Abstracts
Résumé
Un bref survol de la littérature consacrée au tourisme suffit pour s’apercevoir que si beaucoup a été fait pour décrire et analyser les dispositifs d’aide à l’orientation touristique (tels les guides, les plans et les affichages), assez peu d’éléments ont été recueillis sur les modalités de leur adoption et de leur usage. Autrement dit, nous savons comment les professionnels du tourisme travaillent à définir un ou des équipements touristiques, mais nous ignorons comment ces équipements sont saisis et manipulés dans l’action. Ainsi, l’observation scientifique de l’équipée touristique – c’est-à-dire du voyageur et de ses équipements en situation – a en partie été sacrifiée sur l’autel d’un examen approfondi de l’offre touristique, de sa conception à sa diffusion. Dans cet article, nous tenterons de combler cette lacune en interrogeant la relation entre l’usage d’équipements portables et le profil des parcours empruntés. Pour ce faire, nous procéderons à un inventaire des équipements mobilisés par les touristes et nous mesurerons – à l’appui d’une enquête statistique – l’incidence du niveau d’équipement de ces derniers sur la composition et l’étendue de leurs parcours.
Mots-clés :
- parcours,
- tourisme,
- découverte,
- dispositif,
- équipement
Article body
De nombreux travaux en sciences humaines et sociales ont été consacrés à la mobilité touristique, à cette forme singulière de dépaysement que suscite la découverte de nouveaux horizons culturels et géographiques (Cohen, 1984 ; 1985 ; Urry, 1990 ; Urbain, 1993 ; Sheller et Urry, 2006 ; Urry et Larsen, 2011). Parmi ces travaux, quelques-uns ont prêté une attention toute particulière aux dispositifs facilitant le déplacement des voyageurs ou des touristes. Se penchant sur la conception d’itinéraires adaptés (Blangy et al., 2010), l’installation d’une signalétique directionnelle (Denis et Pontille, 2010), la labellisation et le fléchage de sites incontournables (Cousin, 2006 ; 2008 ; Charles et Thouément, 2007), la mise en scène d’une authenticité perdue (MacCannell, 1973 ; Winkin, 2002 ; Réau et Poupeau, 2007) ou encore la transformation des guides touristiques dans le temps (Saunier, 1994 ; Rauch, 1997 ; Chabaud et al., 2000 ; Karpik, 2000 ; Lepan et Duhamel, 2012), différents chercheurs ont interrogé la façon dont le territoire d’accueil se dotait de dispositifs techniques permettant d’encadrer l’expérience touristique.
Un bref survol de la littérature consacrée à ce thème suffit pour s’apercevoir que si beaucoup a été fait pour décrire et analyser les dispositifs d’aide à l’orientation touristique[1] (tels les guides, les plans et les affichages), assez peu d’éléments ont été recueillis sur les modalités de leur adoption et de leur usage. En somme, nous savons comment les professionnels du tourisme travaillent à définir un ou des équipements touristiques, mais nous ignorons comment ces équipements sont saisis et manipulés dans l’action. Ainsi, l’observation scientifique de l’équipée touristique – c’est-à-dire du voyageur et de ses équipements en situation – a en partie été sacrifiée sur l’autel d’un examen approfondi de l’offre touristique, de sa conception à sa diffusion.
Dans cet article, nous chercherons à combler cette lacune en interrogeant les relations d’interdépendance entre l’identité des touristes, leur usage des dispositifs d’aide à l’orientation touristique et le profil des parcours qu’ils empruntent. Autrement dit, notre objectif consiste à mieux rendre compte des formes d’association variées qui peuvent voir le jour entre les trois composantes de l’équipée touristique : le visiteur, ses équipements et l’environnement d’accueil. Nous porterons plus particulièrement attention au rôle des « médiations techniques » dans la définition des itinéraires touristiques suivis (Akrich, 1993 ; Hennion, 1993), à la capacité de ces dispositifs à répondre aux attentes des visiteurs, à flatter leurs dispositions tout en orientant – selon une logique prescriptive – leurs pas comme leurs décisions. Suivant les enseignements des sociologues de la traduction, nous accorderons une considération égale aux acteurs humains et non humains impliqués d’une manière ou d’une autre dans l’exploration d’un lieu méconnu (Akrich et al., 2006). C’est ainsi que nous identifierons les effets sociotechniques propres à modifier la visite d’un lieu touristique.
Pour atteindre notre objectif, nous avons interrogé les touristes sur leur recours à différents équipements portables (guide touristique, carte de la ville, prospectus, téléphone intelligent) et avons mesuré l’incidence du niveau d’équipement de ces derniers sur la composition et l’étendue de leurs parcours. L’enquête conduite nous offre non seulement la possibilité de déterminer un niveau d’équipement général, mais également de discriminer les différents équipements entre eux et d’évaluer précisément leur influence nominale sur la définition du parcours emprunté. Cette enquête nous permet de surcroît de mettre en perspective les différents profils sociodémographiques des touristes interrogés avec la gamme des outils de navigation qu’ils mobilisent. Nous constatons qu’en la matière, des facteurs comme l’âge, le sexe ou le niveau d’éducation déterminent grandement l’emploi de ces outils et, par suite, la capacité d’exploration et de découverte d’un lieu donné.
Terrain et méthode
Afin de prendre la pleine mesure des équipées touristiques, nous avons conduit, de mars à août 2013, une enquête statistique de grande ampleur ayant pour cadre la ville d’Albi et consistant à interroger par questionnaire 2209 touristes venus découvrir la « ville rouge »[2]. Parmi les différentes thématiques abordées, les touristes ont notamment été interrogés sur l’itinéraire qu’ils avaient suivi (renseignement d’une carte quadrillée, relevé des points de passage, déclaration des visites effectuées), sur le type d’équipements portables qu’ils mobilisaient (dispositifs papier ou numériques) et sur leur identité (sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, niveau d’études). C’est grâce à l’analyse croisée de ces trois grandes familles de variables que nous avons pu définir les déterminants sociaux de l’adoption des équipements portables et mesurer le poids de l’usage de ces équipements dans la variation des itinéraires suivis.
