Article body

Dans son livre Tresser les herbes sacrées, la scientifique et écrivaine autochtone américaine Robin Wall Kimmerer raconte l’anecdote d’un botaniste discourant avec un jeune guide autochtone, engagé pour le guider à travers la forêt tropicale. Impressionné par sa connaissance des espèces botaniques rares de la forêt, le botaniste complimente son guide, qui lui répond modestement : « Oui, j’ai appris le nom de tous les buissons, mais je n’ai pas encore appris leurs chants[1]. » Cette histoire permet à Robin Wall Kimmerer de décrire les termes de sa propre situation : botaniste universitaire aux États-Unis, elle est par ailleurs descendante des Premières Nations, héritant de connaissances sur la vie végétale transmises de génération en génération. Dans son livre, elle explore la manière dont les mondes de la science et les cosmologies végétales indigènes peuvent coexister, coexistence souvent comparée aux relations entre arts et science. Elle écrit qu’on peut soit partir à la recherche des plantes en forêt (on foray), soit, si on est écrivain, aller chercher des métaphores (on metaphoray). De fait, la vie végétale est un riche support dans l’un ou l’autre cas, offrant d’innombrables formes pour des recherches d’ordres différents, mais toutes ces recherches sont toujours entrelacées et se nourrissent mutuellement. Selon elle, la connaissance scientifique et l’approche des plantes par les Premières Nations américaines sont semblables à deux fleurs différentes, formant une paire de fleurs pourpre et dorée en automne. La seule façon d’approcher les plantes est de se comporter comme les abeilles, en buvant le nectar des deux : « C’est cette danse de pollinisation croisée qui peut produire une nouvelle espèce de connaissance, une nouvelle façon d’être au monde. Après tout, il n’y a pas deux mondes, il n’y a que cette bonne Terre bien verte[2]. » Pour elle, la relation instrumentale avec les plantes (qui consiste à les utiliser, les cultiver et les étudier) est inséparable de l’engagement spirituel et poétique avec la vie végétale. Ce n’est que par la pollinisation croisée de nos divers modes de relations avec la vie végétale que nous pourrons développer de nouvelles sensibilités, apprendre la grammaire de l’animéité et être à l’écoute de ce qui existe auprès de nous. Le livre de Kimmerer peut être lu comme une déambulation délicieuse à travers les voies entremêlées de nos paroles sur les plantes, de nos actions avec et sur elles, de notre soin envers elles et de nos histoires, afin de changer notre relation aux dégradations environnementales, de développer une compassion écologique et de mettre au premier plan l’attention et la réciprocité. Elle parle des similitudes dans l’utilisation du langage par les scientifiques et dans la tradition autochtone, et du fait qu’un compte rendu scientifique peut aussi être un poème, écrit dans la langue de la chimie. Ainsi, la photosynthèse peut être expliquée dans les termes de la science, mais elle est aussi présentée comme respiration, comme source d’énergie qui « nous permet de cultiver, de danser et de parler[3] ». Mais une telle similitude des langages et des approches ne peut être perçue que si l’agentivité est redistribuée différemment entre les principaux personnages, les plantes n’étant plus seulement les objets de l’observation mais bien plutôt nos professeurs.

Par son travail, Kimmerer rejoint un certain nombre d’auteurs et d’autrices qui, au cours des dernières décennies, en particulier dans le domaine des sciences humaines et de la philosophie des sciences, ont exploré la relation entre l’humain et le plus qu’humain. Les études scientifiques féministes ou écoféministes[4] s’appuient sur ce besoin de raconter des histoires pour déstabiliser la position du sujet ou de l’observateur, beaucoup trop séparé des autres entités, différencié, divisé, et invitent à la remplacer par des positions beaucoup plus relationnelles, en dialogue avec le monde naturel et ancrées en lui. Ainsi, les interdépendances entre les mondes humain et plus qu’humain ne modifient pas seulement l’idée de la production séparée et objective de la connaissance (la dimension épistémologique de la science), mais font également voler en éclats la position hiérarchique des êtres humains, en révélant leurs entrelacements avec les êtres et les choses plus qu’humaines (ce qui a des conséquences éthiques pour la vie quotidienne). Kimmerer écrit à partir de son émerveillement, de son admiration et de son attention envers les plantes, mais aussi à partir de sa douleur, de son chagrin et de la tristesse causés par la destruction tant de l’environnement végétal que des communautés autochtones et, ce faisant, de leur connaissance du monde végétal. Nombre de plantes qui font l’objet de son livre n’ont pas survécu, ou à peine, à l’immense destruction et au pillage de la nature ; elles subissent le même sort que les ancêtres de Kimmerer depuis de nombreuses générations. L’autrice aborde la vie végétale en travaillant dans des paysages complètement transformés et détruits, en réparant des biosphères et des milieux naturels. La pollinisation croisée des savoirs scientifiques et ancestraux lui permet de nourrir une autre proximité avec les plantes, une proximité reposant sur l’invention poétique et scientifique des moyens de travailler avec la vie végétale. Elle nous montre qu’il est impossible de renverser les hiérarchies entre l’humain et le plus qu’humain si l’on n’a pas aussi le courage de réinventer les moyens et les expressions de nos relations, de recréer l’imaginaire et les formes d’expression par lesquels on aborde les plantes. C’est ce dont nous manquons très souvent aujourd’hui, alors que nous nous trouvons au bord de l’effondrement de l’ensemble de la biosphère, y compris des communautés humaines et extra-humaines. Une telle approche des plantes ne relève pas seulement d’un geste d’admiration et d’émerveillement, mais d’une invention de nouvelles approches éthiques et politiques, visant à remettre en question les visions du monde établies, traversées de hiérarchies, de relations de pouvoir et de relations instrumentales avec la vie végétale et humaine. Kimmerer parcourt un paysage aux temporalités multiples, entre déliquescence et abondance, et son action peut faire penser à ce qu’écrit Billy-Ray Belcourt, jeune poète de la nation de Driftpile Cree : « L’avenir est déjà terminé, mais cela ne veut pas dire que nous n’avons pas d’autre endroit où aller [5]. »

