Abstracts
Résumé
Cet article analyse la figure du notaire au moment de sa décadence. Pour ce faire, l’analyse s’attache d’abord à présenter la figure classique du notaire dans deux oeuvres du xixe siècle : La terre paternelle (Lacombe, 1846) et Charles Guérin (Chauveau, 1846). La démonstration travaille ensuite à présenter les écarts faits en regard de cette figure, dans les années 1940-1970. Ceux-ci prennent la forme d’une valorisation du risque (mobilier et non plus immobilier) et d’une mise de l’avant de « l’actif » contre le « passif ». Les textes d’Adrienne Choquette (1948), Pierre Gélinas (1959) et Hubert Aquin (1953 ; 1959 ; 1972) sont analysés dans cette optique. Ainsi, partant de l’opposition entre le « notaire » et « le banquier » (ou l’entrepreneur), l’article entend montrer comment les textes, dans leur représentation de la figure du notaire, l’attache à la conservation et à la peur du risque, ce qui se trouve opposé à la poésie et à la création. D’un autre côté, l’entrepreneur deviendra la figure à suivre pour la littérature (« écrivain faute d’être banquier », écrivait Hubert Aquin). Ces lectures se gardent néanmoins d’attacher ces représentations à l’ordre économique et travaillent plutôt à les lier à un imaginaire économique à l’oeuvre dans les textes.
Abstract
This article analyzes the figure of the notary at the moment of his decline. It discusses first, the classical figure of the notary in two nineteenth-century works, La terre paternelle (Lacombe, 1846) and Charles Guérin (Chauveau, 1846), and second, deviations from the classical representation during the years 1940-1970, which involved risk evaluation (real estate and no longer immovable property) and the balance of “assets” against “liabilities.” The texts of Adrienne Choquette (1948), Pierre Gélinas (1959) and Hubert Aquin (1953; 1959; 1972) are analyzed from this perspective. Thus, starting with the concept of “notary” versus “banker” (or entrepreneur), the article proposes to show how the texts, in their representations of the notary, associate this figure with conservatism and fear of risk, which inhibits poetry and creation. The entrepreneur, on the other hand, becomes the figure to focus on in literature (écrivain faute d’être banquier [writer because unable to be banker], wrote Hubert Aquin). Still, these readings are careful to avoid associating these representations with the economic order and aim, rather, to link them to an economic imagination at work in the texts.
Article body
Chaque notaire porte en soi les débris d’un poète.
Gustave Flaubert[1]
Il faudrait corriger le vers célèbre d’Hector de Saint-Denys Garneau – « nous ne sommes pas des comptables[2] », écrivait-il avec emphase, s’opposant de ce fait au rationalisme, cette tendance qui consiste à tout réduire au mesurable, au pondérable, en un mot, certes, au comptable. Pourtant, le métier auquel le vers de Garneau s’en prend, si on le met dans la perspective de l’histoire littéraire québécoise, c’est bien plutôt au notaire, celui qui transforme par la magie du droit le comptabilisé en héritage et partant, en filiation ; celui qui voue tout au patrimoine et rien au spéculatif ; l’ennemi du notaire est le risque, mais aussi le désir et l’aventure. Si comme l’écrivait Flaubert le notaire contient les débris d’un poète, c’est que le notariat est fait de l’échec amer de la poésie.
Hubert Aquin lançait quelque trente ans après Garneau, en entrevue avec Jean Bouthillette : « Vous savez, ici on est écrivain faute d’être banquier. » Cette remarque portait avant tout sur le « milieu » qui assigne à chacun sa place : « On nous octroie d’autant plus de talent qu’on nous refuse d’importance. De l’Anglais, par exemple, on dit qu’il est bon banquier et qu’en plus il a des écrivains. À nous, on ne concède que le talent d’écrire, comme si cela nous était dévolu par la nature […], quand en réalité, je le répète, c’est faute d’être banquier qu’on est écrivain[3]. » Comme le comptable de Garneau, le banquier d’Aquin est une figure fonctionnant au sein d’une dichotomie structurale – un noeud oxymorique, écrirait le sociocriticien Claude Duchet. Or, et voilà ce qui fascine, le pôle se déplace : du comptable, bureaucrate par excellence, dont la tâche routinière est dénuée d’imagination, au banquier qui investit, fait fructifier, prête – et risque –, nous assistons à un changement de paradigme économique. En regard du comptable, le poète de Garneau est une force d’imagination ; en regard du banquier, l’écrivain d’Aquin est un pis-aller, qui ne dispose que des mots – et non de l’argent et du prestige – pour modifier la société. D’ailleurs, Aquin aura cette mise en garde vis-à-vis de la société : « Remarquez qu’il y a un aspect positif à tout cela et qui peut, à la longue, jouer contre la société qui se croit protégée : l’écrivain est générateur de conscience ; il questionne, trouble, remet en question, renverse les valeurs acquises[4]. » Le langage et l’argent sont deux monnaies – deux armes, pourrait-on presque dire – qui engagent leur propre risque.
« Nous ne sommes pas des notaires », transformais-je le vers de Garneau : c’est qu’en littérature québécoise, la figure du notaire constitue le signe même de l’économie – une économie lourdement immobilière, encore difficilement mobilière, dirait-on. Le notaire, à l’instar du comptable, représente souvent un individu dénué d’imagination, avec un sens de la tradition aigu ; chargé de la donation et de l’héritage, il participe à pérenniser le patrimoine. L’anthropologue David Graeber relève que dans l’Europe de Marx, la bourgeoisie « avait une philosophie extrêmement productiviste – c’est l’une des raisons pour lesquelles Marx pouvait voir en elle une force révolutionnaire[5] ». Ce productivisme mène à une force « imaginante » et « créative » qui fait des bourgeois, de facto, les frères ennemis des poètes et écrivains – voilà une idée reçue dans l’histoire littéraire de ce siècle. Or, pour Graeber, la bourgeoisie industrielle du xixe siècle est une exception dans le cours historique de l’économie, car alors « la classe dominante a fini par faire davantage de travail imaginatif, et non moins[6] » que les classes dominées. L’économie mobilière appelle cette imagination, et partant ce risque, cet investissement dans le possible, assez proche du risque de l’écrivain – l’écrivain et le banquier se retrouvent ici sur le fil de ce continuum. Ce productivisme créatif, voilà une autre idée reçue, n’a que peu d’ancrage dans la société québécoise pré-Révolution tranquille. La fameuse « société d’épiciers » dénoncée par Octave Crémazie, ataviquement dénuée de curiosité et d’imagination, est à la fois ce qui empêche tout développement littéraire d’envergure au Canada et ce qui mine la naissance d’une véritable bourgeoisie économiquement productive[7]. Le notaire représenté en est souvent le signe ; le sociologue Everett Hughes note dans son enquête sur l’industrialisation au Canada français, dans un rapport de quasi-causalité, que « [c]’est une des caractéristiques de la mentalité canadienne-française d’avoir des violons d’Ingres d’ordre intellectuel. […] Avocats, notaires, médecins, fonctionnaires civils et prêtres, sont les auteurs d’une grande partie de l’histoire du Canada et d’une grande portion de la littérature en prose et en vers du Canada de langue française[8] ». De là, le sociologue ajoute : « Au point de vue économique, la culture canadienne-française urbaine s’est stabilisée autour d’une phase antérieure du capitalisme[9]. » Ainsi, sans tirer trop de conséquences de la proposition de Hughes, j’aimerais soutenir que le notaire dans la littérature d’avant la Révolution tranquille est le porteur d’une tradition – « savante et non experte », comme le dira Hughes un peu plus loin –, laquelle est forcément tournée vers la conservation et peu vers la production ; le notaire est donc le signe, connoté et distinctif, de cette « phase antérieure du capitalisme ». La littérature investit ce signe pour dire le système économique dans ses limites. En ce sens, le présent article entend surtout éclairer le notaire à l’heure de son déclin dans la littérature québécoise, ce qui suppose dans un premier temps de bien déterminer son apogée dans sa représentation littéraire. Le notaire historique comme stase économique sera rapidement présenté, des textes d’origines aux textes de la pré-Révolution tranquille, pour ensuite analyser comment le notaire devient une hantise obligataire opposée au possible et à la liberté marchande.
