Abstracts
Résumé
La querelle sur le genre pastoral, qui occupera la critique des années 1685 à 1730, suppose une entreprise de redéfinition générique selon laquelle les théoriciens chercheront de nouveaux modèles pouvant exemplifier la nouvelle pastorale française et galante qu’ils envisagent. C’est ainsi que la réception critique qu’on fera des oeuvres de Madame Deshoulières participera au développement d’un style champêtre moderne qui sera pleinement investi par les poètes de la fin du siècle. Dans cette optique, on verra s’affirmer un goût renouvelé pour l’élégie, genre généralement délaissé dans la première moitié du siècle, qui accompagnera cette fois la vogue en faveur d’une poésie sentimentaliste. Deux facteurs semblent alors avoir contribué à faire de Madame Deshoulières un modèle dans ce domaine : d’abord, elle constitue une figure marquante de ce passage du genre de l’élégie vers un mode élégiaque adossé à l’esthétique galante et rattaché à une promotion des genres mineurs ; ensuite, les qualités de naturel et de délicatesse qu’on accorde au style de la poétesse ont favorisé sa mise à profit dans le cadre d’une revalorisation de la sensibilité servant désormais de socle à la poésie pastorale en général et à l’élégie en particulier.
Abstract
The quarrel about the pastoral style, which was a focus of criticism from 1685 to 1730, supposed a major generic redefinition, where theoreticians looked for new models to exemplify the new French pastoral and galant mode they envisioned. Accordingly, the critical reception of the works of Madame Deshoulières contributed to the development of a modern pastoral style that would be widely practiced by poets in the late eighteenth century. From this perspective, one notices a renewed taste for the elegy, a genre generally neglected during the first half of the century, which now accompanied the vogue for sentimental poetry. Accordingly, Madame Deshoulières became a model in this area for two reasons: first, she was a leading figure during this passage from the elegy genre to an elegiac mode based on the galant aesthetic and associated with a promotion of minor genres; and second, the qualities of naturalness and delicacy imputed to the poetess’s style were useful for reevaluating the sensibility that was henceforth the cornerstone of pastoral poetry in general and the elegy in particular.
Article body
Un an avant la mort de Madame Deshoulières en 1694, Élisabeth-Sophie Chéron en avait peint un portrait qui fut reproduit à de nombreuses reprises par le biais de la gravure et qui parut notamment en tête de l’édition de 1693 de ses oeuvres poétiques. Au bas de celui-ci figuraient les vers suivants :
Si Corinne en beauté fut célèbre autrefois ;
Si des vers de Pindare elle effaça la gloire,
Quel rang doivent tenir au temple de mémoire,
Les vers que tu vas lire, et les traits que tu vois ?
Si le parallèle évoqué dans ce quatrain permet d’établir la filiation avec une lignée de femmes de lettres illustres qui a sa source dans l’Antiquité, il donne surtout à voir Madame Deshoulières comme une auteure lyrique, ce que suppose la référence à la figure de Corinne. Ainsi, il semble que, dès la parution des premiers recueils de ses oeuvres, c’est davantage la verve lyrique de la poétesse qui a marqué les esprits, plutôt que ses nombreuses épîtres de Grisette à Tata, ou sa ballade À caution tous amants sont sujets[1], qui suscita pourtant de nombreuses réponses dans le Mercure galant. De fait, l’oeuvre lyrique de Deshoulières sera rééditée et célébrée tout au long du xviiie siècle et particulièrement dans le cadre du débat qui marquera la poésie pastorale, de 1685 à 1730 environ[2]. C’est ainsi que la réception critique qu’on fera de la poésie de Deshoulières, intégrée au renouveau du genre pastoral, participera au développement d’un style champêtre moderne qui sera pleinement investi par les poètes de la fin du siècle. Dans cette optique, on verra également s’affirmer un goût renouvelé pour l’élégie, genre généralement délaissé dans la première moitié du siècle, qui accompagnera cette fois la vogue en faveur d’une poésie sentimentaliste dont les Idylles de Gessner, traduites en français en 1762, marquent l’un des moments forts. Deux facteurs semblent alors avoir contribué à faire de Mme Deshoulières un modèle dans ce domaine : d’abord, elle constitue une figure marquante de ce passage du genre de l’élégie vers un mode élégiaque adossé à l’esthétique galante entraînant une relecture polie et épurée des grands modèles pastoraux et rattachée à une promotion des genres mineurs ; ensuite, les qualités de naturel et de délicatesse qu’on accorde au style de la poétesse ont favorisé sa mise à profit dans le cadre d’une revalorisation de la sensibilité servant désormais de socle à la poésie pastorale en général et à l’élégie en particulier. Toutefois, avant d’aborder le cas de la réception de Mme Deshoulières en tant que modèle de l’élégiaque galant moderne, il nous paraît essentiel de situer ses oeuvres poétiques dans le cadre de la querelle de la pastorale telle qu’elle se donne à voir dans la première moitié du xviiie siècle.
La querelle de la pastorale
Le débat sur la poésie pastorale qui se développe au cours du xviiie siècle, rappelons-le, s’inscrit d’abord plus généralement dans le contexte de la première Querelle des Anciens et des Modernes, où c’est surtout le style propre à ce type de poésie qui se trouve remis en question. Alors que Longepierre, par exemple, favorise une poésie façonnée sur le modèle antique dans sa préface aux Idylles qu’il fait paraître en 1692 et qu’il joint à sa traduction de Moschus et Bion, Fontenelle et Houdar de La Motte, pour leur part, militent pour une poésie galante épurée de la rusticité des Anciens figurée par Théocrite. Or, les Modernes sont à leur tour fortement pris à partie et accusés d’user d’un style beaucoup trop orné dans leurs poésies, péchant en ce sens contre le naturel et la vraisemblance[3]. Dès lors, et comme le rappelle Jean-Louis Haquette, les auteurs modernes « sont pris dans un dilemme qui rend le genre pastoral impossible : soit ils retranscrivent dans le style la bassesse des bergers, ce qui dégrade la poésie, soit ils élèvent le langage et les sentiments, ce qui crée une disjonction invraisemblable entre la condition sociale des personnages et leurs discours[4] ». L’abbé Genest fait de même écho à cette critique des Modernes à laquelle participe Longepierre, en affirmant qu’« [i]l seroit bon de retrancher tous ces longs discours d’Amans transis et langoureux, ces Coqueteries et ces affetreries qui ne siéent point à des Bergers, non plus qu’à des Cavaliers ; sur tout éviter ces faux brillans, ces pointes, ces Concetti où s’abandonnent quelques Italiens[5] ». Toutefois, l’auteur concède qu’il y faut tout de même polir quelque peu le caractère des bergers, suivant l’esprit français : « Que nos Bergers soient ingenieux, et mesme plus galans que ceux des autres nations ; mais qu’ils ayent de la retenuë, et de la justesse dans leurs discours ; et que ce soient toûjours des Bergers aimables, et non pas des beaux esprits de profession, ny des Courtisans declamateurs[6] ». Fontenelle lui-même prêche pour une juste mediocritas dans son Discours sur l’églogue, qui marque précisément la difficulté qui constitue le coeur du débat et cette impasse poétique définie par Haquette, lorsqu’il affirme qu’« [i]l faut que les Bergers aient de l’esprit, et de l’esprit fin et galant ; ils ne plairoient pas sans cela. Il faut qu’ils n’en aient que jusqu’à un certain point ; autrement ce ne seroient plus des Bergers[7] ». Entre grossièreté antique et brillant à l’italienne, le style pastoral doit donc trouver sa place dans un style moderne assimilé au goût galant et propre à accueillir des ornements mesurés, en même temps qu’il évacue une certaine rusticité[8]. À Fontenelle répondra cependant Rémond de Saint-Mard, l’auteur déplorant l’excès de finesse dans le style qui rend le langage des bergers des églogues trop entortillé[9]. À l’esprit fin, propre à une certaine métaphysique amoureuse, Saint-Mard oppose l’esprit délicat qui, selon lui, aurait davantage à voir avec le sentiment qui doit former le coeur du genre pastoral. L’analyse naïve du sentiment devient, dans ce contexte, le coeur thématique du style pastoral et s’oppose aux déclamations peu sincères des bergers usant à outrance de pointes et mots d’esprit. Du Bos avait d’ailleurs déjà soulevé ce problème dans ses Réflexions, où il fustigeait cette « métaphysique amoureuse » dont usent les auteurs modernes[10]. Pour Du Bos, si le style pastoral moderne doit éliminer ou, du moins, polir les grossièretés des églogues antiques, l’excès de raffinement ne convient pas davantage à un genre dont on souhaite qu’il peigne les sentiments de manière juste et naturelle[11]. Prise entre bienséance et vraisemblance, voire entre esprit et sentiment, la poésie pastorale se trouve donc au coeur d’un débat qui a traversé tout le siècle des Lumières, notamment à travers les réflexions sur le roman[12].
