia). Sensées imiter les satyres et les ménades mythiques, celles-ci sont, selon lui, liées à des rites d’initiation (teletai) et d’expiation (katharmoi ; Platon, Lois, 815c). Bien que ces rites, que l’on rattache aux « cultes à mystères », nous soient connus par les sources antiques, les danses et les états frénétiques qui leur sont associés nous restent en partie méconnus[6].
Pourtant, depuis bientôt 150 ans, l’étude des danses bacchiques a produit une littérature abondante, parfois contradictoire, qui met surtout en avant le manque de témoignages historiques solides à propos de ces phénomènes. Le dieu lui-même fascine par son caractère atypique qui, jusqu’à la découverte des tablettes en linéaire B de Pylos, était pensé comme non-grec (Ventris et Chadwick 1956, 127 ; Rougemont 2005 ; Burkert 2011, 72 et 226-227). Il était donc aisé d’associer les danses extatiques, propres aux suivantes de Dionysos, à une pratique elle aussi non-grecque (Jeanmaire 1951 ; Daraki 1985, 12 ; Detienne 1986, 55 ; Burkert 2011, 225-227). La réalité est bien plus nuancée et aucune solution vraiment satisfaisante quant à l’origine et à l’historicité des danses dionysiaques n’a été proposée. Certains ont voulu distinguer deux sortes de ménadismes : l’un policé répondant aux normes de la cité (« ménadisme blanc ») et un autre, plus sombre, sauvage et épidémique (« ménadisme noir »), durant lequel toutes les normes sont abolies au profit de comportements frénétiques allant jusqu’au sacrifice sanglant et sauvage d’un animal (diasparagmos ; Jeanmaire 1951, 105-219 ; Dodds 1977, 265-278). D’autres préfèrent séparer le ménadisme « historique », confirmé par l’épigraphie, du ménadisme « mythique » pour lequel les comportements délirants sont relégués au seul plan de l’imaginaire (Henrichs 1978 ; 1983 ; 1987, 100-107). La tendance actuelle serait d’admettre l’intégration, dans le cadre de pratiques rituelles fixées par le calendrier religieux de la cité ou lors de fêtes non officielles, de danses et de comportements extatiques qui visaient à imiter l’attitude des ménades mythiques (Bremmer 1984 ; Villanueva-Puig 2009, 21-32 ; Graf 2010 ; Porres Caballero 2013).
Les preuves qui permettent de valider l’existence d’un ménadisme historique, organisé et en partie hiérarchisé (sous la forme d’associations, par exemple), ne sont pas antérieures au ive siècle av. J.-C., tandis que les sources plus anciennes à propos du ménadisme sont principalement iconographiques (Henrichs 1978 ; Jaccottet 2003). La mort de Penthée, mis en pièces par les ménades, se trouve par exemple figurée dès 510 av. J.-C. sur un psykter attribué à Euphronios[7]. De tels phénomènes sont également relatés dans les mythes, tel que la résistance de Penthée, transmis par les Bacchantes d’Euripide et d’autres oeuvres théâtrales — aujourd’hui perdues — attribuées aux prédécesseurs d’Euripide[8]. Le comportement frénétique et parfois dévastateur des ménades, insufflé par Dionysos, est donc bien installé dans l’imaginaire des Grecs dès la fin du vie siècle av. J.-C.
Il faut à ce titre souligner que « ménade » et « bacchante » se réfèrent d’abord, en ce qui concerne les images, à un type de comportement qui relève de l’image poétique ou littéraire plus qu’ils ne se rapportent à une réalité cultuelle (sans pour autant nier cette réalité cultuelle confirmée par l’épigraphie[9]). Comme le souligne Díez Platas, le ménadisme est avant tout un état d’esprit plus qu’une identité (Diez Platas 2002, 333 ; Villanueva-Puig 2009 ; Santamaría 2013, 49 ; Porres Caballero 2013). Les images sont donc analysées dans ce sens, en tant que produit d’un imaginaire partagé par les diverses couches de la population grecque ancienne, et se rapportant à cet état d’esprit qu’est le ménadisme. Dans ce contexte, le rapport des images au rite n’est donc qu’indirect.
L’analyse d’un certain nombre de gestes, symptomatiques du comportement ménadique, permet en premier lieu d’appréhender la place que ceux-ci occupaient dans l’imaginaire figuré antique. Ces gestes sont : les bonds, les penchés du buste (vers l’avant ou l’arrière), les tours sur place, les renversements de la tête, les secousses de la chevelure et les chutes au sol[10]. Nous nous intéresserons ici plus spécialement aux mouvements qui appartiennent à la catégorie du bond (au sens large, ce qui inclut le sursaut associé à la course et les bonds sur place accompagnés de frappements de pieds), aux tournoiements (avec mouvements de tête) puis aux chutes (en tant que symptôme de la perte de conscience et non comme geste volontaire), car ils sont les signes les plus évidents de l’enthousiasme dionysiaque[11].
La ménade bondissante, qui sursaute puis s’élance, est une image ancienne que l’on rencontre dès l’Iliade et les Hymnes homériques. Déméter, lorsqu’elle retrouve sa fille, enlevée par Hadès, « sursaute (aissô) comme une ménade dans les taillis de la montagne » (Hym.Hom.Dem. 386), tout comme Andromaque qui « se dirige en hâte (epeigô) », « se précipite (diaseuomai) telle une ménade » sur les remparts de Troie (Iliade, 6. 389 ; 22. 460) ; le poète insiste ici sur l’idée d’un mouvement impulsif guidé par une émotion qui l’emporte sur la raison[12]. Si, dans les sources littéraires, le sursaut et la course sont indéniablement liés, cette association est moins évidente en ce qui concerne l’imagerie. Un certain nombre de représentations montrent des ménades saisies en pleine course et parfois se retournant vivement, comme sur une amphore à col attribuée à Hermonax et conservée à Saint-Pétersbourg (fig. 1)[13]. La ménade porte une nébride nouée en travers de la poitrine, elle est figurée le buste de face, la tête tournée vers la gauche et les jambes dirigées vers la droite. Les bras sont écartés du corps, à l’horizontale. Dans une main, la ménade tient un thyrse et dans l’autre un rameau de lierre. L’orientation des jambes indique la direction du déplacement, renforcé par le vêtement qui se soulève vers l’arrière, tandis que la tête, dirigée dans le sens contraire signale un mouvement vif, souligné par la chevelure flottant derrière la nuque. La ménade se dirige vivement vers la droite tout en retournant la tête du côté opposé, indice de l’impulsivité de ses mouvements. D’autres figurations s’attachent plus particulièrement à mettre en avant les bonds typiques du comportement ménadique. Sur une amphore attribuée au peintre d’Amasis, deux ménades enlacées se présentent face à Dionysos dans un même élan bondissant, une jambe légèrement levée et jetée vers l’avant, signe de leur nature agitée[14]. Dans le même esprit, une coupe plus récente attribuée au peintre de Briséis montre une ménade la jambe d’appui fléchie, l’autre jambe jetée vers l’arrière, la tête renversée (fig. 2)[15]. Celle-ci évolue au son de l’aulos (un genre de hautbois) dont joue un satyre à sa gauche. La présence de l’instrument de musique indique que les bonds exécutés relèvent de la gestuelle dansée. Les sauts semblent s’effectuer sur place et sont complétés sans doute par des frappements de pieds sur le sol. Ceux-ci sont un ajout rythmique aux mélodies jouées et participent de ce fait à l’environnement sonore du rituel[16].