Le notaire classique
Le notaire, d’un point de vue économique, est l’antithèse de l’entrepreneur que fêtait l’économiste Joseph Schumpeter dans les années 1930[10] ; cet entrepreneur était défini comme « garant de l’économie capitaliste » grâce à sa réinvention constante des moyens de production – c’est le concept de « destruction créatrice » cher à Schumpeter. En fait, les valeurs de ces deux figures que sont l’entrepreneur et le notaire – c’est-à-dire la destruction pour créer chez l’un, la conservation par prudence chez l’autre – sont lisibles narrativement. Ainsi, d’une part, l’anthropologue Arjun Appadurai écrit que l’entrepreneur, comme capital en action, s’inscrit dans ce calcul capitaliste sans fin consistant à rendre l’invisible futur (dreamwork) visible sous forme de symptômes numérisables : « C’est l’union entre la fantaisie, la spéculation et l’imagination débridée, et la productivité, la discipline et l’instrumentalité du présent (comme éléments essentiels de la conception moderne du travail)[11]. » L’entrepreneur sait unir spéculativement ces deux propositions. D’autre part, pour le notaire, le présent est lourd des héritages, des hypothèques, la gestion contractuelle est généralement celle du passif et du passé – et au besoin, le présent se fera contrainte du futur ; sans fantaisie ni spéculation. Nous pourrions ici évoquer la polarité de Werner Sombart, contemporain de Max Weber, mais ayant contesté ses thèses sur l’esprit du capitalisme. Pour Sombart, en effet, l’esprit capitaliste est l’union de deux esprits, de l’esprit d’entreprise « constitué par la passion de l’argent, par l’amour des aventures, par l’esprit d’invention, etc. », et de l’esprit bourgeois composé « de qualités telles que la prudence réfléchie, la circonspection qui calcule, la pondération raisonnable, l’esprit d’ordre et d’économie[12] ». Si l’entrepreneur, chez Sombart, vient notamment du flibustier, le bourgeois est quant à lui allergique aux gestes d’éclats. C’est, suivant la démonstration – assurément fantaisiste – du penseur, à la faveur de l’esprit d’entreprise que naquirent le capitalisme moderne et plus encore, la spéculation ; car l’esprit d’entreprise aura su transformer la peur du bourgeois en espoir, rendre en ce sens le risque productif[13]. Le notaire, chez qui prédominerait, postulé-je, l’esprit bourgeois, ne sait apprécier cette conversion.
L’un des premiers romans québécois l’illustre, comme une sorte de prémonition. La terre paternelle (1846) de Patrice Lacombe raconte l’acte de donation du père au fils, devant notaire comme il se doit. Interminablement, le père y énumère ce qui constituera la rente que devra lui donner le fils en échange des pleins droits sur sa terre : « Une vache laitière » énumérera le notaire à un moment. Il sera aussitôt repris par le père :
— Pardon, monsieur le notaire, interrompit le père Chauvin ; vous dites seulement : une vache laitière ; mais je vous ai dit qu’en cas de mort, nous sommes convenus, mon fils et moi, qu’il la remplacerait par une autre.
— C’est juste, dit le notaire, nous allons ajouter cela : une vache laitière qui ne meurt point[14].
Ici, bien sûr, la vache devient immortelle par la force du droit (ou morte-vivante : on y reviendra), car le langage notarial est prescriptif, jamais spéculatif : entre l’entrepreneur qui postule et qui parie et le notaire qui édicte et qui paraphe, nous avons un monde économique, mais aussi un monde culturel qui s’étend – que la vache ne meurt point n’est pas une spéculation, c’est une assurance, le présent décide du futur et préserve de la spéculation.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, très vite dans la production littéraire québécoise, on valorise le risque ; dès La terre paternelle, en fait, le fils qui part à l’aventure, s’engageant dans les compagnies comme coureur des bois, sera celui qui sauvera la famille Chauvin ; le fils qui reste, qui recevra la donation et sera ficelé à la terre, participera au contraire à la faillite de ses parents. À la même époque, Pierre, le frère de Charles Guérin dans le roman éponyme (1846), abandonne les siens, par désir de création :
Mon état à moi, ce n’est pas de sécher sur des vivres, de végéter au milieu d’un tas de paperasses ; c’est une vie active, créatrice, une vie qui ne fasse pas vivre qu’un seul homme, une vie qui fasse vivre beaucoup de monde par l’industrie et les talents d’un seul. C’est à peu près l’inverse de la vie officielle, où l’industrie et les travaux de beaucoup de gens font vivre un seul homme à ne rien faire[15].
Cette vie officielle, proche de ce que le sociologue Gilles Bourque nomme l’aristocratie cléricale[16], est sans vertu démocratique et sans capacité créatrice ; Pierre partira, un naufrage aura lieu, on le croira mort pour le reste du roman jusqu’à son retour prodigieux[17]. Or, chez Chauveau, le départ de Pierre « à l’aventure » se double de la résistance de Charles à l’abêtissement de la loi. On décrit ainsi deux livres ouverts l’un dans l’autre : les Lois civiles de Donat et, à l’intérieur, Les martyrs de Chateaubriand. « Il était évident que le jeune homme avait d’abord voulu étudier sérieusement », note la narration, avant d’ajouter que « la poésie avait eu littéralement le dessus sur la jurisprudence[18] ». Le poète, dans cet extrait, n’est pas encore déchiqueté par le droit. Cette pratique est toutefois évaluée[19] de façon ambiguë, dès le début du roman, constituant une mauvaise influence du fourbe Henri Voisin ; à la fin du roman, la morale s’explicite. Pierre est revenu de l’aventure pour entrer dans les ordres ecclésiastiques ; Charles, de même, abandonne la poésie (et ses amours romantiques) pour retrouver la vie terre-à-terre de l’agriculture auprès de sa chère Marichette – au surplus, il se refait une fortune grâce au testament notarié d’un obligé de son père, Maître Dumont, qui lui lègue une part de ses biens. Le risque comme valeur s’évapore, le droit et la conservation s’installent.