L’ensemble des données traitées sont de nature déclarative. Elles sont par conséquent soumises à différents aléas dont le plus important reste celui de la mémorisation et de la juste restitution du parcours emprunté dans son intégralité. Pour faciliter la tâche aux personnes interrogées, nous nous sommes appuyés sur un grand nombre d’illustrations de différents sites de la ville pour leur permettre – dans l’éventualité où un nom d’édifice leur échapperait – de se remémorer la configuration des lieux, la physionomie des sites visités. La convocation de ces photographies est venue renforcer notre protocole d’enquête et a rendu le relevé géographique des parcours plus précis. Ajoutons à cela qu’une aide était proposée aux répondants dans les cas, relativement rares, où ces derniers souhaitaient repérer différents éléments sur le plan de la ville avant de répondre aux questions posées. Enfin, le périmètre restreint de la Cité épiscopale d’Albi a servi notre démarche. La lecture du plan stylisé du centre-ville était des plus aisées et les difficultés pour repérer les différents lieux visités minimes, voire inexistantes.
Les données relevées concernent la seule ville d’Albi. Il est important, pour en avoir une bonne lecture, de consigner ici quelques éléments de contexte sur la situation touristique de ce site. Albi est une ville moyenne (51 064 habitants en 2012) située dans le département du Tarn et dont l’offre touristique se centre sur deux principales attractions : la cathédrale Sainte-Cécile et le musée Toulouse-Lautrec. Ces deux points névralgiques de la visite d’Albi ont, en 2012, respectivement attiré 705 791 et 211 738 visiteurs. Hormis ces deux sites emblématiques, il y a au cœur du centre-ville des lieux de visite secondaires, tels la collégiale Saint-Salvy et son cloître, les jardins de la Berbie, le musée Lapérouse (12 808 entrées au musée en 2012) ou encore le marché couvert. D’autres sites plus confidentiels méritent également le détour, comme le Centre d’art contemporain (le LAIT), la maison du Vieil Alby ou la place Savène. En somme, la ville compte deux sites extrêmement fréquentés, entourés d’une dizaine de sites secondaires dont la fréquentation reste modeste. Cette configuration nous permet de dégager différents profils de visite allant du plus minimaliste (cathédrale et musée Toulouse-Lautrec) au plus étendu (musée Lapérouse, Centre d’art le LAIT et place Savène). Un des apports non négligeables de notre enquête est justement d’avoir distingué ces deux catégories de sites : ceux de première importance sont visités par la majorité des touristes quand ceux de seconde importance le sont par une minorité d’entre eux. Cette distinction nous permet de mettre en évidence l’influence des différents dispositifs techniques sur la fréquentation des sites de plus ou moins grande importance.
Un autre élément de contexte mérite également d’être souligné : la ville d’Albi a connu un accroissement notable de sa fréquentation touristique au lendemain du 31 juillet 2010, date à laquelle la Cité épiscopale[3] a été inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est aussi à partir de l’été 2010 que l’offre en matière de dispositifs d’aide à l’orientation touristique s’est considérablement accrue grâce à la parution de nombreux ouvrages dédiés à la ville, de guides mais aussi de simples livrets ou prospectus municipaux. Notons enfin que l’une des particularités du cas albigeois est de nous offrir de meilleures chances – comparativement à des sites plus vastes, plus prestigieux et plus investis par les acteurs de l’offre – d’observer une large population de touristes dépourvus d’équipements portables, population qui servira utilement de groupe témoin pour valider nos hypothèses.
1. De l’usage des équipements portables par les visiteurs d’Albi
Notre enquête a exclusivement porté sur l’usage de quatre équipements spécifiques. Nous avons présélectionné trois équipements portables papier (guide touristique, carte de la ville, prospectus de l’Office de tourisme) et un équipement portable numérique (téléphone intelligent ou smartphone). Les personnes interrogées devaient nous indiquer si elles avaient, ou non, eu recours à ces différents dispositifs durant leur visite. Il nous faut ici insister sur la formulation de la question posée qui, plutôt que de porter sur la simple possession de l’outil, se centrait sur son usage au cours de la visite[4], nous permettant ainsi de déterminer les équipements portables les plus mobilisés par les visiteurs d’Albi.
À cet égard, l’outil le plus largement adopté par les visiteurs (43,5 % des personnes interrogées) est la carte de la ville. Être en mesure de se repérer sur un plan et ainsi de mesurer les distances qui séparent les sites visités, les lieux de restauration et de stationnement reste important pour un grand nombre de touristes, et ce, même dans une ville de taille moyenne comme Albi. Viennent ensuite les prospectus de l’Office de tourisme et les guides touristiques papier qui se situent aux deuxième et troisième rangs des équipements les plus utilisés par les visiteurs d’Albi. Ils sont en effet 27,5 % à mobiliser un ou des prospectus de l’Office de tourisme et 26,3 % à utiliser un guide touristique papier. Notons au passage que ces deux dispositifs contiennent souvent des cartes, ce qui donne à penser qu’une majorité de touristes dispose donc d’un plan de la ville. Enfin, les téléphones intelligents s’ajoutent à la panoplie des équipements portables du touriste. Ils sont utilisés à des fins touristiques par 21,8 % des visiteurs. Ce récent apport permis par l’équipement numérique mérite toute notre attention (Donnat, 2009). Dans la suite de notre développement, nous donnerons à voir le poids de ce seul outil numérique dans la (re)programmation du parcours touristique.
Pour instructifs qu’ils soient, ces premiers éléments de cadrage ne nous permettent pas de mesurer finement le niveau d’équipement des visiteurs. Il faut pour s’en rendre compte les questionner sur le nombre d’équipements qu’ils ont effectivement utilisés lors de leur visite d’Albi (parmi les quatre présélectionnés). La proportion d’individus n’ayant eu recours à aucun de ces quatre équipements s’élève à 35,5 % de notre échantillon. Nous observons également que 28,6 % des visiteurs ont utilisé un seul et unique équipement et que 35,8 % d’entre eux ont eu recours à plusieurs des équipements listés.
Intéressons-nous tout d’abord, et de façon exclusive, aux visiteurs ayant recouru à un seul et unique équipement portable. Parmi les quatre équipements mentionnés, le plan de la ville est celui qui est le plus fréquemment utilisé par ces visiteurs monoéquipés[5] puisqu’ils sont 37,1 % à l’avoir mobilisé. Vient ensuite le téléphone intelligent utilisé par 33,2 % des visiteurs monoéquipés qui trouvent en lui un appareil multifonctionnel adaptable à de multiples situations. C’est un dispositif portable dont la capacité de connexion en mobilité rend de grands services, y compris pour des activités de loisir comme la visite touristique d’une ville[6].
