Abstracts
Résumé
Vivre sa mort est une réalité complexe, voire paradoxale qui échappe à l’expérience immédiate. L’article l’aborde à la lumière de l’expérience religieuse fondamentale de l’Afrique noire. En partant des rites funéraires et des rites initiatiques en tant que morts symboliques, on établit un parallélisme systématique, une homologie suggestive, entre la dynamique africaine de la mort initiatique qui fait avancer sur l’axe dialectique d’accroissement de la vie et l’économie du salut par la croix qui ouvre à l’homme l’accès à Dieu. Cette caractéristique partagée permet de voir dans la croix du Christ une réalisation concrète devant laquelle la tradition initiatique peut se redécouvrir comme dans un miroir, tout en y découvrant quelque chose de facilement crédible. La réalité du vivre sa mort est donc saisie, au point où logique chrétienne et logique africaine se rencontrent. Elle apparaît comme une disposition religieuse et une marche de la personne humaine dans l’élévation spirituelle vers Dieu.
Abstract
Living one’s own death is a complex and paradoxical reality which escapes the immediate experience. This article sheds light on this complexity from the fundamental religious experience of Black Africa. From the funeral and the initiation rites considered as symbolic deaths, one can establish a systematic parallelism, a suggestive homology, between the African dynamic of the initiatic death that leads to the dialectic line of the growing of life and the salvation economy through the mystery of the Cross that ends in human’s divinization. This shared characteristic enables the African Christian to see through the Cross of Christ a concrete realization in which the initiatic tradition can lead to the process of its own discovery as in a mirror by finding therein something easily credible. In sum, the lived experience of one’s death is grasped where both the Christian and the African logics find a common ground, as a starting point of a dynamic of spiritual uplifting towards God.
Article body
À notre ami Martin Uhegbu Nwakamma, OMI, décédé accidentellement le 2 décembre 2009 au Cameroun.
Le Death and Dying Movement, né aux États-Unis à la fin des années 1960, distingue entre la mort (Death) et le mourir (Dying). La mort est l’arrêt des fonctions vitales, le passage de la vie à la non-vie. Le mourir et l’expression « vivre sa mort » concernent la dimension psychoaffective, socioculturelle et spirituelle de la vie du mourant et de son entourage durant la période et le processus qui mènent à la fin de la vie (Abiven 1979). L’idée de vivre la mort ou de vivre sa mort fait donc appel à la différenciation entre la mort comme fin de la vie et le mourir comme processus qui aboutit à la mort. Ainsi, le mouvement américain aide à approfondir la manière dont les hommes appréhendent et vivent leur mort. Des ouvrages comme On Death and Dying de Kübler-Ross (1969) et The Experience of Dying de Mansell Pattison (1977) établissent les métamorphoses successives des états psychologiques des mourants. Ces résultats sont intéressants. Les mêmes méthodes peuvent éclairer aussi les sentiments et réactions des entourages des mourants, dans une synergie favorable à la recherche contemporaine des meilleurs moyens d’accompagner les mourants vers une « bonne mort ».
Mais vivre la mort implique aussi des valeurs culturelles qui orientent et donnent sens aux attitudes devant sa propre mort ou la mort des autres. Ces attitudes sont commandées par les significations religieuses ou philosophiques qu’on attribue à la mort. En Afrique, les rites initiatiques qui articulent le système de pensée traditionnel reposent sur des expériences vécues comme une véritable mort faisant renaître à une vie nouvelle (Mupaya Kapiten 2008, 204-206). Mais que signifie, dans ces traditions, vivre sa mort ? Et, devant l’appel du dialogue interreligieux et de l’inculturation de la foi chrétienne, comment cette signification africaine du vivre sa mort peut-elle interagir avec le mystère de la croix du Christ ?
Le présent article tente de répondre à ces questions. Nous commençons par établir les perceptions de la mort en partant de la pensée religieuse sous-jacente aux traditions initiatiques. Ensuite, nous considérons la manière dont les rites funéraires transforment la mort en un regain de vie pour la famille. Le point culminant de l’article est le troisième. Il aborde le vécu de la mort dans les rites initiatiques en relation avec le destin et la vérité religieuse de l’homme. Les deux derniers points articulent un essai de lecture initiatique du mystère de la croix et la manière dont la mort vécue dans les traditions initiatiques spiritualise l’homme. À la fin du parcours, nous verrons que les traditions initiatiques rejoignent le mystère du Christ sous une forme de célébration vivante et qu’ensemble, ils reflètent quelque chose d’universel qui dévoile, en Afrique, un « soubassement culturel et spirituel capable de la grâce et de la rédemption selon l’évangile » (Sanon 1990, 39).
