Abstracts
Résumé
La question examinée porte sur la nature et les règles de la gouvernance moderne. Il s'acquitte d'abord de clarifier le sens des termes fondamentaux. Le concept de modernité est ainsi décrit comme ayant pour corollaire celui de progrès ; et la gouvernance apparaît comme une manière nouvelle de nommer le gouvernement, au sens où ce terme désigne l’administration de la puissance publique ou de la souveraine puissance (MONTESQUIEU, ROUSSEAU). La gouvernance moderne ne renvoie donc à rien d’autre qu’à l’administration de la volonté générale, par opposition à la gouvernance archaïque, gouvernement monarchisant et de tendance despotique. Il s’ensuit que la république est, par excellence, la forme moderne de l’État : les droits de la critique étant consacrés (KANT), le gouvernant est déchu de son statut traditionnel de souverain, dignité à laquelle est désormais élevé le peuple. Mais comment une « gouvernance moderne » est-elle possible en Afrique dans l’actuel contexte géopolitique de la mondialisation ? Il est suggéré que seule une Afrique industrialisée et unie peut acculer à un « contrat international » équitable, analogue amphictyonique du « contrat social ».
Article body
Selon Joëlle Zask, « enseigner l’art est non seulement possible, c’est aussi la manière la plus valable d’enseigner » (AEd[1], 56). Nous voudrions explorer cette idée, en montrant comment l’enseignement artistique est porteur d’un regard nouveau sur la question éducative, qui peut s’appuyer sur une reprise de la question des normes et de la normativité en éducation. Pour cela, la lecture de Dewey nous servira de guide. Elle aide à préciser les enjeux de l’éducation artistique en l’affranchissant d’une idée de l’art à l’école « sans doute en partie encore tributaire du paradigme de l’expression et de la créativité enfantine », comme le souligne A. Kerlan[2]. Et Dewey, comme par un retour aux sources des pédagogies fondées sur des projets, permet de penser les modalités de l’éducation artistique en mettant à jour la spécificité de leur dimension normative.
Les projets artistiques sont donc conçus à partir du problème général de la normativité scolaire, selon ses deux aspects complémentaires. Cette normativité, c’est d’abord celle des pratiques éducatives, c’est-à-dire la conception comme l’évaluation des politiques éducatives et des dispositifs, aussi bien que le détail des gestes d’enseignement. La normativité visée est aussi celle des élèves : l’éducation peut se définir comme processus par lesquels les élèves s’approprient des normes de l’action, et deviennent capables d’en inventer de nouvelles[3], ce qui constitue la condition de leur autonomie politique et sociale. Une conception éducative pragmatiste, que l’on pourra inscrire dans la postérité de Dewey, fait souligner qu’apprendre, c’est apprendre à agir ; et la pratique artistique est un laboratoire exemplaire pour cela. Les deux faces de la normativité, institutionnelle et subjective, se recoupent donc pour interroger la manière dont des pratiques éducatives peuvent nourrir le pouvoir normatif des sujets. En suivant la pensée anthropologique et politique de Dewey, l’action éducative est pensée dans une perspective vitaliste et naturaliste. Elle vise un humain « animal agissant », s’individuant progressivement mais jamais de manière totale, en se plaçant au plus près de la tonicité corporelle, des états perceptifs les moins élaborés, et de l’impulsion à agir, avant les possibles élaborations conceptuelles qui rationalisent cette action. Si l’expérience de l’art peut avoir valeur éducative en agissant sur une normativité redéfinie et située au plus près du vécu corporel, ceci requiert une conduite des projets éducatifs que cette exigence fait interroger. Dans cet article, nous voudrions donc prolonger la réflexion d’A. Kerlan sur l’atelier de l’artiste comme « laboratoire démocratique d’une nouvelle normativité » (ibid.) par une interrogation des conditions didactiques des possibilités qu’ouvrent les projets artistiques.
1) Vers une redéfinition de la normativité
a) Crises des normes et émergence de la normativité
La pensée de Dewey ne saurait être réduite à certaines pratiques ou courants pédagogiques ; elle se développe en réponse à des évolutions historiques qui modifient ce que Blais, Gauchet et Ottavi nomment les conditions de l’éducation[4], et qui conduisent à penser à neuf aussi bien les manières d’enseigner que les finalités. Le projet est donc inséparablement analytique et normatif, cherchant à élaborer des réponses à une situation présente.
La crise des normes est liée à l’avènement d’une société d’innovation : l’analyse s’appuie sur une distinction forte entre des sociétés de tradition, pour lesquelles il ne s’agit que de reconduire à l’identique l’ordre existant, et la société d’invention qu’observe Dewey, où il s’agit de procurer aux nouveaux venus, en plus de la maîtrise de l’acquis, les moyens individuels d’un progrès futur (cf. CDE, 162). Cette évolution de la société expose donc à une incertitude ; et le problème de l’éducation est celui d’éduquer, avec la difficulté de définir les connaissances qui pourraient devenir opportunes, ainsi qu’en éduquant à cette incertitude – ce qui reste peut-être la seule valeur qui puisse déterminer un projet éducatif. Les propositions du philosophe répondent donc à la conscience que les conditions d’enseignement ont changé par rapport à une société plus unifiée, et où les expériences scolaires et extrascolaires se répondaient clairement. Il s’agit d’éduquer à l’incertitude : ce défi manifeste la possibilité en même temps que la nécessité des choix, et il interroge les normes qui y président.
Ces considérations générales se précisent dans les actes d’enseignement. Dans ce cas, la réalité des situations résulte du dialogue toujours complexe entre des normes de l’institution (prescriptions, organisations), celles de la culture et du savoir, celles du métier tel qu’on peut en caractériser un genre professionnel, et celles des acteurs qui renvoient à leur épaisseur socio-psychologique. Or la société contemporaine est confrontée à une incertitude des normes d’enseignement liée à l’incertitude conjointe qui porte sur le savoir et les élèves. Du côté du savoir, les débats épistémologiques et historiques, le doute sur la pertinence des savoirs pertinents pour une société en mutation, conduisent à une délégitimation de la culture scolaire[5]. Du côté des élèves, si la référence à l’intérêt ou au besoin peut sembler avoir une valeur de fondement, elle se confronte à la diversité des élèves et au constat de leur singularité, ainsi qu’au fait que l’éducation ne consiste pas seulement à satisfaire les élèves, mais à leur permettre de se développer : les mises en garde de Dewey sont tout à fait claires à cet égard. Dans certains textes tardifs[6], le philosophe opère un parallèle entre pédagogies traditionnelles et nouvelles qui souligne les logiques et les risques de chaque pratique. Il en appelle à une meilleure compréhension des spécificités de l’action pédagogique en tant qu’invention de moyens permettant de soutenir le développement des sujets grâce aux ressources qu’apporte le savoir. Il y a bien une exigence éducative, qui se formule en tant que développement et qu’individuation.