Cette ambiguïté est au coeur de la représentation économique des xixe et xxe siècles ; il faut arrimer l’aventure au réalisme, être rêveur, mais pratique. Le rêve est toutefois peu accessible dans une économie immobilière ; Edmond de Nevers écrira quelques années plus tard contre le « crédit » qui permet de se développer en condamnant les agriculteurs à la servitude, dans le même élan : « Le négociant qui vit du crédit, réussit assez facilement à se relever de deux ou trois chutes ; le propriétaire foncier se relève rarement, lorsqu’il a seulement glissé sur la pente de l’hypothèque[20]. » Pour de Nevers, c’est l’esprit bourgeois (au sens de Sombart) qui manque aux agriculteurs : « Il manque aux cultivateurs canadiens-français, en général, ce qui fait le succès de la plupart des commerçants, l’esprit de prévoyance, de prudence, d’ordre et d’économie, qui seul peut conduire au bien-être[21]. » On pourrait lire a contrario cette proposition de l’intellectuel : ce qui manque aux cultivateurs, c’est plutôt une économie d’entreprise, où le risque paie, où la spéculation rapporte, où le désir constitue une impulsion productrice ; où l’espoir, en un mot, gagne sur la peur. Comme l’écrivait Appadurai cité plus haut : l’entrepreneur unit l’imagination débridée et la discipline – il semblerait que seule la discipline soit disponible pour le cultivateur, soumis à l’économie immobilière, gouverné par la fidélité à la terre, contraint à une croissance par définition limitée, tout cela causé par la dépossession des leviers financiers. Il n’est pas étonnant à cet égard que les romans qu’on lira comme signes de la décadence du régionalisme portent sur le désir et le risque : Séraphin Poudrier aimera son argent davantage que sa communauté, Euchariste Moisan osera la spéculation jusqu’à la ruine, Didace Beauchemin reprendra une femme contre la conservation filiale[22]. Quitter l’économie communautaire dominée par le notaire est un risque qui mène au pire.
Les morts-vivants
« On ne bâtit pas des empires industriels avec des notaires et des usuriers[23] », remarquait le narrateur du roman de Pierre Gélinas, Les vivants, les morts et les autres. À l’orée de la Révolution tranquille, l’analyse du romancier était pour le moins étayée :
Un amateur de statistiques pourrait sans doute établir que les Canadiens français occupent dans la vie économique du pays une position dont l’importance est en raison inverse de la proportion des notaires dans le total de la population. Il serait plaisant de déterminer si le notaire n’est que le produit, l’ombre projetée d’un état d’esprit résolument réfractaire aux conceptions audacieuses, ou s’il en est plutôt le promoteur et façonneur[24].
L’opposition déjà présentée entre le notaire et l’entrepreneur se retrouve ici clairement énoncée. Ce qui diffère, dans l’écriture de Gélinas, c’est bien plutôt que l’audace s’avère valorisée, gage de progrès – en continuité de ce que proposait Everett Hughes, il y aurait là, contre le notaire, les conditions modernes du capitalisme. Comme dans Charles Guérin jusque chez Saint-Denys Garneau, l’opposition devient également un commentaire sur la littérature. De fait, plus tôt dans le roman, le protagoniste, fils de la bourgeoisie canadienne-française – mais fils tourné vers le communisme – juge sévèrement le roman qu’écrit son frère, un jugement qui est une nouvelle fois prétexte à analyse socioéconomique :
Nous avons chez nous plus d’écrivains, de poètes, de peintres, de chanteurs par mille carrés qu’en n’importe quel pays du monde. Notre petite bourgeoisie a besoin plus que toute autre d’échapper à sa propre réalité, de se donner sur le papier l’illusion d’une grandeur qu’elle n’a jamais su conquérir, ni par les armes ni par l’argent : des gens lugubres. […] Ils vivent dans les livres parce qu’ils ont peur de sortir dans la rue. Ils écrivent afin d’avoir une excuse de rester assis… L’élite, croient-ils ! En vérité, ils sont morts, mais personne n’a eu le courage de leur dire, alors ils continuent à prétendre qu’ils vivent, et les imbéciles continuent à encenser des cadavres[25].
Nous avons dans ce passage la justification du titre de Gélinas, ce qui souligne peut-être sa centralité. Car l’analyse ici proposée met dos à dos l’actif et le passif – sortir dans la rue s’oppose à rester assis, l’illusion du papier, à la réalité, la vie à la mort. Cette petite-bourgeoisie de notaire ne sait conquérir, imaginer, spéculer, elle ne sait que répéter, s’illusionner et non pas risquer – c’est la rente qu’on vise, jamais la fortune, le prévisible, jamais les conceptions audacieuses. Rachel Nadon relève à propos de ce passage ainsi que du traitement général des écrivains dans Les vivants, les morts et les autres, que ces lettrés représentent « l’idée d’une bourgeoisie littéraire lâche, d’une littérature déconnectée de la masse et donc de la vie[26] » ; l’action est valorisée, relève-t-elle, contre l’institution littéraire qui serait son envers – le passif. En regard de cette dialectique entre vie et littérature, action et passion, on peut dire que chez Gélinas, le notaire est en adéquation avec l’écrivain, les deux figures agissent comme signes d’une même apathie : la littérature québécoise, engluée dans sa tradition et ses « violons d’Ingres » marche au pas de sa vie économique.
Dans la célèbre tripartition d’Albert O. Hirschman en économie politique, allant de l’Exit à la Voice à la Loyalty[27], il ne fait pas de doute que l’écrivain et le notaire ont ceci en commun que leur rapport à la culture canadienne et à son économie se développe sous le signe de la loyauté ; économiquement, cela consiste, écrit Hirschman, à accepter les déficiences, à vivre avec les accrocs, à encourager l’appartenance au-delà de la rentabilité et de la satisfaction collective et individuelle. La loyauté, comme l’analysera plus tard Jacques T. Godbout dans L’esprit du don, est l’attitude filiale typique, parce que la loyauté envers la famille permet peu les deux autres attitudes, la défection (exit) et la prise de parole (voice)[28]. La défection, bien sûr, est le geste du capitalisme libéral, on part, on détruit, sans aucune attache autre que l’argent et ce qu’il achète. La prise de parole est quant à elle le lieu de la démocratie, ou de son illusion : se sentir écouté, dans l’économie marchande, empêchera les défections. Des trois attitudes, toutefois, la seule qui s’oppose au libéralisme est bien la loyauté. Cette première remarque, opposant le risque (de l’entrepreneur) à la loyauté apaisée (du notaire), permet déjà de voir comment un imaginaire investit le discours économique – depuis un capitalisme immobilier basé sur la propriété foncière, établir des conditions de rentabilité qui supposent un conservatisme, une prudence, un profit sur le temps long, au bout de deux ou trois générations ; de là, ostraciser le risque comme geste irresponsable qui mène directement à la ruine. Tantôt le poète s’opposera au notaire – comme dans Charles Guérin –, tantôt il ne sera que l’autre face de la même médaille – comme chez Pierre Gélinas –, car la poésie sera tantôt risque (romantique), tantôt conservation (de la tradition). Observons maintenant comment, par-delà cette opposition, cela se narrativise comme « obligation ».