On le voit, la critique semble surtout se déployer sur deux plans : d’un côté, celui d’un style moderne affecté par les concettis inspirés par les modèles italien et espagnol qui fait tomber les auteurs dans un excès d’ornements poétiques ; de l’autre, celui d’un manque de vraisemblance dans la peinture des sentiments, qui rappelle davantage la rhétorique factice des auteurs de romans que la peinture naïve des mouvements du coeur. En ce sens, c’est surtout à un appel à la qualité de naturel, autant dans l’expression des sentiments que dans le langage généralement employé dans ce type de poésie, auquel répondront les théoriciens du style pastoral dans les années qui suivront. C’est ce que met notamment en évidence Charles Batteux, qui propose une nouvelle définition du style pastoral en réponse au problème soulevé dès le début du siècle. Celui-ci insiste sur la nécessité d’user d’un naturel choisi, auquel sont ajoutés certains agréments judicieusement intégrés et favorisés par le goût galant :
Dans ce genre, comme dans les autres, il y a un point au-delà et en-deçà duquel on ne peut trouver le bon. Ce n’est point assez de parler de ruisseau, de brebis, de Tityre ; il faut du neuf et du piquant dans l’idée, dans le plan, dans l’action, dans les sentimens. Si vous êtes trop doux ou trop naïf, vous risquez d’être fade ; et si vous voulez un certain dégré d’assaisonnement, vous sortez de votre genre, et vous tombez dans l’affectation. Ne donnez à une Bergère d’autres bouquets que ceux de ses prés ; d’autre teint, que celui des roses et des lis ; d’autre miroir qu’un clair ruisseau. Regardez la Nature, et choisissez : c’est l’abrégé des préceptes. Lisez les grands Maîtres, lisez Théocrite, il vous donnera le modéle de la naïveté ; Moschus et Bion, celui de la délicatesse. Virgile vous dira, quels ornemens on peut ajouter à la simplicité. Lisez Segrais, et Madame Des-Houlieres, vous y trouverez une expression douce et continue des plus tendres sentimens[13].
Dépassant la sphère de la Querelle des Anciens et des Modernes, le style pastoral tel que défini par Batteux doit donc prendre pour modèles les uns et les autres afin d’y puiser les exemples d’une sensibilité naturelle traduite par un style à la fois naïf, doux et délicat. Aussi suggère-t-il de ne retenir des Anciens que ce qui peut convenir à la pastorale galante : naïveté, simplicité agrémentée d’ornements, délicatesse. En ce sens, il est intéressant de voir que les modèles modernes mentionnés par Batteux sont ceux du siècle précédent, et plus précisément ceux qui ont participé à la fois à l’élaboration de l’élégie galante et à son passage vers un mode élégiaque qui s’accomplit dans une panoplie de genres mondains. Par-delà les écarts de Fontenelle et La Motte, c’est donc à Segrais et Madame Deshoulières qu’on souhaite se référer afin de retrouver cette expression naturelle des sentiments qui répondrait aux exigences de la sensibilité nouvelle. La poétesse constituera, dans ce contexte, un modèle constamment rappelé et la réception dont ses poésies bénéficieront au xviiie siècle fournira un cadre suivant lequel sera pensé le renouveau de la poésie pastorale à partir des années 1730.
Le caractère élégiaque
Au milieu du siècle, il semble que la valorisation du sentiment et de la sensibilité, liée à l’émergence de l’esthétique moderne, favorise une conception nouvelle de la poésie pastorale dépourvue des ornements brillants des auteurs beaux-esprits. Dans un aveu glissé dans ses Réflexions, Rémond de Saint-Mard réaffirme d’ailleurs la force de cet attrait sensible accordé à la poésie pastorale à propos d’une églogue de Fontenelle :
Voïez mon Enfance ; quoique ce début ne soit pas extrémement tendre, il ne laisse pas que de m’intéresser ; il m’expose la situation douloureuse d’un Berger qui voit partir Sa Maîtresse, et qui la voit partir pour la Ville. Je me mets, pour ainsi dire, à sa place ; je prens ma part de ses allarmes, je sens déja pour lui une pitié tendre ; Enfin me voila en-train d’avoir du plaisir
RPG, p. 50
Au gré d’un usage de l’imagination associé à l’enfance, Saint-Mard rend compte de façon éloquente du processus esthétique qui s’élabore au coeur de la poésie pastorale lorsqu’il témoigne naïvement de la sympathie qui l’anime pour ce berger et du plaisir qu’il éprouve à la lecture de ses tourments amoureux. Cette sympathie qui prend place entre le lecteur et le personnage anonyme du poème, dont les sentiments répondent aussitôt au plaisir causé par la lecture, invite à situer les poésies pastorales du côté de la sensibilité. De même, l’abbé Batteux affirme que « lorsqu’un Poëte sait, dans une action intéressante, nous offrir la fleur de ces objets, déja charmans par eux-mêmes, et nous peindre, avec des traits naïfs, une vie semblable à celle des Bergers ; nous croyons jouir avec eux[14] ». À la lecture de ces deux extraits, il semble bien que le style de la poésie pastorale soit particulièrement propre à toucher le lecteur qui prend à son compte les sentiments peints par le poète. Il est alors intéressant de noter le processus d’identification qui se met en place dans la relation entre le lecteur et le poème pastoral, le premier se reconnaissant dans les personnages du second mis en scène par l’entremise d’un style qui vient charmer, au sens fort du terme[15]. C’est d’ailleurs cette façon de traiter les sentiments de manière touchante, mais modérée qui marquera le genre de l’élégie, à rebours des fureurs de la passion tragique, le modèle de la plainte amoureuse devenant, au demeurant, le critère de définition premier de l’élégie galante dès le xviie siècle. En effet, selon le Dictionnaire de l’Académie de 1694, l’élégie est une « [e]spece de Poësie de vers alexandrins en rime plate, qui s’employe dans les sujets tristes et plaintifs, et dans tout ce qui regarde l’amour[16] ». Or, si le mode d’expression constitue déjà l’un des pendants de la définition de l’élégie à la fin du xviie siècle, il devient le principal critère de distinction au cours du siècle suivant, alors que l’édition de 1798 du Dictionnaire indique qu’elle est une « [e]spèce de Poësie dont le sujet est triste et tendre » et donne en exemples « Élégie amoureuse. Composer une Élégie. Élégie plaintive. Élégie tendre », en mentionnant toutefois au passage que « [l]’Élégie Françoise est ordinairement en vers Alexandrins[17] ». On observe ainsi ce déplacement du genre de l’élégie, hérité de l’Antiquité, vers un mode élégiaque moderne