1. « Paroles primordiales » : la mort et la vie dans la pensée religieuse africaine
Le drame de la mort tourmente la conscience humaine de tous les temps. En Afrique, il affecte « la base du sentiment religieux et le fond inconscient de la réflexion philosophique » (Zahan 1970, 62). La « mort africaine » fait l’objet de nombreuses études : perceptions de la mort, attitudes et comportements devant la mort ; psychologie des états d’esprit devant la mort, anthropologies des rites et cérémonies funéraires ; analyses des chants et des danses, des lamentations, des poésies, des discours et des oraisons funèbres ; symbolique de l’art mortuaire (Gwete 1995, 59-82) ; comparaisons et liaisons avec l’Égypte ancienne ; au-delà et eschatologie africaine ; croyances et pratiques relatives aux ancêtres et à leurs pouvoirs (Mujynya 1969, 199-208), relations entre les vivants et les morts (Mbonji 2006), etc. Mais avant de relire ces acquis et d’y cerner le mourir initiatique comme expérience religieuse, nous partons de deux traités de sources profondes des pensées africaines.
Le premier traité est l’analyse des mythes d’origine de la mort faite par Dominique Zahan. Dans cette étude, il met en évidence trois grandes idées africaines de la mort (Zahan 1970, 62-72) :
69-72
La mort et la vie sont intimement liées ; la mort ne se comprend qu’à l’intérieur de la dialectique avec la vie, et la vie, dans la dialectique avec la mort.
« […] la vie et la mort ne se conçoivent pas sans référence à l’intervention du “ciel” » (68), en dehors de la relation à Dieu.
La mort s’enracine aussi dans la condition humaine, dans la modalité d’être de l’homme, qui reste liée à la génération (sexualité), au sommeil (nécessité de repos régénérateur de forces), à l’alimentation et à la séparation de la pourriture, aux questions d’hygiène.
Les trois idées découlent de deux catégories de mythes. D’un côté, les mythes qui « se présentent comme des raisonnements spécieux liant l’immortalité de l’être humain à une exigence que celui-ci ne peut satisfaire parce qu’elle implique la négation d’un des aspects essentiels de cette même condition humaine » (Zahan 1970, 63). La fable du caméléon est un remarquable exemple de cette catégorie qui expose l’homme à l’angoisse de l’immortalité manquée[1]. De l’autre côté, les mythes apparaissant comme « de simples signifiants redondants de la condition humaine » (62-63). Ceux-ci témoignent d’une réflexion mettant en oeuvre l’intelligence et la liberté humaines, dans un usage où prévaudrait la manière d’être de l’homme dans le monde. « L’homme “opte” pour la mortalité parce qu’elle est conforme à sa condition » (72). Certains mythes de la condition humaine reflètent l’état émotionnel que doit engendrer la mort. Ils inspirent l’attitude dans laquelle il faut vivre la mort. Ils règlent la conduite requise en situation de mort. Le mythe du chasseur Kassongo parvenu au village de Dieu est un véritable paradigme de cette catégorie[2]. Dans sa finale, il fournit un fondement à la ritualité funéraire, qui passe pour une réponse à un décret divin.
Le second traité est une étude de Miklos Vetö (1961) sur la responsabilité de l’homme dans le surgissement de la mort. L’auteur distingue également deux séries de mythes, qui déploient une gamme de pensées différentes. Une première série exclut toute responsabilité humaine : la mort provient de la « méchanceté plus ou moins gratuite d’une autre créature ou bien des caprices de Dieu » (Vetö 1961, 79). L’autre série, plus riche et nuancée, montre comment même en tant qu’accident, la mort est imputable à l’homme, à cause de ses propres défauts : imprudence, paresse, incapacité à veiller, mensonge, légèreté, désinvolture, versatilité, jalousie, méchanceté, désobéissance à Dieu, etc. Dans un passage qui vérifie le rôle de Dieu, Vetö présente des fables congolaises où « c’est Dieu qui est offensé et souffre dommage, mais c’est une justice indépendante de lui qui se venge de l’homme » (Vetö 1961, 84).
Les deux analyses montrent, entre autres choses, comment, loin de « nous renseigner sur l’origine de la mort » (Zahan 1970, 75), les mythes articulent davantage l’« attitude de l’homme à l’égard de la mort elle-même » (Vetö 1961, 92) ; « ils laissent apparaître la conception de leurs détenteurs au sujet de la condition humaine » (Zahan 1970, 75). Ils représentent donc un discernement du mystère de la mort et de la vie à partir de la condition humaine, en vue d’un ordonnancement rituel et éthique favorable à la vie immortelle que Dieu, aussi bien que l’homme, souhaite. La part d’objectivité qu’on y reconnaît à la loi de la mort conforte l’homme « comme disposant librement de la vie et de la mort » (Vetö 1961, 87), car la mort lui fournit « une expérience bien plus réaliste et plus convaincante que la vie » (Zahan 1970, 75) et la soumission « à l’autorité paternelle de Dieu […] ne l’empêche pas de garder sa liberté » (Vetö 1961, 92).