S’il y a donc opacification et incertitude des normes dans le champ éducatif, la question des normes n’en reste pas moins posée comme réflexion sur un projet éducatif défini par les valeurs recherchées en même temps que les dispositifs considérés comme les plus à même d’y parvenir. Comme le formule S. Rénier[7] dans l’étude qu’il consacre aux normes chez Dewey, il y a norme dès qu’un jugement « reflète la possibilité d’existence de quelque chose qui aille au-delà de ce qui simplement existe, est ». La normativité « implique et suppose que quelque chose de l’ordre de ce qui devrait être est susceptible d’advenir » ; elle traduit l’activité désirante de tout sujet, sa capacité à se projeter dans le futur pour définir des états souhaitables. De manière très générale, elle manifeste donc « l’élaboration d’une conception non descriptive d’un ordre de chose régulant l’activité humaine ». La pensée politique de Dewey consiste alors, plus particulièrement en « la recherche d’un critère, d’une norme à même de diriger l’action politique, quelques différentes que soient les sociétés, sans pourtant imposer un modèle de fonctionnement qui leur soit hétérogène. » La conscience du trouble des normes n’exclut donc pas d’interroger la normativité. La position de Dewey ne restaure pas un ordre mais appelle au dialogue : tel est bien, pour lui, le rôle de la philosophie de l’éducation, que d’appeler au débat et à la réflexion, comme une élaboration de l’incertitude plutôt que sa négation. Le philosophe remarque que « si un sujet de l’importance de l’éducation n’était pas l’arène où luttes théoriques et pratiques se donnent carrière, ce ne serait pas, pour le pays, un signe de santé » (DE, 457). La lecture de Dewey fait concevoir une éducation favorisant la « santé » – notion qui oriente la pensée vers un concret corporel qui peut être celui de l’ensemble des individus qui composent une société et plus particulièrement des élèves. La réflexion éducative s’appuie sur une conscience historique pour mettre au centre de la réflexion la singularité des élèves et la diversité des situations éducatives au regard de l’incertitude de la société. Si, donc, sont mises en question les grandes instances organisatrices de l’action éducative, il n’en demeure pas moins qu’il convient de penser les phénomènes de normes à l’œuvre. Pour cela, la pensée pédagogique, politique et esthétique de Dewey peut proposer une pensée renouvelée de la normativité : elle nourrit une pensée de l’action en montrant un monde plus dense, plus actif, plus propice donc à l’action et à l’individuation. En abandonnant des normes en surplomb, en aidant à voir des normes que l’on pourra qualifier d’immanentes, en se situant au plus près des individus dans leur action, l’appareil notionnel qu’élabore Dewey aide à penser à nouveaux frais la normativité à l’œuvre dans la société et dans l’éducation. Cette approche se fonde sur une pensée de l’expérience.
b) L’expérience comme concept normatif
La notion d’expérience a une valeur descriptive en même temps que critique et normative. Elle définit d’abord un objet d’étude : l’expérience est ce qui arrive à un individu dans un milieu donné, ce en quoi consiste une action porteuse de changements. Elle donne à penser le présent des situations pour des sujets, et oriente l’analyse vers la réalité et la diversité des expériences vécues. À cette dimension descriptive s’ajoute cependant une valeur critique, en ce que la notion met l’accent sur la difficulté de prévoir et de connaître la réalité des individus singuliers : la reconnaissance de la diversité des individus conduit à une incertitude dans la connaissance des expériences. La notion est donc un appui pour la réflexion en même temps qu’une limite à la connaissance ; on ne peut prescrire l’expérience mais on peut montrer la valeur des expériences. Telle est bien la valeur normative de la notion : il y a des expériences plus ou moins riches, et plus ou moins porteuses de développement pour l’individu. Une formulation de la normativité propre à l’expérience consiste dans le critère de vitalité : l’expérience a trait à la vitalité, elle est plus ou moins porteuse de vitalisation. Ces références à la vie ne proposent pas des critères transcendants et prédéfinis, mais interrogent au contraire « la force », « l’énergie » des situations, la manière dont une action peut s’ancrer dans un passé et ouvrir le futur. Elles conduisent alors à une exigence de totalité : l’expérience est plus ou moins riche selon qu’elle engage l’individu plus ou moins pleinement, en mettant en relation les différents aspects de sa personnalité.
Cette conception de l’expérience a des conséquences sur le plan scolaire : si elle conduit à s’interroger sur la pertinence des savoirs au regard de la diversité des élèves, en semblant introduire un point de vue relativiste sur les contenus de la culture scolaire, elle affirme l’exigence que les situations scolaires autorisent une expérience porteuse de développement pour l’enfant. Pour une part, il faut considérer en quoi les objets scolaires peuvent être l’objet d’expériences : pour Dewey, « un symbole imposé du dehors, qui ne dépend d’aucune activité préalable, demeure en quelque sorte mort et vide de sens. Or, tout fait, qu’il appartienne à l’arithmétique, à la géographie ou à la grammaire, et qui ne relève pas de quelque chose ayant occupé une position significative dans la vie de l’enfant, nous renvoie à la même situation. Ce n’est pas une réalité, mais seulement le signe d’une réalité qui pourrait être vécue dans certaines condition » (EF, 75). Le thème de l’expérience conduit à une critique bien connue de « l’école traditionnelle » où « les études, telles qu’elles sont classées, demeurent, pour tout dire, le produit de la science de l’humanité, et non de l’expérience de l’enfant » (62) ; et c’est pourquoi le risque est grand que l’on oublie les intérêts de l’enfant : « c’est pour cette raison que ’l’étude’ est devenue synonyme de ce qui est ennuyeux, et que ’leçon’ égale ’ corvée ’ » (64).
Mais ceci ne conduit pas tant à invalider les savoirs qu’à prendre conscience de l’écart entre le monde étroit de l’enfant et le monde impersonnel de la culture, ainsi qu’à penser les médiations entre l’unité de la vie de l’enfant et les spécialisations et divisions du programme. Le propos n’est pas de disqualifier toute connaissance, mais bien d’interroger la manière dont du savoir peut être rencontré par des sujets. La thèse de Dewey est celle d’une continuité possible, et souhaitable, entre les expériences, puisque chaque expérience est déterminée par le passé du sujet en même temps qu’elle prépare son futur. Il y aurait donc des lignes de singularités appelées à se développer ; et le rôle de l’école de l’école serait de soutenir ce développement en permettant des expériences signifiantes qui ouvrent le futur en donnant l’appui du passé. En somme, la conception pédagogique de Dewey ne repousse pas la connaissance, mais elle l’appréhende dans une perspective pragmatique : la connaissance est considérée comme l’héritage des expériences du passé, et qui peut servir de guide, telle une carte, à l’expérience en cours. Dès lors, si l’on ne peut prescrire l’expérience, on peut cependant agir sur elle en opérant sur le milieu. Le rôle du milieu est de soutenir l’expérience : la pensée de l’éducation de Dewey est une pensée des milieux en ce que l’éducateur a pour charge d’organiser de tels milieux qui permettent des expériences porteuses de vitalité, et qui soient capables de soutenir le développement du sujet. Si l’expérience ne peut être prescrite par avance, un critère immanent de l’éducation tient dans le principe du « continuum expérimental » (EE, 471) : l’expérience scolaire interagit avec l’expérience antérieure du sujet pour la reconstruire, la clarifier et rendre l’individu capable de nouvelles expériences, plus fortes. Le milieu renvoie donc, de manière également critique, à une incertitude qui est celle de la diversité des sujets et de leur singularité ; mais elle maintient une ambition normative, qui tient à la vitalisation permise.