qu’a notamment mis en évidence Delphine Denis et qui se trouve marqué par une diversité générique pouvant même aller jusqu’aux oeuvres en prose, suivant « une approche transversale du “caractère élégiaque”[18] ». En effet, le mode élégiaque, développé dans le cadre de l’esthétique galante, trouve à s’épanouir dans une variété de formes littéraires mineures, telles que l’épître en vers ou l’églogue[19]. Dans cette tentative de redéfinition de l’élégie, celle-ci ne prend donc forme que suivant un schéma affectif favorisant les plaintes amoureuses et les épanchements du coeur[20] : « En s’interrogeant sur l’“Idée” ou le “Charactere” propre aux compositions élégiaques, en ouvrant largement son champ d’exercice, [les théoriciens] ont ainsi rendu possible une conception de l’élégiaque comme catégorie esthétique : le repérage de quelques-uns de ses traits stylistiques majeurs n’en précise la forme qu’à proportion de sa vertu expressive[21] ». Tous les théoriciens de l’élégie au xviiie siècle insisteront alors davantage sur ce caractère élégiaque dans leur définition du genre au détriment de la forme, en mentionnant par conséquent le phénomène de porosité affectant les petits genres pastoraux pouvant tour à tour le mettre à profit. C’est ce que mentionne ici l’abbé Le Blanc, qui affirme que l’élégie est « un Poëme triste et plaintif[22] » ou encore l’abbé Fraguier qui, dans son Mémoire sur l’élégie grecque et latine, mentionne que « [l]e mot élégie veut dire une plainte, une lamentation, un discours propre à émouvoir la compassion[23] ». Par ailleurs, la suite du propos de Fraguier est particulièrement intéressante, puisque l’auteur insiste sur le mode mineur qui caractérise le sentiment élégiaque hérité de l’esthétique galante, en opposition à la grandeur pathétique exprimée par un genre tel que la tragédie : « Venons à quelque chose de plus palpable, aux sentimens et aux termes que comporte l’élégie, comme expression ou amusement d’un sentiment douloureux, en quelque langue que cette douleur s’exprime : sur quoi il faut d’abord observer que la grande douleur tragique ne convient pas à cette espéce de poëme[24]. » De fait, « [l]a douleur qu’on peint dans l’élégie est et plus douce et plus tendre, c’est l’expression d’une mélancolie passionnée, et qui a sa source dans une autre espéce de sensibilité[25] ». Suivant cette conception, l’élégie se situe dans une sphère mineure de la poésie lyrique, et comme le mentionne Nicholas Dion, c’est plutôt la terminologie galante qui servira de point de repère dans le renouvellement du genre[26]. En favorisant au passage les effets de chevauchement et de contamination, notamment avec le madrigal et l’épître en vers, l’élégie a principalement tendu à la fois vers la thématique amoureuse et vers l’expression d’un sentiment modéré en délaissant celle des passions tragiques[27]. Ainsi, c’est ce mode élégiaque développé dans le cadre de l’esthétique galante du siècle précédent et venu se substituer au genre traditionnel de l’élégie qui semble avoir servi de premier modèle à une redéfinition de la poésie pastorale à partir des années 1730, qui passe entre autres par la valorisation de l’expression d’un sentiment modéré, mais qui devra trouver à s’exprimer suivant les exigences d’un naturel désormais appelé par tous les théoriciens.
Le modèle élégiaque de Madame Deshoulières
Dans ce contexte, Madame Deshoulières semblait offrir un bel exemple de cette poésie à la fois galante et touchante s’actualisant à travers un mode élégiaque moderne que favorisent les théoriciens de la pastorale. De fait, le débat sur la pastorale trouve l’une de ses résolutions dans la lecture qui est faite de la poésie telle que la pratiquait Madame Deshoulières, qui s’oppose à celle davantage associée au style brillant d’un Fontenelle. En ce sens, le lyrisme de la poétesse est considéré comme comportant toutes les qualités d’un style gracieux, qui se trouvent être celles que l’on considère comme devant, en même temps, primer dans l’élégie : le tendre, le moelleux, le touchant, la délicatesse. Dès 1696, ce sont ces qualités galantes s’affirmant dans les poésies pastorales de l’auteure qui en font un modèle pour Mlle Lhéritier, comme en témoigne son Triomphe de Madame Des-Houlières paru dans ses Oeuvres meslées. La verve galante y est alors associée au mode élégiaque : « Le Genie galant faisoit paroître sur un Etendard tissu d’écorces de Tilleuls crus sur les rivages de la Charante, les Eglogues charmantes où Celimene se plaint si tendrement de l’absence de son Berger, et Iris de l’ingratitude du sien, et un nombre infini de Chansons fines, délicates, touchantes, et toutes remplies de pensées nouvelles[28] ». Dans cette apologie des pièces pastorales de la poétesse se donnent à voir la valorisation du mode élégiaque en contexte galant à travers la plainte amoureuse, de même que le caractère profondément mouvant, voire indéfini des genres inscrits dans le cadre plus général de la pastorale. Aussi peut-on difficilement différencier l’épître chagrine de l’églogue ou l’idylle de l’élégie, les genres mineurs se chevauchant sans cesse et donnant lieu à des phénomènes d’hybridation. Par exemple, une épître, telle que celle adressée à Mlle de La Charce, ou une églogue dans laquelle le berger se plaint des rigueurs de sa maîtresse, telle que celle d’Iris[29], peuvent autant faire figure d’élégies. C’est donc davantage la modalité discursive qu’emploie la poétesse plutôt que les genres particuliers qu’elle se plaît à pratiquer qui en feront un modèle dans la recherche d’un nouveau style pastoral. Jaucourt, dans son article sur l’églogue inséré dans l’Encyclopédie et où il reprend principalement les idées de Batteux, insistera à son tour sur ces qualités propres à la pastorale nouvelle et dont fait preuve Madame Deshoulières :
[Le style pastoral] doit être simple, c’est-à-dire que les termes ordinaires y soient employés sans faste, sans apprêt, sans dessein apparent de plaire. Il doit être doux : la douceur se sent mieux qu’elle ne peut s’expliquer : c’est un certain moëlleux mêlé de délicatesse et de simplicité, soit dans les pensées, soit dans les tours, soit dans les mots. […] Il doit être naïf. […] Il est gracieux dans les descriptions. […] En général on doit éviter dans le style pastoral tout ce qui sentiroit l’étude et l’application, tout ce qui supposeroit quelque long et pénible voyage ; en un mot tout ce qui pourroit donner l’idée de peine et de travail[30].