L’obligation
Dans La coupe vide (1948) d’Adrienne Choquette[29], on suit une petite-bourgeoisie au berceau : Laurier qui deviendra médecin, André qui fera son droit sans jamais exercer, François, architecte, et surtout Olivier Roch qui ne veut jamais devenir notaire[30] ; s’il repousse ainsi son destin, c’est bien parce que son père officiait comme notaire et lui impose une lourde charge filiale. Âgé de dix-sept ans comme ses amis, il s’insurgera contre son père devant ces derniers. Nous en sommes aux premières pages du roman : « C’est terriblement difficile de lutter contre un homme qui vous rappelle à tout propos que vous lui devez tout. Et sur quel ton ! Et avec quels mots ! » (CV, p. 23) Olivier Roch veut écrire, devenir journaliste, mais ses amis qui le regardent agir n’ont aucun doute ; ainsi de Laurier, en confidence à Patricia, une belle Américaine de passage qui, de par son charme, va faire exploser la petite communauté : « Je ne l’ai encore dit à personne, mais au fond de ma pensée, et quoique cela me peine beaucoup, eh bien, je suis de l’avis d’André sur la destinée de Roch. Oui, Olivier [Roch] ne parle que de journalisme, mais je pense que son destin, c’est d’être notaire » (CV, p. 76). Patricia s’étonnera du fatalisme de Laurier, « être notaire n’a rien de déshonorant » (CV, p. 77) remarquera-t-elle, et Laurier résumera ce que Patricia ne peut comprendre :
Vous ne saisissez pas. Il ne s’agit pas du fait extérieur : Olivier […] est l’un de ceux qui fuient leur destin croyant l’accomplir. Il hait le mot même de notaire à cause de son père, vous comprenez ? Pour lui, un notaire c’est un mort qui ignore qu’il est mort. Songez maintenant à son désespoir si un jour…
CV, p. 77
Dix ans avant le roman de Pierre Gélinas, on présente cette image du notaire mort-vivant, qu’ici comme chez Gélinas on se garde d’expliciter. Jean Le Moyne utilisera la même expression, « morts-vivants », pour parler de la société québécoise qui aurait tué Saint-Denys Garneau : ceux qui, incapables de vivre vraiment, de risquer quoi que ce soit, entretiennent leur propre culpabilité inféconde[31].
En fait, dans ce passage de La coupe vide, la mort-vie se colle avec force au destin, et partant, au temps. Un temps prévu et prévisible n’est pas un temps vécu, pour ainsi dire ; le temps d’un destin tracé d’avance est enlevé au vivant. On peut donc affirmer que le destin constitue une dette, et c’est bien comme cela qu’il est vécu par Olivier Roch chez Adrienne Choquette – rappelons ce passage : « c’est terriblement difficile de lutter contre un homme qui vous rappelle à tout propos que vous lui devez tout[32] ». Olivier doit tout à son père et rien ne permettra effectivement qu’il échappe à son destin. En ce sens, le père est décrit par une forme de rituel, quand le fils revient d’une soirée avec ses amis : le père demande depuis l’étage, quand son fils atteint précisément la sixième marche, « Olivier, quelle heure est-il ? » (CV, p. 145) et, chaque fois, la question elle-même fait retentir l’horloge qui annonce 11 heures le soir, mettant en miroir le strict contrôle du temps du père, et le strict respect de celui-ci, du fils – c’est à cette anecdote que se résume bien le destin d’Olivier Roch. Patricia, la belle Américaine, tentera, lors d’une soirée, de préparer le moment favorable pour que le fils rejette le père : « Profite de ce moment, dira-t-elle, Dès ce soir, annonce à ton père que tu ne seras jamais notaire, que tu pars, au contraire, tenter l’aventure au loin, très loin d’ici » (CV, p. 147). La scène se termine par un baiser, le seul qu’Olivier Roch échangera avec passion de toute sa vie, note la narration ; car cette scène apparaît depuis une analepse, elle berce Olivier Roch que la narration nomme ostensiblement, répétitivement, « le notaire Roch », maintenant âgé de trente-huit ans, vieux garçon, installé dans la maison paternelle qu’il a reprise à son nom. Le chapitre qui règle ainsi le destin d’Olivier Roch est traversé d’horloges, de montres à gousset, « comme les heures passent vite » (CV, p. 137 et 138) répétera le chapitre deux fois ; on référera constamment au « faible battement de l’horloge » (CV, p. 142), à « l’horloge du corridor [qui] sonna deux coups » (CV, p. 143), puis la demie qui sonne, etc., tout est compté, découpé, attendu. Et Olivier plonge soudain, dans ce chapitre très réussi, dans la jeunesse, observant la faille qui le mena à son destin ; Olivier se remémore l’insulte qui acheva de l’éloigner de son ami André Bernier : « Tu te crois artiste, Roch. Tu n’es qu’un bourgeois. Tu crèveras rentier » (CV, p. 151). Mais surtout, ces réminiscences rappellent les durs mots du père notaire, comme une insistance sur la force du destin : « Olivier se croit poète. Je l’ai cru moi aussi. C’est de famille. Mais personne n’est poète chez les Roch passé vingt ans. Non seulement nous craignons le risque de la poésie, mais nous l’avons en horreur » (CV, p. 155).
La structure romanesque à l’oeuvre induit une première observation : le destin économique d’Olivier Roch est ficelé à la propriété foncière, à l’économie immobilière. Cette spatialisation – la maison de père en fils – se trouve redoublée par une temporalité attendue et prévisible – les horloges deviennent, par homologie, le signe de la rente qui infailliblement paie son dû, le temps qui rapporte, le temps qu’on contrôle, comme en appelait Benjamin Franklin dans ce qui deviendra l’exemple typique de « l’esprit capitaliste[33] ». Comme dans Laure Clouet (1961), le lieu à respecter, entre richesse et stabilité, prend vite l’allure d’un tombeau dans La coupe vide ; d’un roc inamovible, cloué sur place et qui ne peut bouger – aucune aventure n’est alors possible. Le personnage de Laure Clouet apparaît en ce sens comme l’envers d’Olivier : Olivier se rebelle dans sa jeunesse avant d’occuper le rôle attendu. Laure se moule dans l’attente maternelle jusqu’à la tentation du risque ; celle qui s’était « illustrée dans l’art de garder ce qu’elle avait hérité[34] » deviendra, à la fin du récit, celle qui partage le patrimoine, répond à la spéculation, investit l’avenir. Cette narration, et nous avons là une deuxième observation, constitue un renversement axiologique. Le risque poétique de Charles Guérin était dénoncé ; on déplore plutôt qu’Olivier Roch ne sache le prendre. Bien sûr, la situation finale est la même, à ceci près qu’Olivier se situe bien loin de l’idylle de Charles – Laure Clouet, en investissant le possible, saura seule espérer quelque chose de la vie, le récit la quitte sur le pas de sa nouvelle existence.