Il faut dire qu’à défaut d’une préparation du voyage en amont, le visiteur va devoir se tourner soit vers les plans mis à disposition par l’Office de tourisme, soit vers son téléphone portable de nouvelle génération qui garantit l’accès aux informations numériques présentes sur Internet. L’introduction du téléphone intelligent dans l’expérience touristique permet aux visiteurs peu prévoyants d’éviter de solliciter l’Office de tourisme. Ce dispositif permet également à ceux qui n’avaient pas prévu de se doter de dispositifs d’aide à l’orientation touristique de s’autoriser quelques prises d’information ponctuelles et assez peu coûteuses au fil de leur découverte des lieux. Le téléphone intelligent assume à lui seul une multitude de fonctions : navigation, géolocalisation, recherche d’information, téléchargement d’applications, consultation d’information encodée (codes QR[7]), mise en scène d’une réalité augmentée, prise de photographies et de vidéos. C’est un équipement complet qui, s’il est encore utilisé de façon sous-optimale par les visiteurs, offre malgré tout d’importantes ressources (Salvadore et al., 2015). Ce dispositif prometteur se place, depuis quelques années, au centre des réflexions des principaux acteurs du tourisme (voyagistes, offices de tourisme) qui développent des solutions mobiles de services touristiques (« m-tourisme »).
Si nous regardons maintenant les visiteurs multiéquipés et l’appariement des équipements dans le cadre de l’activité touristique, nous constatons que certains équipements se marient assez bien entre eux quand d’autres semblent, au contraire, s’exclure les uns les autres. En la matière, nous pouvons par exemple signaler que le téléphone intelligent est un équipement dont les touristes ont généralement un usage exclusif. Deux interprétations concurrentes peuvent être données concernant ce résultat. Soit le téléphone intelligent est un dispositif d’aide à l’orientation touristique de dernier recours (usage par défaut), soit il est un dispositif dominant qui inhibe l’usage des autres équipements (usage prédominant). Ces deux interprétations semblent valables et il n’est pas exclu qu’elles soient complémentaires. Nous ne disposons malheureusement pas de données précises sur ce point qui nous permettraient de mieux appréhender les conditions d’usage du téléphone intelligent.
Quant aux associations entre équipements portables, la plus fréquente est celle réunissant la carte de la ville et les prospectus délivrés par l’Office de tourisme. Ce fait, moins anodin qu’il n’y paraît, traduit l’assurance qu’ont, de nos jours, les touristes de trouver sur la majorité des sites fréquentés des supports d’orientation touristique gratuits et en libre accès. De cette assurance naît un sous-équipement des touristes qui sont nombreux à se contenter des documents proposés sur place et n’apportent avec eux aucun équipement. Ce constat nous invite à interroger la prééminence de l’Office de tourisme dans le paysage des tiers prescripteurs chargés de la définition des parcours touristiques (voyagistes, magazines, guides et sites spécialisés). Cette position avantageuse place l’Office de tourisme au cœur d’enjeux commerciaux d’importance, des enjeux de poids dans l’économie locale qu’il serait nécessaire de questionner sous l’angle de la neutralité publique des prestations municipales offertes (Calvignac et al., 2014a ; 2014b). Cette question mériterait d’être approfondie dans le cadre d’une enquête qui aurait pour but d’interroger précisément l’activité rédactionnelle et prescriptrice des institutions publiques responsables de l’accueil touristique.
L’étude des associations entre dispositifs techniques nous permet de voir que l’usage d’un support numérique appelle une exclusion fréquente des supports papier. Le recours à un téléphone intelligent conduit souvent à écarter les autres possibilités, fussent-elles gratuites. À l’inverse, l’utilisation d’une carte de la ville laisse une place importante à des dispositifs complémentaires à haut pouvoir prescripteur. De façon générale, les visiteurs appréhendent donc l’aire touristique grâce à la grille de lecture d’un tiers prescripteur qui, par le truchement d’un prospectus, d’un guide ou d’un forum, vient proposer une approche particulière, une orientation spécifique à l’action.
Une utilisation fonction de l’identité des touristes
Maintenant que nous avons une idée plus claire du taux de pénétration de chacun des équipements portables mobilisés, nous pouvons mettre en évidence les déterminants sociaux de l’équipement touristique. Penchons-nous sur le niveau d’équipement de différentes catégories de population.
Qui des hommes ou des femmes s’équipent le plus ? D’après les données dont nous disposons, les hommes sont plus nombreux que les femmes à arpenter les rues albigeoises sans recourir à un équipement portable : 36,7 % des hommes n’utilisent aucun équipement, alors que seulement 32,7 % des femmes en font autant. Cette différence sensible s’explique par un phénomène de délégation au sein des couples et plus largement des groupes de touristes qui revient à confier plus fréquemment aux femmes la charge d’orienter le collectif dans la localité visitée. En effet, si nous isolons les individus venus seuls à Albi, la différence de genre s’évanouit puisque nous observons 32,3 % de femmes non équipées contre 32,9 % d’hommes. Si donc hommes et femmes s’équipent de la même manière, c’est lors de la formation de groupes mixtes que les équipements portables (et les responsabilités en matière d’orientation qui leur sont associées) échoient davantage aux femmes.
Des différences sont également observées entre les générations de touristes. Si les membres des différentes générations ont un niveau d’équipement à peu près équivalent, ils s’équipent différemment. En effet, sur les quatre équipements observés, nous constatons que deux sont inégalement adoptés par les publics jeunes et âgés. Il y a même, à n’en pas douter, une forme de rééquilibrage qui se manifeste par un usage plus important du téléphone intelligent par les jeunes et un usage plus important de la carte de la ville par les aînés. En effet, 34,1 % des 15-39 ans ont recours à un téléphone intelligent, contre seulement 24 % des 40-59 ans et 12,1 % des plus de 60 ans. Ce résultat est à mettre en relation avec le sous-équipement tendanciel des personnes les plus âgées en matière de nouvelles technologies de l’information et de la communication. À l’inverse, seulement 37,8 % des 15-39 ans utilisent une carte de la ville quand 42,1 % des 40-59 ans et 47,9 % des plus de 60 ans le font. Pour les deux autres équipements (prospectus et guide), la répartition générationnelle est parfaitement équilibrée.
Une variable sociodémographique pèse encore plus que celles de l’âge et du sexe réunies, il s’agit du niveau de diplôme des touristes. Plus le diplôme des touristes est élevé, plus ils ont de chances d’avoir recours à un ou des équipements portables. Comme le graphique 1 le montre, quand 68 % de titulaires d’un diplôme de niveau I ou II (trois années universitaires ou plus) ont recours à un ou plusieurs des équipements présélectionnés, seuls 63,7 % des titulaires d’un diplôme de niveau III ou IV (diplôme de fin d’études secondaires, validation de deux années universitaires) et 61 % des non-diplômés et des titulaires d’un diplôme de niveau V ou VI (brevet des collèges ou diplôme d’études secondaires professionnalisant) en font autant[8].