Si nous considérons précisément la multiplicité des points de vue dans les mythes comme un signe de tâtonnements et de délibérations dans le discernement, force sera de constater que, en réalité, les discours mythologiques ne divergent ni ne se contredisent. Il n’y a pas, d’un coté, une voie ou des lois d’autorité divine qui mèneraient à l’impasse et, de l’autre, un chemin de liberté humaine ou des lois naturelles de l’existence qui seraient plus aisées. Au contraire, les lois de la nature et les lois de l’histoire semblent s’enchaîner dans la même loi divine au niveau primordial de la sacralité comme vérité de l’être humain au carrefour de la création. Au-delà des dichotomies inappropriées que les analyses risquent d’introduire, la pensée traditionnelle peut retrouver son unité originelle à partir de cette focalisation sur le discernement. Elle dispose le mythe à la base commune à toutes les traditions comme la parole primordiale de l’homme devant la vie menacée, le verbe par lequel il interroge les énigmes de l’existence pour les élucider et les surmonter (Mveng 1974).
Les mythes affirment l’immortalité comme l’attribut premier de l’homme, antérieur à la mort. « La vie (l’“immortalité” originelle) constitue la donnée fondamentale de la manière d’être de l’homme, celle d’où toutes les autres découlent » (Zahan 1961, 75). La mort se range parmi les accidents. Elle reste surmontable, notamment à travers les rites, en accord avec Dieu qui, le premier, « médita sur le destin de l’homme et arriva à la conclusion qu’il fallait lui communiquer définitivement l’immortalité » (Vetö 1961, 77). Aussi les reprises africaines en aval de l’anthropologie coloniale voient-elles en Dieu un « allié de l’homme » dans l’option pour la vie et la lutte contre la mort (Mveng 1974, 20). Les mythes fondent la mort comme la vie dans la relation entre Dieu et l’homme, médiatisée par la parole (le message), c’est-à-dire dans le dialogue de refus ou d’accueil entre l’homme et Dieu (Mveng 1974, 7). On l’entend dans le récit du chasseur Kassongo, où les hommes « doivent tous apprendre à mourir ». Ce mythe présente les rites funéraires comme étant précisément un « apprendre à mourir », une initiation à la mort pour la surmonter et accéder à l’immortalité.
2. « Apprendre à mourir » : la mort et l’immortalité dans les rites funéraires africains
Les études sur « la mort africaine » établissent que les comportements rituels tendent à faire accueillir la mort pour mieux s’en débarrasser, la sublimer, la surmonter. Le décès d’un homme plonge le clan dans le fantasme de la mort. Tout comme le défunt lui-même s’éloigne du village, la famille éprouvée reste en marge de la communauté (Thomas et Luneau 1969, 215). Si les femmes s’enduisent de cendres, de chaux ou de couleurs, c’est pour signifier leur ensevelissement symbolique, leur identification au défunt, leur « participation à l’état du mort » (Hochegger 1967, 15). Le rituel funéraire fait donc assumer la mort sur le plan symbolique, pour en sortir « blanchi », revitalisé sur le plan réel. La solidarité du clan pendant l’épreuve peut apporter un surcroît de sécurité (Pazzi 1968, 260). Mais le rite funéraire est avant tout une première forme du « vivre la mort ». Une mort symbolique pour l’ouverture à l’immortalité.
Les rituels funéraires affirment l’immortalité de la famille africaine. « L’individu naît et meurt, mais la famille tribale ne meurt pas, elle s’identifie à la vie » (Thomas 1987, 321). Toute la discipline du comportement pendant le deuil vise à garantir l’immortalité du clan par-delà l’assaut présent de la mort[3]. La participation et la redistribution de la mort s’enracinent dans l’idée que c’est par la solidarité dans la mort que l’on peut venir à bout de la mort, comme cela apparaît aussi dans le mystère du Christ[4]. En soudant la famille autour du défunt, le rituel funéraire apparaît dans sa signification initiatique. D’abord, dans le sens où il fait participer à la mort pour dépasser les affres de la mort. Ensuite, au sens de l’initiation comme articulation identitaire engageant le destin commun. Enfin, au sens d’apprendre, comme cela apparaît dans l’idée d’« apprendre à mourir » qui investit le rite funéraire d’une fonction liturgique, en tant que célébration signifiant un culte à Dieu.
On le voit, en Afrique, le problème de la mort et de la vie se pose au centre de « la rencontre de l’homme avec Dieu à travers l’expérience de la vie de tous les jours » (Mveng 1987, 16). C’est à partir de la vie quotidienne que la mort accule l’homme à son destin de vérité, au point de fixer l’enjeu du rite initiatique (Kahang’a Rukonkish 1987), là où la mort se fait expérience et se donne à vivre.
Nous pouvons donc retenir qu’en Afrique noire la ritualité funéraire apparaît comme étant d’institution divine, comme l’expression d’un culte divin où l’homme s’initie à mourir pour venir à bout de la mort. La ritualité initiatique, en revanche, est d’institution ancestrale (Mupaya Kapiten 2008, 169). C’est l’engagement réfléchi de l’homme dans la logique divine qui fait triompher de la mort par le moyen de la mort sacrificielle courageusement assumée.