Chez Dewey, la notion d’expérience soutient une normativité spécifique, qui n’a pas de garantie et qui se rejoue au niveau de chaque individu, mais qui opère comme une mise en garde envers les actions éducatives. Si l’on peut contester ce qui apparaîtrait comme un relativisme en mettant en évidence la valeur particulière de certains savoirs, constitutifs de l’humain comme être de culture et de langage, la pensée de Dewey ouvre une perspective singulière dont Zask peut souligner la valeur politique, à savoir celle d’une école permettant le développement des individus par des élaborations de milieux qui développent l’expérience. Dans cette perspective, l’expérience artistique est le modèle d’une normativité sans norme prédéfinie ; elle constitue un principe d’exigence et de développement qui invente ses règles et ses critères de visibilité.
c) Normativité de l’expérience artistique
La valeur éminente du domaine artistique s’explique par le fait que l’art n’est pas tant pour Dewey un domaine de l’expérience que l’expérience dans sa plus grande force et vitalité. L’analyse se fonde sur une distinction forte entre l’objet et l’œuvre : « de l’avis de tous, le Parthénon est une grande œuvre d’art. Il ne prend toutefois un statut esthétique que lorsqu’il devient objet d’expérience pour un être humain » (AE, 31). C’est l’expérience qui instaure l’œuvre d’art, à la différence d’un simple « produit de l’art », « physique et virtuel » (AE, 273). Comme on l’a dit, si les contenus d’expérience sont trop variables pour être déterminés, en revanche la qualité des expériences peut être comparée ; et l’art ne renvoie pas à un ensemble circonscrit d’objets, mais à l’expérience que le regardeur en fait. L’expérience de l’art n’est donc pas celle de certains objets, mais d’une qualité de l’expérience, de l’expérience dans sa plénitude : « l’expérience, lorsqu’elle atteint le degré auquel elle est véritablement expérience, est une forme de vitalité plus intense. Au lieu de signifier l’enfermement dans nos propres sentiments et sensations, elle signifie un commerce actif et alerte avec le monde. À son plus haut degré, elle est synonyme d’interpénétration totale du soi avec le monde des objets et des événements. Au lieu de signifier l’abandon aux caprices et au désordre, elle fournit l’unique manifestation d’une stabilité qui n’est pas stagnation mais mouvement rythmé et évolution » (AE, 55). L’expérience artistique conduit à « l’organisation des énergies » (273). Ce pouvoir résulte en particulier du rythme comme « variation ordonnée des changements » (261), qui apporte calme mais aussi « résistance, tension et excitation » (270). Vitalité, stabilité, rythme, puissance d’évolution : ces critères instaurent un point de vue normatif sur l’expérience, qui fait hiérarchiser des degrés entre le niveau supérieur qui est celui de l’art, et des niveaux inférieurs où la perception, partielle, se réduit à une identification. En effet, « sous la pression de circonstances extérieures ou pour cause de négligences internes, la plupart des objets de notre perception ordinaire manquent de complétude. Ils sont abrégés dès lors qu’il y a reconnaissance, autrement dit dès que l’objet est identifié comme appartenant à une catégorie, ou comme un exemplaire à l’intérieur de la catégorie. » Au contraire, la perception esthétique « est le nom donné à une perception complète avec ses corrélats, qu’il s’agisse d’objet ou d’événement. Cette perception s’accompagne de, ou plutôt consiste en une libération d’énergie dans sa forme la plus pure ; laquelle, comme on l’a vu, est de l’espèce organisée et rythmique » (297).
Ainsi, l’art a-t-il une valeur double : d’une part, en tant que qualité générale de l’expérience, puisque « l’art est une qualité qui s’infiltre dans une expérience ; il n’est pas, sauf métaphoriquement, expérience elle-même » (522). Mais d’autre part aussi, la pratique artistique prend la force de créer de telles expériences, où le sujet se découvre unifié, relié au monde et à la société. C’est pourquoi « l’expérience esthétique est toujours plus qu’esthétique. En elle, un ensemble de choses et de significations, qui ne sont pas esthétiques en elle-même, deviennent esthétiques tandis qu’elles s’inscrivent dans un mouvement harmonieusement dirigé vers la perfection » (ibid.). Chez Dewey, l’art a donc le pouvoir de vitaliser l’expérience : c’est le lieu d’une normativité sans norme prédéfinie, qui s’expérimente seulement dans le présent de la relation au monde, et que le rapport aux œuvres éduque et explicite.
d) Normativité de l’individuation
La notion d’expérience telle que l’éclaire l’expérience artistique oriente donc vers une conception de l’action des normes qui se situe au plus près de l’action et qui peut définir un projet éducatif, celui de favoriser l’individuation en tant que pouvoir agir et s’affirmer au sein d’une collectivité. Le point de vue de Dewey ne se limite pas au constat de la diversité des individus, mais il pense l’individualité à partir d’un processus d’individuation où la normativité se manifeste par la capacité progressive d’initiative de l’humain, l’individu étant à même de s’affirmer parmi les autres et en relation avec eux. Sans prétendre définir les normes d’une vie, Dewey rend attentif à la vitalité, c’est-à-dire à cette puissance d’individualisation dans l’espace politique qui résulte d’un développement à soutenir. Comme le souligne Zask, « s’individuer ne signifie ni intérioriser peu à peu les ingrédients sociaux qui fabriqueraient une personne, comme Frankenstein fabrique sa créature, ni ‘ actualiser ’ progressivement quelque chose qu’on aurait en soi dès la naissance... S’individuer consiste à se constituer progressivement en un centre d’opérations à partir duquel sont menées des expériences. » (AEd, 73). Ce sont les expériences qui produisent l’individuation – des expériences au sens de Dewey et telles que les exemplifie l’art, à savoir des expériences sans critères autre qu’internes, soutenues par un continuum qui part de la réalité la plus corporelle pour se développer en un pouvoir d’action collectif.
D’un point de vue artistique, le modèle d’une éducation artistique conduit à viser la formation d’êtres qui, comme on le dit des étudiants souhaitant intégrer une école d’art, « ont quelque chose » : la formule vaut par son indétermination en même temps que son caractère affirmatif. D’un côté, elle ne prétend pas énoncer des qualités identifiées ni renvoyer à des normes à quoi les étudiants devraient se conformer ; mais de l’autre, elle affirme une différence, une singularité qui pourra se développer. M le commente J. Zask, « ce ‘ quelque chose ’ n’est pas ineffable, il est subtile et composite. Il se caractérise autant par ce qu’une personne a en elle que par sa volonté d’acquérir quelque chose de nouveau » (AEd, 77) : émergence normative sans contenu, le « avoir quelque chose » vaut comme puissance de développement, qui donne à penser des actes ultérieurs, des domaines à investir, des possibilités de reconfiguration qui ne sont pas présentes mais qui existent bien virtuellement. Cette virtualité s’éprouve d’ailleurs en acte, dans la relation aux personnes et aux œuvres, et par sa « subtilité », elle engage une pluralité des actions qui demande une attention particulière.
A partir de la notion d’expérience, et en s’appuyant sur l’exemple majeur des arts, la pensée de Dewey aide à reconsidérer les phénomènes normatifs d’une manière qui donne à penser les enjeux et les modalités de l’éducation, et particulièrement de l’éducation artistique. S’il s’agit de favoriser le processus d’individuation, si l’école doit nourrir la singularité des élèves pour leur permettre « d’avoir quelque chose », comment peut-elle le faire en tenant compte des normes fonctionnelles d’organisation de la scolarité obligatoire ? Les projets, et en particulier les projets artistiques, peuvent être reconsidérés dans cette perspective, du point de vue de la normativité qu’ils véhiculent.