Pour Jaucourt, un air d’aisance et de facilité est d’abord ce qu’on exige du poète dans la poésie pastorale. À ces qualités s’ajoutent les poncifs du style gracieux hérités des rhétoriques antiques et réactualisés par le goût galant, qui prennent forme suivant les notions de simplicité, de douceur, de mollesse, de délicatesse et de naïveté. Marmontel mettra également de l’avant ces tonalités du style gracieux, mais cette fois accordées au genre de l’élégie conçu de façon élargie. Pour le théoricien, l’élégie est « [g]rave ou légère, tendre ou badine, passionnée ou tranquille, riante ou plaintive à son gré, il n’est point de ton, depuis l’héroïque jusqu’au familier, qu’il ne lui soit permis de prendre[31] ». Le théoricien décline ainsi le genre en trois catégories : le passionné, le tendre et le gracieux. Alors qu’Ovide sert de modèle antique au genre gracieux, c’est Madame Deshoulières qui occupera cette fonction parmi les auteurs modernes : « Les meilleures des élégies modernes sont connues sous d’autres titres. Les idylles de madame Deshoulières aux moutons, aux fleurs, sont des modèles de l’élégie dans le genre gracieux[32] ». Dans ce passage, Marmontel rappelle donc à la fois le statut de modèle de Deshoulières dans le cadre de la théorisation de l’élégie gracieuse et la transformation du genre suivant la définition d’un mode élégiaque qui correspond aux idylles de la poétesse.
Rémond de Saint-Mard fait également intervenir le modèle de Deshoulières pour définir ce style marqué par le naturel et la tempérance propre à la pastorale nouvelle. L’auteur note, dans ses Réflexions sur la poësie, que « la vigueur, et tout ce qui a l’air nerveux a mauvaise grace dans des genres de Poësie qui n’ont que des passions douces à peindre » (RPG, p. 161). Saint-Mard précise bientôt sa pensée en envisageant l’effet esthétique que devrait produire sur le lecteur la poésie pastorale :
Si l’on vouloit me plaire dans l’Elégie, il n’y auroit qu’un parti à prendre, et le voici. Ce seroit de m’y peindre ces petits tourmens, ces espéces de peines qui dans l’Amour sont des plaisirs : alors je ne me ferois point prier pour y entrer. Il y a plus : au moïen de ces petites peines qui, selon moi, sont des plaisirs, je tomberois dans une mélancolie douce ; je me laisserois aller à une rêverie charmante, et l’Elégie alors me paroîtroit une fort jolie chose.
RPG, p. 167
Les termes employés ici par Saint-Mard sont particulièrement éloquents en ce qui concerne le renouveau envisagé pour le style pastoral : il s’agit d’y peindre une douce mélancolie et une rêverie charmante qui nous rappellent inévitablement le modèle que fourniront les auteurs anglais et allemands, notamment Young et Gessner. Dès lors, les poésies de Madame Deshoulières se trouvent mises à profit pour préciser le mode discursif propre à cette élégie nouvelle :
Comme il seroit à propos encore pour mon plaisir que je m’intéressasse dans l’Elégie, à celle qui en est l’Héroïne, je voudrois, qu’au-lieu d’être emportée et furieuse, elle fut tendre et délicate : je serois bien aise aussi qu’on eut l’adresse de me la faire paroître extrémement aimable ; et enfin comme c’est elle qui fait communément le récit de ses malheurs, je voudrois que le récit qu’elle en feroit fut assez touchant pour les faire arriver jusqu’à moi, et pour me faire prendre une espéce de plaisir à les plaindre. Telle est, par exemple, l’Héroïne d’une Elégie de Madame des Houlieres, que, je ne sçai pas sur quoi fondée, elle a nommé Eglogue.
RPG, p. 167-168
Dans cet exemple, on retrouve tous les critères de la pastorale moderne telle qu’on l’envisage au milieu du siècle : le tendre, le délicat, la sensibilité et l’effet esthétique provoqué par la lecture. À ces qualités s’ajoute bien entendu celle du naturel constamment reprise : « Assurément, Monsieur, vous ne trouvez point là d’Amphase ; tout y est simple, tout y est naturel : la Bergere y explique ses malheurs d’une manière si touchante, qu’il n’est pas possible de ne les point partager ; […] Quel naturel dans sa façon de conter ! Quelle délicatesse dans son caractere ! » (RPG, p. 173-174) Par ailleurs, c’est précisément ce naturel dans l’expression du sentiment qui, pour Saint-Mard, distingue la poétesse des auteurs du début du xviie siècle, tel Théophile, dans le genre élégiaque :
Le reste du detail de la Passion est également beau, parce qu’il est toûjours dans la Nature : tout ce qu’elle a fait pour oublier son Berger est exprimé avec une délicatesse infinie. L’Apostrophe qu’elle fait aux Bocages contre la coutume de ces sortes d’Apostrophes, devient naturelle par l’air doux et affectueux dont elle est faite. Tout dans cette Elégie respire l’Amour. Et quel Amour ! Monsieur, un Amour tendre, délicat, non un Amour forcené et furieux tel qu’on nous le peind communément dans ces vilains petits Poëmes qu’on apelle des Elégies.
RPG, p. 177
En effet, avant la transformation que lui feront subir les poètes galants, l’élégie moderne se complaisait davantage dans la fureur de l’expression de passions tragiques, généralement peu goûtée par les théoriciens du genre pastoral tel qu’on cherche à le redéfinir un siècle plus tard. Aussi la sensibilité, à rebours des passions excessives, occupe-t-elle une place importante dans la réception qui est faite des oeuvres de la poétesse :
Et où ont pris, s’il vous plaît, ce que nous ont dit de gracieux Quinaut, la Fontaine, Madame Deshoulieres ? Croïez-vous que ç’ait été dans leur Esprit ? Non, Monsieur ; mais ces gens-là avoient un coeur, et c’est là où ils ont puisé cette moële délicieuse qui les a rendus charmans, même quand ils ne s’attendoient pas à l’être. Il y a plus ; et quand vous devriez m’en gronder ; il faut que je le dise encore ; cette sensibilité charmante, cette manière vive et douce d’être pénétré de ce qu’on a à rendre, ce petit Enthousiasme, si je l’ose dire, peut et doit s’étendre à tout.
RPG, p. 249
Encore ici, la « sensibilité charmante » et le « petit enthousiasme » que retrouve le critique dans les pièces de Madame Deshoulières et ses contemporains semblent ouvrir la voie à la pastorale telle qu’elle se développera dans la seconde moitié du siècle en mettant en évidence une sincérité du coeur et un épanchement de l’émotion intime qui mènera à l’aube du romantisme.
La définition nouvelle de l’élégie que propose l’abbé Le Blanc au cours des mêmes années semble d’ailleurs aller dans le même sens. En effet, c’est d’abord une exigence de naturel alliée à l’expression de la sensibilité, en réaction au bel-esprit des bergers modernes, qui est mise en évidence par le théoricien :
Premiérement la nature dans l’Elégie plus que dans tous les autres Poëmes de si peu d’étendüe se doit faire sentir. Il faut se plaindre, mais se plaindre comme les malheureux se plaignent. L’affectation en doit être bannie, l’art doit en être caché. Le but de la plainte est de toucher, elle n’y peut arriver si elle n’est pas naturelle : sans cela même ce n’est pas une véritable plainte.