Ajustements végétaux

Dans sa performance Os Serrenhos do Caldeirão, exercícios em antropologia ficcional (Les montagnards du Caldeirão, exercices d’anthropologie fictive) de 2012, la chorégraphe Vera Mantero se promène dans un paysage similaire marqué par la destruction de l’environnement[6]. À l’instar de Kimmerer, elle cherche à inventer un langage et des expressions pour les enchevêtrements, en développant une série de narrations et d’incarnations ayant trait à l’environnement en voie de disparition et aux communautés de plantes, d’animaux et d’humains qui y vivent. La performance est une réponse à la désertification et à la situation déshumanisante des montagnes du Caldeirão en Algarve, et se confronte à la temporalité et aux traces incarnées du paysage blessé, mettant continuellement en scène, réimaginant et « replantant » la vie perdue. Si Kimmerer veut, par la narration, permettre à une autre expérience du monde végétal d’affleurer dans le langage de la science, Mantero intitule sa performance une anthropologie fictive, pour développer l’expérience des dimensions imaginatives, magiques et poétiques de la recherche anthropologique sur la perte et la destruction dans la Serra de Caldeirão.

Dans son spectacle, Mantero explore différentes manières de donner une forme tangible aux changements environnementaux qui se produisent dans la Serra et de les écouter, en recourant à divers médias, films, conférences, chansons et danse. En effet, malgré les chiffres, les faits connus, les informations, la documentation, malgré l’accumulation d’informations scientifiques sur l’état de l’environnement, les données accumulées ne parviennent toujours pas à nous émouvoir sur le plan éthique, à déstabiliser notre relation micropolitique et quotidienne au monde. Une scène spécifique de cette performance m’intéresse tout particulièrement. Elle se déroule vers la fin de la performance, lorsque Mantero entre en scène avec un tronc en liège et qu’elle crée avec lui une série d’images à un rythme lent et répétitif. Dans cette danse, Mantero se tient derrière le tronc en le tenant, et dit « une femme debout derrière un arbre » ; elle appuie le tronc sur son corps et l’embrasse, en disant « une femme debout derrière un arbre qu’elle porte sur ses genoux » ; elle se promène avec le tronc, en disant « une femme qui essaie de décider du meilleur endroit pour planter un arbre » ; elle met le tronc sur sa tête et le soulève plusieurs fois, en disant « une femme qui fait de l’haltérophilie et qui travaille dans la forêt » ; elle enfonce sa tête dans le tronc vide, en disant « une femme qui observe patiemment l’autre côté du monde à travers un arbre » ; elle appuie sa tête sur le tronc debout, en disant « une femme qui a les chaînes de la terre reliées aux chaînes du poème » ; elle le met sur son dos, en marchant, et dit « une femme qui porte un fardeau ou une croix » ; elle met son bras dans le tronc vide, en se tenant debout, et dit « une femme dont le bras gauche a subi une profonde transformation[7] ». Ce qui advient dans ces séries d’images et de paroles est une sorte de transformation magique continue grâce à l’enchevêtrement de son corps et du corps du tronc, auquel elle s’adresse en tant qu’arbre (en tant qu’être vivant). Avec sa danse, Mantero crée une série de relations entre le sens et les images, pour explorer une suite d’animations poétiques entre son corps et le corps de l’arbre. Cette contamination poétique se fonde sur le pouvoir du corps de la danseuse de transformer le tronc en arbre, aussi bien que sur le pouvoir du tronc de transformer la femme en un être végétal animé. L’artiste et le végétal sont reliés par des chaînes de constellations poétiques. J’ajouterais qu’il s’agit d’une connaissance apprise, semblable à celle que demande l’apprentissage des chants des plantes mentionné par le guide autochtone dans l’anecdote de Kimmerer au début de mon article. D’ailleurs, Mantero écrit que cette danse est un hommage à la connaissance que nous avons perdue, « une connaissance sur le lien entre le corps et l’esprit, sur l’art et la vie[8] ». Elle explore ce savoir à travers une série de transformations poétiques et animistes, s’attardant sur l’apparition et la disparition de différentes images des multiples relations forestières créées avec l’arbre et autour de lui. Sa danse est un hommage aux savoirs ancestraux perdus, et, à travers la série d’enchevêtrements poétiques entre la parole, le corps et l’animéité du végétal, où il est impossible de faire la différence entre l’imaginaire et le réel, sa danse possède une qualité magique ; elle devient un médium de relations, le pouvoir que lui confèrent l’arbre et la potentialité du langage ouvrant à une nouvelle proximité avec les plantes.