2) Les formes de la normativité dans l’expérience scolaire du faire œuvre
Dewey aide à penser une normativité qui ne se réduise pas à la mise en œuvre de normes prédéfinies mais qui s’élabore au sein des situations éducatives[8]. Cette normativité se manifeste et se met particulièrement en œuvre dans le domaine artistique. En effet, loin de définir l’art par rapport à des canons qui donneraient ses règles et ses canons aux modes de production ou aux qualités esthétiques, Dewey prend acte d’une évolution qui conduit non à ce que tout se vaille, mais à ce que l’art se pluralise dans la diversité des œuvres et des expériences ; l’exigence qui demeure est bien l’intensité des expériences, et c’est ce qui donne à l’art sa valeur éducative et politique. Dès lors, il est intéressant de considérer comment la pensée du philosophe peut aider à penser l’action des formateurs, enseignants, animateurs, artistes intervenants, en même temps qu’il est instructif de mettre cette pensée à l’épreuve des actions pédagogiques. L’exemple du Black Mountain College constitue un exemple significatif de l’influence qu’a pu avoir Dewey et il aide à en montrer la pertinence. Bien que l’expérience pédagogique soit restée d’ampleur limitée, et malgré la difficulté à la caractériser de manière univoque – chaque directeur ayant imprimé une marque spécifique en lien avec les circonstances historiques et les conditions économiques – le Black Mountain College constitue un centre d’expérimentation, en réponse à la nécessité de « jeter les bases d’une expérience apte à renouveler de fond en comble les principes de l’éducation » comme le souhaitait son fondateur, John Rice (C&E, 10).
a) Le faire œuvre
Comment l’art peut-il être éducatif ? Son action tient au processus de développement conjoint des œuvres et des individus. Comme le montre Zask, la puissance d’expérience qui constitue l’art, et que les œuvres manifestent en même temps qu’elles la nourrissent, se joue dans le rapport singulier à une pluralité d’œuvres. L’œuvre se caractérise d’abord par la forme d’appel qu’elle exerce sur l’artiste – la manière dont elle engage l’action. Son anticipation mobilise les manières de faire acquises, en même temps qu’elle les met à l’épreuve de la singularité de l’œuvre à venir. L’œuvre requiert des normes de création, mais elle n’est pas que le résultat d’une production ; son caractère artistique tient à ce qu’elle dépasse les productions déjà existantes vers un au-delà qui se cherche et qui va la constituer. S’il y a donc bien des règles et un métier, l’art met ceux-ci au défi dans l’expérience de l’œuvre à faire, entre une anticipation incertaine, les œuvres existantes et les moyens disponibles. S’il y a des règles et des systèmes de peinture (AEd, 18), le faire œuvre est une tentative qui va au-delà de ceux-ci – une tentative par laquelle « je me mets en route et je vois ce qui se passe » (ibid.). L’œuvre se situe donc en amont de la production, comme intention, désir, aspiration ; elle se situe également en aval, comme terme d’un processus qui engage le processus de « réception » qui n’est pas tant la réception d’un objet fini que le devenir œuvre d’un « produit de l’art », pour reprendre Dewey. Il faut d’abord que l’artiste accepte de considérer son œuvre comme achevée et en prenne la responsabilité, en anticipant les effets que cette œuvre pourra produire ultérieurement : « ce que l’artiste revendique en l’œuvre, c’est sa forme intime et unique de développement, d’enrichissement et d’action […] Le devenir d’une œuvre dépend dans une grande mesure de la pluralité de point de vue qu’elle suscite, de la confirmation et de l’enrichissement que ces points de vue lui apportent » (28). Une autre étape, importante, est celle du passage en galerie qui organise la visibilité, voire l’avènement même de l’œuvre, en lui donnant un public. L’exposition agit par la présentation d’une œuvre, et sa mise en relation avec d’autres : cette inscription dans une série éclaire réciproquement les œuvres sans prescrire un discours explicatif ; elle fait émerger les normes de l’appréciation en évitant d’écraser les œuvres sous un discours, mais en exerçant un regard. La notion de regard construit les normes de la visibilité : Zask après Dewey caractérise le regard par son pouvoir normatif, comme capacité à déceler la pertinence d’une œuvre et à pouvoir en convaincre autrui. En effet, « le ‘ regard ’ n’est pas seulement une force de lecture, il doit être aussi une force de conviction. Le regard se travaille par la pratique et par l’attention visuelle » (79) : l’œuvre advient donc par les actions qui lui donnent sens et valeur, au terme des opérations visuelles et discursives qui font qu’un public parvient à la voir dans sa force et sa singularité.
L’analyse de Zask, que nous résumons très brièvement ici, permet donc de montrer une normativité sans normes prédéfinies : l’œuvre se développe à mesure qu’elle développe son auteur ainsi que le public, qui la rend œuvre en la fréquentant et en se nourrissant d’elle. Elle invente progressivement les normes de sa production, de sa visibilité et de sa reconnaissance. L’analyse que fait Dewey de la peinture de Matisse traduit cette conception du faire œuvre comme invention progressive de normes qui s’expriment par les qualités de vitalité et de rythmicité : la création de l’œuvre se fait par ajout des couleurs (peindre d’abord le rouge d’une armoire, puis un vert, puis le parquet jaune…), chacune modifiant progressivement l’équilibre de l’ensemble en créant des rapports entre les couleurs qui contribuent à une unité nouvelle (AE, 233). La progression d’une teinte à une autre procède alors de la recherche d’un équilibre qui se déplace : « une nouvelle combinaison de couleurs succèdera à la première et donnera la totalité de [la] représentation » (234). De là résulte l’œuvre, dans sa singularité et celle de sa forme, que Dewey définit comme la « propriété qui caractérise toute expérience comme une expérience ». Ainsi, si l’œuvre ne se fait pas de manière aléatoire, si « à chaque étape, il y a anticipation de ce qui suit » (104), ces anticipations sont restreintes et ne réduisent pas l’œuvre à l’application d’un plan, mais la font apparaît comme une succession d’actes qui ne répondent pas à des normes antérieurement définies. La pratique artistique, par la succession des lieux (l’atelier puis la galerie), et des personnes (l’artiste, le galeriste, les critiques, les collectionneurs et regardeurs), est ainsi invention de normes que l’éducation démocratique cherche à faire éprouver à des élèves.
Si le prestige du Black Mountain College est lié aux premières occurrences de happenings, et par exemple à « l’œuvre » de John Cage, 4’33’’, ce qui pourrait être interprété comme un abandon de la notion d’œuvre ne porte que sur son caractère d’objet, et non sur le processus attentionnel et normatif qui constitue l’œuvre. Dans 4’33’’, le pianiste est assis devant son piano mais ne joue pas. Ce dispositif où le silence rend attentif à l’environnement joue avec l’attente des spectateurs (J. Delfiner la définit comme « un espace de réflexion pour les bruits environnants », C&E, p.90) ; l’attente de ce qui devrait advenir, l’intensité de l’attention qui en résulte, font que cette pièce est bien une œuvre dans son sens normatif d’agent d’individuation. De manière générale, peut-être est-ce bien l’abondance et surtout la diversité des œuvres qui caractérise le BMC, comme autant d’occasions proposées aux étudiants d’expérimenter le faire-œuvre. Cela pouvait relever des pratiques artisanales, comme l’enseignement de la tapisserie par Anni Albers ; mais aussi du projet de construction d’un dôme géodésique par Fuller (C&E, 24). Comme le souligne Zask, le décloisonnement qui prévaut alors « n’opère pas comme suppression de toutes les contraintes, de divisions et des frontières », mais il traduit « l’invention de nouvelles possibilités d’ajustement » entre les choses, à l’encontre des découpages « traditionnels issus d’une certaine conception du pouvoir », ou d’une éventuelle logique inhérente aux choses (C&E, 24). C’est bien le travail de l’œuvre qui se manifeste, et qui a pu conduire à ce que des artistes soient invités à venir répéter et travailler pendant les Summer Sessions (Cunningham ou Cage, par exemple).