La gestuelle bondissante des ménades est associée à la proximité que celles-ci entretiennent avec l’espace sauvage, sorte de mimétisme avec cette nature dans laquelle elles évoluent (Euripide, Bacch. 680-727)[17]. Ce sont les jeunes animaux tels les faons, les poulains et pouliches, ou encore les génisses qui bondissent[18]. Une telle agitation s’exprime par des verbes comme skirtaô (« bondir / sauter », en particulier pour les jeunes chevaux), pêdaô (« bondir par-dessus ») et thrôiskô (« sauter », « bondir », mais aussi « se précipiter », « s’élancer rapidement »)[19]. Les ménades se meuvent de manière erratique comme de jeunes animaux, indomptées. C’est une image commune que la jeune fille, non mariée, comparée à un jeune animal et qui doit être « soumise au joug » (Calame 1977, 332-333 ; 411-420). Or, le ménadisme est un phénomène qui, entre autres et surtout dans le mythe, s’applique plus spécialement aux femmes mariées ou en passe de l’être, souvent jeunes mères[20]. Cette image permet de souligner l’ensauvagement temporaire, conçu comme une « animalisation », de ces femmes libérées de leur condition d’épouses et de mère sous l’action perturbatrice de Dionysos (Calame 1977, 241-245 ; Seaford 1995, 332-338 ; Halm-Tisserant 1998, 76-77 ; Provenzale 1999). Le bondissement prêté aux ménades est une manière de mettre en évidence la nature intrinsèquement sauvage de ces femmes [21].
Mais le bond n’est pas seulement le signe d’un ensauvagement temporaire, il est surtout une expression physique du désordre qui agite les personnes en proie à la mania divine — ce que sont par essence les ménades[22]. L’animalisation et la folie ne sont d’ailleurs pas sans rapport. Dans le récit que fait Diodore de la découverte de l’oracle de Delphes, les chèvres qui broutaient aux alentours des émanations qui s’échappent du chasma gês en respirent les vapeurs et se mettent à bondir de manière extraordinaire (skirtân thaumastôs) tout en proférant des sons inhabituels, agissant comme si elles étaient possédées (enthousiazousi)[23]. Iô, transformée en vache et piquée par l’aiguillon de la folie — oïstraô — « s’élance en un sursaut » (aissô)[24], tout comme les ménades d’Euripide dansent et s’agitent sous l’effet de cet oïstros (Bacch., 32-33, 119 ; 665, 1229)[25]. De même Héraclès, rendu fou par l’action conjointe d’Iris et de Lyssa, entame une danse frénétique bondissante qui le fait agir comme un taureau, animal lié aux manifestations de la folie[26]. Chez Euripide toujours, la ménade prête à la bacchanale nocturne rejette la nuque en arrière, la gorge offerte, puis elle bondit (thrôiskô) et s’élance en tourbillonnant (aella), tel un faon poursuivi par les chasseurs (Eur. Bacch. 862-875). Mais plus encore, les ménades d’Euripide, encore sous l’effet de la mania Dionysiaque, bondissent (skirtaô) pour se libérer (luô) des liens qui les entravaient et que Penthée leur avait posés dans sa volonté de confronter Dionysos[27]. Dans les Bacchantes, cette délivrance procurée par Dionysos intervient à un niveau politique, psychologique mais aussi religieux et mystique (voir Seaford dans Euripide 1997 ; Leinieks 1996, 314-317). Associé à l’idée de délivrance, le bond semble être a priori une manifestation, parmi d’autres, de la joie conséquente à cette libération.
On sait, en outre, que le bond est une part essentielle d’un certain nombre de danses masculines antiques, entre autres la pyrrhique et la sikinnis (Voelke 2001, 139-157). Ces deux types de danses revêtent des caractères initiatiques indéniables, en particulier la pyrrhique, dont le bond caractéristique est soit à rapprocher du saut effectué par Néoptolème/Pyrrhus, lorsqu’il surgit du cheval de Troie, soit du saut d’Athéna surgissant toute armée du crâne de Zeus (Borthwick 1967 ; Borthwick 1970 ; Lonsdale 1993, 148-152 ; Voelke 2001, 150-154)[28]. Ce bond marque en quelque sorte un renouveau et est donc parfaitement adapté aux circonstances d’une danse d’initiation réservée aux adolescents (Jeanmaire 1939, 427-444, 531-540 ; Lonsdale 1993, 152-168). La sikinnis, comme l’a montré Voelke, comporte certains traits initiatiques. Exécutée par les satyres, la sikinnis est le signe d’une régression qui révèle la nature profonde de ceux-ci, à la fois hommes et animaux (Voelke 2001, 139-143)[29]. De même, la danse bondissante à laquelle se livre Philocléon dans la scène finale des Guêpes marque l’étape ultime d’un « rajeunissement », procuré par l’ivresse et qui passe, entre autres, par un changement de tenue (Aristophane, Guêpes, 1122-1264, 1341-1387, 1474-1537 ; Borthwick 1968 ; Vaio 1971 ; Compton-Engle 2015, 66-74)[30]. Le bond apparaît à la fois comme un geste libérateur, un indice de jeunesse mais aussi de folie.
Dans l’état actuel de nos connaissances, le bond se rapporte d’abord à un ordre idéal de mouvements, « préformé », dont la réalité rituelle nous échappe en quasi totalité. Autrement dit, dans les textes comme dans les images, la ménade bondit puis s’élance, car cela appartient à l’image mentale, partagée par tous, de ce qu’est, par nature, une suivante de Dionysos. De manière symbolique, le bond marque à la fois l’entrée dans l’enthousiasme dionysiaque, l’appartenance totale à ce monde, et la délivrance procurée par la pratique des danses bacchiques.
Bien sûr, ce bondissement, à la fois libérateur et signe de possession, ne peut pas être compris isolément, il doit être mis en rapport avec les autres mouvements spécifiques aux ménades, soit le tournoiement et les chutes au sol. Dans cet ensemble de gestes, le bond apparaît comme une étape indispensable à la mise en action des ménades « remplies du dieu » (enthéos). Chez Euripide, la ménade bondit puis s’élance en tourbillonnant, « plus rapide qu’un vol de colombes[31] ». Cette idée de vol rapide et tournoyant s’exprime dans l’imagerie par la figuration de ménades aux « manches ailées », les bras déployés de part et d’autre du corps, la tête inclinée et le buste saisi dans une torsion afin de rendre le tournoiement de la danseuse[32]. À l’exemple de la ménade figurée parmi le cortège qui accompagne le retour d’Héphaïstos sur l’Olympe, sur un cratère du peintre de Kléophradès[33]. La danseuse a le buste de face, les bras écartés du corps « en croix » et enveloppés dans le vêtement, le buste et la tête sont légèrement inclinés vers la droite, alors que les jambes sont de profil, ce qui indique la rotation (fig. 3). Ce type de figuration exprime toute la puissance poétique contenue dans l’idée de vol tournoyant associé à la course, tout en insistant sur l’aspect surnaturel des danses ménadiques[34].
Dès le milieu du ve s. av. J.-C., l’imagerie décline à l’envie les postures tourbillonnantes des ménades, combinant les tours sur place aux secousses et renversements de tête jusqu’à devenir systématique. Sur une hydrie de Madrid, datée du milieu du ive s. av. J.-C. le mouvement se fait même violent : le tourbillonnement rapide de la danseuse est rendu par les plis du vêtement se plaquant contre les cuisses et s’envolant à l’arrière[35].