DE, p. 11
À ce premier critère de définition, s’en ajoute un second qui a, on l’aura deviné, trait à l’expression du sentiment : « Secondement, elle doit être remplie de sentimens. Je dis sentimens et non pas de pensées aiguisées en Epigrammes, ni de jeux de mots fabriqués avec Art. On doit en bannir ces chûtes brillantes et tous ces frivoles agrémens que l’on trouve dans les Elégies de l’Arioste qui passe néanmoins pour le Tibulle Italien » (DE, p. 11-12). Pour Le Blanc également, le style de l’élégie doit donc principalement avoir la nature pour guide et exprimer une vérité du sentiment que n’entrave pas l’usage excessif d’artifices oratoires. Encore une fois, c’est la figure de Madame Deshoulières qui vient appuyer la démonstration, Le Blanc la considérant parmi les meilleurs modèles possible en ce genre. En effet, l’auteur offre en exemple les vers touchants de la poétesse, qui aurait su éviter les écueils dans lesquels sont tombés les poètes élégiaques du début du xviie siècle :
J’avoüe qu’on ne peut pas faire les mêmes reproches à Mesdames Deshoulieres et de la Suse. C’est avec justice que l’on compte la premiere parmi nos Poëtes Elégiaques : Quoiqu’il n’y ait qu’une ou deux de ses Piéces qui portent le titre d’Elégie, il y a beaucousp d’Elégiaque dans ce que nous avons d’elle, et beaucoup de délicatesse dans ce qu’elle a d’Elégiaque.
DE, p. 26-27
Ici encore, c’est bel et bien le mode élégiaque revisité par l’esthétique galante mis en oeuvre par la poétesse qui en fait un modèle pour l’élégie moderne. Celui-ci se trouve alors actualisé dans une poésie qui met en évidence une délicatesse de sentiment propre à véhiculer une vérité du coeur.
Peu de temps après, Jean-Bernard Michault fait paraître des Réflexions sur l’élégie en réponse à l’ouvrage de l’abbé Le Blanc, qu’il confronte sur plusieurs points. D’abord, Michault fonde également sa réflexion sur la définition d’un style élégiaque, délaissant une analyse formelle du genre, mais en s’opposant à Le Blanc qui avait suggéré la possibilité d’un mode tragique de l’élégie : « Les véritables Elegies sont donc seulement celles qui expriment les regrets d’une personne affligée, et non pas celles où nous trouvons des images sanglantes, des combats et des triomphes, telles que nos anciens nous en ont laissées plusieurs qui n’ont rien du tout d’Elegiaque que le vers et le titre[33] ». Aussi l’ambition de Michault est-elle de préciser ce qu’il nomme la « nature du sel élegiaque » (RCE, p. 15), l’auteur affirmant que « le sel des Elegies doit être d’une grande délicatesse » (RCE, p. 14-15) et qu’« [i]l faut que le Poëme Elegiaque réveille un peu la sensibilité, et qu’il donne beaucoup de plaisir » (RCE, p. 17). Dès lors, l’élégiaque se prête non seulement à une poésie inscrite dans l’esthétique galante, mais il répond aux exigences de naturel et de sensibilité véhiculées par l’idée de délicatesse. L’auteur précise, du reste, que « [l]’amenité, les agrémens, les tours galans, les expressions fines, enfin tout ce que nous apellons graces doit y regner sur tout » (RCE, p. 17). Encore ici, la délicatesse, la sensibilité, le plaisir, les agréments, les grâces correspondent tous aux critères esthétiques valorisés par la galanterie, ce que vient confirmer l’éloge de Voiture, Sarasin et Benserade qu’il donne à lire plus loin : « Ce fut d’abord sous eux que l’Elegie se forma ; ils y préterent à nos amans malheureux des plaintes galantes ; ils y employerent si je l’ose dire, des douleurs françoises » (RCE, p. 115-116). Michault situe donc l’élégie moderne et française dans le sillage de la galanterie, ce qui suppose de maintenir dans une juste mesure la peinture du sentiment : « Il ne s’agit pas ici de transporter et de ravir, on n’a besoin que de quelques charmes aisez. Il n’est pas question non plus de faire répandre des torrens de larmes, il faut seulement atendrir » (RCE, p. 19). Plus encore, « [t]out y doit être aisé, elle doit plaire et toucher, et non pas transporter et épouvanter » (RCE, p. 28). On retrouve donc à nouveau les qualités de négligence et de sensibilité déjà identifiées, mais exprimées sur un mode mineur qui rejette les passions excessives. Au surplus, l’auteur insiste particulièrement sur l’idée de naturel : « Par tout on la voit s’atacher aux moindres démarches de la nature, elle les exprime avec exactitude, elle s’assujetit en tout à la belle simplicité et au vrai, pourvû qu’il n’aproche pas du prodige » (RCE, p. 41-42). Dans la recherche d’un style inspiré par la nature, ce sont les critères de vérité et de simplicité que l’on voit poindre, Michault les plaçant en contrepied de la poésie italienne et espagnole, tout en faisant intervenir le modèle de Madame Deshoulières pour mieux valoriser l’avatar français :
Le François plus sage l’a dépoüillée de tous ces ornemens bisares. Il lui fait verser quelques larmes, lui donne des sentimens tendres et moderez, lui préte des expressions douces et gracieuses. Il l’a renduë galante sans dissipation, plaintive sans ennui, naturelle sans insipidité, et modeste sans affectation. Telles sont presque toutes les Elegies de Mesdames Deshoulieres, de la Suze et de Villedieu, qu’on peut proposer comme des modeles achevez ; c’est à la honte de notre sexe que je suis obligé d’avoüer qu’elles sont les meilleurs Poëtes Elegiaques que nous ayons.
RCE, p. 119-120
Ainsi, Madame Deshoulières, aux côtés de Mesdames de La Suze et de Villedieu, répond parfaitement aux exigences précédemment mentionnées par le théoricien concernant la poésie élégiaque. Les exemples avancés par Michault semblent d’ailleurs inspirés par l’idée souvent reprise au cours du siècle et suivant laquelle on accorde une éloquence naturelle aux femmes, particulièrement en ce qui a trait à la peinture du sentiment, à rebours de la rhétorique étudiée des hommes formés dans les collèges. En ce sens, le lieu commun visant à considérer les femmes en général comme possédant une éloquence naturelle du coeur a sans doute contribué à ériger Madame Deshoulières en modèle de l’élégie moderne.
À son tour, Batteux propose une définition du style de la poétesse à partir de la notion de molle atque facetum, qui était alors devenu un lieu commun du style galant[34]. Dans son Cours de belles-lettres, l’auteur affirme que « [l]a douceur se sent mieux qu’elle ne peut s’expliquer ; c’est un certain moëleux mêlé de délicatesse et de simplicité, soit dans les pensées, soit dans les tours, soit dans les mots[35] ». Aux côtés de Segrais, c’est rapidement l’exemple de Madame Deshoulières qui intervient pour mieux caractériser la version moderne de ce moelleux nécessaire au genre pastoral :
Il s’agit de déterminer au juste la signification de ces deux mots, molle et facetum. Mde Deshoulieres les avoit en vûe quand elle a dit que le plus jeune des Dieux savoit répandre sur ce qu’elle écrivoit un air galant et tendre […] Mais le tendre ne répond peut-être point assez au molle, ni le galant au facetum. Il semble que ces deux mots ont eu besoin dans Horace de se corriger l’un par l’autre. Molle, signifie une douceur naïve, ingénue : facetum, signifie un certain piquant léger, et qui chatouille seulement.