3. « Vivre sa mort » : la mort et la vérité de l’homme dans les traditions initiatiques africaines
Le père Engelbert Mveng est un des chercheurs qui ont le mieux approfondi les traditions africaines. Comme il l’a vu,
le rite d’initiation, dans toute l’Afrique, apparaît comme une célébration symbolique et en quelque sorte sacramentelle, du grand drame de la vie et de la mort. L’homme y apprend à mourir pour retrouver la vraie vie. Au centre du rite, le caveau de la mort. Le jeune homme y affronte les épreuves les plus terribles de sa vie. Il croit réellement porter l’assaut direct de l’Adversaire. Il vit un moment qui récapitule pour ainsi dire tous les moments de sa vie, tous les temps critiques où la Vie se sent menacée, où la durée devient destinée de l’homme, et où ce dernier se ramasse tout entier dans l’exclamation de la prière. Le rite d’initiation apparaît ainsi comme une révélation du mystère de la vie au jeune homme sortant de l’enfance. On songe à la parole primordiale de Dieu à l’homme tremblant devant la mort. « Sans la mort, la vie ne serait plus la vie ! »
Mveng 1974, 37-38
Les rites initiatiques orchestrent la mort dans une multitude de registres symboliques.
[La] mise à l’écart ou retraite symbolise la mort et le retour à l’état antérieur ; la cabane initiatique est le ventre maternel où l’on retourne à l’état embryonnaire pour pouvoir être contemporain de la création du monde ; dans les épreuves qu’il y subit, l’initié revit la cosmogonie ; la tombe initiatique que l’on creuse et dans laquelle le néophyte descendra pour être recouvert de feuilles de bananier est un des moments forts de la réalisation de la mort.
Kabasele Lumbala 1990, 23
Le tunnel parsemé d’épreuves que le néophyte doit parcourir dans le rite So du Sud-Cameroun symbolise la traversée de la mort (Ngondo Dishono 2002, 153).
Laleye a catégorisé les images et exercices choisis dans différentes cultures africaines pour donner la mort et réaliser la résurrection dans les rites (Laleye 1990, 61-62). Les multiples formes de symbolisation, les métaphores religieuses, les images et signes de la mort, le « pouvoir de suggestion » des « choses parlant de la mort par elles-mêmes », le retentissement du « souffle des ancêtres morts » dans la « voix » des « choses » du monde[5], tout comme le fait de pouvoir discerner des présages de la mort d’un homme dans les comportements d’espèces animales, d’essences végétales, dans la mine de l’atmosphère, dans les signes célestes ou dans le langage de la nature en général (Faye 1997, 170-176), toutes ces logiques associatives restituent l’homme au monde. Elles montrent que la mort d’une personne humaine est un bouleversement universel qui affecte le réseau interrelationnel de la famille humaine, l’équilibre et l’harmonie de l’écosystème.
Nous l’avons déjà vu. Dans le rite funéraire, la mort est gérée dans une économie de redistribution solidaire. Le rite initiatique, en revanche, transporte la mort sur le plan du destin commun. Il la saisit en profondeur, dans un désir d’objectivité, et la traite au coeur battant de la vie. Le rite initiatique manoeuvre la mort à partir de la réalité du monde qui, dans sa totalité, se récapitule dans l’homme. D’où la fonction (universelle) de liturgie cosmique qui marque le rite initiatique d’un sens aigu de la totalité, c’est-à-dire « de l’expressivité du monde antérieure à l’intention de l’homme de signifier, de relier à autre chose, à l’autre. » (Kahang’a Rukonkish 1987, 251) C’est donc cette relation indestructible au tout qui situe la mort au coeur de la vie comme une « dimension profonde de l’être-là de l’homme » (Kahang’a Rukonkish 1987, 251).
Ce rapport, qui apparaît chez Kahang’a Rukonkish, entre le pathos de la vie et le destin de l’homme au niveau de la sacralité comme vérité de l’être, se résume dans la perception de l’homme comme corps. Il est l’univers en miniature, le « rendez-vous de toute la création ». Il est doté de parole comme d’un pouvoir surnaturel d’interprétation pour structurer l’univers, lui imposer un ordre, le rendre habitable et lui assigner un sens. Or c’est précisément sur cette mise en scène du corps que la mort se déchaîne dans le rite initiatique, comme une expérience destinée à éveiller à lui-même le jeune homme et toutes ses facultés en relation avec la totalité, « aux forces de l’Invisible » (Sanon 1990, 44), à « l’expressivité du monde », à la vérité de l’être. Le rituel initiatique exerce cette prérogative de l’homme sur la totalité et sur la mort qui en affecte le destin. Il investit l’homme des attributs et pouvoirs humains fondamentaux.
Cette pensée de l’initiation dans le rapport de vérité suggère que vivre sa mort initiatique inscrit l’initié dans une dynamique d’adhésion à la vérité de l’homme. La mort initiatique est une transmutation d’états de vie, à l’intérieur de ce que Mveng appelait « projet de l’homme en tant qu’être religieux », et qui se déploie comme l’horizon herméneutique de la condition humaine à partir de la mort (Mveng 1974, 5-7). L’éveil à la vérité saisit la mort dans la structure fondamentale du monde, à l’intérieur d’une dialectique qui organise la mort sacrificielle de l’homme comme le moyen paradoxal de venir à bout de la mort. Quelque chose de ce genre détermine le mystère de la croix du Christ, « vainqueur de la mort par son sacrifice » (TOB) qui a posé « dans la mort éternelle un manifeste de la vie éternelle » (Levie 2011). Du côté africain, la croyance en une vie après la mort étant admise, le rite organise un procès initiatique qui, par la mort sacrificielle symbolique de l’homme, vise en fin de compte celle du symbole global et de l’adversaire, « mort[6] ». Du côté chrétien, la complexité recouvre un procès de mort sacrificielle historique et réelle en croix, suivie d’un retour miraculeux à la vie, signe et promesse de résurrection et vie éternelle pour quiconque croit au Christ.