Si dans un récent article, Wagner (2007) nous rappelle très justement que le tourisme fait originellement partie intégrante de « la formation des élites », nous voyons ici que, bien que l’expérience touristique se soit largement démocratisée durant ces dernières décennies, elle relève encore en partie d’un processus de discrimination fondée sur la dotation individuelle en termes de capital culturel. Autrement dit, il y a une façon de visiter et de se comporter en touriste qui respecte une partition culturelle encore bien marquée. Les personnes les plus instruites appréhendent l’aire touristique à l’aide de supports informationnels plus complets (pluralité de l’équipement), elles n’hésitent pas à croiser plusieurs sources d’informations. Elles ont ainsi davantage tendance à enrichir leur visite par le biais de différents apports informationnels délivrés par les dispositifs mobilisés chemin faisant. Ici, le rapport à l’écrit étant plus aisé chez les personnes titulaires d’un diplôme supérieur, il n’est pas étonnant de les voir s’emparer plus fréquemment de dispositifs constitués, la plupart du temps, d’éléments textuels.
Cette dernière assertion est corroborée par les données relatives à l’utilisation de chacun des quatre équipements. Nous observons tout d’abord que la carte de la ville et les prospectus de l’Office de tourisme sont également consultés par les différentes catégories de diplômés. Ces deux supports d’information contiennent assez peu de texte à la différence du téléphone intelligent qui ouvre sur davantage de récits et de commentaires et du guide papier qui s’apparente quant à lui à un ouvrage littéraire à part entière. Téléphone intelligent et guide papier concentrent les plus grands écarts en termes d’usage des différentes catégories de diplômés. Les individus non diplômés ou titulaires d’un diplôme de niveau V ou VI sont 15,5 % à mobiliser leur téléphone intelligent au cours de leur visite, alors que 23,5 % des personnes ayant un diplôme de niveau III ou IV et 24,2 % de celles ayant un diplôme de niveau I ou II utilisent ce dispositif. De la même façon, les individus les moins diplômés (sans diplôme ou niveaux V-VI) sont 22 % à avoir recours à un guide papier quand 25,1 % des titulaires d’un diplôme intermédiaire (niveau III ou IV) et 30,5 % des individus les plus diplômés (niveau I ou II) déclarent avoir mobilisé ce type d’équipement.
La composition de l’équipée touristique, de cet assemblage entre un touriste et ses équipements (Cochoy et Calvignac, 2013 ; Calvignac et Cochoy, 2015), est donc dépendante de facteurs sociodémographiques, de traits identitaires assez classiques tels l’âge, le sexe et le capital culturel de chacun. Mais au-delà des dispositions propres à l’identité du touriste, les contours de l’équipée touristique se dessinent selon des critères plus conjoncturels tels que le temps alloué à la visite ou encore les objectifs que s’assignent les visiteurs dans ce temps imparti. En effet, il est important de considérer que le niveau d’équipement des individus est la traduction technique d’une appréciation différenciée du lieu touristique, d’un mode d’appropriation catégoriel de cet espace de loisirs. Ce sont les dispositions particulières de catégories de population plus ou moins éduquées et plus ou moins versées dans la découverte du patrimoine architectural et culturel d’une ville qui résonnent avec l’emploi ou non de dispositifs propres à accompagner cette exploration. Notons au passage que le site visité lui-même est un opérateur de sélection des publics. Ainsi, les qualités du site albigeois sont reconnues préférentiellement par les amateurs de vieilles pierres, de patrimoines architecturaux et culturels.
Une utilisation fonction des centres d’intérêt des touristes
Les dispositifs d’aide à l’orientation touristique sont inégalement répartis au sein de la population des touristes. Les visiteurs ne s’équipent pas de la même façon, leurs pratiques diffèrent tout comme diffère le répertoire des équipements qu’ils mobilisent. C’est d’ailleurs la vision que le touriste se fait de sa future équipée qui induit une formation particulière de son « équipage ». Ce sont les attentes qu’il place dans sa visite qui conditionnent son niveau d’équipement et le choix des dispositifs d’aide à la mobilité touristique auxquels il recourt. En somme, tout dépend de l’intérêt qu’il manifeste pour cette découverte et de ses propres centres d’intérêt.
Commençons par mettre en évidence la forte corrélation entre centres d’intérêt et types d’équipements choisis. En début de questionnaire, nous avons demandé aux touristes ce qu’ils étaient venus découvrir ou faire à Albi en priorité[9]. Nous avons ensuite mesuré l’usage que faisaient ces différents profils de visiteurs des quatre équipements retenus dans notre enquête. Le tableau 4 présente une vue d’ensemble des résultats obtenus.
L’utilisation du guide touristique papier est manifestement plus fréquente chez les visiteurs dont l’objectif principal est la découverte des œuvres d’art et des musées ou la découverte de la gastronomie locale. Le guide touristique est consulté en situation d’incertitude, c’est-à-dire lorsque la personne se retrouve devant une offre composée de « biens singuliers », de biens caractérisés par leur incommensurabilité ou leur dimension plurielle (Karpik, 1989 ; 2007). Tel est effectivement le cas des offres culturelles et gastronomiques. Le guide touristique papier convient également lorsque l’offre est pléthorique (nombreuses toiles de maîtres ou restaurants diversifiés) et que le temps est compté pour faire un choix parmi la multitude d’offres. Si le centre historique, la cathédrale et les édifices religieux peuvent être traversés sans avoir à faire de choix – tout peut être vu ou du moins entraperçu dans le centre historique albigeois –, il en va autrement des musées et des établissements gastronomiques, puisqu’il est évidemment impossible de tous les visiter ou les fréquenter. Ainsi, le guide touristique papier est plus fréquemment mobilisé par des individus dont l’intérêt se porte principalement sur des éléments complexes de l’offre touristique.
Les personnes venues à Albi pour rendre visite à leurs proches ou pour travailler – et qui profitent de leur séjour pour faire du tourisme – sont généralement sous-équipées. Soumis primordialement à d’autres obligations, ces visiteurs consacrent assez peu de temps à la visite d’Albi et lorsqu’ils souhaitent avoir des compléments d’information sur la ville, ils préfèrent saisir leur téléphone intelligent plutôt que de se rendre à l’Office de tourisme. Le téléphone intelligent est donc un équipement utile aux individus dont l’expérience touristique représente un « à-côté » du séjour albigeois. Il est mobilisé lors de situations impromptues, non programmées. Ce même outil est également fréquemment utilisé par ceux venus à Albi pour un festival ou un événement festif (concert, carnaval, etc.). D’ailleurs, les organisateurs de ce genre d’événements font de plus en plus appel à des technologies mobiles (pensons aux codes QR) pour diffuser sur place des informations aux festivaliers désireux d’en apprendre davantage sur tel ou tel sujet (Cochoy, 2011). L’usage du téléphone intelligent est, dans ces conditions, favorisé.