L’éducation artistique est donc formatrice dans la mesure où elle apprend à aller au-delà des normes instituées, et où elle développe la capacité du sujet à s’affirmer dans l’espace public par les œuvres qu’il produit et qui soutiennent son individuation. Mais on soulignera, avec Zask, le caractère très sélectif de cette formation : peu d’étudiants intègrent des écoles d’art et beaucoup abandonnent dès les premières années. C’est que la formation demande que l’étudiant soit capable de renoncer aux normes qui soutenaient antérieurement son action et de s’exposer à l’indétermination que suppose la création d’œuvres. Ceci demande du temps et, peut-être plus que ne l’indique Zask, des ressources de toutes natures. Un enjeu qui se révèle alors est celui des conditions de la formation d’individus capables d’œuvres, et de l’accès démocratique du plus grand nombre d’élèves à une puissance d’invention de normes. Comment organiser l’école et l’éducation artistique pour favoriser l’expérience de tous les élèves et soutenir leur capacité à développer des œuvres ? Cette question demande peut-être de reconsidérer les modalités concrètes des projets, telle qu’on a pu les lire chez Dewey.
b) Quelle normativité du projet ?
Si « la véritable tâche d’un artiste consiste à construire une expérience cohérente sur le plan de la perception tout en intégrant constamment le changement au fur et à mesure de son évolution » (AE, 105), ceci demande de la part de l’artiste débutant qu’est l’élève une forte capacité à comprendre ce changement et à disposer de ressources pour produire une expérience cohérente. L’analyse du faire œuvre par Dewey conduit à aller au-delà du simple intérêt spontané, pour restituer le contexte normatif de l’œuvre et interroger les apports qui peuvent être attendus des enseignants. Il s’agit de faire vivre le projet comme résultant de l’initiative de l’élève en même temps que de la compréhension des moyens d’agir que donne la culture. De manière générale, le projet est le fruit d’une interaction entre impulsions des élèves et sollicitations des formateurs : il s’agit bien de proposer une expérience du pouvoir agir, comme autorisation, amplification du désir d’action, mais aussi comme exigence de l’étude. D’une part, la pensée de Dewey identifie la liberté « au pouvoir de concevoir des projets, de les traduire en actes » (EE, 497) – ce qui fait souligner l’importance de la participation de l’élève dans la conception des projets. Mais d’autre part, l’impulsion ne suffit pas : elle requiert l’étude pour son accomplissement. Le métier de l’éducateur consiste donc à donner une direction au projet, comme « un instrument de leur liberté et non pas un obstacle » (500) : « le plan est une entreprise coopérative et non dictatoriale » (501).
Dans le cas de l’art, le faire-œuvre engage donc une normativité spécifique qui apparaît comme un « combat permanent » pour « convertir les matériaux balbutiants ou réduits au silence dans l’expérience ordinaire en médiums éloquents » (AE, 376). Dewey note ailleurs que « le dénominateur commun à tous les arts, y compris technologiques et utilitaires, c’est l’organisation de l’énergie en moyens ordonnés à la production d’un résultat » (295). Des formes de normativité spécifiques s’y engagent donc : parvenir à une œuvre ayant des qualités de rythme et de vitalité ; et pour cela s’engager dans une activité qui convertisse les « matériaux balbutiants » en un produit susceptible d’effets, par une tension de la pensée que décrit l’auteur. L’enjeu est de rendre plus active une imagination que Dewey définit comme « une manière de voir et de sentir les choses en tant qu’elles constituent les parties intégrantes d’un tout. » Entre diversité et unité, entre intériorité de la pensée et « contact avec le monde » (434), l’imagination opère comme le moteur de la création qui relie les dimensions hétérogènes. Et peut-être le rôle de l’école est-il de la rendre plus forte, plus active. Ou, pour le dire autrement, il y a une normativité qui tient au double effet de la « vision objective » et de la « vision interne » : « l’artiste est sommé de se soumettre dans l’humilité à la discipline de la vision objective. Mais la vision interne n’est pas évacuée pour autant » (436-437). L’enjeu de l’école est peut-être de développer cette capacité à « projeter », à élaborer des projets : pour cela, ses caractéristiques propres – savoir, collectif de la classe, autorité du maître – sont sollicitées et peuvent être pensées à neuf.
La normativité du projet artistique révèle le propre de l’expérience comme capacité à prendre en compte l’imprévu, à faire du décalage entre ce qui était prévu et ce qui se passe effectivement « une ressource, plus qu’un handicap » (C&E, 22). Peut-être le Theater Piece n°1 proposé par Cage est-il significatif d’une pratique inséparablement artistique, éducative et politique : le musicien avait élaboré une trame temporelle qui constituait une structure d’ensemble où les autres artistes étaient invités à réaliser des actions de leur choix, constituant des apports différents et imprévus. Cette œuvre peut paraître emblématique d’une conception artistique qui manifeste le pouvoir de l’hétérogène et de l’imprévu, qui invite à établir des liens entre des productions variées, et qui montre ainsi ce que peut être une œuvre en cours d’élaboration, non déterminée par avance. Cette normativité du projet artistique constitue alors, comme l’Event de Cage, ce qui sollicite des ressources et qui met en évidence la culture comme une source de variété et d’enrichissement de l’action.
c) Quelles ressources normatives de la culture ?
En effet, la pensée de Dewey, si elle défend le point de vue de l’élève et pose la question de son expérience propre, ne conduit pas à la négation du savoir et de la culture, au contraire. En interrogeant le savoir en situation, c’est bien son pouvoir d’orientation de l’action qui est mis en évidence. La culture apparaît d’abord au cœur de l’action, en tant que nécessité de l’enquête. L’impulsion initiale à l’origine du projet appelle en effet une « étude des conditions objectives, et par l’acquisition d’une documentation adéquate » (EE, 500). Le projet ne conduit donc pas à supprimer toute référence à la culture, mais à relier la singularité du projet avec l’universalité de la culture. L’œuvre à faire interroge les œuvres du passé. Elle éclaire le passé du point de vue de sa puissance d’actualité. C’est peut-être bien le pouvoir de la notion d’œuvre que de désigner une pertinence du passé, en tant que référence possible ou que ressource. Et en retour, elle fait voir le travail en cours d’un point de vue rétrospectif, en tant qu’œuvre future qui sera considérée ultérieurement comme un objet du passé, capable de produire des effets. Faire œuvre, c’est anticiper un regard futur, considérer l’objet en cours du point de vue des expériences qu’il pourra susciter. Le savoir apparaît alors bien comme un outil possible : l’épistémologie de Dewey donne un cadre utile à cette conception, lorsqu’elle définit le savoir comme résultat de l’expérience accumulée dans le passé, et dont la transmission sert l’action présente. Pour lui, comme le commentent Blais, Gauchet et Ottavi, « les connaissances sont cumulées et thésaurisées par la culture. Des expériences passées sont ainsi en quelque sorte disponibles » (CDE, 231). Un point de vue économique fait concevoir le savoir comme ce qui évite de reproduire des expériences passées, et qui aide à les organiser, en les rendant utiles : « Ce que nous appelons une science ou une discipline reprend le produit net de l’expérience passée sous la forme la plus profitable pour l’avenir. Il représente un capital qui rapporte immédiatement un intérêt. Il économise le travail de l’esprit à tout point de vue… » (EF, 72). L’image de la carte indique la forme que prend cet héritage : l’expérience en cours utilise le passé pour orienter son action, en connaissant mieux le terrain où elle avance et en pouvant anticiper quelque peu les conséquences de ses actes. C’est d’ailleurs ce qui fonde l’optimisme du philosophe quant à la pertinence des savoirs : « Ce savoir ne lui est pas étranger à partir du moment où il a été produit par des êtres humains dont le travail donne forme au monde actuel, détermine l’environnement dans lequel le nouveau venu grandit. La connaissance résulte de la réitération des expériences que les générations précédentes ont dû faire. » (CDE, 228). Le savoir ne s’impose donc pas comme un donné, mais à partir des exigences de l’action présente.