SEE, p. 55
Batteux suggère alors la belle expression de « douceur assaisonnée » pour qualifier ce style pastoral, en précisant qu’on doit l’utiliser « de manière cependant que la douceur fût la base, et que le piquant ne fût que comme un sel qui en relevât le goût, et en fortifiât l’impression » (SEE, p. 55). Encore ici, la distinction est opérée entre élégie à l’antique et mode élégiaque moderne, en faveur du dernier, bien entendu. Le modèle de Madame Deshoulières est aussitôt appelé en appui à cette définition :
Mde Deshouliers ne le cede à personne dans le genre dont nous parlons. Ses Idylles ont ce fonds de douceur et cet assaissonnement dont parle Horace, et l’un et l’autre a un degré exquis. Elle est d’une finesse admirable, et a le secret d’envelopper ce qu’elle a de fin dans le sentiment : il domine toûjours dans toutes ses pensées. C’est la situation où elle se met qui l’inspire. Aussi naïve que Théocrite, aussi délicate que Virgile, aussi spirituelle que Bion : elle a fait de toutes ces qualitez un heureux mêlange qui lui eût peut-être fait donner le prix, si elle eut varié davantage le fonds de ses sujets ; ils paroissent tous sortir d’une certaine tristesse habituelle, qui leur donne un faux air d’Élégie.
SEE, p. 58-59
La poétesse rassemble donc toutes les qualités reconnues aux poètes anciens, desquels la douceur et l’assaisonnement modernes viennent corriger les défauts. Il est intéressant ici de remarquer que Batteux ne semble pas favorable au genre de l’élégie, suivant une conception plus traditionnelle du genre, mais qu’il associe tout de même les pièces de la poétesse à un mode élégiaque, ce qui rend bien compte du passage effectué de l’un à l’autre. Ainsi, l’auteur offre un commentaire mitigé : en même temps qu’il admire la sensibilité de la poétesse, il déplore le manque de variété dans le mode élégiaque employé par celle-ci. Il faut toutefois préciser que la raison de cette ambivalence semble prendre appui sur une lecture morale des oeuvres de Deshoulières qui empêche Batteux de faire un éloge sans mélange de ses écrits, l’auteur prenant ici pour exemple la célèbre idylle des Moutons[36] :
On ne peut rien voir de plus délicieux, de plus doux, de mieux tourné que ce morceau. Malheureusement pour Madame Deshoulieres cette doctrine est propre à amollir les moeurs et à les tourner à une sorte d’Épicurisme entièrement opposé, je ne dis pas seulement à la morale Chrétienne, mais à cette vigueur d’âme, à cette force mâle, qui est le fonds de la vraie probité. Et si nous mettons ici l’Idylle du Ruisseau, c’est parce que cet esprit de mollesse y domine moins : et que d’ailleurs, il contient la censure de plusieurs vices, et par conséquent des leçons de vertus.
SEE, p. 198
Dans ce passage, c’est donc principalement le style de la poétesse qui se trouve valorisé, alors que les propositions en elles-mêmes que contient la pièce de Madame Deshoulières ne répondent pas tout à fait aux exigences morales du théoricien. Toutefois, la critique de Batteux, pour être quelque peu mitigée, n’en situe pas moins la douceur et la sensibilité du style de Madame Deshoulières en tant que fondements de la pastorale nouvelle, qualités qui fourniront le socle de la poésie champêtre qu’investiront les auteurs de la fin du siècle.
Vers une poésie champêtre
Ces diverses critiques favorables au style de la poétesse et dont la réception des oeuvres maintes fois rééditées la donne à voir comme un modèle de l’élégie galante et moderne semblent avoir contribué à former une figure idéale de Madame Deshoulières. En effet, c’est ce que suppose l’éloge historique précédant l’édition de 1747 de ses Oeuvres, qui rapporte un voyage en Dauphiné fait par la poétesse :
La joie, qui faisoit l’ame de cette société et la proximité du Païs les engagerent à faire une espèce de pélérinage sur les bords du Lignon dans ces vallées délicieuses, que M. d’Urfé a rendu si célèbres ; et Madame Deshoulieres alla recueillir, sur la tombe d’Astrée et de Céladon, ces sentimens tendres et délicats, que l’on a admirés si longtems dans le récit de leur amour[37].
Ici, Madame Deshoulières est présentée comme l’héritière directe d’une pastorale nouvellement définie à partir d’un souvenir nostalgique de l’Astrée et qui sera réactualisé à la faveur d’une redéfinition du goût suivant l’idée de poésie champêtre[38]. C’est également ce que donne à entendre la suite du passage qui retrace le séjour de la poétesse sur les terres de la maison de La Charce :
La vue de ces Monts, qui conservent en toutes saisons les neiges et les glaces dont leurs sommets sont couverts, et qui sont accompagnés de Vallées profondes, où tombent des torrens et où l’on voit des précipices affreux, augmenta le goût, qu’elle avoit naturellement, pour la solitude et pour tout ce qui tient du champêtre. La même curiosité, qui l’avoit portée sur les bords du Lignon, la conduisit vers la Fontaine de Vaucluse, la Riviere de Sorgues et tous les beaux endroits, qui environnent Avignon. Madame Deshoulieres visita ces lieux consacrés en quelque manière par les Amours de Pétrarque et de Laure, et cette vûe lui rappella tout ce qu’elle avoit vû de beau dans les Vers de ce grand Poëte[39].
Cette image de la poétesse forgée par la critique fait donc de Madame Deshoulières une figure de passeur dans ce qui deviendra le renouveau de la poésie bucolique dans la seconde moitié du xviiie siècle. De fait, la réception de ses oeuvres poétiques semble avoir contribué à la revalorisation du sentiment et du naturel nécessaire au développement d’une poésie champêtre, inspirée de l’univers rural. Celle-ci s’élabore d’ailleurs de façon concomitante à la faveur nouvelle dont jouit la poésie de Théocrite, en vertu de cette rusticité même qui avait été la cible constante des critiques dans le premier tiers du siècle. Madame Deshoulières est alors présentée comme une nouvelle héroïne digne des poètes romantiques les plus inspirés : « Cependant quelque agréable que dût lui paroître le séjour de Paris, où elle étoit si considerée, il lui resta toujours un attachement singulier pour les solitudes de Dauphiné, dont elle avouoit que l’idée inspiroit une sorte de charme à son ame[40]. » La réception critique de Madame Deshoulières dans les années qui ont marqué le débat sur le genre pastoral aura donc contribué à l’élaboration d’une nouvelle forme de poésie, en réponse à l’épineux problème soulevé dès le début du siècle entre rusticité à l’antique et brillant à la moderne : celle-ci consistait à passer par la voie du sentiment afin de retrouver le naturel propre aux Anciens, mais refaçonné en vertu d’une réflexion moderne sur la sensibilité qui ouvrait la voie à une vérité du coeur.