Les mouvements tournoyants des ménades sont explicitement évoqués dans les Bacchantes, en particulier par le verbe eilissô (« tourner en rond », « tourner sur soi-même »)[36]. De même, un cratère en cloche attribué au peintes du Dinos montre une ménade nommée Dina et dont le nom a été rapproché du verbe dinéô (« tourbillonner »)[37]. Celle-ci est représentée dans une pose assez statique qui tranche avec son appellation : pour Villanueva Puig (1988, 167), cette dénomination exprime ce que la ménade est potentiellement, c’est-à-dire une danseuse qui tournoie. De même sur un stamnos fragmentaire de Yale, la danseuse se nomme Hélikè de hélix, d’après l’enroulement spiralé des tiges de lierre (hereda helix), plante consacrée à Dionysos et signe de son épiphanie divine dont le feuillage persistant est symbole d’immortalité, mais aussi en référence à la danse tourbillonnante qui caractérise les ménades et au mouvement de rotation des astres — la Grande Ourse se nomme Hélikè — ce qui ajoute une dimension cosmique au nom de la ménade[38]. Tout comme la ménade nommée Dina, Hélikè est figurée dans une posture plutôt statique, elle tient une torche dans chaque main et fait face à Dionysos assis, celui-ci tient un canthare et un thyrse. Un jeune satyre verse du vin dans le canthare du dieu depuis une oenochoé, il tourne la tête vers la ménade. De la même manière que Dina exprime le potentiel de la danseuse, Hélikè renvoie à un ensemble de références poétiques et mythiques relatives au dionysisme, telles que les danses tournoyantes et l’enthousiasme provoqué par l’épiphanie divine, exprimée dans l’image par la présence de Dionysos assis et auquel les satyres et la ménade rendent hommage. Deux niveaux de lectures se superposent : celui du rite auquel les gestes des satyres et la ménade au nom parlant renvoient et un autre, interne à l’image, où la présence divine est exprimée par la figuration de Dionysos lui-même (Collard 2016)[39]. La même idée est exprimée sur un cratère à volutes lucanien du peintre des Karneia (fig. 4)[40]. Face à Dionysos assis, une ménade danse, la tête inclinée vers l’épaule, au son de l’aulos. Les gestes de la danseuse semblent suspendus tandis que ses vêtements et sa chevelure sont encore agités par la frénésie de la danse[41]. Plusieurs gestes se combinent : les frappements de thyrses qui rythment la danse (le ruban accroché au thyrse ondule sans doute sous l’action d’un coup sur le sol), les secousses de la chevelure et les tours sur place. Ici encore, le monde du rite se fond avec le monde mythique, comme l’indique la présence d’un satyre et de Dionysos dont la tête est surplombée par une torche (peut-être un indice de l’épiphanie divine) tenue par une femme vêtue d’un chitoniskos. Le tournoiement propre aux ménades se trouve aussi évoqué dans le nom donné aux bacchantes de Delphes, les Thyiades, c’est-à-dire « celles qui tourbillonnent » (ou « celles qui s’élancent avec fureur »)[42]. Sur un stamnos du British Museum, attribué à Oltos et daté des environs de 510 av. J.-C., une ménade danse au son des crotales qu’elle tient dans sa main gauche, elle est vêtue d’une pardalide et s’est saisi d’une branche feuillue, un satyre, dont seule une partie du visage est conservée, lui fait face (fig. 5)[43]. Le nom de la ménade est inscrit dans le champ à gauche : Oreithyia (Ὀρείθυια) « celle qui tourbillonne/s’élance dans la montagne » (oros – thyias) (Kossatz-Diessmann 1991, 187). L’inscription renforce ici la signification de l’image et signale la nature agitée de la ménade[44].
Le tournoiement signifié dans les figurations et jusque dans les noms donnés aux ménades dès les années 450-440 av. J.-C. est à mettre en relation avec la finalité attribuée aux danses à cette époque. Si le tourbillonnement est une manifestation de la folie, celui-ci est aussi intrinsèquement lié à l’idée de purification et de préparation de l’âme en vue d’un contact avec le divin (Parker 1990, 303)[45]. C’était l’hypothèse énoncée par Boyancé à propos des danses extatiques des bacchantes, et réaffirmée récemment par Graf (Boyancé 1937, 61-91 ; Graf 2010)[46]. Selon Boyancé, la joie dionysiaque procurée par les danses extatiques est une forme de catharsis qui vise à détacher l’âme du corps (Platon, Phédon, 67c ; Boyancé 1937, 83-86). Les danses dionysiaques auraient donc pour but la libération de l’âme, la séparation d’avec les éléments « impurs », bien que l’on ne sache pas vraiment quels sont ces éléments « impurs » (Boyancé 1937, 88-89 ; Parker 1990, 18-20 et 281-307). De même, Graf confirme et précise cette hypothèse : les rites dionysiaques purifient et libèrent, leurs effets bénéfiques sont autant valables durant la vie qu’après la mort (Platon, Rép. 364e-365a ; Johnston 1999, 144-145 ; Graf 2010, 175). Il montre, en outre, que cette idée n’est pas récente et qu’elle est déjà connue à l’époque archaïque, dès les viie-vie s. av. J.-C., en raison d’une scholie à l’Iliade qui mentionne qu’Eumélos dans son Europia racontait l’histoire de la folie de Dionysos envoyée par Héra et de sa guérison grâce à son initiation aux Mystères de Rhéa[47]. La folie est à la fois conçue comme une purification et un mal dont la seule cure possible est une purification rituelle (Parker 1990, 207-234 et 246). Comme il a été dit plus haut, la danse est certainement le moyen le plus efficace et le plus ancien de mener un rituel. Les anthropologues ont d’ailleurs montré qu’une des fonctions de la danse est d’agir en tant que « soupape de sécurité », afin de soulager des tensions (psychiques, physiologiques, sociales) : l’idée est que la danse dite « de possession » mène à une catharsis (Dodds 1977, 267-269 ; Spencer 1985, 3-8 ; Rouget 1990, 221-308). Mais selon les catégories anciennes, ces danses sont avant tout destinées à entrer en contact avec le divin, pour cela elles sont purificatrices et donc libératrices tant dans la vie de tous les jours que dans l’au-delà.
Dans ce sens, le caractère tourbillonnant des danses agit comme une voie de communication entre deux principes qui, habituellement, ne se rencontrent pas[48]. Dès l’époque archaïque, l’âme et le souffle sont reliés[49]. L’âme est comprise comme un élément volatil, aérien, alors que le corps est attaché à la terre : âme et corps se séparent, au moment de la mort, dans une expiration qui, selon les théories physiques des Grecs anciens, se dirige vers ce qui lui est le plus semblable, c’est-à-dire l’éther, une des couches les plus pures, sèches et chaudes de l’atmosphère[50]. Dans le cas précis des danses extatiques, le concept est subtil, puisque les danses tournoyantes visent avant tout à séparer ce qui est dissemblable (pur/impur ; âme/corps) afin que les principes similaires se rejoignent : l’âme se dirige vers l’éther, le corps vers la terre.
Cette séparation se manifeste sous la forme d’une chute sur le sol qui marque la perte de connaissance conséquente à l’extase dionysiaque : le corps libéré temporairement de son âme rejoint la terre. Dans l’image, le corps en chute est entrainé vers l’arrière ou l’avant, il s’arc-boute. À l’exemple d’une ménade sur une coupe à figures rouges de Bâle attribuée au peintre de la Gigantomachie de Paris et datée des années 470 av. J.-C., dont la chute vers l’avant semble être le résultat d’un violent mouvement tourbillonnant (fig. 6)[51]. Ou encore, une ménade sur un skyphos paestan daté des années 360 av. J.-C. (fig. 7) dont le corps se courbe vers l’arrière, les talons décollés du sol[52]. La présence dans le champ de l’image d’objets liés aux initiations dionysiaques, une taenia et un miroir et, sur l’autre face, d’un pan porteur de thyrse, ne permettent pas de douter de la nature des rites illustrés. Ces postures prêtées aux ménades sont très proches de celles que les acrobates impriment à leur corps, plié sur lui-même, vers l’avant ou vers l’arrière. Mais aussi des guerriers frappés à mort et chutant sur le sol[53]. Dans l’Iliade par exemple, Kébrion meurt en tombant de son char la tête en avant « comme un acrobate (arneutêr) » et, un peu loin, il est comparé à un plongeur professionnel (kubistetêr) par Patrocle[54]. Comme l’a montré Deonna (1953), l’acrobatie a une forte valeur symbolique, en particulier funéraire. Le danseur ou l’acrobate qui renverse, déforme son corps, mime la mort physique. Tout comme le plongeon est une métaphore de l’entrée dans l’au-delà[55]. De même, pour les Grecs anciens, le siège de la force vitale réside dans les genoux et la mort est notamment exprimée par l’expression « les genoux déliés[56] ». Il n’est donc pas étonnant de voir des ménades sur le point de perdre conscience les genoux fléchis, le buste penché vers l’avant ou vers l’arrière. Il s’agit d’illustrer le point de rupture, l’instant où l’âme se détache momentanément du corps lors de la syncope.