4. « Debout comme égorgé » (Ap 5,6) : le Fils de Dieu vivant sa mort en héros initiatique
À la consécration de Jésus au temple, Syméon lut dans l’enfant un signe de contradiction (Lc 2,34). Sa croix, « scandale pour les Juifs, folie pour les païens » (1 Co 1,23), matérialisera ce destin dramatique pourtant bienheureux. L’épître aux Hébreux épilogue sur le sort impressionnant du Fils de Dieu. Obéissant, « saint, innocent, immaculé » (He 7,26), solidaire des pécheurs, abandonné à un supplice infâme, il « se trouve, à cause de la mort qu’il a soufferte, couronné de gloire et d’honneur » (He 2,9). Homme véritable, il partage à fond « le sang et la chair » (He 2,14), c’est-à-dire la condition humaine. « Aux jours de sa chair », saisi lui aussi de « crainte de la mort », il « offrit prières et supplications avec grand cri et larmes à celui qui pouvait le sauver de la mort » (He 5,7). Mais, comme « il convenait, […] à celui pour qui et par qui tout existe et qui voulait conduire à la gloire une multitude de fils, de mener à l’accomplissement par les souffrances l’initiateur de leur salut » (He 2,10), le Christ offrit son corps (He 10,5-8). Et « il fut exaucé en raison de sa soumission » (He 5,7).
L’épître élabore la présentation sacerdotale du mystère du Christ sur la base des institutions cultuelles de l’Ancien Testament. Le Crucifié accomplit une figure traditionnelle. Il est « l’Agneau égorgé, sur le trône de la gloire paternelle » (Urs von Balthasar 1981, 11). Sa mort sur la croix est un sacrifice expiatoire, dans un sens qui rappelle aux Africains le protagoniste initiatique livré « par ceux-là même à qui il doit la vie » (Mudiji Malamba 1989, 164), héros parce que victime, devenant le « lieu de résolution bénéfique pour la société en mal d’harmonie » (Kahang’a Rukonkish 1987, 254). La mort du Christ est cause de salut pour les hommes, ses frères, et motif de gloire pour Dieu, son Père. La peine légale des pécheurs qu’il subit l’exclut du peuple élu, et l’unit au Dieu Saint ! « Dieu l’a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort » (Ac 2,24), « […] l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom » (cf. Ph 2,9). En Afrique, le parcours de héros triomphant lui attire aussi des noms de force, des titres d’honneur, des attributs glorieux : « Fils unique de Maweze/Dieu », « Ancêtre à qui sont les hommes », « Aîné », « Prince héritier », « Chef », « Héros aux innombrables flèches », « Arc-en-ciel qui arrête les pluies », « Bouclier à briser les guerriers », « qui porta l’éléphant à son flanc », « ceinture qui tient en place les viscères » (Museka Ntumba 1988, 191-271), initiateur qui trace la voie, porte qui ouvre l’accès, etc.
Articulant des métaphores minérales et végétales, cosmiques, animales, anthropologiques, spiritistes et des attributs divins (Museka 1988, 198-259), la « nomination africaine de Jésus » traduit l’inhérence au Christ de tous « les moments corrélatifs fondamentaux » de l’axe idéal d’accroissement de la vie. Les figures initiatiques du discours répercutent ses qualités de noblesse, de force de caractère, de courage, de maîtrise de soi, de sens du bien, sa vérité d’homme face au destin tragique, le don de soi dans l’obéissance au Père et la solidarité aux frères, sa liberté d’esprit dans la marche vers la mort, etc. Toutes ces valeurs prisées de la terre africaine dépeignent en Jésus-Christ l’idéal de l’homme projeté par les ancêtres. Du reste, la destinée du Christ agence, comme dans les scénarios initiatiques, un trinôme vie/mort/vie caractérisé par :
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Le passage d’un statut à un autre par le biais d’une épreuve physique et d’une mort chargée de signification spirituelle dans la tradition religieuse. « Ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ; la mort sur lui n’a plus d’empire » (Rm 6,9).
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La célébration d’un bénéfice spirituel qui en découle, en l’occurrence le salut éternel dont le Christ est devenu la cause pour ceux qui lui obéissent (cf. He 5,9).
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L’affirmation d’un caractère exemplaire qui permet de généraliser l’accès au salut (Ph 2,1-16 ; He 10,19-36). « À ceux qui l’ont reçu, […] il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1,12).