Son pouvoir normatif, de guidage de l’action, s’éprouve dans le temps de la pratique, et la culture ne reste pas intacte. C’est bien ce qui apparaît dans le cas de la technique. Si le savoir technique peut paraître imposer ses normes en tant que maîtrise des procédés de production, ce savoir est mis à l’épreuve, réinventé, situé dans le processus du faire œuvre. La technique pourrait sembler constituer un pôle de maîtrise transcendant, puisqu’il y a des savoir-faire et des procédés dont on pourrait croire évaluer la maîtrise, sans rapport à des finalités spécifiques. Mais le domaine artistique est celui où les techniques sont mises en jeu et peuvent varier, et surtout où la maîtrise technique est inséparable du projet qui en fonde la nécessité. L’exemple des écoles d’art montre comment la formation de l’étudiant est aussi celle des outils techniques qu’il se forge ; avec Zask, on soulignera que « le rapport de l’étudiant à la technique est également un élément de la construction de sa liberté » (AEd, 82). Ce qui importe alors n’est pas tant la maîtrise mais le rapport à la maîtrise, c’est-à-dire ce que l’on définit comme maîtrise, selon quels critères. Ceci ne conduit pas à négliger la technique mais bien, à l’inverse, incite à en faire un objet d’attention redoublé. On sera en effet conduit à interroger la technique comme champ de connaissance et de pratiques, de ressources, en même temps que le rapport à la technique, comme manière de se référer à ce champ, en préférant certaines pratiques à d’autres, par rapport à la compréhension du domaine qui s’élabore dans l’activité technique et le faire-œuvre.
Le BMC apporte, à nouveau, une illustration importante du rapport à la culture et au savoir qui s’instaure. Il faut souligner d’abord l’importance de la bibliothèque du College, nourrie par les bibliothèques personnelles des enseignants, et qui compta jusqu’à 12000 ouvrages. On peut penser que l’accès à une documentation importante pouvait être une source de nouveau et d’imprévisible, qu’elle sollicitait l’activité d’exploration et d’élaboration de l’expérience que Olson caractérise comme l’ambition de « rechercher et trouver les connexions entre les choses ». Mais il faut souligner qu’existait aussi un enseignement beaucoup plus structuré et systématique ; de manière complémentaire à des enseignements non formels, l’enseignement de Joseph Albers constituait en trois cours – le cours de dessin, le « Werklehre » (travail des matériaux et des formes), ainsi que le cours de couleur. Sans constituer un enseignement historique ou académique, il cherchait à faire explorer et comprendre les relations entre formes, matières et couleurs par des exercices progressifs. Albers soulignait l’importance d’une formation de base, en se méfiant de la subjectivité dans le dessin et en cherchant à faire acquérir les bases, de manière objective, artisanale, sans ornement stylistique. Une formation initiale longue était nécessaire pour aiguiser le regard et le sens analytique, la coordination œil-main, à l’exemple des maîtres anciens. « Il expliquait à ses étudiants que, comme pour des études en musique, ils apprenaient les notes, les gammes et que la musique viendrait plus tard[9] ». Si la pensée d’Albers doit peu à celle de Dewey, le fait qu’il ait été un des acteurs essentiels du BMC montre bien combien le souci de favoriser la vitalité des étudiants et de promouvoir leur pouvoir normatif s’appuyait sur la normativité propre aux domaines plastiques. Pour Albers, « quand vous comprenez vraiment que chaque couleur est modifiée par un environnement changeant, vous pouvez réaliser que vous avez appris quelque chose de la vie aussi bien que de la couleur » (ibid., p.28). Ainsi l’identification d’un champ spécifique servait-elle à rendre l’élève plus actif, à lui ouvrir les yeux (« to make open the eyes », selon la formule célèbre d’Albers), c’est-à-dire à permettre aux étudiants de prendre conscience de ce qu’ils voyaient et de ce qu’ils faisaient. Ceci requiert de susciter l’action des élèves, sans imposer une autorité personnelle, mais en s’appuyant sur les relations humaines, et en particulier la force du collectif.
d) Quelles ressources normatives du collectif ?
L’accent mis sur l’individuation des humains comme celle des œuvres semble entrer en opposition avec les exigences collectives de l’école obligatoire. Zask, de manière significative, limite son étude aux écoles d’art du supérieur, donc à un moment où il s’agit plutôt de développer une personnalité des élèves déjà construite, et de prolonger une individuation qui a trouvé auparavant les moyens d’émerger (une même réserve concerne le Black Mountain College). Les normes propres à l’école – normes du savoir, de l’étude, mais aussi normes nécessaires à une vie en collectivité, et dans un espace institutionnalisé – ne risquent-elles pas d’imposer leur logique aux phénomènes normatifs liés au devenir des œuvres et des individus ? L’expérience scolaire peut-elle être autre chose que l’essai de normalisation des comportements au regard des exigences fonctionnelles et administratives ? En quoi la classe manifeste-t-elle d’autres processus qu’une application de normes ? Ces difficultés ne peuvent pas être minorées, au risque que la réflexion sur l’actualité de Dewey pour penser l’école ne se trouve hypothéquée.
La lecture de Dewey rencontre d’ailleurs ces questions, ne serait-ce que par sa conception de la pédagogie comme organisation des milieux pour l’action de l’élève. L’invention des milieux scolaires met en travail les normes institutionnelles, en opposant certaines normes à d’autres. L’intérêt de l’auteur pour l’expérience le conduit à considérer les conditions concrètes de cette expérience : apprendre est bien pour lui une activité inscrite dans un lieu et un temps, et qui requiert l’utilisation d’un matériel. L’enquête portera donc aussi sur le « schéma de l’organisation scolaire », à savoir la salle de classe ordinaire, ses emplois du temps, ses habitudes de compétition (EE, 460). La conscience que l’action éducative est toujours indirecte, résultant de la constitution d’un milieu, met au centre l’interaction de l’élève avec le milieu matériel et social, et l’on pourra insister sur le soutien qu’apporte le collectif, et donc sur l’articulation entre normes du collectif et normes individuelles, par l’organisation des projets et le travail de l’œuvre. Ainsi le choix de la localisation des écoles n’est pas fortuite ; et le caractère éloigné et sauvage du BMC a pu jouer comme un facteur important de la singularité de cette école.