Le monde est au risque en 1961, année de parution de Laure Clouet, deux ans après les notaires morts-vivants de Pierre Gélinas, peu avant Laligne du risque de Pierre Vadeboncoeur (1963). Ce dernier texte invite à une pensée plus aventureuse ; le risque de son titre consiste à quitter les petits pas, les réflexions intellectuelles au long cours qui, dénonce-t-il, au rythme où vont nos penseurs, « devra dépasser de beaucoup le temps de leur propre existence[35] ». Il dénonce alors : « Notre histoire se fait à crédit. […] C’est notre manière à nous d’hypothéquer l’avenir[36]. » Les concepts, dit-il, sont légués en d’éternels donations et héritages, les grands chantiers de notre avenir, jamais achevés, passent comme un patrimoine aux générations futures. Il faudrait bien un jour, insiste Vadeboncoeur, que l’un des nôtres vienne y mettre la dernière main, qu’il rembourse tout d’un coup et nous affranchisse de notre maître le passé, cette citation de Lionel Groulx que l’essayiste accroche en exergue de son propre texte. De là, dans la plus stricte causalité, Vadeboncoeur en vient à la thèse centrale de son texte, qui découle véritablement de ce crédit inacceptable – je le souligne, la filiation et l’héritage deviennent ici une hypothèque et une dette : « Une ligne, je le souhaite, divisera désormais notre petit monde ; ce sera celle de l’affirmation, la ligne du risque, la ligne du parti net, la ligne de la réponse sans ambage[37]. » Ce risque participe d’une économie fort différente ; l’écrivain n’a plus à lancer « nous ne sommes pas des notaires », il dira plutôt être « écrivain faute d’être banquier » – car le risque alors est hégémonique.
De l’habitant au salarié
Cet article entendait montrer comment une figure, le notaire, portait, au gré de sa représentation littéraire, un univers économique. L’héritage, le droit contractuel, la possession au long cours ; l’immobilier, la donation, la rente, voilà ce que mettait de l’avant cette figure dans les fictions. Il va sans dire, et cela doit être mentionné en fin de parcours, que le notaire participe aujourd’hui comme naguère à une économie spéculative. Comme officier du droit, il occupe une place de choix dans la spéculation immobilière, par exemple. Or, sa place centrale dans l’économie est liée à une économie fortement immobilière, celle de la possession de la terre, certes, comme de la faiblesse du système bancaire – ce sont à ces conditions que le notaire peut constituer un acteur économique de premier plan. Dans l’économie mobilière et urbaine, le notaire apparaît de peu d’importance. Everett Hughes mentionnait en ce sens que les anglophones installés au Québec, attachés à un capitalisme moins rudimentaire, y avaient peu recours. En ville, l’entrepreneur et plus encore le banquier sont ceux qui font l’économie[38].
Le banquier d’Hubert Aquin est le signe d’une économie autre ; moins celle de l’entrepreneur – même si – que du salarié de l’espace urbain. Car le salarié est payé de son temps et le banquier apparaît alors comme celui qui calculera le risque de la créance. Prêter sur simple crédit, comme le veut le crédit à la consommation, diffère du crédit sur gage, comme l’hypothèque ; d’ailleurs, singulièrement, les héros d’Aquin ne possèdent rien, aucun patrimoine et, par conséquent, ils ne s’inscrivent dans aucune filiation. Je me bornerai à présenter ce phénomène dans ses oeuvres les plus explicites, qui ne sont pas ses plus commentées, loin s’en faut. Dès L’écorché vif, drame de 1953, Aquin présente ce personnage du salarié dont les « gages » ne suffisent pas à l’ambition. Faisant la cour à Jeanne, Robert ne peut la sortir tous les soirs. Dans la première scène, il doit emprunter à son colocataire : « Parole d’honneur ! Cette fois tu seras remboursé dans quelques jours[39]. » Mais chez Jeanne, la famille de la jeune femme informe le prétendant qu’elle est déjà sortie ; un dentiste qu’elle fréquente l’a amenée avec lui au casino. L’argent emprunté et l’argent joué se disputent un coeur. Robert persiste à assurer aux parents qu’il aura bientôt une bonne situation financière : « En ce moment, ce n’est pas tellement fort, mais vous savez, je me débrouille bien… et je suis sûr d’avancer. Dans quelques années, oh, et puis même pas… » (T, p. 140) Le père ironisera aussitôt : « En calculant tout ça, l’avenir, le présent puis le passé… ça fait combien ? » (T, p. 140) Robert n’a pas de passé – lire ici : de possession –, il n’a que de l’avenir ; quand il avoue ses gages du présent, le père assènera de nouveau : « Heureusement que tu comptes ce que tu vas recevoir dans quarante ans ! » (T, p. 140) Le salarié spécule sur sa propre situation, il prétend, de même, à posséder ce qu’il ne peut se permettre – la scène finale du viol de Jeanne connote cet état, de même que l’assassinat final du dentiste. « Tout est fini maintenant, lâchera Robert. Je ne peux plus rien demander. On m’a tout donné, tout… » (T, p. 170) De la transaction au don, de la concurrence à l’assassinat, de la cour au viol, le drame présente les limites d’un système d’échange dans le capitalisme canadien-français naissant. Robert emprunte sur l’honneur dans la première scène et assassine plutôt que de concurrencer le bourgeois-dentiste, dans la dernière. S’il ne possède rien, il ne peut rien garantir, ne reste que l’honneur et le futur spéculé.
Quelques années plus tard, le même drame sera raconté sous le titre du Choix des armes (1958). Aquin y présente la relation extraconjugale de Daniel avec l’épouse de son patron, Colette. Or, Daniel vend des armes à feu dans une boutique, ce qui permet de nouer la métaphore au coeur du texte, celle des armes permises dans la société pour se libérer de ses chaînes. La seule arme, énonce-t-on, c’est l’argent ; le salariat emprisonne Daniel, qui ne gagne pas assez pour tout quitter et emmener Colette avec lui ; « l’argent est la seule arme permise[40] » déplore-t-il à un collègue, « je veux l’apprivoiser, le conquérir, acheter ma liberté comme on achète un billet de train ! ». Et le collègue rétorquera : « Il n’y a qu’un moyen : économise[41]. » Cette solution ne convient pas à Daniel, c’est la solution du vieux Canada français, la solution d’Euchariste Moisan, par exemple ; Daniel veut tout maintenant ; il spécule donc sur son futur, projette d’emprunter sur son statut de médecin alors même qu’il n’a pas entrepris d’études – mais Colette hésitera à tout quitter pour lui ; les liens patrimoniaux résistent, la fidélité contractuelle tient bon. À la fin, un autre collègue de Daniel ne saura s’il faut louer son audace ou lui reprocher son imprudence. La pièce tranche : trop commis dans sa spéculation amoureuse et financière, Daniel est confronté par le mari cocu, propriétaire de la boutique, et ce qui devait arriver arriva : l’argent, comme arme, n’a pas fonctionné, il reste le revolver, « même ça je l’emprunte à ton mari[42] », dira-t-il lors de ses adieux à Colette. L’amant tue l’époux. C’est dire que la pièce montre les limites de l’argent chez le petit-salarié. Comme Robert, Daniel doit emprunter, miser sur un futur dans une économie peu adaptée encore à ce tour imaginatif. « Même ça, je l’emprunte à ton mari » : il emprunte la femme d’un autre, l’arme d’un autre, s’il n’emprunte pas d’argent, c’est que ce crédit-là lui résiste.