À la lecture de ces quelques résultats, nous remarquons que la composition de l’équipée touristique est dépendante aussi bien de l’identité du visiteur que des conditions de sa venue (travail, famille et loisir) ou encore de ses centres d’intérêt (monuments, œuvres d’art, gastronomie, festival…). Au-delà de cette primauté attachée à la découverte des lieux dans le programme du visiteur, nous constatons que l’équipement varie selon les centres d’intérêt sélectionnés par ce dernier. Les festivaliers utilisent de préférence leur téléphone intelligent, tandis que les amateurs d’art ou de gastronomie mobilisent leur guide touristique papier.
Un niveau d’équipement fonction du temps consacré à la visite d’Albi
Avant de nous pencher sur l’équipée touristique en action, il convient d’évoquer un dernier facteur de composition : le temps. Ce dernier est décisif au regard du niveau d’équipement des visiteurs. En effet, il n’y a rien de surprenant à voir les visites les plus courtes s’organiser autour d’un équipement léger et, inversement, les visites les plus longues exiger un équipement plus conséquent. Le niveau d’équipement est, comme nous nous y attendions, fortement indexé à la durée du séjour des visiteurs.
Les personnes qui font les plus courts séjours (visites de moins de trois heures) sont nombreuses à ne solliciter aucune forme d’équipement d’aide à la mobilité touristique (47,5 %), alors que celles dont la visite dure de trois à six heures sont déjà moins nombreuses dans ce même cas (33 %). La part des visiteurs non équipés décroît ensuite sensiblement au fil des heures passées sur place. Au-delà de six heures consacrées à la visite d’Albi, les touristes se munissent d’un nombre plus important de dispositifs d’aide à l’orientation touristique : les personnes restant de six à neuf heures ou plus de neuf heures sont respectivement 47,1 % et 52,7 % à mobiliser un minimum de deux équipements en cours de visite, comme si un seul et unique équipement ne suffisait plus aux visiteurs qui allongent leur temps de présence à Albi. Plus la durée s’accroît, plus l’équipement est amené à se diversifier.
Pour la suite de notre réflexion, nous devons tenir compte des effets induits par le temps de visite. Le facteur temps agit doublement sur la définition de l’itinéraire. Tout d’abord, la programmation d’une visite plus longue accroît la nécessité et donc la probabilité d’être équipé d’un ou de plusieurs dispositifs d’aide à la mobilité. Ensuite, l’allongement de la durée de visite favorise de facto l’extension de la zone d’exploration du territoire touristique. Par conséquent, ce que nous pourrions interpréter comme étant l’influence de l’équipement sur le tracé du parcours ne pourrait finalement être que la conséquence d’une visite prolongée nécessairement plus étendue, riche et complexe qui ne dépendrait, finalement, que très peu de l’influence des équipements mobilisés[10]. En effet, la sous-population des visiteurs équipés étant davantage représentée parmi les individus qui restent pour un long séjour, nous introduirions ici un biais très important. Pour éviter cet écueil, nous avons choisi de fonder la suite de notre analyse sur un échantillon d’individus venus à Albi pour une même période de temps. Nous centrerons cette partie de la recherche sur la sous-population des individus dont la visite à Albi est comprise entre trois et six heures. Celle-ci comprend 935 individus, ce qui forme la plus large sous-population des visiteurs classés en fonction de leur temps de visite[11]. Nous avons jusqu’ici interrogé les caractéristiques sociodémographiques des utilisateurs d’équipements portables, il est maintenant temps de nous pencher sur l’influence effective de ces équipements prescripteurs sur le profil des parcours empruntés.
2. Le poids de l’équipement dans la variation de l’itinéraire touristique
À l’entame de cette seconde partie, nous souhaitons offrir au lecteur une représentation précise du cheminement habituel des touristes dans le centre-ville d’Albi. La représentation cartographique que nous proposons ici (illustration 2) témoigne de l’inégale fréquentation par les visiteurs (dans leur ensemble) des différentes aires de l’échiquier intra-urbain.
La carte, qui met en évidence le taux de fréquentation touristique des différentes zones du centre-ville d’Albi, laisse apparaître une forte concentration des touristes autour de la place Sainte-Cécile et du marché couvert (taux de fréquentation de 78,1 % et de 59,1 %). Un nombre important de visiteurs investissent également la partie basse du centre historique (C2, C3, C4). Ce secteur présente le double avantage d’être pourvu de différentes aires de stationnement (celles du Bondidou et du terreplein central du boulevard du Général Sibille) et d’être traversé par des rues piétonnes commerçantes et animées. La fréquentation de la rive droite du Tarn est bien moins importante. Seul l’espace encadré par le pont Vieux et le pont du 22 juin 1944 semble fréquemment accueillir des touristes (A4, A5). La fréquentation de cette zone est vraisemblablement attribuable à la beauté du point de vue qu’offrent les deux ponts, mais également à la présence de ce côté de la rive du musée Lapérouse et du Centre d’art le LAIT.
Cette vue d’ensemble de l’occupation territoriale des touristes nous permet d’avoir une première grille de lecture des localisations touristiques, de mieux percevoir la distribution dans l’espace des visiteurs dans leur ensemble. Nous pouvons nous appuyer sur cette première représentation graphique pour faire apparaître, par effet de contraste, les spécificités du parcours des visiteurs équipés de dispositifs d’aide à l’orientation touristique.
Spécificités du parcours touristique des individus équipés
Lorsque nous évaluons l’incidence des équipements portables sur la définition du parcours des visiteurs, nous constatons que le fait d’être ou non équipé pèse relativement peu sur la sélection des zones urbaines fréquentées. Au sein de notre sous-population dont le temps de visite est compris entre trois et six heures (N = 935), seules deux zones spécifiques semblent avoir été nettement plus visitées par les détenteurs d’un ou de plusieurs dispositifs d’aide à l’orientation touristique. Il s’agit des périmètres C3 et D4 qui connaissent une surfréquentation des visiteurs mobilisant un équipement ou plus[12]. Regardons de plus près les deux périmètres surfréquentés par cette sous-population.