Dans le cadre de rites initiatiques, cette simulation (provoquée par les danses) de la mort est nécessaire, elle marque l’étape ultime avant l’accession au nouveau statut d’initié, compris comme une renaissance. C’est par exemple dans ce sens qu’est interprétée la scène de la ménade écroulée sur la panse d’un vase de bronze hellénistique conservé à Avenches et analysée par Bérard comme un mime de la mort de Sémélé (Bérard 1967, 77-78 ; Massa-Pairault 1978). Sur ce vase, le rapport entre l’imminence de la mort et la chute au sol est plus qu’évident : il s’agit de traduire le passage d’un état à un autre. Dans le cas du vase d’Avenches, l’idée d’un changement d’état est à mettre en relation avec l’initiation dionysiaque qui passait, entre autres à l’époque hellénistique, par la participation ou le visionnement de drames en lien avec la vie de Dionysos et notamment l’accouchement, la mort et l’apothéose de Sémélé (Bérard 1967, 70-77).
Les initiations orphico-dionysiaque visaient avant tout à préparer le postulant à la mort et en particulier au voyage entrepris par son âme vers l’au-delà. Les danses extatiques, par la violence de leur gestuelle, en sont un moyen : le but étant d’atteindre un état qui permet à l’âme de s’échapper momentanément du corps, afin de l’éduquer puis de lui montrer la route à suivre pour rejoindre l’au-delà. Les lamelles d’or découvertes dans les tombeaux des initiés étaient alors conçues comme des guides afin que l’âme des initiés puisse retrouver son chemin et atteigne l’au-delà sans encombre (Johnston et Graf 2007 ; Bernabé et Jiménez San Cristóbal 2008). Bien sûr, les initiations dionysiaques ne sont pas toutes concernées par les croyances eschatologiques, pas plus qu’elles n’incluent systématiquement des danses extatiques. Comme le souligne Burkert, ces rites sont polymorphes et il serait dangereux de trop généraliser (Burkert 2003 ; 2011, 388).
Pourtant, il semble bien exister une relation entre l’importance grandissante des cultes à mystères dans le paysage religieux grec, en particulier dans les cultes dédiés à Dionysos, depuis le milieu du ve siècle av. J.-C. — et sans doute dès la fin du vie s. — et les changements qui interviennent dans le répertoire figuratif consacré à Dionysos et son thiase[57]. À partir du milieu du ve s. av. J.-C. l’image de la ménade tourbillonnante, la tête renversée vers l’arrière, bien que cette posture soit déjà figurée sur une amphore conservée à Munich attribuée à Kloéphradès[58], se fait systématique, au point de se suffire à elle-même et de devenir un schème à part entière ; ce qui, jusqu’à l’époque moderne, a permis d’exprimer, en peinture comme en sculpture, l’agitation psychique et corporelle, ce qu’Aby Warburg nommait des « formules de pathétique » (Pathosformel ; Didi-Huberman 2001). Même séparées par plusieurs siècles, les images continuent fondamentalement à exprimer la même chose.
L’exaltation des danses ménadiques, signifiée par le tourbillonnement, dont la perte de connaissance (chute) en est parfois le résultat, est à comprendre dans le cadre des représentations figurées, comme un symbole de la joie, voire une libération procurée par un contact avec le divin (quelle que soit son intensité) et qui, dans le contexte des rites orphico-dionysiaques, consacrait le passage de l’état de postulant à celui d’initié. Sur un lécythe globulaire de Berlin, une ménade est d’ailleurs nommée Makaria, « heureuse », « bénie[59] ». Elle est à demi allongée, les cheveux défaits et couronnée de lierre, elle regarde avec calme une autre ménade écroulée sur les genoux d’une de ses compagnes. Le contact avec le divin, exprimé par la ménade inconsciente mais aussi par la danseuse tourbillonnante à droite, et la joie procurée par ce contact est évident. Makaria a accompli le rituel (peut-être est-elle une nouvelle initiée ?) et contemple les étapes franchies, le tout sous le regard bienveillant de Dionysos, le « bacchant ultime » (Santamaría 2013, 44).
Enfin, et pour conclure, le symbolisme, — peut-être — initiatique exprimé sur le lécythe de Berlin, trouve sa pleine expression dans le programme décoratif qui orne le cratère en bronze de Derveni[60]. L’iconographie complexe du cratère est entièrement consacrée à Dionysos et aux espérances eschatologiques prodiguées par les initiations orphico-dionysiaques (Barr-Sharrar 2008, 18-28 et 44 ; Barr-Sharrar 2016). Sur la frise principale y sont concentrées les postures « typiques » de l’extase ménadique : quatre ménades sont figurées tourbillonnant la tête rejetée en arrière, l’une d’elles tient un enfant par les pieds, deux autres ont saisi un faon par les pattes, chacune tirant d’un côté opposé. Une autre ménade s’écroule, les genoux fléchis, sur les cuisses d’une de ses compagnes, assise sur un rocher. Ces ménades tournoyantes s’ancrent dans une tradition iconographique, qui remonte au moins au dernier quart du ve s. av. J.-C. et qui s’étend jusque dans les productions néo-attiques (ier s. av./ier s. ap. J.-C.), voire au-delà (Barr-Sharrar 2008, 122-148). Il est évident que de telles représentations répondent à un type formel plus qu’à des postures réelles. Les ménades tourbillonnantes sont avant tout la représentation d’une idée, celle que l’on se fait de l’enthousiasme dionysiaque et qui se traduit dans les textes par des termes comme mainomenos ou bakcheios, bakchai[61].
L’étude du répertoire iconographique, en lien avec les sources textuelles, met en lumière à quel point, dès la fin du vie s. av. J.-C., le type de la ménade en proie à l’enthousiasme bacchique a pénétré les mentalités, tant il est difficile de discerner si de tels comportements sont à rattacher à des danses rituelles spécifiques à Dionysos ou si ceux-ci se réfèrent à l’idée de ce qu’est le ménadisme dans l’imaginaire antique, sans distinction entre le rite et le mythe. Dans ce sens, l’échantillon de mouvements analysé — le bond, le tournoiement, la chute — répond parfaitement à ce constat : la gestuelle spécifique aux ménades est un symptôme de leur état d’esprit. Si, dans les images et dans les textes, la ménade bondit, tournoie, puis chute sur le sol (épuisée ou prise de vertige) c’est avant tout pour rendre compte de son appartenance totale au monde de Dionysos, de sa proximité avec le dieu. Mais à un autre niveau, on peut y déceler l’expression de rituels dans lesquels la purification, sous la forme d’une perte des sens suscitée par l’agitation du corps se concluant parfois par une syncope — sorte de mort simulée —, en vue d’entrer en contact avec le divin, jouait un rôle majeur.
Appendices
Annexe
Liste des abréviations
ABV = Beazley, J. D. (1956), Attic Black-figure Vase-Painters, Oxford.
Add. = Burn, L. et R. Glyn (1982), Beazley Addenda, Oxford.
Add2= Carpenter, T. H., T. Mannack, et M. Mendoca (1989), Beazley Addenda, 2e éd., Oxford.
ARV = Beazley, J. D. (1942), Attic Red-figure Vase-Painters, 1e éd., Oxford.
ARV2 = Beazley, J. D. (1963), Attic Red-figure Vase-Painters, 2e éd., Oxford.
CVA = Corpus Vasorum Antiquorum.
DELG = Chantraine, P. (2009) [1968], Dictionnaire Étymologique de la Langue Grecque, Paris.
LIMC = Lexicon Iconographicae Mythologicae Classicae (1987-2009), 8 vol., suppl., index, Zurich.
LSJ = Liddell, H., R. Scott, H. S. Jones (1996), A Greek-English Lexicon, Oxford / Toronto.
Para = Beazley, J. D. (1971), Paralipomena, Oxford.
RM = Reinach, A. (1985) [1921], Textes grecs et latins relatifs à l’histoire de la peinture ancienne, Paris, Macula.