Robert comme Daniel croient au risque, ils le désirent – Robert veut que Jeanne croit à son devenir, Daniel veut que Colette perçoive son potentiel. Dans l’un de ses derniers drames, Les plaisirs de la mort/Je suis mort (1974)[43], Aquin ébauche l’histoire de Cornélis, un homme d’affaires endetté qui se cache de ses créanciers ; de façon confuse, il décide de jouer le mort, de changer d’identité, et quand il revient, il veut se venger de celui qui fut responsable de ses déboires financiers, le seul qui saurait le reconnaître par-delà sa chirurgie plastique : le notaire en charge de l’achat de sa maison et créancier principal – puis amant de son épouse, une fois qu’il a joué sa mort. « Tout repose sur le contrat qui lie 2 êtres ! Mais chacun, à tout moment, a le droit de se supprimer, de disparaître, de rompre quoi[44] ! » écrit Aquin. Ce texte, à l’état de notes diverses sur un drame « à écrire », permet peu d’interprétations, sinon celle-ci : le créancier est celui qui reconnaîtrait le débiteur, car il le possède contractuellement. Le patron de Daniel et le notaire de Cornélis occupent la même position ambiguë de créanciers – ils prêtent, leur femme ou leur argent –, en regard desquels les protagonistes sont obligés de leur temps : gagner assez pour « posséder » à son tour Colette, gagner assez pour « posséder » enfin sa maison hypothéquée et rembourser ses dettes. Les endettés sont, à l’instar des notaires d’avant la Révolution tranquille, des morts-vivants, dans la mesure où leur temps est acheté, prédestiné. Pour revenir à la vie, il faut briser les contrats : feindre la mort, passer de l’argent au revolver.
De la communauté à la société
Cela nous mène à la conclusion. La littérature raconte une transition économique, et pas seulement de façon réaliste, en énonçant les transactions, en présentant les contrats notariés. Elle le fait en insistant sur des valeurs narrativisées, placées au coeur de polarités structurantes. Si le notaire m’apparaît aussi central dans cette transition, c’est parce qu’il représente bien autre chose qu’un ordre économique : il est l’ordre économique capable de justifier et de faire respecter la filiation, l’héritage, la propriété immobilière ; il est aussi celui qui donne conseil et qui, en campagne, édicte les contrats à suivre, quasiment les lois. S’il est un notable à l’égal du prêtre ou presque, c’est parce qu’il est son versant terrestre, matériel. Du rejet d’Olivier Roch au meurtre chez Hubert Aquin, le notaire est attaqué dans la transition économique comme signe d’une dette dont on doit se défaire, faute de la rembourser. Contemporain de Weber et de Sombart – et aussi du Georg Simmel de La philosophie de l’argent –, Ferdinand Tönnies a rendu célèbre une binarité qui me semble ici éclairante : il présente « la vieille » communauté, comme « vie réelle et organique » et « la neuve société » comme « construction idéelle et mécanique[45] ». Ayant la maison pour métonymie, la communauté s’appuie sur des liens de partage forts, qui permettent d’unir la famille et, plus largement, le village – la ville étant, au sein d’une communauté, conçue comme un grand village. La société propose moins le partage que l’échange ; elle n’a pas de culte pour les morts mais des désirs constants de création. Pour Tönnies, l’argent devient une nécessité comme « abstraction de la valeur » dans la société, alors que la communauté vit cette valeur, elle est la condition de l’existence. De même, le penseur montre comment c’est le passage d’une économie domestique à une économie commerciale, de l’agriculture à l’industrie[46], qui marque le changement de liens unissant les sujets : ils ne sont plus liés au sein d’un même bien commun, mais interreliés par une fiction qui leur permet à chacun de servir ses intérêts propres. Du notaire, comme figure de gestion du capital communautaire, au banquier comme création de richesse dans la société capitaliste, nous avons des figures imaginaires fortement connotées.
*
À la même époque qu’Aquin, Jacques Ferron signait un petit texte intitulé La créance, dans lequel il décrivait l’installation de son père en tant que notaire, dans un village ; issu d’une « génération pressée de reprendre le temps perdu, qui dépasse ses moyens, où après la gêne séculaire, les tergiversations et les atermoiements de la pauvreté, l’orgueil éclate[47] », le père fait construire une maison pour « décourager le temps[48] ». L’installation racontée suppose assurément un transclassement depuis la « gêne séculaire », mais celui-ci s’inscrit encore dans l’ancien ordre économique, porté par des notaires et tressé de filiation. Le texte de Ferron se termine en ce sens par un poème qui en accuse l’héritage, d’une certaine manière – et ce poème, je l’évoque ici comme une clé pour tout conclure :
Ils nous ont donné la vie
Même alors qu’ils la perdaient
Se meurent encore en nous
Qui déjà avons le mal
De vivre d’eux[49]
L’héritage du notaire est littéralement, ici, celui de morts qui s’accrochent aux vivants. Une communauté qui hante et alourdit la société. Cette étrange image fait retour, mais pour aussitôt prendre une signification matérielle :
Ils auraient pu la garder
La vie qui les a perdus
Et dont ils nous ont laissé
La note pour héritage[50].
Ces « créanciers souterrains » façonnent la vie-mort d’une culture dont on doit se débarrasser. Cette figure donnera bientôt naissance à ces « squatteurs » qu’on retrouve chez Réjean Ducharme qui au sein de legs ambigus (et hypothéqués, dans Va savoir), travailleront à se ressoucher autrement, grâce à la littérature : manière de tuer et de faire vivre encore la transmission, d’entretenir les morts-vivants[51].
Dans tous ces exemples, le meurtre du notaire, métaphorique ou bien réel, est le meurtre d’une économie filiale et communautaire. Thomas Piketty notait avec justesse que
[s]i l’héritage est omniprésent dans le roman du xixe siècle, ce n’est pas seulement du fait de l’imagination des écrivains […]. C’est avant tout parce que l’héritage occupe de fait une place centrale et structurante dans la société du xixe siècle, comme flux économique et comme force sociale[52].