La première des deux zones (C3) se caractérise par la présence de l’une des plus anciennes demeures de la ville, la maison du Vieil Alby, et par celle de l’un de ses plus beaux hôtels particuliers, l’hôtel du Bosc. La maison du Vieil Alby témoigne des techniques architecturales les plus couramment utilisées dans la région à la fin du Moyen Âge : colombage, encorbellement et soleilhou[13]. Elle est la propriété de la ville et héberge une association de sauvegarde du patrimoine qui propose à la vente différents ouvrages sur la région. L’hôtel du Bosc est un bâtiment remarquable. Sur un plan architectural tout d’abord, il s’agit d’une bâtisse imposante surmontée d'une tour de garde et entourée d’un grand jardin ombragé. Sur un plan historique ensuite, cet hôtel est connu pour avoir appartenu à la famille Toulouse-Lautrec et avoir vu naître et grandir Henri de Toulouse-Lautrec. La seconde zone surfréquentée par les utilisateurs de dispositifs d’aide à l’orientation touristique (D4) est occupée par la fontaine de Verdusse et la statue du célèbre navigateur Lapérouse. Cette fontaine[14], rénovée à plusieurs reprises par différents sculpteurs et architectes de la région, se trouve à l’emplacement d’une source d’eau connue depuis l’Antiquité et dont des générations de lavandières ont fait usage. La statue à l’effigie de Jean-François de Galaup de La Pérouse (dit Lapérouse) rend hommage à ce célèbre amiral ayant exercé à la fin du XVIIIe siècle et qui, Albigeois de naissance, est décédé loin de sa terre natale lors de son ultime expédition en mer.
Outre ces points d’intérêt architectural et artistique, notons la présence d’aires de stationnement (celles du Bondidou et du boulevard du Général Sibille) et de sanitaires publics au cœur de ces deux zones. Il ne faut pas négliger ces éléments pratiques qui, pour triviaux qu’ils soient, font partie intégrante de la narration prescriptive du guide touristique. Plusieurs des guides consultés font de ces deux zones des points d’entrée recommandés pour la découverte des quartiers de Castelnau et du bourg Saint-Salvy.
Pour mesurer l’influence des équipements portables sur la composition du parcours emprunté et sur la définition des visites effectuées, il nous faut maintenant quitter le quadrillage surplombant de la ville pour nous pencher sur le détail des sites touristiques fréquentés. Nous avons sélectionné quatre sites albigeois, dont le taux de fréquentation varie du simple au triple (de 22,8 % à 64,1 %)[15], pour mesurer l’influence des équipements portables sur la fréquentation des sites reconnus, ou de ceux plus confidentiels.
L’utilisation d’un ou de plusieurs équipements accroît les probabilités de visiter l’ensemble des sites sélectionnés. Elle augmente significativement la probabilité de voir un touriste aller dans des sites reconnus comme dans des sites plus confidentiels. Soulignons un élément essentiel de la démonstration : utiliser un ou plusieurs équipements portables engage le visiteur dans une exploration bien plus fréquente (toutes proportions gardées) des lieux les plus confidentiels. Ainsi, l’utilisateur d’un équipement unique a 1,14 fois plus de chances de visiter le cloître Saint-Salvy (lieu fortement fréquenté) et 1,78 fois plus de chances de visiter la place Savène (lieu faiblement fréquenté) que le visiteur n’ayant recours à aucun équipement. De la même manière, l’utilisateur de plusieurs équipements portables a 1,29 fois plus de chances de visiter le cloître Saint-Salvy et 2 fois plus de chances de se rendre place Savène que le visiteur ne mobilisant aucun dispositif d’aide à l’orientation touristique. À partir de ces premiers résultats, nous pouvons affirmer que les équipements portables identifiés ont une capacité prescriptive importante qui s’exerce préférentiellement sur les sites touristiques de seconde importance, sur les attractions locales les moins populaires. En d’autres termes, les dispositifs touristiques étudiés augmentent davantage la fréquentation de sites confidentiels que celle de sites reconnus. Nous retrouvons là l’analyse faite par Vergopoulos (2011) sur la place grandissante de l’insolite dans la construction des guides et autres dispositifs d’aide à l’orientation touristique. Cette dernière parle d’un penchant pour la découverte de la « Pataxie » : contrée ou site insolite (expression dérivée du terme « hapax » qui désigne un mot qui n’a qu’une seule occurrence dans la littérature). Cet intérêt marqué pour l’inédit ou l’insolite ouvre les possibles des visiteurs. Ces derniers continuent de fréquenter les sites les plus emblématiques de la localité touristique visitée[16], mais agrémentent leurs itinéraires de quelques visites complémentaires qui ne sont pas considérées comme incontournables.
Revenons au graphique 2 pour nous arrêter un instant sur le cas spécifique du musée Toulouse-Lautrec qui est, parmi les quatre sites sélectionnés, le seul à être payant et le seul à réunir une collection aussi importante d’œuvres d’art. Une grande proportion de ceux qui franchissent les portes de ce musée sont équipés. En effet, les visiteurs monoéquipés et pluriéquipés ont respectivement 1,65 fois et 1,79 fois plus de chances de se rendre au musée que les individus ne faisant usage d’aucun équipement. Ici, la particularité de l’offre culturelle, son exigence et sa complexité invitent le touriste à s’armer de dispositifs techniques seuls à même de permettre la traduction ou le commentaire éclairé d’une collection d’œuvres à ce point imposante. Il semblerait que les textes d’exposition, les audioguides et les prospectus mis à disposition par le musée ne suffisent pas à remplir la mission de classification des œuvres selon leur importance et leur intérêt relatif, ni à désigner parmi toutes celles présentes les œuvres maîtresses de la collection. Le recours à un équipement de type guide touristique est alors bien plus fréquent qu’il ne peut l’être dans tout autre site touristique de la ville.
Nous retrouvons ici la thèse de Karpik (1989 ; 2007) évoquée précédemment sur les caractéristiques de l’économie de la qualité, selon laquelle il y a des biens et services qui ne peuvent être jugés par les consommateurs que sur la base d’une appréciation subjective de leur qualité. L’achat de ces biens et services – pour lesquels les consommateurs ont toutes les peines à déterminer par eux-mêmes la valeur intrinsèque – dépend directement du recueil de l’avis de tiers, de la nature prescriptive des comptes rendus délivrés par les experts du domaine (Mallard, 2000). Les données ici relevées montrent bien que plus l’incertitude est grande quant à la qualification d’un bien ou service, plus le recours à des dispositifs d’accompagnement dans l’expérience de consommation est fréquent. Elles démontrent également que c’est la profusion d’éléments de valeurs indéterminées qui crée une absence de repères pour le consommateur de biens culturels. Plus l’offre est pléthorique, moins les consommateurs sont tentés d’opérer par eux-mêmes une sélection. Ce sont donc les offres culturelles les plus denses ou atypiques qui requièrent le plus grand « travail de qualification » de « leurs qualités » (Callon et al., 2000). Et c’est finalement sur la description de ces sites touristiques « singuliers » qu’une grande part de l’attente de la clientèle se concentre.