ThesCRA = Thesaurus Cultus et Rituum Antiquorum (2004-2012), 8 vol., Bâle / Athènes / Paris / Heidelberg / Würzburg.
Note biographique
Valérie Toillon est chercheure invitée au département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal. Elle est aussi affiliée au Perseids Project (Tufts University), où elle travaille au développement de la version numérique du « Recueil Milliet » (Reinach 1985 [1921]), en tant qu’éditrice scientifique. Ses travaux portent sur l’iconographie gréco-romaine, plus spécialement des époques archaïques et classiques.
Notes
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[1]
C’est avec plaisir que je remercie les éditeurs de la revue Théologiques pour leur invitation à contribuer à ce volume. Mes remerciements vont au Pr P. Bonnechère pour sa relecture attentive du texte et ses remarques judicieuses. Bien entendu, ma reconnaissance va également aux évaluateurs anonymes pour leurs nombreuses suggestions qui ont permis d’améliorer le texte. Toute omission ou erreur est entièrement de mon fait. Sauf mention contraire, tous les dessins sont de l’auteure.
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[2]
Voir aussi : ThesCra II s.v. « Dance », 300-301.
-
[3]
Choros désigne le groupe de danseurs-chanteurs, et/ou l’espace (ouvert ou fermé) réservé aux danses, la « place de danse » (DELGs.v. Χορός. Voir : Hom. Il. XVIII, 591). Orchéomai et ses nombreux dérivés et composés permettent de désigner plus précisément l’activité de danser, en groupe de préférence (DELGs.v. ὀρχέομαι). Voir : ThesCra II s.v. « Dance », 310-335 ; Burkert (2011, 147).
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[4]
ThesCra II s.v. « Dance », 303-304.
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[5]
Sur les danses dionysiaques, voir ThesCra II s.v. « Dance », 331-334 (Smith).
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[6]
Sur les initiations bacchiques, voir ThesCra II s.v. « Initiation », 96-101 (Burkert). Sur les cultes à mystères, voir Burkert (2003). Pour un état de la question sur Dionysos et le ménadisme, voir Bernabé et al. (2013).
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[7]
Psykter fragmentaire à figures rouges attribué à Euphronios (vers 510 av. J.-C.), Boston, Museum of Fine Arts 10.221. On situe généralement les premières figurations de ménades au milieu du vie s. av. J.-C (vers 560-530). À ce propos, voir Schöne (1987 ; Villanueva-Puig 1992 ; 2009).
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[8]
Les tragédies perdues : Thespis, Penthée ; Polyphrasmon, trilogie sur Lycurgue ( ?) ; Eschyle, une tétralogie sur Lycugure : les Édoniens, les Bassarides, Neaniskoi, Lycurgue ainsi qu’une autre tétralogie sur Penthée : Sémélé ou les Hydrophores, Xantriai, Bacchantes, Penthée, Trophoi-Dionysoi trophoi ; Sophocle, Bacchantes ( ?), Hydrophores ( ?) ; Xenoclès, Bacchantes ; Iophon, Bacchantes ou Penthée ; Spintharos, Sémélé foudroyée ( ?) ; Cléophon, Bacchantes ( ?) (Seaford dans Euripide 1997, 26-27 ; voir aussi : Gantz 1993, 113-114 et 481-483).
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[9]
Par exemple inscription de Millet (iiie/iie s. av. J.-C.) (= Sokolowski 1955, 123-124, n°48) ; de manière générale, sur les inscriptions, voir Henrichs (1978) ; Jaccottet (2003).
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[10]
Les mouvements exécutés par les ménades relèvent principalement de la gestuelle propre à la « transe provoquée » qui vise à éprouver le corps afin de sortir de soi-même (LSJs.v. ἔκστασις) et d’entrer en contact avec le divin. Sur les mouvements des ménades, voir Delavaud-Roux (1995 ; 2006) ; Halm-Tisserant (1998).
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[11]
Bien sûr, ces divisions sont arbitraires et ne disent rien du déroulement chronologique des danses, ni de l’enchaînement des postures, dont nous ignorons tout.
-
[12]
Également Euripide, Bacch. 1090 : « elles s’élancent plus rapides qu’un vol de colombes (ᾖξαν πελείας ὠκύτητ’) » ; Aissô : « se déplacer soudainement et avec rapidité (comme un projectile) » (LSJ s.v. ἀίσσω) ; diaseuomai : « darder » ; « s’élancer comme une flèche » (LSJ s.v. διασεύομαι). Seaford (1995, 330-338) interprète ces passages homériques comme l’annonce de la destruction des valeurs maritales et familiales sous l’action dionysiaque : lorsqu’elle se précipite vers les remparts, Andromaque cesse d’être une épouse, notamment en 22. 460, puisque Hector est mort. Pour Seaford, le ménadisme est avant tout un phénomène qui détruit les valeurs du foyer, tel que le mariage ou la maternité (Seaford 1993 ; 1995, 328-367).
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[13]
Amphore à figures rouges attribuée à Hermonax (vers 470 av. J.-C.). St-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage 700 (ARV2. 488.73 ; Para. 512) ; aussi : coupe à figures rouges attribuée au peintre de la Docimasie (vers 480-470 av. J.-C.). Paris, Musée du Louvre G159 (ARV².413.26 ; Add².233) ; coupe à figures rouges attribuée au peintre d’Epeleios (vers 520-510 av. J.-C.). Munich, Antikensammlungen 469 (ARV. 109.32 ; ARV2. 148.37).
-
[14]
Amphore à col, peintre d’Amasis (vers 540 av. J.-C.), Paris Cabinet des Médailles 222 (ABV. 152.25, 687 ; Para. 63 ; Add2. 43). Voir aussi : amphore à figures noires attribuée au peintre d’Amasis (vers 540-530 av. J.-C.). Bâle, Antikenmuseum und Sammlung KA 420 (Para. 65 ; Add2. 43) et une amphore à figures noires attribuée au peintre du Long Nez (vers 530-520 av. J.-C.). Toronto, Royal Ontario Museum 920.68.72, 302 (ABV.327.3 ; Add².89).
-
[15]
Coupe à figures rouges attribuée au peintre de Briséis, vers 490-480 av. J.-C., Londres, British Museum E75 (ARV². 406.2 ; Add. 115 ; Add². 232 ; Para. 371 ; LIMC III, s.v. Dionysos 470). Voir aussi : coupe à figures rouges attribuée à Makron (vers 480 av. J.-C.), Berlin, Antikensammlungen, F2290 (Para.377 ; Add.120 ; Add².244 ; ARV².462.48, 481, 1654).
-
[16]
Participent aussi à l’environnement rythmique et sonore du rituel, les coups de thyrse sur le sol, les tympana (grand tambourin circulaire), les crotales (sorte de castagnettes) et les cris rituels (tels que « eis oros » : « à la montagne ») ou encore l’ololugê. Voir Euripide, Bacch. 68, 116, 130, 141, 149, 152-153, 155-156, 689, etc. ; Calame 1977, 150). Sur le sujet, voir Bérard (1974, 75-87 : l’« appel cogné ») ; Halm-Tisserant (1998, 64-66) et Fleury, Ambiance sonore et musique dans les « Cultes à Mystères » en Grèce antique, thèse de doctorat en préparation non soutenue, Université de Montréal.
-
[17]
La parure habituelle des ménades est soit une peau de faon (nébride) nouée en travers de la poitrine, soit une peau de félin (pardalide). Par exemple, une ménade avec pardalide et un serpent noué dans les cheveux sur une coupe à fond blanc attribuée au peintre de Brygos (vers 480-470 av. J.-C.) Munich, Antikensammlungen : 2645 (J332) (ARV2 371.15, 1649 ; Para. 365 ; Add. 111 ; Add2. 225 ; LIMC III, s.v. Dionysos 333 = LIMC, VIII s.v. Mainades, 7) ; ménade avec nébride : coupe à figures rouges signée Epiktetos (510-500 av. J.-C.). Paris, Musée du Louvre, G6 (LIMC, VIII, s.v. Mainades, 25 ; ARV².72.21, 1584.3).