Comme Kimmerer, Mantero imagine et cherche donc comment il est possible d’apprendre les chants de la vie végétale. Le (ré) apprentissage est urgent en raison de la destruction de l’environnement qui nous entoure, mais cette urgence va de pair avec la nécessité d’un ajustement existentiel plus large, poétique et éthique, très particulier de l’existence humaine, nécessaire si nous voulons vraiment co-exister avec les plantes. Car nous ne pouvons apprendre les chants des plantes que si nous apprenons en même temps à les écouter. Cela signifie que nous avons besoin d’une temporalité et d’un ajustement sensuel différents, d’une invention poétique et imaginative de la sensibilité qui, en sus de nous lier au monde végétal, nous aidera à inventer une nouvelle politique de la vie en commun. Le philosophe de la vie végétale Michael Marder décrit dans l’un de ses livres son long combat contre les allergies saisonnières, lorsque le pollen de certaines plantes ne lui permettait pas de sortir pendant plusieurs mois d’affilée. Il écrit comment cette expérience particulière de privation d’air extérieur l’a amené à percevoir la proximité des plantes et l’enchevêtrement complexe des êtres vivants[9]. Son souffle défaillant dû à la pollinisation exubérante des plantes ouvre une tout autre voie pour se rapprocher des plantes en pensée et en acte : la dépendance humaine aux plantes est vitale, nous avons toujours partagé une relation existentielle avec elles à travers le simple acte de respiration. Nous dépendons de la vie végétale simplement par la façon dont cette vie nous a faits, nous, les humains. En même temps, ce réseau de dépendance n’exclut pas que les plantes puissent vivre et perdurer sans nous, sans nouer de relation avec nous ; elles n’ont de cesse de nous révéler plutôt que ce réseau de relations entre différentes formes de vie ne nous réserve aucun rôle central à nous, humains. La plante continuera à relever de l’énigme pour l’être humain, parce qu’elle n’existe et ne vit pas de la même manière que lui (et que l’animal). C’est pourquoi il nous revient à nous, humains, d’inventer continuellement des modes de leur expression et des façons de vivre pour nous rapprocher d’elles. Même si les plantes se voient accorder un sens de notre part, que nous les instrumentalisons, que nous les utilisons, mais aussi que nous les admirons, que nous les cultivons et que nous les taillons, cela ne les empêche pas de vivre et de grandir en dehors de tout sens, au-delà et avant toutes les représentations et les considérations subjectives ; elles poussent sans se soucier de nous, si l’on peut dire. Comme l’écrit Marder, « l’activité végétale se crypte dans ses modes d’apparition en se présentant sous les traits de la passivité, c’est-à-dire en ne se présentant jamais comme telle[10] ». De la sorte, la plante ne renvoie à aucun sens que l’humain pourrait vouloir lui conférer. Le sens premier de la vie végétale est plutôt lié à « une certaine allure et un certain rythme de mouvement, que nous avons coutume d’ignorer, car il est trop subtil pour que nos appareils cognitifs et perceptifs puissent l’enregistrer dans un cadre quotidien, et avec lequel le tempo de notre propre vie est généralement en décalage[11] ». Marder illustre ce propos en revenant sur l’étymologie des mots latins vegetabilis (croissance ou épanouissement), vegetare (animer ou vivifier) et vegere (être vivant, être actif)[12]. Ces termes révèlent que la vie végétale est en croissance et en changement constants, qu’elle est exubérante et copieuse ; c’est une vie qui s’étend, se fane et se décompose, de manière toujours excessive, ample et généreuse. Pourtant, le verbe « végéter » est simultanément utilisé pour nommer et décrire quelque chose de passif, d’inactif. Pour les philosophes occidentaux en particulier, la plante apparaît passive, ce qui témoigne non seulement de notre attitude instrumentaliste à l’égard des végétaux, mais aussi de leur caractère insaisissable et de la lutte que nous menons pour les comprendre. Paradoxalement, c’est précisément cette lutte pour la compréhension qui, dans la philosophie occidentale, est à l’origine des chaînes hiérarchiques et des dualismes (entre la passivité et l’activité, la verticalité et l’horizontalité). La plupart du temps, une signification est donnée aux plantes pour qu’elles puissent nous servir mais, selon Marder, le problème est que nous sommes par ailleurs incapables de forger une relation avec la vie végétale en tant que vie qui se déploie en dehors des buts extérieurs qu’elle sert[13].