Le bref exposé christologique et l’essai de relecture initiatique thématisent l’épopée de Jésus comme un drame sacré au coeur de la vie dans la mort, dans une perspective de dépassement salvifique par le moyen d’une mort sacrificielle vécue conformément à un projet divin. La profession sacerdotale de l’épître aux Hébreux s’inscrit dans une christologie de l’exaltation où l’épreuve mortelle définit le chemin mystérieux de la gloire, d’une manière qui corrobore le projet religieux de l’homme africain appelé à vivre et à mourir dans « une volonté de conformité à ce qu’au nom du divin l’ancêtre a posé au commencement » (Sanon 1990, 46). Nous pouvons donc constater la manière dont le mystère du Christ compose avec ces traditions qui, en Afrique, posent la dialectique de la mort et de la vie sur le terrain de la relation à Dieu, fondant la mort dans la condition humaine et son possible dépassement à travers la mort sacrificielle. Aussi pouvons-nous comprendre que, procédant à la manière de l’épître aux Hébreux[7], la profession de foi africaine s’accompagne d’un déversement sur Jésus des noms, des titres et des symboles traditionnels qui le hissent au pinacle des héros initiatiques.
5. Grimper « l’échelle de Jacob » : mourir initiatique et ascension christologique vers Dieu
Dans les traditions initiatiques, la mort fait partie de la démarche qui a la double fonction de spiritualiser l’homme tout en révélant le moment spiritualisant (Laleye 1990, 60). Elle n’est pas comme chez Platon une délivrance du corps laissant l’âme retrouver son immortalité originelle. La spiritualisation par la mort initiatique inscrit l’impétrant dans un projet d’immortalité pensé par Dieu pour l’homme au commencement, avant l’irruption de la mort.
Nous avons déjà vu que la mort initiatique participe à la « stratégie par laquelle la vie s’affirme triomphalement dans et par-delà la mort » (Diagne 1980, cité dans Faye 1997, 8). Vivre sa mort dans l’initiation ne signifie nullement faire son deuil de la vie. Au contraire, la mort initiatique accroît le désir et l’attachement à la vie, à la vie triomphante. Il n’y a aucun élan suicidaire. « Après tout, dit un proverbe bantou-rwandais, les morts sont plus à plaindre que les plus infortunés de ce monde : ikimugo kiruta igituro » (Mujynya 1969, 32). Le « caveau de la mort » engage à lutter contre les pouvoirs de la mort, avec les armes mystérieuses qui détruisent la mort et régénèrent la vie. Dans le langage du père Mveng, cela signifie entrer dans « le projet de l’homme en tant qu’être religieux » où s’enchaînent « humanisation du monde par l’initiative créatrice et libre de l’homme assumant le cosmos pour le rendre intérieur à son propre destin [et] divinisation de l’homme par l’initiative d’amour et de liberté de Dieu assumant l’humanité pour l’introduire dans le mystère de la vie divine » (Mveng 1974, 5). Voilà qui laisse apparaître le dessein divin d’immortalité pour l’homme comme le dénominateur commun entre le « projet négro-africain de l’homme religieux » qui est en oeuvre dans les traditions initiatiques et le mystère du salut révélé dans la mort du Christ. Ghislain Tshikendwa relève ce ralliement lorsque, dans une lecture de l’Évangile à la lumière d’un rite africain d’initiation, il écrit :
Comme le dit Mveng : « L’initiation africaine nous apprend que l’univers que nous récapitulons est un immense drame où s’affrontent la vie et la mort. La vocation propre de la personne humaine est d’assurer le triomphe de la vie sur la mort ». C’est ici qu’on retrouve, nous semble-t-il, la caractéristique essentielle du Christ qui peut faire vibrer l’âme africaine : La vie pleine est reçue de Dieu, par le Christ qui, le premier, a souffert, est mort et a vaincu la mort et peut donner la vie en abondance (cf. Jn 11,25). Ceci prend bien en compte, de manière sérieuse et unique, le risque d’un Dieu qui assume concrètement l’humanité pour sauver l’homme.
Tshikendwa 2010, 278
Nous avons également vu que comme « stratégie », le rite africain, funéraire ou initiatique, opère un retournement a contrario des logiques de la mort. Urs von Balthasar montre comment la descente aux enfers du Christ dans une « obéissance de cadavre » devient, comme événement de salut, un « renversement dialectique de la défaite et de la victoire » (Marheinecke, voir Urs von Balthasar 1981, 171) de sorte que « toute tragique qu’elle est », la mort devienne « selon le dessein créateur, l’extrême contraire de ce qu’elle paraît » (Durrwell 1994, 46). Mystique africaine de l’initiation et mystère chrétien du salut s’accordent pour chanter à l’unisson une « victoire intérieure » à la mort sacrificielle, qui aboutit à la résurgence d’une vie affermie. Mais si le Christ rencontre sa mort dans la kénose jusqu’aux enfers (voir Ph 2,5-11 ; aussi Urs von Balthasar, 147 et 157), la tradition initiatique saisit la mort dans la cosmogonie. Dans l’« univers “animé” et hiérarchisé », la mort initiatique opère des « changements de relations », de régimes existentiels et d’états de vie. Elle relance une escalade vers les ancêtres, vers les « esprits » et les forces vitales, en direction de Dieu. Escalade que Mgr A. T. Sanon appellerait gravir « une échelle de Jacob » (Sanon 1990, 39-44).