-
[18]
Jeunes animaux : Esch. Ag. 825-826 ; Eur. Phoen. 1125 ; Bacch. 165-169 ; 446 ; Or. 45 ; Hec. 526 ; El. 861 ; Hom. Il. 20.226-228. Voir aussi Platon, Lois II, 653d-e ; 664e, 672 b-c.
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[19]
. Skirtaô : LSJs.v. σκιρτάω (métaphorique : « être indiscipliné », « nerveux ») ; Eur. Bacch. 165, 169, 446 ; pêdaô : LSJs.v. πηδάω (métaphorique : « coeur, pouls qui fait des bonds » ; « changement soudain ») ; Eur. Bacch. 307 et 728 ; thrôiskô : LSJs.v. θρῴσκω (se dit aussi pour exprimer le mouvement des flèches ; ou des grains remués dans le van) ; Eur. Bacch. 873-874.
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[20]
Notamment dans les mythes des Proetides et des Myniades (voir : Gantz 1993, 311-313 ; 736-737). Mais aussi : Eur. Bacch. 32-36 ; 115-119 ; 692-693, etc. Les femmes sont des bakchai alors que les vierges (parthenoi) sont des « porteuses de thyrses », thyrsophorein : Eur. Phén. 655 ; Diod. 4.3.3 (Burkert 2011, 386). À Sparte, également, le culte de Dionysos Colonatas s’adressait spécifiquement aux jeunes femmes en passe de se marier et marquait la pleine acceptation de la condition de femme adulte (Calame 1977, 323-333). Cela ne veut pas dire que les hommes ne peuvent pas expérimenter le ménadisme : Lycurgue, par exemple, est frappé de folie par Dionysos (Gantz 1993, 113-114) ; Dionysos lui-même est mainoménos.
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[21]
Le bond caractérise aussi la nature indomptée des enfants et des jeunes hommes (Platon, Lois II, 653d-e ; 664e ; 672 b-c).
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[22]
LSJ s.v. mainomai (« être fou », « enragé », « inspiré »). Dionysos n’en détient pas le monopole puisque la folie peut tout aussi bien être envoyée par Héra, Artémis, Athéna ou encore Arès (Jeanmaire 1951, 115 et 198-208 ; Lonnoy 1985). Bakchao et bakcheuô : DELG, s.v. bakcheuô ; Platon, Phèdre, 234d ; Aristoph. Thesmoph. 498. Sur l’exclusivité dionysiaque des termes bakchao et bakcheuo, voir West (1975) contra Cole (1980, 226-231 ; Burkert 2003, 110 ; 2011, 157-159 et 383-386) ; pour un état de la question : Santamaría (2013).
-
[23]
Diod. XVI, 26.2-3. (LSJ s.v. thaumastos : « merveilleux », « extraordinaire »). Sur la mania divine à Delphes : Dietrich (1992). À propos des chèvres : Brulé (1998).
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[24]
Esch. Prom. 836-837. Le même verbe désigne le mouvement de Déméter dans l’HymnHomDém. 386.
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[25]
Également : Eur. Iph.Taur.1456 (« l’aiguillon des Érynies ») ; Hipp. 1300 ; Or. 791 ; Iph.Au. 77, 548 ; Soph. Trach. 653, 1254 ; Ant. 1002 ; voir LSJs.v. οἶστρος (II) ; οἶστρ-άω.
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[26]
Eur. Her.Fu.835-836 (skirtêma : « bondir ») ; 867-870 (mukâomai : « mugir »). Les personnes atteintes de folie mugissent, roulent des yeux, effectuent des ruades et s’élancent en tournoyant (Esch. Prom. 743, 788, 877-886 ; Anth. Pal. I, 6, 219). Dans les Bacchantes, 688-768 c’est par exemple le mugissement des bovidés qui annonce la course folle et prodigieuse des ménades. Dans les Guêpes d’Aristophane, Philocléon enivré, alors qu’il entame une danse faite de sauts et de tours sur place, a « les narines qui mugissent » (muktêr mukâtai). (Aristoph. Guêpes 1488. Voir le passage en entier : 1475-1530. Commentaire du passage : Borthwick (1968) ; Vaio (1971) ; Mc Dowell dans Aristophane (1988, 323-326).
-
[27]
Eur. Bacch. 445-446 ; Antiope, dont les chaînes tombent d’elles-mêmes après s’être échappée de son emprisonnement : Apoll. Bib. III. 5.5 ; Euripide, fr. 179 et 203 N2 ; Paus. IX. 17. 6. Il est probable que cet aspect emprisonnement-libération miraculeuse fut l’objet principal de la trilogie d’Eschyle consacrée à Lycurgue (Edonoi, Bassarai, Neaniskoi) ; voir West (1983, 63-71) ; Seaford (1990, 84-86 ; 2005). L’épiclèse « lusios », « qui délie », attribuée à Dionysos, est bien connue et attestée dès le milieu du ve s. av. J.-C. Il reçoit d’ailleurs à Thèbes un culte sous cette appellation attesté dès le milieu du ive s. av. J.-C. Dionysos « Lusios » : Bacch. 498 et 649 ; inscription sur une lamelle d’or (Cosenza, Calabre) datée du milieu ve siècle av. J.-C. (SEG XVI 578 = Ferri 1957) ; lamelle d’or de Pélinna (ive siècle av. J.-C.) (SEG XXXVII, 497 ; Pugliese Carratelli 2003, IIB3 et 4, v. 2, 122-123) ; inscription sur un autel rupestre en Cyrénaïque — ive siècle av. J.-C.— associée aux épiclèses « Mélikhios » (doux) et « Eumenidès » (bienveillant) (SEG XX 723 a, c, d = Oliverio 1961, 29 n. 9 a, c, d) ; Paus. II. 2.6 ; 7. 5-6 ; IX. 16. 6 ; Phot. s.v. Lusioi teletai 237, 12 = Souda s.v. lusioi teletai (L867) ; Hymn. Orph. 50. Voir Lebreton (2012, 210-211) ; Santamaría (2013, 50-51).
-
[28]
Sur la Pyrrhique en général et dans l’iconographie : Poursat (1968) ; Ceccarelli (1998) avec le compte-rendu de Goulaki-Voutira (2000).
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[29]
Sur le caractère masculin de certaines danses dionysiaques, en particulier les rares images de ménades pourvues de phallus postiches : Villanueva-Puig (2012, 222, n. 72).
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[30]
Voir le commentaire de McDowell (dans Aristophane 1988), en particulier à partir du vers 1122. La danse de Philocléon est sujette à de nombreuses interprétations. Le texte en lui-même ne donne pas d’indications précises sur le type de danse exécutée par le vieillard, seulement qu’il s’agit de pas de danse inspirés des choeurs tragiques du temps de Thespis et de Phrynichos (fin du vie-début du ve s. av. J.-C.). Certains y ont vu des allusions à la sikinnis, d’autres au kordax ou encore à la pyrrhique (Borthwick 1968 ; Vaio 1971 ; MacCary 1979 ; Auger 2008 ; Delavaud-Roux 2012). Il est plus prudent de ne pas nommer une danse en particulier mais plutôt d’y voir des allusions claires à un type de danse exécuté par les choeurs tragiques du temps de Thespis et de Phrynichos, et qui comportaient des bonds spectaculaires, ce qui pour un vieil homme peut être interprété comme un signe de folie (Mc Dowell dans Aristophane 1988, 323-325). Sur l’ivresse et la danse en tant que sources de rajeunissement pour les vieillards : Eur. Bacch.170-194 (avec le commentaire de Seaford : 166-169) ; Platon, Lois, II, 665b-666c. Le « rajeunissement » de Philocléon est exprimé plus spécialement aux vers 1341-1387 (McDowell dans Aristophane 1988, 308-311).