Or, à nouveau se pose le problème de concilier ce qui constitue le moteur propre à la dynamique de l’œuvre, à savoir son caractère individuel, qui engage la responsabilité de son auteur, avec le caractère collectif du travail scolaire. Comment permettre le développement de l’individualité ? Il est probablement commode de faire produire une œuvre collective, en synchronisant les temps et en opérant une répartition fonctionnelle des tâches : les élèves travaillent à une même production, chacun en réalisant une partie. Cette approche conduit cependant à ce que la réflexion sur le projet, la prise de décision, et toute l’activité normative que soutient l’art, ne se concentrent dans la personnalité de l’adulte, ou des quelques élèves les plus proches de lui. Peut-être peut-on souligner alors l’intérêt de développer un esprit d’atelier dans les espaces scolaires, plutôt que de rechercher une œuvre collective qui ne serait pas celle des élèves, mais de l’enseignant, au mieux. L’atelier suppose un espace collectif où interagissent à distance les individus, chacun se concentrant sur son œuvre en cours, en même temps que profitant de ce que font les autres, par l’observation des autres œuvres ainsi que par les échanges qui naissent à leur propos. Espace à la fois individuel et collectif, l’atelier permet la reconnaissance des œuvres et leur inscription dans un espace commun qui en nourrit le développement. Peut-être la classe d’art est-elle particulièrement propice si l’on cherche à « recréer un climat, celui de l’échoppe et celui de la ferme, où, naturellement, se multiplient les rapports actifs et vivants », comme le demande M.A. Carroi[10]. L’atelier serait cet espace de travail, à la fois technique et artistique, où du savoir s’acquiert et se met en œuvre, dans ce qui est inséparablement un espace d’action et de réception, individuel et collectif… C’est cet ensemble qui peut donner au collectif un pouvoir normatif, en tant que lieu d’incitation, de guidage, d’enrichissement et d’évaluation de l’action.
La réflexion de Dewey et l’exemple du BMC contribuent à interroger des évidences dans le fonctionnement des écoles et des classes, en définissant l’école comme un « lieu de résidence et d’études à la fois » (C&E, 17), et en montrant la possibilité de donner des initiatives aux élèves pour réguler leur activité et la vie collective malgré les difficultés (un cours de « processus de groupe » fut créé après 1945, pour améliorer le fonctionnement du BMC ; il reposait sur des méthodes de résolution de problèmes inhérents au fonctionnement des groupes, comme les jeux de rôles.) Lieu de vie, l’école vaut aussi pour ses temps non scolaires, qui engagent l’initiative personnelle : au BMC, il n’y avait cours que le matin et en fin d’après-midi, laissant la possibilité d’activités libres entre les deux ; de même, une coupure d’une semaine était prévue en cours d’année, pendant laquelle les étudiants pouvaient pratiquer une activité de leur choix. Si l’école est un lieu de développement de la normativité, c’est donc aussi en connaissant la part des temps laissés à soi, en favorisant les échanges informels et en permettant une multiplicité de relations.
Dans ce qui constitue alors un milieu spécifiquement artistique, l’éducateur occupe une place particulière : non seulement celle de créer ce milieu, mais aussi de soutenir l’action individuelle par la reconnaissance qu’il peut apporter aux essais en cours.
e) Quelles ressources normatives de l’éducateur ?
Dans les projets artistiques, l’animateur (enseignant ou artiste intervenant) a souvent le rôle principal de conduire le projet pour faire réaliser des productions spectaculaires et gratifiantes pour les regardeurs (parents, commanditaires institutionnels). Dans ce cadre, il a surtout un rôle de concepteur et de maître d’œuvre, qui relègue les élèves au statut d’exécutant. La perspective qu’ouvre Dewey est celle, inverse, du point de vue des élèves et des opportunités de développement qu’offre le cadre de l’intervention. Pensé dans une perspective artistique, le rôle de l’enseignant se précise donc d’abord comme celui d’accompagner l’élève vers l’œuvre qu’il désire : cette œuvre résulte d’un travail de la forme, d’une organisation progressive du matériau dans une totalité rythmique qui corresponde à l’idiosyncrasie du sujet. Dans une perspective scolaire, on peut donc considérer que l’enseignant aide l’élève dans son « faire œuvre » en le faisant prendre conscience des exigences de la forme, en l’accompagnant dans ce qui se cherche et qui n’a pas encore d’existence : son action est bien celle de guider, dans le sens le plus général que propose Dewey : « guider ne signifie pas imposer quelque chose du dehors. Guider, c’est libérer le processus vital afin qu’il s’accomplisse de la manière la plus adéquate » (EF, 69). Ceci demande d’être présent auprès des élèves, de pouvoir orienter leur action en se référant à la culture ; mais guider engage aussi une capacité à se situer au plus près de l’élève, à rendre attentif à ce « quelque chose » inchoatif qui doit être développé. Probablement, chez de jeunes enfants, et non chez des étudiants en art, le « processus vital » qu’évoque Dewey est-il peu conscient ; on constate chez les enfants jeunes des essais où prédomine de la maladresse, des fulgurances qui ne peuvent se dire, mais qui appellent une considération particulière. L’éducateur, en tant qu’instance normative, n’impose pas des normes mais il met en lumière, à l’inverse, les éléments de normativité qui s’essaient (aspirations, identifications, essais de forme, intentions expressives). Comme le souligne Zask, l’éducateur est ainsi d’abord une instance de reconnaissance qui soutient le processus d’individuation ; cette reconnaissance se fonde sur la conscience de la diversité en même temps que sur celle des conditions du faire-œuvre en tant que processus de développement. Reconnaître demande de s’engager auprès des élèves, en sachant que « la géographie propre à l’enseignement artistique est composée d’autant de fins qu’il y a de démarches, de projets, de personnes en construction » (AEd, 80). Ceci demande que l’éducateur soit capable d’interroger son système de valeur en même temps que la valeur des œuvres qui lui sont proposées. Une analogie entre enseignant et critique s’impose, car tous deux ont le même devoir d’interroger la spécificité des œuvres, et non leur conformité. Dewey souligne bien que « la question qui se pose aux critiques est celle de l’adéquation de la forme à la matière, non celle de la présence ou non de quelque forme particulière » (AE, 516). Ce sont bien des critères immanents qui sont défendus, et qu’il faut savoir repérer : « la valeur de l’expérience ne réside pas seulement dans les idéaux qu’elle révèle, mais dans son pouvoir de dévoiler divers idéaux, pouvoir plus productif et lourd de sens qu’un idéal révélé, vu qu’il les inclut dans sa gradation, les subvertit et les remanie » (ibid.). Ces remarques montrent bien quel peut être le rôle de l’enseignant : non normaliser par rapport à une forme imposée, mais bien éveiller au sens de la forme, en posant le problème de son adéquation à une matière, de même qu’à l’idée même d’idéal. Autrement dit, ce qui importe est le rapport à un idéal, le fait qu’il y ait un idéal, et la mise en relation d’idéaux différents…
La conscience de cette reconnaissance élargit le champ de l’action de l’enseignant qui n’est pas seulement de l’ordre de la conceptualisation ni de la parole, mais du regard, du temps passé, de la manière de prendre en considération une production en cours… La perspective politique de Dewey nourrit le regard sur l’élève ; elle conduit par exemple A. Kerlan et les acteurs de la recherche PoleArt à caractériser les interactions entre artistes et élèves comme des « adresses » : la recherche se rend attentive à « des ‘ adresses ’ et des sollicitations – verbales, gestuelles – faites aux enfants, aux élèves, soit à titre individuel – l’individu, la personne, le sujet – soit à titre collectif – le groupe classe en tant que tel, mais aussi tel ou tel groupe singulier d’élèves[11]. » Cette notion d’adresse nous paraît bien mettre en évidence un respect, une distance, qui situe l’élève au-delà de son statut institutionnel ou épistémique – statut qui ferait transmettre des ordres ou des consignes. L’adresse vise un individu en tant que puissance d’initiative, d’une manière qui reconnaît la subjectivité tout en l’invitant à affirmer davantage ses choix et à se connaître comme puissance d’agir en relation avec d’autres puissances d’agir. En tant que « point d’acheminement d’un acte », et qu’« indications permettant d’atteindre le point d’acheminement[12] », elle rend visible l’entre-deux des personnes, la distance qui les sépare et les relie. En indiquant « les nom, titre et qualité du destinataire », elle considère l’élève dans l’épaisseur de son histoire, de ses appartenances, c’est-à-dire en le situant. L’adresse n’enferme donc pas dans une particularité ; elle donne accès à un statut en faisant apparaître une source de pouvoir, fût-ce celle d’un enfant. Une conception générale de l’école et de la société conduit à des micro-choix dans la manière de parler, le choix des mots, mais probablement aussi le ton de voix, la gestuelle et la posture… tout un répertoire d’actions infimes qui construisent l’espace de la classe et la place qu’est invité à y prendre chaque élève.