Bien sûr, l’économie québécoise ne marche guère au pas de l’économie occidentale, accusant un retard important durant des décennies. Il n’en demeure pas moins que cette tendance observée par Piketty est générale et suppose qu’à toute stagnation économique correspond une part plus importante accordée à l’héritage ; à toute accélération de la croissance, comme dans les années 1950, cette part diminue :
Dans les années 1950-1960, les successions et donations ne représentent plus que l’équivalent de quelques points de revenu national par an, si bien que l’on peut légitimement s’imaginer que l’héritage a pratiquement disparu et que le capital, outre qu’il est globalement moins important que par le passé, est désormais une substance que l’on accumule par soi-même, grâce à l’épargne et à l’effort[53].
Ferron et Aquin s’attaquent au notaire à une époque qui permet d’imaginer le « risque » payant de « l’épargne » et de « l’effort ». Laure Clouet fait de même dans la gestion de son patrimoine, comme si elle répondait à l’appel de Pierre Vadeboncoeur. C’est dire qu’on peut refuser les passifs au profit des actifs, se débarrasser de l’économie des morts-vivants pour, comme le crient les héros aquiniens sans jamais y parvenir, vivre, ou plutôt changer de vie. Se débarrasser de notre maître, le passif.
Appendices
Note biographique
David Bélanger est professeur au Département de lettres et communication sociale de l’Université du Québec à Trois-Rivières, directeur adjoint de la revue Tangence et codirecteur du Centre de recherche en sociocritique des textes (CRIST). Il a fait paraître un essai sur la littérature québécoise contemporaine en 2021 (Appelée à comparaître. La littérature dans les fictions québécoises du xxie siècle, Presses de l’Université de Montréal) et un essai épistolaire (avec Michel Biron, Sortir du bocal, Boréal, 2021). En 2019, il a publié en collaboration avec Thomas Carrier-Lafleur un essai interventionniste intitulé Il s’est écarté. Enquête sur la mort de François Paradis (Nota bene) qui a remporté le prix Jean-Éthier-Blais 2020. Il travaille actuellement sur l’imaginaire de la dette en littérature québécoise.
Notes
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[1]
Gustave Flaubert, Madame Bovary [1857], Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1972, p. 370.
-
[2]
Hector de Saint-Denys Garneau, « Le jeu » dans Poésies complètes, Montréal, Fides, coll. « Nénuphar », 1949, p. 38. Le vers se poursuit d’ailleurs par un autre : « Tout le monde peut voir une piastre de papier vert / Mais qui peut voir au travers / si ce n’est un enfant / Qui peut comme lui voir au travers en toute liberté / Sans que du tout la piastre l’empêche / ni ses limites / Ni sa valeur d’une seule piastre ».
-
[3]
Hubert Aquin, « Écrivain faute d’être banquier » [1967], Point de fuite, Montréal, Bibliothèque québécoise, 1995, p. 10.
-
[4]
Hubert Aquin, « Écrivain faute d’être banquier », ouvr. cité, p. 10.
-
[5]
David Graeber, Bureaucratie, trad. de l’anglais par Françoise et Paul Chemla, Arles, Actes Sud, coll. « Babel », 2015, p. 108.
-
[6]
Selon David Graeber, s’appuyant en cela sur les études féministes, les classes dominées doivent constamment user de leur imagination pour comprendre les classes dominantes et s’adapter à leurs attentes et à leurs désirs ; ce travail imaginatif d’empathie est moins important, historiquement, pour les classes dominantes (Bureaucratie, ouvr. cité, p. 113).
-
[7]
Voir, sur la difficile « communitas » issue de cette « double absence » : Michel Biron, « Une littérature liminaire », dans L’absence du maître. Saint-Denys Garneau, Ferron, Ducharme, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Socius », 2000, p. 19-46.
-
[8]
Everett C. Hughes, Rencontre de deux mondes. La crise d’industrialisation du Canada français [1943], trad. de l’anglais par Jean-Charles Falardeau, Montréal, Boréal, coll. « Compact », 2014, p. 398.
-
[9]
Everett C. Hughes, Rencontre de deux mondes, ouvr. cité, p. 398.
-
[10]
Son ouvrage de synthèse, Capitalisme, socialisme et démocratie présente l’ensemble de ses grandes hypothèses, sa lecture du marxisme, son rejet des théories économiques classiques et sa valorisation de l’entrepreneuriat seul capable de procéder à la « destruction créatrice » qui maintient en vie le capitalisme (trad. de l’anglais par Gaël Fain, Paris, Petite bibliothèque Payot, [1942] 1969).
-
[11]
« The idea of dreamwork brings together […] the space of fantasy, speculation, and unbridled imagination […] and the space of productivity, discipline, and instrumentality (essential elements of the modern conception of work) » (Arjun Appadurai, « Life after Debt », differences, vol. 31, no 3, décembre 2020, p. 23-24 ; je traduis).
-
[12]
Werner Sombart, Le bourgeois [1913], trad. de l’allemand par S. Jankélévitch, Paris, Payot, coll. « Petite bibliothèque Payot », 1965, p. 25.
-
[13]
Sur cet aspect, voir Werner Sombart, Le bourgeois, ouvr. cité, p. 92-93.
-
[14]
Patrice Lacombe, La terre paternelle [1846], Montréal, Bibliothèque québécoise, 1993, p. 48.
-
[15]
Pierre-Joseph Olivier Chauveau, Charles Guérin. Roman de moeurs canadiennes [1846], Montréal, Fides, coll. « Nénuphar », 1990, p. 69.
-
[16]
Il désigne par ce terme la classe constituée du clergé et des seigneurs, qui s’accrochant à quelques privilèges anciens, tentent de les défendre en mettant de l’avant leur caractère de « porte-parole pacifique » du peuple canadien-français : « Antidémocratique et antiparlementariste, l’aristocratie cléricale canadienne-française s’oppose à la bourgeoisie capitaliste et à la montée du capitalisme commercial. Idéologie qui s’accommode bien, surtout avec les premiers signes de la Révolution Française, de la rupture avec la France » (Gilles Bourque, Classes sociales et question nationale au Québec, 1760-1840, Montréal, Parti Pris, 1970, p. 91).
-
[17]
Topos entêtant qu’on rencontre chez Lacombe, Chauveau et également Joseph Doutre, dans Les fiancées de 1812. Essai de littérature canadienne (1844), alors que le fils « prodigue » revient d’Europe, à la tête d’un réseau de bandits, mais capable d’amener la paix « de classe » entre la noblesse romantique (héroïque mais improductive) et la bourgeoisie capitaliste (vile mais créatrice).
-
[18]
Pierre-Joseph Olivier Chauveau, Charles Guérin, ouvr. cité, p. 76.
-
[19]
Cette évaluation négative serait également démontrable par de longs détours discursifs de la narration, qui renforce « l’effet-idéologie » condamnant la poésie au détriment du travail sérieux. Sur ce concept, voir Philippe Hamon, Texte et idéologie. Valeurs, hiérarchies et évaluations dans l’oeuvre littéraire, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Écriture », 1984.