Appendices
Note biographique
Kim Gladu est stagiaire postdoctorale à l’Université du Québec à Rimouski sous la direction de Roxanne Roy. Dans le cadre de ce projet, elle s’intéresse à l’écriture des femmes au xviiie siècle, plus particulièrement aux pièces fugitives et aux différentes figures d’auteures qu’elles y donnent à voir. Sa thèse de doctorat, intitulée La grandeur des petits genres : esthétique galante et rococo dans le premier xviiie siècle, a été soutenue en 2014 à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Celle-ci portait principalement sur l’apport des genres mineurs que diffusent les périodiques et les recueils collectifs dans le développement d’une littérature galante modulée par le goût rococo en France. Elle a récemment codirigé un ouvrage paru chez Hermann sous le titre Imager la Romancie. Dessins de Clément-Pierre Marillier pour le Cabinet des fées et les Voyages imaginaires, 1785-1789 (2013) qui offre une édition moderne et critique des gravures ornant les deux anthologies.
Notes
-
[1]
Comme l’indique Sophie Tonolo dans son édition des Poésies de Mme Deshoulières, la pièce fut rédigée à la suite de la représentation de l’opéra d’Amadis de Quinault et Lully et parut dans le Mercure galant de janvier 1684. (Voir Madame Deshoulières, Poésies, éd. Sophie Tonolo, Paris, Classiques Garnier, 2010, p. 136.)
-
[2]
Au sujet du débat sur la poésie pastorale, voir notamment Alain Niderst, « La pastorale au xviiie siècle, théorie et pratique », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, no 39, 1987, p. 97-108 ou encore son ouvrage, La pastorale française de Rémi Belleau à Victor Hugo, Paris/Seattle/Tübingen, Papers on French Seventeenth Century Literature, coll. « Biblio 17 », 1991, de même que celui de Sylvain Menant, La chute d’Icare : la crise la poésie française, 1700-1750, Genève, Droz, 1981.
-
[3]
Rappelons que les célèbres vers de Boileau dans l’Art poétique témoignent également de ce débat entre politesse excessive et bassesse rebutante :
Telle qu’une Bergere, au plus beau jour de feste,
De superbes rubis ne charge point sa teste,
Et, sans méler à l’or l’éclat des diamans,
Cueille en un champ voisin ses plus beaux ornemens :
Telle, aimable en son air, mais humble dans son stile,
Doit éclater sans pompe une élegante Idylle :
Son tour, simple et naïf, n’a rien de fastueux,
Et n’aime point l’orgueil d’un vers présomptueux.
[…]
Au contraire, cet Autre abject en son langage,
Fait parler ses Bergers, comme on parle au village.
-
[4]
Jean-Louis Haquette, Échos d’Arcadie. Les transformations de la tradition littéraire pastorale des Lumières au romantisme, Paris, Classiques Garnier, 2009, p. 83.
-
[5]
Charles-Claude Genest, Dissertations sur la poësie pastorale, ou de l’idylle et de l’eglogue. A messieurs de l’Académie Françoise, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1707, p. 197-198.
-
[6]
Charles-Claude Genest, Dissertations sur la poësie pastorale, ouvr. cité, p. 198-199. De même, Chaulieu prendra davantage le parti des Anciens dans ce débat, comme en témoigne son Ode contre l’esprit (1708).
-
[7]
Bernard le Bovier de Fontenelle, « Discours sur la nature de l’eglogue » [1687], dans Oeuvres de monsieur de Fontenelle, nouvelle édition, Paris, Saillant/Desaint/Regnard, 1767, t. 4, p. 156.
-
[8]
Ce sera également la position de Houdar de La Motte dans son Discours sur l’églogue, paru de manière posthume, où il affirme que « l’Eglogue par le choix des personnages doit bien moins chercher l’éclat des pensées que les graces naïves du sentiment » (Antoine Houdar de La Motte, « Discours sur l’églogue », dans Françoise Gevrey et Béatrice Guion (éd.), Les raisons du sentiment. Textes critiques, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 795).
-
[9]
C’est ce qu’affirme le théoricien, par exemple, dans ce passage : « A quoi pense M. de Fontenelle de vouloir que les Bergers aïent de l’esprit fin ? Il me semble à moi, que cette sorte d’esprit ne leur convient point, et loin de leur en demander un peu, je les prierois de n’en point avoir du tout » (Toussaint Rémond de Saint-Mard, Réflexions sur la poësie en général, Sur l’Eglogue, sur la Fable, sur l’Elégie, sur la Satire, sur l’Ode et sur les autres petits Poëmes. Comme Sonnet, Rondeau, Madrigal, etc. Suivies de Trois Lettres Sur la décadence du Goût, en France, La Haye, Charlotte de Rogissart et Soeurs, 1734, p. 50. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle RPG, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte).
-
[10]
« Nos galans porte-houlettes sont paîtris de métaphysique amoureuse ; ils ne parlent d’autre chose, et les moins délicats se montrent capables de faire un commentaire sur l’Art qu’Ovide professoit à Rome sous Auguste. Plusieurs de nos chansons faites il y a quatre-vingt ans, et quand le goût, dont je parle ici, regnoit avec plus d’empire, sont infectées des mêmes niaiseries. S’il en est quelques unes où la passion parle toute pure, et dont les Auteurs n’invoquerent Apollon que pour trouver la rime, combien d’autres sont remplies d’un amour sophistiqué qui ne ressemble en rien à la nature ? Les Auteurs de ces chansons, en voulant feindre des sentimens qui n’étoient pas les leurs, ni peut-être ceux de leur âge, se sont encore métamorphosez en Bergers imaginaires dans leurs froids délires. On sent dans tous leurs vers un Poëte plus glacé qu’un vieil Eunuque » (Jean-Baptiste Du Bos, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture [1719], 4e édition, Paris, Pierre-Jean Mariette, 1746, t. 1, p. 175-176).
-
[11]
Quelques années plus tard, ce sont toujours les mêmes reproches que Gresset adresse à la pastorale moderne, dans une Ode à Virgile où il favorise un retour au modèle fourni par l’auteur latin, suivant un goût pour le naturel tout en déplorant tour à tour les « faux agrémens » et les « faux sentimens » manifestés par des « Acteurs dérobés aux Romans » (Jean-Baptiste-Louis Gresset, « Ode xi à Virgile, sur la poësie champestre », dans Oeuvres de M. Gresset, Londres, Edouard Kelmarneck, 1748, t. 1, p. 226).
-
[12]
À ce propos, on se référera bien sûr à l’ouvrage incontournable de Georges May, Le dilemme du roman au xviiie siècle, New Haven/Paris, Yale University Press/Presses universitaires de France, 1963. On se rappellera que May soulevait dans cet ouvrage le problème que posait le développement du genre du roman au xviiie siècle, pris entre esthétique et moralité : si les auteurs répondaient de manière trop pointilleuse au critère de vraisemblance vers lequel tendait le genre du roman en réponse aux critiques qui le taxaient d’extravagance, ils tombaient dans l’immoralité en peignant les désordres du vice ; si, au contraire, ils s’astreignaient au respect d’une bienséance héritée de la morale classique, ils n’étaient dès lors plus fidèles à une peinture des moeurs marquée par le réalisme.
-
[13]
Charles Batteux, « Sur la Poésie pastorale », dans Les beaux-arts réduits à un même principe, Paris, Durand, 1747, p. 235-236.