Conclusion
« Vivre sa mort ». Cette expression à certains égards paradoxale cache et dévoile en même temps une réalité complexe, interne à la fois aux traditions africaines et au mystère de la croix, sur l’axe dialectique d’accroissement de la vie.
Les traditions initiatiques africaines font vivre la mort comme l’entrée dans un itinéraire spirituel tracé à partir de la mort sacrificielle de l’homme chargé du monde. Acte primordial et crucial de religion, la mort sacrificielle ramène l’homme jusqu’à l’impuissance originelle de sorte que, instruit et remodelé aux mystères cachés de la réalité, il participe à la réparation et à la recréation du monde. La mort initiatique est un creuset de spiritualisation, suivant la vérité de l’homme comme ouverture à la transcendance et promesse de renaissance par-delà la mort. Mais, sans induire ni à l’évasion ni au suicide, vivre sa mort dans l’initiation, c’est aussi apprendre à assumer le monde présent avec ses duretés, ses violences et ses contrariétés, dans la confiance au mystère régénérant de la vie et la foi dans la fécondité du sacrifice.
L’événement pascal du Christ se détache sur cette « célébration de la vie sur un fond dramatique » (Agossou 1983, 307) comme une concrétisation surprenante du « pouvoir de résurrection » qui est célébré dans les traditions initiatiques, et comme une « prédication vivante » qui offre un prolongement « objectif » et un complément probant au projet africain de l’homme accompli[8]. C’est assurément cette « conformité à ce qu’au nom du divin l’ancêtre a posé au commencement » (Sanon 1990,46) qui fait « vibrer l’âme africaine » et l’amène à trouver dans le Christ le modèle à penser dans l’effort de bien vivre et mourir, et le terme de l’espérance par-delà le drame de la mort.
Appendices
Note biographique
Didier Mupaya Kapiten, D.Th. est prêtre de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée et il enseigne la liturgie et l’inculturation à l’Institut Africain des Sciences de la mission à Kinshasa. Ses recherches actuelles portent sur les rites africains dans une perspective d’inculturation dans et par la liturgie. Il a récemment publié (2008) Mystère du Christ et expérience africaine. Rites et histoire du Congo comme témoignage de vérité chrétienne, Paris, L’Harmattan.
Notes
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[1]
« Au commencement Dieu créa l’homme et lui dit : “Reste avec moi, car si tu t’éloignes, il peut t’arriver malheur et tu mourras.” L’homme, hélas !, n’obéit point, et un jour, il disparut et s’éloigna sur la terre. Alors Dieu lui envoya deux messagers porteurs de deux paroles : c’était le lézard et le caméléon. Seule serait efficace la parole du messager qui arriverait le premier. Au lézard, Dieu dit : “Va, cherche l’homme et porte lui cette parole : Désormais les hommes meurent, et meurent pour toujours ! ” Puis, Dieu dit au caméléon : “Va, cherche l’homme et dis-lui : Désormais, les hommes meurent et reviennent à la vie ! ”
Les deux messagers se mirent en route. Le lézard, qui était malin, s’approche du caméléon et lui dit : “Prends le chemin de gauche ; moi je prends celui de droite. Mais retiens bien mon conseil : la terre est fragile ; si tu cours, tu vas l’ébranler sous tes pas… Marche lentement, lentement ! ”
Le lézard prit les devants, rencontra l’homme et lui dit : “Désormais, dit Dieu, les hommes meurent, et meurent pour toujours !…”
Quand le caméléon arriva, c’était trop tard. Depuis ce jour, les hommes meurent et ne reviennent plus. »
Ce mythe du lézard et du caméléon est très répandu en Afrique centrale. Le fait qu’on le retrouve en “centaines et centaines de variantes” (Vetö 1961, 77), aussi bien chez les Soudanais que chez les Bantous, est considéré comme un signe de son ancienneté (Mveng 1974, 149).
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[2]
« Un chasseur appelé Kassongo visita sans y être autorisé le village de Mauesse [Maweze = Dieu] pendant la saison sèche, temps marqué par la mort et le dessèchement des êtres célestes. Un jour, Mauesse fit une observation au chasseur et en même temps, il lui remit un paquet. Peu après, le fils de Kassongo mourut. Ce dernier, ne comprenant pas ce qui arrivait, — en ce temps les hommes jouissaient d’une vie éternelle — retourna au village de Mauesse pour s’en informer. Alors on lui fit comprendre que le paquet reçu précédemment contenait la punition de sa transgression, et on lui conseilla de retourner chez lui, de placer son fils décédé sur une natte et de le pleurer. Kassongo fit ce que Mauesse lui avait prescrit, tous les gens se rassemblèrent autour du cadavre et se mirent à danser tout en se lamentant. Cependant Mauesse envoya son chien pour voir si les humains mangeaient et riaient au lieu de pleurer. Le chien retourna chez son maître et dit : “D’abord, j’ai vu les hommes se lamenter. Puis j’ai vu les hommes manger, puis j’ai vu les hommes se lamenter. Ensuite, j’ai vu les hommes jouer et rire”. Mauesse proféra alors la sentence : “Puisque les hommes ne peuvent même pas être tristes, alors ils doivent tous apprendre à mourir.” » (Frobenius, repris par Zahan 1970, 74).