Ainsi, il lui semble impossible d’échapper à quelque instrumentalisation dans la relation aux plantes, même lorsque nous élaborons des approches écologiques ou des expériences sur les plantes dans les arts, et en particulier au théâtre. Mais cela ne nous empêche pas de croiser l’instrumentalisation avec des moyens poétiques et spirituels. On a beaucoup de connaissances aujourd’hui sur les difficultés des environnements végétaux, on est équipés de savoirs scientifiques et expérimentaux, de documents et d’informations sur l’état de l’environnement, la crise écologique et l’extinction des biosphères. On sait aussi que les plantes sont cruciales dans la lutte contre la crise climatique, qu’elles rafraîchissent nos villes surchauffées, qu’elles sont vitales pour notre bien-être politique, social et personnel, etc. Cependant, tout ce que nous savons d’elles ne change pas nécessairement les relations instrumentales que nous entretenons avec elles (tout comme cela ne change pas l’éthique de notre vie quotidienne). Paradoxalement, considérer la forêt comme un entrepôt de bois ou comme le poumon de la planète ne fait pas une grande différence pour Marder en termes d’instrumentalité. À chaque fois, la forêt est définie comme un moyen, et échappe par conséquent à nos efforts pour co-exister avec elle. Dans un cas comme dans l’autre, l’homme se conçoit comme le principal récepteur des végétaux et se place au centre de cette relation énigmatique.

Or, les récits de Kimmerer et la danse de Mantero développent une manière d’être proche des plantes où celles-ci ne sont plus inaccessibles ni réduites à des instruments. Même si Kimmerer a reçu une formation en botanique, elle n’est pas confrontée au problème de l’inaccessibilité végétale, à la difficulté de saisir l’énigme de leur existence. Elle aborde continuellement les plantes comme des co-vivants. À travers leurs relations naissent des chaînes d’animation dans les deux sens : plantes et humains s’animent mutuellement et coexistent à travers des chaînes de transformations réciproques. Ses connaissances ancestrales l’aident à voyager dans un monde empli de significations animées, incarnées, qui apparaissent et sont créées par des relations entre différentes vies. En raison de la dépendance humaine aux plantes, toute rupture de réciprocité n’entraîne pas seulement la destruction des végétaux, mais aussi celle des communautés humaines. Le souhait de Kimmerer est de restaurer et de réparer cet ensemble de relations animées, non pas pour revenir à ce qui n’existe plus (ni seulement pour protéger et abriter les plantes), mais pour utiliser ses connaissances liées au rôle imaginatif, mystique et spirituel des plantes dans la vie humaine, afin de redéployer l’exubérance des mondes possibles. Chez elle, le versant imaginatif et le versant matériel du travail avec les plantes sont profondément reliés ; leur croissance, leur utilisation et leur consommation sont enchevêtrées avec la poétique de leur existence, exigeant un ajustement, une réciprocité temporelle, spatiale, rythmique, incarnée, et des relations de soin. L’imagination poétique répond à la terre et à l’air, aux liens atmosphériques et terrestres avec les plantes, à la transformation sans fin du vivant par l’acte de réciprocité. De même, la danse de Mantero, hommage à la connaissance que nous avons perdue, est une recherche d’ajustements et d’alignements avec la temporalité végétale, une anthropologie fictive qui va au-delà d’une simple recherche informative, d’une mise en scène du problème social ou environnemental, et qui se développe en une poétique de l’animéité. Elle danse dans l’espace théâtral pour établir des relations entre le corps et le tronc, créant un monde animé de toutes parts. Les relations corps-tronc dépassent les dualismes passif-actif, sol-ciel, verticalité-horizontalité, elles transforment les corps de la danseuse et du tronc en prolongements de l’un et de l’autre pour faire s’épanouir une magie du vivant, y compris de (s) vivant(s) perdu(s). Même si notre système sensoriel n’est pas capable de saisir la vie des plantes, cela n’empêche pas nos possibilités éthique et imaginative de co-vivre avec elles. En fait, c’est à elles que nous devons l’aptitude à imaginer notre vie respirante, poreuse, active et interactive, à leur capacité exubérante à s’exposer et à créer l’atmosphère dans laquelle nous pouvons respirer[14].