-
[14]
Charles Batteux, « Sur la Poésie pastorale », dans Les beaux-arts, ouvr. cité, p. 234.
-
[15]
Notons toutefois que le sentiment suscité par la poésie pastorale n’engendre pas un effet cathartique propre aux genres tragiques et dont la représentation des passions à leur paroxysme entraîne une idée de pitié ou de terreur chez le spectateur puisqu’ici, c’est le plaisir naissant d’une tendre douleur et du bonheur assuré par la fiction qui constitue le coeur de l’expérience esthétique.
-
[16]
« Élégie », Dictionnaire de l’Académie française, Paris, Veuve de Jean-Baptiste Coignard et Jean-Baptiste Coignard, 1694.
-
[17]
« Élégie », Dictionnaire de l’Académie française, Paris, J. J. Smits et Cie, 1798. D’ailleurs, cette primauté de la modalité discursive caractérisant la nature du genre rappelle immédiatement l’image souvent citée qu’en avait offerte Boileau au chant ii de son Art poétique : « D’un ton un peu plus haut, mais pourtant sans audace, / La plaintive Elegie en longs habits de deüil, / Sçait les cheveux épars gemir sur un cercueil » (Nicolas Boileau Despréaux, Art poétique, ouvr. cité, chant ii, v. 39-40, p. 164).
-
[18]
Delphine Denis, « De l’élégie à l’élégiaque : un débat théorique à l’âge classique », dans Lucile Gaudin-Bordes et Geneviève Salvan (dir.), Les registres. Enjeux stylistiques et visées pragmatiques, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2008, p. 67. Sur le passage de l’élégie galante au mode élégiaque, on se reportera également à l’ouvrage de Marie-Claire Chatelain, Ovide savant, Ovide galant. Ovide en France dans la seconde moitié du xviie siècle, Paris, Honoré Champion, 2008, p. 535 et suiv.
-
[19]
À ce propos, voir Sophie Tonolo, Divertissement et profondeur. L’épître en vers et la société mondaine en France de Tristan à Boileau, Paris, Honoré Champion, 2005 et Alain Génetiot, « L’épître en vers mondaine de Voiture à Madame Deshoulières », Littératures classiques, no 18, 1993, p. 103-114.
-
[20]
Delphine Denis rappelle d’ailleurs que le recours constant à l’exemplification littéraire dont font preuve les théoriciens vient appuyer l’effet esthétique accordé à l’élégie, selon lequel la plainte doit se faire sentir au lecteur et ne se comprend que « dans le partage de l’émotion » (« De l’élégie à l’élégiaque », art. cité, p. 75).
-
[21]
Delphine Denis, « De l’élégie à l’élégiaque », art. cité, p. 77.
-
[22]
Jean-Bernard Le Blanc, « Discours sur l’Elegie », dans Elegies de Mr. L* B* C., avec un discours sur ce genre de poesie, et quelques autres pieces du mesme auteur, Paris, Chaubert, 1731, p. 3. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle DE, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
-
[23]
Claude-François Fraguier, « Mémoire sur l’élégie grecque et latine » [1719], dans Mémoires de littérature tirés des registres de l’Académie royale des inscriptions et belles lettres, Paris, Imprimerie royale, t. 6, 1729, p. 277.
-
[24]
Claude-François Fraguier, « Mémoire sur l’élégie grecque et latine », ouvr. cité, p. 280.
-
[25]
Claude-François Fraguier, « Mémoire sur l’élégie grecque et latine », ouvr. cité, p. 280.
-
[26]
Voir son article « L’histoire galante d’un poète galant : Les Amours de Tibulle de Jean de La Chapelle », Littératures classiques, no 77 (La galanterie des Anciens, dir. Nathalie Grande et Claudine Nédelec), 2012, p. 69-82. Marie-Claire Chatelain a également bien marqué cette transformation de l’élégie sous l’influence de l’esthétique galante au xviie siècle, dans l’entourage de Voiture et Sarasin principalement, dans son ouvrage Ovide savant, Ovide galant, ouvr. cité.
-
[27]
Dans cette adaptation de l’élégie à l’esthétique galante, Ovide aurait servi de modèle : « [l]’élégie ovidienne ne vise pas en effet à exalter la grandeur héroïque de personnages supérieurs mais à peindre la vérité du coeur humain : à la valeur des hauts faits s’oppose la douleur des passions et à l’élévation, la compassion ». D’ailleurs, la plupart des théoriciens du xviiie siècle reprendront cette lecture des Héroïdes comme modèle antique de l’élégiaque, et Mlle Lhéritier en offrira une nouvelle traduction en 1732 (Marie-Claire Chatelain, Ovide savant, Ovide galant, ouvr. cité, p. 221).
-
[28]
Marie-Jeanne Lhéritier de Villandon, Le triomphe de Madame Des-Houlières, dans Oeuvres meslées, Paris, Jean Guignard, 1695, p. 415-416.
-
[29]
Voir respectivement, dans l’édition de Sophie Tonolo déjà citée, p. 120-123 et 159-161.
-
[30]
Louis de Jaucourt, « Églogue », dans Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert (dir.), Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers etc. [En ligne], URL : http://artflsrv02.uchicago.edu/cgi-bin/philologic/getobject.pl?c.4:765.encyclopedie0513.4317779.
-
[31]
Jean-François Marmontel, « Élégie », dans Éléments de littérature, éd. Sophie Le Ménahèze-Lefay, Paris, Desjonquères, 2005, p. 446.
-
[32]
Jean-François Marmontel, « Élégie », art. cité, p. 452.
-
[33]
Jean-Bernard Michault, Réflexions critiques sur l’élégie, Dijon, Arnauld-Jean-Baptiste Augé, 1734, p. 4. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle RCE, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
-
[34]
Voir Delphine Denis, « Réflexions sur le “style galant” : une théorisation floue », Littératures classiques, no 28 (Le style au xviie siècle, dir. Georges Molinié), 1996, p. 147-158.
-
[35]
Charles Batteux, « Second exercice sur l’églogue », dans Cours de belles-lettres distribué par exercices, Paris, Desaint et Saillant, 1747, p. 43. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle SEE, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
-
[36]
Rappelons que cette pièce avait donné lieu à une querelle autour de 1730, certains accusant Madame Deshoulières d’avoir plagié une pièce des Promenades de Coutel parue en 1640. Sur cette polémique, voir, dans l’introduction de Sophie Tonolo aux Poésies de Madame Deshoulières, les pages 35 et suiv.
-
[37]
« Éloge historique de Madame et de Mademoiselle Deshoulières », dans Oeuvres de Madame et de Mademoiselle Deshoulières, Paris, Durant, 1747, t. 1, p. xxv.
-
[38]
Au sujet de l’émergence d’une poésie champêtre de laquelle participe le sentiment nostalgique de l’Astrée et la revalorisation des oeuvres de Théocrite, voir l’ouvrage de Jean-Louis Haquette, Échos d’Arcadie, ouvr. cité et celui de Sylvain Menant, La chute d’Icare : la crise la poésie française, ouvr. cité.
-
[39]
« Éloge historique de Madame et de Mademoiselle Deshoulières », dans Oeuvres, ouvr. cité, p. xxvi.
-
[40]
« Éloge historique de Madame et de Mademoiselle Deshoulières », dans Oeuvres, ouvr. cité, p. xxvii.