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[31]
Eur. Bacch.748 : « comme un vol d’oiseaux (ὣστ’ὄρνιθες ἀρθεῖσαις), les bacchantes passent, emportées par leur course » ; aussi en 1090 : « elles s’élancent plus rapides qu’un vol de colombes (ᾖξαν πελείας ὠκύτητ’) ». L’image poétique de la ménade qui, emportée par l’enthousiasme bacchique, vole dans la forêt est connue. Dans un fragment attribué à Anacréon (fr 63 Gent.) la danseuse du poème s’exclame : « puissé-je voler toute la nuit ! » (πάνννυχος πετοίμην). D’ailleurs Bravo interprète bien « petoimên » (voler) comme une métaphore qu’il faut rapprocher des vers 63-72 du Cyclope d’Euripide, en particulier le v. 72 (c’est le satyre qui parle) : « à la chasse desquelles [les nymphes] je volais en compagnie des bacchantes aux pieds blancs » (Bravo 1997, 30-32). Anacr. fr. 63 Gent. ; Eur. Cycl.72 : « ἃν θηρεύων πετόμαν βάχκαις σύν λευκόποσιν ».
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[32]
L.B. Lawler interprète ces « manches ailées » comme l’imitation d’oiseaux, l’hypothèse est séduisante mais comment expliquer la disparation du motif après les années 440 av. J.-C. ? Des ménades aux « manches ailées » apparaissent encore dans les productions attribuées au peintre d’Érétrie datées vers 440/430 av. J.-C. (par exemple : coupe à figures rouges, Berlin, Antikenmuseum F 2532. LIMC VI s.v. Kissos I.2) et que l’on pourrait interpréter comme un « archaïsme », puisque les productions contemporaines (par exemple le peintre du Dinos) favorisent le type de la ménade tournoyante, la tête rejetée en arrière. De manière plus pragmatique, certains ont suggéré que le geste de se couvrir les mains était en lien avec la saison à laquelle se déroulaient les fêtes triétériques, en hiver, les bacchantes devant alors se couvrir les mains pour les protéger du froid (bien que les hivers ne soient pas si rigoureux en Grèce, même dans les montagnes). Enfin, d’autres y ont vu une exigence d’ordre cultuelle sans pour autant l’expliquer (Lawler 1927 : 85, 94-95 ; Lawler 1942 : 360 ; Edwards 1960 : 83).
-
[33]
Cratère en calice, attribué au peintre de Kléophradès, vers 500 av. J.-C. Paris, Musée du Louvre, G162. (LIMC IV, s.v. Hephaistos 117 ; Add². 187 ; Add.93 ; ARV².186.47). Voir aussi : coupe à figures rouges attribuée au peintre de Brygos, vers 490-480 av. J.-C. Paris, Cabinet des médailles, 576 (LIMC III, s.v.Dionysos 465 = LIMC VIII, s.v. Silenoi 70, 104 A ; Para. 365, 367 ; ARV².371.14, 1649 ; Add.111 ; Add².225).
-
[34]
Sur le vol : Verdon 2007 ; Cursaru (Petrisor) 2009, 99 sq., 196 sq., 350-362.
-
[35]
Hydrie à figures rouges (Lybie, Cyrenaïque), vers 420-400 av. J.-C. Madrid, Museo Arqueologico Nacional 11134.
-
[36]
Euripide, Bacchantes, 569-570 : « les ménades tourbillonnantes » (εἰλισσομένας Μαινάδας). Voir LSJs.v. εἰλίσσω I.2, II.1 : « tourner en rond, sur soi-même, tourbillonner (pour la danse) », idée d’enveloppement.
-
[37]
Cratère en cloche à figures rouges attribué au peintre du Dinos (vers 440-430 av. J.-C.). Bâle, Musée H. Cahn, HC 1623. DELGs.v. δίνη, δῖνος, δινέω ; LSJs.v. δινέω « tournoyer en tout sens » en particulier pour les danseurs. Cf. Il. XVIII, 494 ; Xénoph. Ana. 6, 1, 9 ; Kossatz-Diessmann (1991, 390-140 et 178, fig. 7).
-
[38]
LSJ s.v. ἕλιξ 2 (gén. : « tout ce qui est en forme de spirale »). Stamnos à figures rouges, attribué au peintre de Midas (vers 430 av. J.-C). Yale, Art Gallery 1913.132. Une autre lecture de l’inscription, qui est lacunaire, est Mélikè (« doux comme le miel »). Appellation tout à fait valable pour une ménade (Kossatz-Diessmann 1991, 181 ; LIMC, IV s.v. Helike 1). RE VII s.v. « Helike » 2855-2862. Sur un skyphos de Catania (coll. Zapallà, milieu du ve s. av. J.-C.), c’est un satyre qui est nommé Hélikon, associé sur l’autre face à une ménade nommée Bacchè. Deux noms appropriés pour souligner l’agitation du thiase bacchique. L’autre hypothèse est que le nom du satyre soit une référence à Hélikon, la montagne des muses, et serait lié au mythe de Krotos, le fils de Pan, transformé en la constellation du Sagittaire, figurée soit sous l’aspect d’un centaure ou d’un satyre (LIMC IX supp.1. s.v. Helikon I = Bakche add.1). Le lierre en grec se dit : kissos, kittos, hélix, kissaros, ipsos. Dans l’Hymne Homérique à Dionysos 7 (40-41), l’épiphanie dionysiaque se manifeste notamment par la croissance subite de lierre qui s’enroule autour du mat du navire des pirates Tyrrhéniens (εἱλίσσετο κισσός). Plutarque mentionne des ménades qui mâchent du lierre leur procurant une « ivresse sans vin » (Plut. Quest. Rom. 112). Voir Simon dans RAC IV s.v. « Efeu » (en part. 612-616).
-
[39]
La même idée se trouve exprimée dans les représentations issues du « corpus des Lénéennes » : l’ensemble des gestes des ménades a pour but d’activer la présence divine (Collard 2016, 125-151).
-
[40]
Cratère à volutes lucanien attribué au peintre des Karneia (vers 400 av. J.-C.). Tarente, Musée archéologique national 8263 (Trendall 1989, fig. 23). Photographie : P. Bonnechère.
-
[41]
Il en va de même pour la danseuse qui s’écroule figurée sur le cratère de Derveni. Le mouvement cesse mais les vêtements et le haut du corps de la ménade sont encore agités par l’excitation des danses (Barr-Sharrar 2008, 133-137, fig. 123 et pl. 6).
-
[42]
L’étymologie est obscure, il semble qu’il s’agisse d’un dérivé de thuô qui signifie à la fois « faire un sacrifice », « s’élancer avec fureur » (comme la tempête) ou encore « bouillonner » (DELGs.v. θύω ; LSJ s.v. θύω). Paus. X, 6.4 ; 158, 168-169, 178. Sur les Thyiades de Delphes : Villanueva Puig (1986).
-
[43]
Stamnos à figures rouges, attribué à Oltos (530-500 av. J.-C.), Londres, British Museum E437. (CVA, Br. Mus. III, I.c., Pl.19).
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[44]
Il pourrait également s’agir d’une référence au Parnasse et aux danses extatiques effectuées par les ménades de Delphes (Villanueva-Puig 1986 ; Dietrich 1992).
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[45]
Il est possible qu’à l’origine les cultes en l’honneur de Dionysos aient eu un rapport avec la mort puis le renouveau de la nature (Dietrich 1992, 52-53 ; Halm-Tisserant 2004). Il s’agissait alors principalement de rites agraires, en lien avec la fertilisation de la nature et son renouveau (Valdès Guia 2013). La purification tient un rôle clé dans les rites de renouveau et il se peut que des initiations y aient été associées. De même, Dionysos étant un dieu qui meurt puis renaît (avec toutes les précautions d’usage), il n’est pas étonnant que, par la suite, les croyances eschatologiques véhiculées par les pythagoriciens et les orphiques au cours du vie siècle av. J.-C. s’y soient greffées (Parker 1990 ; Dietrich 1992). Comme Dionysos est un dieu multiple qui englobe toutes ces particularités, nos divisions cartésiennes de pensée ne s’appliquent pas pour les Grecs.