-
[20]
Edmond de Nevers, L’avenir du peuple canadien-français [1896], Montréal, Boréal, coll. « Boréal Compact », 2006, p. 83.
-
[21]
Edmond de Nevers, L’avenir du peuple canadien-français, ouvr. cité, p. 86.
-
[22]
Respectivement, on rencontre ces personnages dans Claude-Henri Grignon, Un homme et son péché, 1933 ; Ringuet, Trente arpents, 1938 ; Germaine Guèvremont, Le Survenant, 1945 et Marie-Didace, 1947.
-
[23]
Pierre Gélinas, Les vivants, les morts et les autres, Montréal, Le Cercle du livre de France, 1959, p. 242.
-
[24]
Pierre Gélinas, Les vivants, les morts et les autres, ouvr. cité, p. 241.
-
[25]
Pierre Gélinas, Les vivants, les morts et les autres, ouvr. cité, p. 70.
-
[26]
Rachel Nadon, La vie économique dans le roman québécois (1956-1983) : représentations, histoire, pratique, thèse de doctorat, Université de Montréal, 2020, p. 176-177.
-
[27]
Albert O. Hirschman, Exit, Voice, Loyalty. Défection et prise de parole [1970], trad. de l’anglais par Claude Besseyrias, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2011.
-
[28]
On retrouve cette réflexion dans Jacques T. Godbout, « Trois formes du lien social », L’esprit du don, Montréal, Boréal, coll. « Compact », 1995, p. 37-40.
-
[29]
Adrienne Choquette, La coupe vide [1948], Québec, Les Presses laurentiennes, 1978. Désormais les références à ce roman seront indiquées par le sigle CV, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
-
[30]
René Dionne relève que cette situation des jeunes gens devant l’avenir « tracé » rappelle pour beaucoup celui qui ouvre Charles Guérin : « l’avenir bouché » chez Chauveau est remplacé, chez Choquette, relève Dionne, par l’exploration des atermoiements de l’esprit, de la conscience et de l’inconscience (« La coupe vide d’Adrienne Choquette ou la médiocrité d’une génération », Lettres québécoises, no 11, 1978, p. 60-62).
-
[31]
Jean Le Moyne, « Saint-Denys Garneau, témoin de son temps » [1960], Convergences, Montréal, Fides, coll. « Nénuphar », 1992, p. 239-263.
-
[32]
On retrouve la même idée dans l’oeuvre plus connue de Choquette, Laure Clouet (1961). De fait, la vie de la protagoniste de cette nouvelle est celle d’une « servante des morts », vieille fille qui doit nourrir le patrimoine immobilier porteur de la tradition familiale. Marie Parent écrit très justement que « [c]e que nous dévoile cette nouvelle, ce sont plutôt des êtres effrayés, momifiés, oeuvrant de force au service des morts » dans L’Amérique à demeure : représentations du chez-soi dans les fictions nord-américaines depuis 1945, thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal, 2016, p. 152.
-
[33]
Le passage de l’autobiographie de Franklin que cite Weber commence ainsi : « Songe que le temps, c’est de l’argent… » Weber retire de ce passage une rationalisation rigoureuse de tout (réduit au comptable, au profit, à l’économie). Franklin élève en vertu « religieuse » le succès économique et participe ainsi à la conception de l’esprit capitaliste. On retrouve ce commentaire au début du chapitre « “L’esprit” capitaliste », dans L’éthique protestante et l’esprit capitaliste [1905], trad. de l’allemand par Isabelle Kalinowski, Paris, Flammarion, 2002, p. 85 et suivantes.
-
[34]
Adrienne Choquette, Laure Clouet [1961], Montréal, Bibliothèque québécoise, 2015, p. 31.
-
[35]
Pierre Vadeboncoeur, La ligne du risque [1963], Montréal, Bibliothèque québécoise, 2010, p. 52.
-
[36]
Pierre Vadeboncoeur, La ligne du risque, ouvr. cité, p. 52.
-
[37]
Pierre Vadeboncoeur, La ligne du risque, ouvr. cité, p. 52-53.
-
[38]
Everett C. Hughes, Rencontre de deux mondes, ouvr. cité, p. 164-165.
-
[39]
Hubert Aquin, « L’écorché vif » [1951], Théâtre, Montréal, Leméac, 2021, p. 113. Désormais les références à ce texte seront indiquées par le sigle T, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
-
[40]
Hubert Aquin, « Le choix des armes » [1958], Confession d’un héros et autres pièces, Montréal, Leméac, 1997, p. 71.
-
[41]
Hubert Aquin, Confession d’un héros et autres pièces, ouvr. cité, p. 71.
-
[42]
Hubert Aquin, Confession d’un héros et autres pièces, ouvr. cité, p. 100.
-
[43]
Le drame est véritablement une suite de notes, présentées par François Harvey au sein de l’impressionnant Téléthéâtres : Hubert Aquin, « Les plaisirs de la mort » [1974], Téléthéâtres, éd. François Harvey, Montréal, Bibliothèque québécoise, 2017, p. 1019-1030.
-
[44]
Hubert Aquin, « Les plaisirs de la mort », Téléthéâtres, ouvr. cité, p. 1029.
-
[45]
Ferdinand Tönnies, Communauté et société. Catégories fondamentales de la sociologie pure, trad. de l’allemand par Sylvie Mesure et Niall Bond, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Le lien social », 2010, p. 5.
-
[46]
Ferdinand Tönnies, Communauté et société, ouvr. cité, p. 61.
-
[47]
Jacques Ferron, « La créance » [1972], Papa Boss suivi de La créance, Montréal, Typo, 1990, p. 143.
-
[48]
Jacques Ferron, « La créance », ouvr. cité, p. 142.
-
[49]
Jacques Ferron, « La créance », ouvr. cité, p. 146-147.
-
[50]
Jacques Ferron, « La créance », ouvr. cité, p. 147.
-
[51]
Voir pour cette réflexion Martine-Emmanuelle Lapointe, « Héritier du bordel dans toute sa splendeur. Économies de l’héritage dans Va savoir de Réjean Ducharme », Études françaises, vol. 45, no 3, 2009, p. 77-93.
-
[52]
Thomas Piketty, Le capital au xxiesiècle, Paris, Seuil, coll. « Les livres du nouveau monde », 2013, p. 603.
-
[53]
Thomas Piketty, Le capital au xxie siècle, ouvr. cité, p. 605.
Bibliographie
- AQUIN, Hubert, « L’écorché vif » [1951], Théâtre, Montréal, Leméac, 2021, p. 113-171.
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- AQUIN, Hubert, « Écrivain faute d’être banquier » [1967], Point de fuite, Montréal, Bibliothèque québécoise, 1995, p. 9-17.
- AQUIN, Hubert, « Le choix des armes » [1958], Confession d’un héros et autres pièces, Montréal, Leméac, 1997, p. 41-106.
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- LACOMBE, Patrice, La terre paternelle [1846], Montréal, Bibliothèque québécoise, 1993.
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