Théâtre et croissance végétale

Dans la première partie de cet article, j’ai voulu montrer comment la proximité avec les plantes nécessite un ajustement sensuel, temporel et intime. Cet ajustement ou cette syntonie agit sur nos sens et est lié à l’invention de formes esthétiques et poétiques reposant sur l’imagination. Les plantes constituent l’environnement de notre être, nous en sommes dépendants, il nous faut donc sans cesse soutenir et recréer des relations de réciprocité. Cette proximité est aussi un puissant outil politique et éthique. Dans son livre, Kimmerer montre dans quelle mesure la proximité avec les plantes a des conséquences immédiates sur la vie politique, institutionnelle et éthique et, dans les expériences pratiques décrites dans son livre, nous voyons qu’il est impossible de cultiver des plantes et de participer à leur monde sans ajuster nos vies au quotidien, micro-politiquement. Ces dernières années, de nombreuses performances ont traité de la crise écologique et de la dégradation de l’environnement, et la sensibilité au monde plus qu’humain a pénétré les recherches scéniques, les processus de travail dans les studios, mais aussi les histoires présentées ou racontées sur scène. La performance peut jouer différents rôles dans le contexte de la crise écologique : elle peut appeler à l’action en décrivant l’exploitation et la destruction du monde végétal (et humain), en montrant comment l’exploitation de masse a toujours été inséparable des relations de pouvoir et de la destruction qui régissent la circulation du capital et des flux économiques. La performance est susceptible de contribuer à la guérison et d’avoir une dimension thérapeutique – notamment vis-à-vis de l’éco-anxiété, elle peut aider à faire le deuil de l’environnement en voie de disparition –, et à cultiver l’émerveillement et l’attention au vivant végétal. Mais si nous nous attachons aux dimensions éthique et politique, elle peut aussi devenir un espace d’imagination et d’invention poétique de la proximité et de l’enchevêtrement entre humains et végétaux, avec de profondes conséquences déontologiques et pratiques. L’anthropologie fictive de Mantero tente d’aborder toutes ces dimensions et désire nourrir le besoin d’une poétique écologique spécifique. Néanmoins, à vouloir penser la proximité du théâtre et de la vie végétale, nous ne pouvons éviter le paradoxe qui sous-tend cette proximité, à savoir que les théâtres sont des lieux tout à fait inappropriés pour la vie végétale, que le théâtre est en fait un espace spécifique de séparation de la vie végétale.

Selon le philosophe Emanuele Coccia, la vie végétale est « la forme la plus intense, la plus radicale et la plus paradigmatique de l’être-au-monde. Interroger les plantes, c’est comprendre ce que signifie être au monde. Les plantes incarnent le lien le plus direct et le plus élémentaire que la vie puisse établir avec le monde [15] ». Pour Coccia, la plante est un penseur cosmique infini, la vie végétale est le monde, et il n’y a pas de séparation entre le monde et la vie végétale. Malgré leur rôle cosmique, il est néanmoins rare de voir des plantes pousser dans les espaces théâtraux, les établissements étant généralement des lieux inadaptés à la vie végétale. Les plantes représentent donc un défi particulier pour le théâtre qui, dans l’histoire de la modernité, est surtout un monde de l’intérieur, séparé du reste du monde. Les théâtres sont encore principalement des boîtes noires, ce ne sont pas des espaces à cadran solaire ; les conditions climatiques de vie y sont recréées, maintenues et contrôlées par des systèmes plus ou moins sophistiqués. Kenneth Olwig, historien du paysage, écrit dans une étude sur Inigo Jones que la formation de l’architecture théâtrale moderne au xviie siècle fait entrer le paysage dans le théâtre, l’environnement devient une scène. De cette manière, les plantes pénètrent également dans le théâtre par le biais de différentes mises en scène de paysages, elles font partie de la décoration, des ornements, des arrangements scénographiques, ainsi que des figures chorégraphiques du mouvement (comme les motifs floraux dans le ballet, par exemple). Dans son article, Olwig fait référence au philosophe Michel Serres et à sa description du monde moderne. Dans la modernité, le monde est devenu une scène contrôlée par le sujet, et cette scène est comme retournée, à l’instar « d’un gant ou d’un simple diagramme optique [dessin géométrique menant à l’oeil] – et plonge dans l’utopie d’un sujet connaissant, intérieur, intime. Ce trou noir [théâtral] absorbe le monde[16] ». Si le théâtre antique était ouvert sur le ciel et était plus une pratique qu’un bâtiment, écrit Olwig, le théâtre moderne, tel que nous le connaissons encore aujourd’hui, appartient à une cosmologie différente. Au théâtre, la vie est mise en scène dans un espace de représentation et le monde extérieur est transporté à l’intérieur par le biais du tunnel que constitue la perspective et par le biais de décors paysagers. Cela n’a pas seulement des conséquences sur la façon dont la modernité connaît le monde, sur le rôle du sujet dans un monde moderne, mais aussi sur les autres êtres vivants : l’espace théâtral est inapproprié pour la croissance et la vie, sauf de façon métaphorique, décorative, ornementale ou scénique.