Influence nominale des artefacts touristiques
Parmi les quatre artefacts touristiques étudiés, quels sont ceux qui pèsent le plus sur l’orientation du touriste, sur ses choix de visite ? Qui de la carte, du prospectus, du téléphone intelligent ou du guide a la plus grande capacité à réorienter le parcours des visiteurs ? Pour répondre à cette question, nous avons isolé cinq catégories d’individus : les usagers du seul guide touristique, ceux de la carte seule, ceux des prospectus de l’Office de tourisme seuls, ceux du téléphone intelligent seul et enfin – à titre de comparaison – les individus non équipés. Nous avons observé, pour chacune de ces cinq sous-populations, la proportion d’individus qui fréquentaient les différents sites touristiques albigeois.
Nous avons ainsi constaté que les visiteurs qui font un usage exclusif de la carte de la ville ou du téléphone intelligent adoptent des parcours similaires : ils surfréquentent les mêmes sites ou attractions touristiques. L’usage restrictif de ces dispositifs a pour principale influence d’accroître la probabilité de visiter les sites en extérieur (ou de plein air) et en accès libre. Ainsi, lorsque les visiteurs non équipés sont 54,5 % à découvrir le cloître Saint-Salvy, les usagers de la seule carte et ceux du seul téléphone intelligent sont respectivement 65,2 % et 62,5 % à le visiter. Alors que les Jardins de la Berbie accueillent 50,2 % des visiteurs non équipés, ils accueillent 56,3 % des usagers de la seule carte et 59,3 % des usagers du seul téléphone intelligent. De la même façon, quand 49,7 % des visiteurs non équipés se promènent sur les berges du Tarn, 56,3 % des usagers de la seule carte et 51,8 % des usagers du seul téléphone intelligent en font autant. Le téléphone intelligent comme la carte de la ville permettent au visiteur de déplacer son regard sur un large ensemble de points d’intérêt grâce à une lecture cursive de la ville qui, représentée à plat sur une carte, peut plus facilement être appréhendée dans sa globalité[17]. Il semble donc que l’influence nominale de ces deux dispositifs se traduise par une sélection préférentielle de sites en extérieur et en libre accès et par une fréquentation majorée de points de vue panoramiques (Jardins de la Berbie, Berges du Tarn).
A contrario, le recours exclusif au guide papier ou aux prospectus ne favorise pas le repérage surplombant des attractions urbaines. Il n’entraîne pas non plus de sélection préférentielle des sites en extérieur et gratuits. Les visiteurs uniquement équipés d’un guide ou de prospectus vont avoir davantage tendance à s’acquitter des droits d’entrée aux différents musées de la ville. Ils sont ainsi respectivement 53,1 % et 54,5 % à visiter le musée Toulouse-Lautrec (contre 33,2 % des visiteurs non équipés) ; 17,9 % et 21,1 % à se rendre au musée Lapérouse (contre 10,3 % des non équipés) ; 14,3 % et 6,1 % à fréquenter le Centre d’art le LAIT (contre 4 % des non équipés). Guide et prospectus sont donc des équipements qui invitent à un approfondissement de la découverte touristique centrée sur des sites culturels reconnus et bénéficiant d’une concentration importante d’œuvres. Notons également que ces équipements permettent d’attirer l’attention de leurs usagers sur des sites plus confidentiels – des sites que la carte et le téléphone intelligent placent plus volontiers hors du cadre de l’exploration. Par exemple, la place Savène, située à l’extrémité ouest du centre historique, est davantage fréquentée par ceux qui font un usage exclusif du guide ou des prospectus. Ceux-ci sont respectivement 29 % et 30,3 % à découvrir la place Savène quand 14,8 % des visiteurs non équipés s’y rendent. Le guide papier et les prospectus de l’Office de tourisme offrent à leurs usagers l’occasion d’approfondir leurs connaissances de la ville grâce à la découverte sélective des richesses distinguées par un ou des tiers qualifiés.
Conclusion
S’intéresser à ce que les équipements portables « font faire » aux visiteurs (Latour, 2000), c’est découvrir que l’équipée touristique relève d’un arbitrage entre différents dispositifs aux qualités et aux « affordances » distinctes (Norman, 1993). L’un des principaux apports de notre recherche est d’avoir pu saisir les variations d’usage introduites par chacun des dispositifs pris séparément. Nous avons ainsi montré que les visiteurs qui font un usage exclusif des guides ou des prospectus ont davantage tendance à privilégier les attractions touristiques les plus distinguées (pour lesquelles il est généralement nécessaire de s’acquitter d’un droit d’entrée), quand ceux qui mobilisent uniquement les cartes ou les téléphones intelligents sont plus à même d’avoir une vision plus éclatée des richesses de la ville et de sélectionner des attractions en extérieur et en libre accès. Chaque équipement a donc sa spécificité et le visiteur, lorsqu’il mobilise l’un d’eux, se saisit de leviers d’action plus ou moins précis, opérants et directifs. Nous pouvons donc conclure à un usage différencié de dispositifs d’aide à l’orientation touristique hétérogènes.
Si chaque équipement prescrit une exploration du lieu sensiblement différente, il arrive fréquemment que plusieurs équipements soient mobilisés par le visiteur et agissent donc de concert. Un peu plus d’un tiers des visiteurs d’Albi (35,8 %) ont en effet eu recours à plusieurs équipements durant leur visite. Notre enquête démontre que les associations entre dispositifs d’aide à l’orientation touristique ne sont pas aléatoires. L’association la plus fréquente est celle qui réunit les deux dispositifs gratuits et en libre accès que sont la carte de la ville et les prospectus de l’Office de tourisme. Cette combinaison majoritairement utilisée montre combien les touristes comptent sur la fourniture publique des supports touristiques les plus élémentaires. Nous avons également repéré des combinaisons plus inhabituelles. Le téléphone intelligent, par exemple, est un outil qui se montre bien plus exclusif que les autres. Sa polyvalence explique en partie sa faible association avec les trois autres dispositifs. Pour mieux comprendre les décisions du visiteur, il est donc important de penser les apports croisés des différents outils qu’il mobilise et de réfléchir aux conditions de leur interopérabilité.