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[46]
La même idée est valable pour Trophonios qui ne rend son oracle qu’à celui qui s’est purifié corps et âme suivant un long rituel affaiblissant (Bonnechère, 2003).
-
[47]
« Dionysos a été purifié à Cybèle en Phrygie par Rhéa et a reçu d’elle les rites et la tenue » (Eumelos F.11 Bernabé (Scho.A. Il. 6.131) d’un scholion dans Lycoph. Alex.273) ; Graf (2010, 169-171) ; Johnston et Graf (2007, 146).
-
[48]
C’est un peu le même principe qui s’applique à la danse (« samâ ») des mevlevis (« derviches tourneurs ») : le danseur tournoie afin de recevoir la parole divine qu’il pourra alors transmettre, la tête inclinée et l’oreille tendue, une main vers le ciel, l’autre vers le sol. Le corps du danseur agit alors comme une véritable voie de communication entre deux espaces, ou deux principes divergents, en l’occurrence l’humain et le divin. La danse est à la fois initiatique, cosmique et mystique (Ambrosio 2006, 145-171).
-
[49]
Hom. Il. V, 696-698, etc. ; Pind. Pyth. 3, 100-105 ; voir aussi le verbe empnéô : « se remettre à respirer » et à la forme intr. « être animé d’un souffle divin, être inspiré » (DELGs.v. πνέω ; LSJs.v. ἐμπνέω 2, II.2). Voir Barra-Salzédo (2007).
-
[50]
On sait que l’idée est répandue au moins dès la fin du ve s. av. J.-C. : Eur. Med. 1218 ; épigramme du Céramique de 432 pour les Athéniens morts à Potidée, IG, I³, 1179 = Peek, Griechische Vers-Inschriften, 20 ; Eur. Supp. 531-536 (voir Bonnechère 2003, 169-171). Le sujet est traité plus en détail dans Toillon (2014, 105-110 et 124-127).
-
[51]
Bâle, Antikenmuseum und Sammlung Ludwig, BS.1906.276. (Add².234 ; ARV².418.16 ; LIMC.VIII s.v. Mainades 39).
-
[52]
Skyphos paestan à figures rouges, vers 360-320 av. J.-C., attribué au peintre du Python. Londres, British Museum F253.
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[53]
Acrobates : Coupe à figures noires (vers 530 av. J.-C.), Boston, Museum of Fine Arts 67. 861 (Add2 56) ; Skyphos à figures rouges (vers 480 av. J.-C.). Tampa, Museum of Art 1986.093 (86.93). Guerriers : Cratère en calice à figures rouges, attribué au peintre de Tyszkiewicz (vers 490-480 av. J.-C.). Boston, Museum of Fines Arts 97.368 (ARV².1591, 290.1 ; ARV. 185.1 ; Para. 355 ; Add. 104 ; Add². 210 ; LIMC. I s.v. Achilleus 833) : Memnon s’écroule vers l’arrière, les yeux révulsés, la posture désarticulée de Melanippe, face contre terre. Également : Encelade sur un lécythe à figures rouges attribué à Douris (vers 490 av. J.-C.). Cleveland, Museum of art, 1978. 59 (LIMC IV s.v. Gigantes 350).
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[54]
kubistetêr se rapporte à la fois au plongeur et à l’acrobate. Hom. Il. XVI, 745-750 (voir, sur ce passage : Aubriot 1999, 42-43). Même chose pour la mort d’Épiclès : « il tombe [la tête en avant], comme un plongeur (arneutêr), du haut mur : la vie quitte ses os » (Il. XII. 385). Eur. Phén. 1151 : « jetés à terre comme des acrobates expirants » (kubisteteras ekpneukotas) ; Supp. 692 : « ils plongent la tête en avant sur le sol » (ekkubistaô). LSJ s.v. κυβιστάω.
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[55]
« L’âme plonge (duô) dans l’Hadès » : Hom. Il. VI. 411 ; « je descendrai (duô) dans l’Hadès » : Od. XII. 383 ; Soph. Ajax 1192 ; Eur. Élec. 1271 ; voir LSJ s.v. δύω 2 ; également : LSJs.v. κολυμβάω « plonger », « sauter dans l’eau ». Phérécr. Fr. 108 Kock (= Ath. VI, 268e) : « plonger dans le Tartare ».
-
[56]
« ta gounata luein » Hom. Il. V. 176 ; VIII.329 ; XI. 240, 355 ; XIII. 360, 142. Sur les genoux, sièges de la force vitale, voir Onians (1999, 215-229, en part. 222-224) ; Mehl (2008, 32).
-
[57]
Les idées concernant la mythologie orphico-dionysiaque (la catabase de Dionysos et l’apothéose de Sémélé ; l’assimilation entre Osiris et Dionysos ; le mythe du démembrement de Dionysos) sont connues et en circulation depuis au moins la fin du VIe siècle av. J.-C. (Johnston et Graf 2007, 66-86). Tout comme il semblerait que la trilogie perdue d’Eschyle, la Lycurgeia ait déjà contenu des éléments mystériques en lien avec les cultes orphiques et pythagoriciens. Notamment la pièce intitulée « Bassarai » dont l’intrigue raconte la punition d’Orphée par les Bacchantes thraces, suite à une faute (West 1983 ; Seaford 2005). De même, dans la description que donne Pausanias (X. 29.5) de la Nékyia de Polygnote de Thasos à la Lesché des Cnidiens (datée vers 460 av. J.-C.) figure Thyia, fille de Kastalios du Parnasse. Cette Thyia serait la première prêtresse de Dionysos à Delphes (Pausanias X, 6.4) et donc à l’origine des Thyiades, les bacchantes delphiques, qui exécutent des danses extatiques sur le Parnasse (Villanueva-Puig 1986, 43). Selon les différentes analyses proposées de cette peinture, il est évident que Polygnote a peint une vision de l’au-delà fortement influencée par les espérances eschatologiques véhiculées par les cultes à Mystères — présence de Cléoboia, fondatrice des mystères d’Éleusis à Thasos, et surtout des amuethoi, « les non-initiés » — (Stansbury-O’Donnell 1990 ; Cousin 2000, 87-98 ; Roscino 2012, 92-99). Thyia est peut-être un ajout de Polygnote car elle ne figure pas dans la Nékyia homérique (mais on ne sait pas si cette Nékyia est exhaustive). Elle est une référence aux cultes dionysiaques dans le sanctuaire delphique, où Dionysos est depuis les origines, associé à Apollon (RM, 118-119, 107b ; Dietrich 1992). La présence de la fondatrice mythique des célébrations dionysiaques à Delphes, dans une peinture représentant un au-delà apaisant, lié aux initiations mystériques, n’est pas un hasard et semble indiquer que Dionysos et les cultes qui lui sont associés ont tout à fait leur place dans ce contexte eschatologique.
-
[58]
Amphore à figures rouges attribuée au peintre de Kéophradès (vers 500-490 av. J.-C.). Munich, Antikensammlungen 8732 (LIMC VIII s.v. Mainades 36 ; ARV.121.5 ; ARV2. 182.6, 1632 ; Para. 340 ; Add. 93 ; Add2. 186).
-
[59]
Lécythe globulaire à figures rouges attribué au peintre d’Eretrie (vers 425/20 av. J.-C.), Berlin, Antikenmuseum F2471 (perdu) ; LIMC VI s.v. Makaria II 1(= Dionysos 334 = Kale 1 = Kisso1) ; ARV2. 1247,1 ; Para. 469 ; Add2. 353. Voir LSJ s.v. makarios ; sur la bénédiction et la joie dans les initiations bacchiques : Burkert (2011, 385-390).
-
[60]
Daté vers 370 av. J.-C, le vase fut sans doute d’abord utilisé dans le cadre de rites initiatiques en lien avec les mystères dionysiaques pour ensuite, vers 320 av. J.-C., servir de vase funéraire, dans lequel les cendres d’un homme (35-50 ans), peut-être lui-même un initié, y furent déposées.
-
[61]
Voir supra n. 23.
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