Mais les plantes n’ont-elles pas leurs propres théâtres pour se développer, leurs propres espaces de séparation par rapport aux environnements cosmiques du monde ? Les plantes sont habituées à vivre dans des conditions climatiques contrôlées, dans des boîtes, des pots et des contenants artificiels, et elles poussent dans des serres depuis des siècles. Les serres font partie du théâtre scientifique et politique qui s’est développé, surtout en Europe, à partir du xviie siècle, lorsque les plantes qui s’y trouvaient étaient mises en scène pour croître et recréer des environnements « exotiques ». À l’intérieur de ces théâtres de verre, les plantes étaient cultivées pour montrer les réalisations scientifiques de la modernité et témoigner du mouvement de colonisation, ou bien elles étaient placées dans des jardins botaniques, des parcs urbains, etc. Bien que l’histoire des serres commence avec les Romains et leurs orangeries, l’expansion des serres remonte au xvie siècle[17]. Initialement dédiées à la science et au divertissement, les serres sont ensuite devenues les principales structures de la production massive et industrialisée de plantes. Aujourd’hui les végétaux peuvent y pousser et rester dans une forme de suspension, sans terre ni sol, les racines à l’air, sous une lumière artificielle hautement régulée et dans une humidité calculée. Tout au long de leur histoire, les serres et les théâtres ont ainsi contribué au développement de la modernité, en tant que lieux d’exposition et de mise en scène des efforts coloniaux, de la recherche scientifique et de l’industrialisation, mais aussi en tant que lieux d’éducation, de divertissement et de plaisir esthétique. Ces deux institutions, pourrions-nous dire, sont organisées autour d’un système atmosphérique fermé et autosuffisant, créant les conditions de la photosynthèse dans le cas de la serre, ou maintenant les conditions de la respiration dans le cas du théâtre, ce qui nécessite de réguler l’air partagé par toute une communauté. Serres et théâtres entretiennent tous deux une relation paradoxale avec le monde extérieur et, très souvent, il faut déployer beaucoup d’énergie pour les maintenir en état de fonctionner, et pour maintenir l’illusion de l’autosuffisance. La boîte noire et la serre doivent leur existence à la séparation d’avec les conditions atmosphériques extérieures, et à l’invention de divers appareils destinés à créer une illusion qui soutient les récits poétiques, scientifiques et politiques promus à l’intérieur de la boîte.

Au cours du siècle dernier, les expériences théâtrales ont souvent remis en question la séparation due à l’architecture théâtrale, en effaçant le quatrième mur, en agrandissant la scène ou en gommant la différence entre le public et le plateau. Elles ont aussi ouvert le théâtre sur l’extérieur avec des performances in situ, et remis en question les façons dont nous assistons au théâtre. Sur le plan atmosphérique, cependant, l’espace du théâtre n’a guère changé ; il s’agit encore très rarement d’un espace ensoleillé, venteux, à température variable, boueux, chaud, humide, imprévisible sur le plan météorologique, désordonné, bruyant et aéré. De la climatisation aux machines scéniques qui mettent en scène les événements atmosphériques (comme les machines à brouillard et à vent, les lumières, ou les piscines), de nombreux appareils assurent bien plutôt le maintien des conditions spatiales du théâtre et protègent la cavité nocturne qu’il incarne. Du point de vue des plantes (qui, certes, ne se soucient pas de cette perspective), le paradoxe est que nous goûtons à la plupart des spectacles (également ceux qui sont soucieux d’écologie) dans des espaces clos dont la structure est similaire à celle des serres, à la différence près qu’ils ne sont pas adaptés à la vie végétale. Le théâtre est un espace communautaire (dans toutes ses manifestations), mais ce n’est pas un environnement propice à la photosynthèse. Dès lors, comment la pollinisation croisée de la vie humaine et de la vie végétale pourrait-elle s’opérer au théâtre ? Le théâtre peut-il devenir un espace où les plantes sont aptes à devenir nos professeurs ?