L’attention portée aux dispositifs mobilisés par les touristes ne doit pas faire oublier que, dans 35,5 % des cas, les visiteurs d’Albi découvrent la ville sans recourir au moindre équipement portable. Nous avons constaté que ces individus non équipés avaient moins de chances que leurs homologues équipés de visiter les sites emblématiques de la ville. Ils avaient encore moins de chances de visiter les sites de moindre importance (sites secondaires). Alors qu’ils visitent la ville sur une même période de temps, ces deux catégories de visiteurs ne se donnent donc pas les mêmes chances d’explorer le site parcouru. Il est ici difficile de faire la part entre ce qui relève d’une moindre disposition à la découverte (chez la sous-population non équipée) et ce qui relève du non-recours aux dispositifs d’aide à l’orientation touristique. Ces deux éléments se rencontrent et convergent pour donner lieu à une exploration plus restrictive des richesses de la ville.
Le niveau d’équipement du visiteur est déterminé par un ensemble de facteurs qu’il est bien difficile de discriminer. Le temps passé sur place, les centres d’intérêt du visiteur, son niveau d’instruction comme son âge pèsent de façon significative sur l’emploi des différents dispositifs d’aide à l’orientation touristique, sur les modes d’exploration d’un site visité ainsi que sur le choix des destinations et des points d’intérêts à découvrir. Nous avons pu voir que les touristes les plus équipés sont ceux qui sont les plus diplômés et ceux également dont les centres d’intérêt se tournent vers les dimensions artistiques et patrimoniales de la ville. Nous constatons ici que l’adoption et l’usage des équipements touristiques sont tout à la fois la manifestation d’une distinction sociale et l’un des outils par lesquels cette distinction s’opère. Manifestation de l’identité du touriste (signe de ce qu'il est ou souhaite être), le recours aux équipements touristiques participe au maintien et à la consolidation des différences socioculturelles préexistantes. Ainsi, les mieux dotés en capitaux culturels sont ceux qui investissent le plus massivement les éléments techniques d’apprentissage et de découverte, créant par là même les conditions de reproduction de leur avantage culturel.
Appendices
Notes
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[1]
L’expression « dispositifs d’aide à l’orientation touristique » rend compte des équipements capables d’orienter le visiteur dans l’espace mais également de l’orienter dans ses choix. En cela, ces dispositifs peuvent être considérés comme des « artefacts cognitifs » (Norman, 1993) susceptibles d’influencer la décision du visiteur. Dans la suite de l’article, nous emploierons pour désigner ces dispositifs les expressions « artefacts touristiques » ou « équipements portables ».
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[2]
Les 2209 questionnaires ont été réalisés, lors d’entretiens en face-à-face, par les étudiants de Licence 3 de sociologie du Centre universitaire Jean-François Champollion d’Albi. Nous les remercions chaleureusement pour le sérieux et la persévérance dont ils ont su faire preuve.
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[3]
Le périmètre UNESCO s’étend sur une grande partie du centre historique. Il court du pont vieux au pont neuf de la ville.
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[4]
La question posée était formulée ainsi : « Au cours de votre visite de la ville d’Albi, avez-vous eu recours à un plan de la ville / une carte / un guide / un téléphone intelligent ? »
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[5]
Ici comme dans la suite du document, nous qualifions les individus ayant eu recours à un seul et unique équipement de « visiteurs monoéquipés ». Il s’agit là d’un abus de langage puisque ces mêmes individus peuvent posséder et avoir sur eux plusieurs équipements et ne s’être servi que de l’un d’entre eux. Nous conservons tout de même cette expression en précisant que, selon notre définition, être équipé revient à la fois à posséder et à utiliser un équipement.
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[6]
Il arrive toutefois que les coûts d’itinérance associés à l’usage du téléphone intelligent à l’étranger empêchent ou limitent fortement l’usage de ce dispositif.
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[7]
De l’anglais quick response.
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[8]
Nous reprenons à notre compte la nomenclature établie par l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques - France). Pour les diplômes étrangers, nous avons appliqué les principes d’équivalence du CEC (Cadre européen d’équivalence - Commission européenne) et de la CITE (Classification internationale type de l’éducation - UNESCO).
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[9]
La formulation exacte de la question était la suivante : « Vous êtes avant tout venu(e) à Albi pour : découvrir le centre historique / la cathédrale et les édifices religieux / les œuvres d’art, les musées / la gastronomie (marché, restaurant) / assister à un événement festif (concert, festival, carnaval) / visiter la famille, les amis / travailler ? »
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[10]
Il nous faut nous concentrer sur une sous-population dont la présence sur les lieux est équivalente (ou tout du moins similaire) pour pouvoir éliminer le facteur temps des déterminants de l’action.
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[11]
Non seulement cette sous-population est la plus large de toutes dans notre étude, mais elle a également l’avantage de comprendre un contingent encore important de personnes non équipées, ce qui est indispensable à la conduite de notre étude comparative.
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[12]
Pour le secteur C3, les individus utilisant un équipement ou plus sont 44 % à s’y rendre, tandis que ceux n’en mobilisant aucun sont seulement 37,1 %. Pour le secteur D4, les usagers d’équipements sont 10,6 % à s’y rendre contre seulement 5,4 % des visiteurs ne faisant usage d’aucun équipement.
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[13]
Le « soleilhou » est un terme occitan qui désigne de larges terrasses. Ces terrasses ensoleillées servaient de greniers à ciel ouvert aux habitants du Sud de la France et plus particulièrement aux Tarnais. Situées au dernier étage des bâtisses et des maisonnées, ces terrasses permettaient aux agriculteurs de mettre à sécher les récoltes après les avoir hissées à la force des bras grâce à un système de poulies. Dans la région d’Albi, le soleilhou était principalement employé pour faire sécher le pastel.
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[14]
Signalons qu’aujourd’hui la fontaine de Verdusse n’est plus. Elle a vraisemblablement été sacrifiée sur l’autel de la rénovation de l’esplanade où elle trônait. Cela ne change rien à notre démonstration car, au moment de l’enquête, la fontaine se trouvait encore intacte à l’endroit indiqué.
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[15]
Le taux de fréquentation moyen de la place Savène est de 22,8 %, celui du musée Toulouse-Lautrec de 48,3 %, celui des jardins de la Berbie de 59,7 % et celui du cloître Saint-Salvy de 64,1 %.
-
[16]
Par exemple, 94,1 % des non équipés visitent la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi quand 96,8 % des équipés en font autant, soit un rapport de 1 pour 1,03.
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[17]
Cette carte peut être dynamique via la géolocalisation permise par le téléphone intelligent ou plus statique lorsqu’elle se matérialise sur un simple support papier.
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