3) Conclusion
La philosophie, comme le soulignait L. Jaffro[13], ne concerne pas seulement les finalités de l’école ; elle interroge les objets de savoir, et même, comme nous le montre Dewey, les manières de faire les plus subtiles et les moins quotidiennes. Le travail conceptuel assure l’articulation entre les différentes dimensions en invitant chacun à prendre part à ce qui est inséparablement action et réflexion. Cet enjeu de la philosophie de l’éducation est particulièrement mis en évidence dans le cas de l’éducation artistique. On peut soutenir, avec Alain Kerlan, que le développement du recours aux artistes dans le champ éducatif se produit en lien avec une évolution des conceptions de l’art et de l’école. Nous avons essayé de développer le déplacement qui se produit alors dans les phénomènes normatifs, et que Kerlan mettait bien en évidence : « non pas seulement découverte de la norme extérieure et imposée, mais rencontre, émergence de la norme immanente et productrice. » Dewey aide à mettre en évidence les formes de ces normes immanentes ; sa lecture enrichit cette hypothèse en montrant comment c’est tout le sol de pratiques enseignantes qui peut être reconsidéré. Un appareil notionnel se développe, qui stimule l’observation et la réflexion : nous avons ainsi rencontré les notions d’expérience et d’individuation, d’œuvre et de vitalité, de rapport à la technique ou d’adresse, par exemple. Ces notions étayent le projet d’une réflexion de la normativité scolaire telle que la révèlent les projets artistiques. Par le processus conjoint de développement des individus et des œuvres, le savoir en tant que cartographie, l’éducateur comme instance de reconnaissance, ou encore la classe comme atelier, Dewey manifeste la normativité des projets artistiques, et par-delà, le pouvoir de l’école même en tant que lieu d’invention anthropologique et politique.
Comment une pensée philosophique vit-elle ? La pensée de Dewey s’engage dans le siècle et s’en nourrit. Dewey visita plusieurs fois le BMC dans les années trente. Son œuvre ne se traduit pas dans cette institution particulière, qui connut de nombreuses vicissitudes, en particulier financières, mais elle a pu soutenir la soutenir en l’aidant à se comprendre dans le siècle. S’il peut être important de ne pas exagérer la singularité et la réussite de l’école, il reste que le BMC est « moins un mythe qu’un lieu de rencontres étonnantes et improbables[14] ». L’institution a pu constituer une expérience formatrice décisive pour ses étudiants parce qu’elle encourageait l’exploration, la découverte, l’expérimentation. Entre pédagogique et politique, l’élaboration d’une institution d’enseignement s’appuie sur un étonnement, une réserve, une attente. Comme l’affirmait Rice, « entre le vaincu qui s’est rendu au monde public et l’invincible, qui ne le fera jamais, il y a ceux qui commencent à se demander pourquoi ils se sont rendus. Ceux-là sont incapables de considérer que leur soumission est définitive, mais ils ne savent pas comment, ni même s’ils pourraient redevenir une seconde fois des artistes. C’est pour ces gens-là que le Black Mountain existe. » (cité in C&E, 30).
Appendices
Notes
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[1]
Les abréviations renvoient à la bibliographie en fin de texte. Les chiffres indiquent les numéros de page.
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[2]
Alain Kerlan, « L’atelier de l’artiste, laboratoire démocratique d’une nouvelle normativité ? », Sens Public, 2011-2012. Voir en ligne.
-
[3]
Si le texte présent s’appuie sur la seule pensée de Dewey, la réflexion sur les normes dans le champ social et scolaire se développe par ailleurs, en particulier à partir des travaux de Canguilhem (1966), en permettant d’articuler les niveaux du phénomène scolaire (politique éducatives, dispositifs et pratiques de classes, processus psychiques des élèves et des enseignants), par une approche suffisamment large pour être compréhensive. Cf. Rochex J.-Y., Normes et normativité en sociologie de l’éducation, in Multitudes. Voir en ligne.
-
[4]
Blais M. –C., Gauchet M. et Ottavi D., Conditions de l’éducation, Hachette, coll. Pluriel, 2008 – 2010.
-
[5]
Cf. F. Jacquet-Francillon & D. Kambouchner (eds), La crise de la culture scolaire, Paris, P.U.F., 2005.
-
[6]
Dewey, L’enfant et le programme scolaire, In L’école et l’enfant, éditions Fabert, 1913 – 2004.
-
[7]
Samuel Rénier, L’émergence de la normativité chez John Dewey, Mémoire Université Lyon 2 - Année universitaire 2007-2008, en ligne.
-
[8]
S. Rénier (2013) montre comment l’évolution de la pensée de Dewey le conduit à penser les normes éducatives non plus comme devant être dégagées de la société mais comme élaborées au sein même des actions éducatives, dans la proposition d’une science de l’éducation renouvelée. L’éducation artistique a ainsi valeur de modèle pour un tel projet.
-
[9]
Speller A. Le Black Mountain College, Enseignement artistique et avant-garde. Bruxelles, La lettre volée, 2014, p.45.
-
[10]
Marie-Anne Carroi, Préface à Expérience et éducation, Armand Colin, 1968.
-
[11]
Alain Kerlan, « L’atelier de l’artiste, laboratoire démocratique d’une nouvelle normativité ? », Sens Public, 2011-2012. Voir en ligne.
-
[12]
Trésor de la Langue Française, voir en ligne.
-
[13]
Jaffro L., Les objets de l’éducation : quelle ontologie ?, Revue de Métaphysique et de Morale 2007/4, n° 56, p. 429-448.
-
[14]
Speller, op.cit., p.155