Nous pouvons ici revenir aux deux façons de parcourir la forêt mentionnées par Kimmerer : par incursion (comme le scientifique) et par métaphore (comme l’écrivain). De fait, les conséquences performatives de la vie végétale au théâtre remettent en question la différence entre les plantes comme êtres figuratifs (metaphoray), et leur instrumentalisation et utilisation (foray). Si nous ouvrons le théâtre aux plantes, nous devons en vérité ouvrir les fenêtres du théâtre (pour permettre à la lumière du jour de pénétrer à l’intérieur et respirer d’une manière différente, dans des conditions moins artificielles). Cela exigerait également de réorienter politiquement et socialement la communauté qui se réunit dans les espaces théâtraux, d’inventer des formes nouvelles et alternatives de socialité, basées sur la réciprocité avec le vivant non humain. Dans leur oeuvre Garden State, le chorégraphe Fabrice Mazliah et la compagnie MAMAZA ont tenté d’expérimenter de telles formes de socialité nourrissant une proximité aux plantes : ils ont conçu un espace offert aux habitants de Francfort pour cohabiter, partager et rêver ensemble, à côté et avec des plantes. Ce jardin temporaire a été constitué d’une vaste collection de végétaux privés, collectés par les artistes grâce à du porte-à-porte mené auprès des habitants de Francfort. Ces végétaux ont permis de composer une île mobile sur le plateau. Garden State s’offre alors comme paysage et espace temporel où les gens sont invités à avoir toutes sortes d’interactions et d’activités : concerts, siestes, conférences, salutations au soleil, bains de pleine lune, performances à micro ouvert et une berceuse d’apaisement nocturne pour terminer la journée. Selon la compagnie, Garden State réunit ainsi le naturel et l’artificiel, l’extérieur et l’intérieur, et place l’expérience du visiteur au coeur du dispositif. L’oeuvre constitue une chorégraphie sociale spécifique, organisée autour de la vie végétale, susceptible de promouvoir d’autres moments de sociabilité entre les visiteurs, les invités et les propriétaires des plantes. J’ai assisté à la réalisation de cet État-jardin par deux fois, la première dans le foyer du théâtre Mousonturm à Francfort, la deuxième à Berne, où il a été représenté au sein d’un ancien gymnase, dans le cadre du festival de théâtre. Cependant, j’en suis toujours ressortie avec des sentiments ambivalents vis-à-vis des conséquences performatives de cet arrangement de plantes, même si j’ai apprécié l’ambiance à la fois détendue, ouverte et chaotique de l’expérience. D’une part, la chorégraphie sociale de l’assemblage des plantes par les habitants de la ville a ouvert une autre façon de constituer un jardin et une scène pour les plantes, elle a réinventé des relations entre le public et les habitants de la ville où Garden State a eu lieu, ne serait-ce qu’à travers l’échange temporaire de plantes. Il s’agissait d’une serre collective, organisée horizontalement, dans laquelle étaient expérimentées de nouvelles formes de sociabilité, de communauté, d’être ensemble tout simplement. D’autre part, le travail lui-même requérait une logistique assez compliquée autour des végétaux, une organisation de leur distribution et de leurs déplacements, le voyage de la maison au théâtre et vice versa, ce qui a fortement contribué à la perception de leur passivité dans l’ensemble de l’entreprise. Les plantes devaient être ramenées à l’intérieur, dans un espace différent de leur lieu habituel, pour y être mises en scène suivant un arrangement variable, participant d’une entreprise commune. Il est vrai que cette fois-ci, elles ne constituaient pas des décorations, des êtres figuratifs, mais des êtres qui poussaient et s’étendaient dans l’espace, au moins pendant un certain temps. Simultanément cependant, elles étaient distribuées et disposées de manière à créer un environnement, un arrière-plan pour la mise en scène de l’utopie sociale, une coulisse pour les expériences de communauté et les nouvelles formes de convivialité au théâtre. D’une certaine manière, les plantes étaient à nouveau placées dans une serre, sauf que, contrairement aux expositions historiques de l’époque moderne, elles devenaient maintenant une scène pour des procédures de participation plus démocratiques. Il restait très peu d’espace en vérité pour pratiquer une forme de réciprocité entre les êtres vivants, très peu d’occasions d’apprendre leurs chants et d’inventer des façons d’animer les relations entre humains et plantes. Si seulement, à la place de cet événement, il y avait eu une culture communautaire du jardin, respectant la temporalité cyclique des plantes, cela aurait complètement transformé le concept de cet État-jardin. Certes, cela aurait aussi investi le théâtre d’une tâche tout à fait différente : celle de prendre soin de la croissance végétale et de l’environnement social des plantes. Un tel projet artistique montre que l’énigme des plantes ne se laisse pas résoudre facilement, même quand le dispositif est spécifique au site, et plus ouvert à la vie végétale. Le théâtre a beau être plus ouvert sur l’extérieur et ouvrir la porte à l’échange d’atmosphères, il y a encore beaucoup de travail en perspective. Nous sommes (trop) habitués à percevoir le monde extérieur comme une scène et comme un décor en contre-plongée, depuis l’invention romantique de la nature à ce que l’on appelle aujourd’hui la cécité botanique, terme utilisé par Wandersee et Schussler[18] pour décrire l’aptitude humaine à ne pas voir les plantes, à les placer uniquement à l’arrière-plan de ce qui est visible et actif.