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[3]
Louis-Vincent Thomas le démontre par l’« algèbre rituelle » qu’il a discernée dans les articulations symboliques des rites funéraires négro-africains : « Le problème qui se pose à [la famille éprouvée] est […] le suivant : étant donné que la mort vient de lui infliger une perte, c’est-à-dire d’introduire dans le système un signe négatif “-”, quelles transformations faudra-t-il effectuer pour qu’à la fin nous puissions récupérer un signe “+”, un gain positif de vie ? La solution est la suivante : la mort a introduit un signe négatif. Mais comme à l’intérieur du système tous les termes sont solidaires, on ne peut en modifier un sans que le changement se répercute sur tous les autres. On commencera donc par généraliser le signe négatif grâce à une série d’interdits qui affectent l’ensemble des registres énumérés plus haut, vocabulaire (nom du mort), alimentaire, sexuel, travaux agricoles, élevage, habitation (on vide la case). Mais en généralisant la négation sur le plan réel on aboutirait pour tout le groupe à la mort. D’où une deuxième opération destinée à inverser le mouvement.
Quel va être le point de départ de cette nouvelle série ? Au moment de la mort, on a substitué au feu domestique un feu rituel : feu D/feu R. C’est une métaphore de degré zéro, le feu est transposé du réel au symbolique. Or, comme disent les linguistes, le degré zéro est celui qui met en cause la totalité du système. Ce feu rituel va donc durer pendant les sept jours de deuil. La sortie de deuil va consister à généraliser l’opération de substitution alimentaire de base (lait, farine, haricots) couleur blanche (kaolin). La sortie du deuil s’appelle “blanchir”, on blanchit les hommes, les troupeaux, l’eau lustrale pour purifier la case, on boit le lait rituel, on accomplit l’acte sexuel, on réintroduit les mâles dans le troupeau, etc.
Bref, la valeur négative que l’on avait généralisée sur le plan réel est transformée sur le plan symbolique en valeur positive par la revitalisation de tous les registres, alimentaire, sexuel, agricole, d’élevage, d’habitation, etc. Par cette sorte d’algèbre rituelle, la famille, prise comme un tout, atteste symboliquement sa pérennité de vie. Le système est cohérent. » (Thomas 1987, 321)
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[4]
Dans sa méditation sur la descente du Christ aux enfers, Hans Urs von Balthasar montre que c’est en vivant pleinement, avec solidarité, la mort des pécheurs que le Christ l’a vaincue et leur a offert la vie en Dieu (1981, 156-158 et 170-171).
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[5]
Voir le célèbre poème Le souffles des ancêtres de Birago Diop : http://www.uwb.absyst.com/download/frankofonia/cwiczenia/negritude%20poemes.pdf.
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[6]
L’initiation mukanda, par exemple, manifeste cette victoire sur la mort à travers une cérémonie grandiose et solennelle à la sortie de l’initiation : « […] le circonciseur symbolisé, selon le chant initiatique, par le léopard (kholoma) substitué par une espèce de rat rayé (mbángá) […] doit être tué par les jeunes circoncis avant leur départ victorieux du lieu de tribulation rituelle. Le coeur du rat est mangé par le premier initié de la génération, au cours d’un repas sacrificiel. Quant à l’esprit (mvumbí) du mukanda matérialisé dans le tronc de l’arbre muséngédi, il donne lieu à une cérémonie spectaculaire très évocatrice, pendant la nuit qui précède l’abandon définitif du camp d’initiation. On le suspend à deux poteaux, on y met le feu, et les néophytes munis chacun d’un bâton le battent au rythme de chants et instruments à percussion, jusqu’à son anéantissement complet. Les cendres sont enterrées avant le bain purificateur à la rivière et la mise des tenues de parade. Or l’esprit du mukanda dont ils ont tant enduré, c’est comme un symbole global et suprême de l’obstacle et de l’adversaire… » (Mudiji Malamba 1989, 163).
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[7]
« Hébreux est le texte du N.T. qui, pour décrire l’être et l’action du Christ, lui attribue le plus de noms ou de titres, souvent absolument uniques. » (Cothenet 1984, 305). Fils, Christ, roi, apôtre par excellence (3,1), Grand-prêtre de notre confession (3,1.6), Initiateur du salut, Précurseur (6, 20 ; voir 12,1-2) ; Grand pasteur des brebis (13, 20), etc.
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[8]
« Prédication vivante » et prolongement « objectif » sont à comprendre suivant l’explication que Urs von Balthasar donne de la prédication du Christ aux esprits en prison (voir 1 P 3,19) : non « une prédication qui inciterait subjectivement à la conversion, mais l’annonce objective […] d’un fait », « la proclamation triomphante d’une victoire déjà acquise » (1981, 151 et 142.148-150).
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