Plantes et espaces ouverts

Néanmoins, cultiver la proximité avec les plantes a des conséquences performatives, que ce soit dans le théâtre ou en dehors. Dire qu’il faut renverser les hiérarchies autour de la vie végétale, et que les plantes sont nos professeurs, c’est non seulement recourir à une métaphore, mais aussi entamer une action performative, suivie de conséquences sur notre vie institutionnelle, sociale et culturelle. Nous savons très bien que le simple fait d’avoir un beau jardin ou d’admirer un châtaignier en pleine croissance ne fait pas nécessairement de nous de meilleurs êtres humains ni des personnes plus justes et plus soucieuses de l’environnement. Mais les choses se déplacent légèrement lorsque nous pensons à ce jardin comme à un réseau d’interdépendances, que nous considérons qu’avoir un jardin ou admirer un arbre revêt une signifiance, et que nous développons des relations de réciprocité à travers nos affinités avec les autres vivants. La question peut se poser dans les mêmes termes vis-à-vis du théâtre : quelles seraient les conséquences performatives de la relation à la vie végétale pour l’institution théâtrale elle-même, surtout si on considère que le théâtre peut encore aujourd’hui expérimenter des formes de communautés plurielles, bien qu’il ne constitue toujours pas un espace propice à la photosynthèse ? Peut-être devrions-nous chercher des moyens de rendre le théâtre plus ensoleillé, plus ouvert et plus venteux à l’avenir, sans pour autant abandonner complètement sa nature nocturne. La proximité de la végétation modifierait les relations sociales, politiques et esthétiques sur lesquelles le théâtre se fonde. Puisque la photosynthèse n’est pas possible au théâtre, il faudrait s’interroger sur le genre de communauté que le théâtre veut proposer et pratiquer. Savoir que les plantes ne peuvent pas vivre au théâtre peut nous amener à remettre en question les conventions des systèmes fermés et des atmosphères autosuffisantes, pour ouvrir le théâtre à l’imprévisibilité de l’extérieur, au bruit et au chaos des espaces cadrans. Puisque la vie des plantes est marquée par l’invisibilité et que leur temporalité est insaisissable pour les humains, nous devons expérimenter des moyens poétiques de nous accorder sensuellement, politiquement et esthétiquement à leur vie, nous devons expérimenter de nouveaux accords, des « égards ajustés[19] » à une temporalité différente et à l’exubérante croissance végétale. Si nous, humains, avons parfois besoin d’espaces nocturnes, non pas à cause de leur extériorité par rapport au monde quotidien, mais en raison de leur demi-sommeil, de leur temps crépusculaire et de la possibilité d’une décélération, ces espaces pourraient permettre de se mettre à l’écoute des agentivités animistes de la vie végétale. Si on revient à Kimmerer, ses parcours sinueux à travers les écosystèmes de plantes et d’êtres humains sont aussi un engagement envers différentes formes de communautés et de modes de vie en commun, qui guériraient des traces de la destruction coloniale et résisteraient à une approche instrumentale de la nature. Sa résistance se veut une pratique de pollinisation croisée de différents savoirs, qui aide à former de nouvelles façons de vivre en rapport avec des myriades de formes de vie et de leurs interdépendances. Au théâtre, la proximité avec les plantes nous engagerait dans des politiques et relationnalités quotidiennes, nous confronterait à la notion de biens communs et de communauté, et à la manière dont nous organisons et partageons un théâtre en tant qu’espace commun.

Y aurait-il des conséquences performatives de la présence de plantes sur la création théâtrale ? Je pense que la proximité des plantes peut également changer la façon dont la performance existe dans le monde ; elle peut déstabiliser la façon dont la performance existe poétiquement, éthiquement et institutionnellement, la façon dont elle est produite, créée, partagée et suivie. Il n’est pas surprenant que les plantes habitent beaucoup plus facilement des espaces investis par des mouvements sociaux, tels que les théâtres occupés, les squats, les structures auto-organisées. Elles y poussent non seulement en raison du manque d’entretien (elles commencent à pousser dans les fissures des murs, etc.), mais aussi dans le cadre de cercles de réciprocité organisés autour de pratiques sociales autonomes et expérimentales. Une performance autour ou à proximité de plantes peut participer à l’animation des forces vives, tout en développant différentes politiques de collaboration, en expérimentant le temps et les manières de partager ces processus avec le public. Les plantes peuvent nous aider à imaginer des modes de création de spectacles plus durables, plus divers et plus entrelacés avec le vivant, sans avoir besoin que nous les animions. Elles le peuvent avant tout parce qu’elles nous animent pendant qu’elles poussent et vivent, parce qu’elles nous rendent constamment conscients des dimensions de la performance en dehors du processus de sa création. En ce sens, le monde végétal existe alors non seulement à travers une poétique artistique, mais aussi dans la pratique artistique, en contribuant à façonner les processus de travail et la créativité. Ce n’est qu’ainsi que le théâtre peut devenir un lieu d’expérimentation végétale étroitement lié à des formes de vie communautaire. En tant que mode d’existence paradigmatique, la vie végétale laisserait des traces de sa croissance et de son abondance dans la performance et contribuerait à façonner la manière dont la performance est créée. C’est à nous d’explorer ces pratiques.