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Au lancement de la Convention démocrate à Charlotte, une dispute a éclaté dans le parti à propos du bilan économique du président Obama et de son message. Pour paraphraser Ronald Reagan en 1980, la question centrale est de savoir si les Américains sont plus riches aujourd’hui qu’il y a quatre ans. Sur les plateaux télé du dimanche, David Plouffe, de la Maison Blanche, présentait une évaluation nuancée de la performance économique nationale, endossant l’opinion largement partagée qui affirme que l’allure du rétablissement économique est trop lente pour permettre à nombre d’Américains d’en ressentir le bénéfice. Lundi, cependant, la directrice déléguée de la campagne d’Obama, Stéphanie Cutter, était nettement plus engageante, prétendant qu’il ne faisait aucun doute que les Américains étaient plus riches aujourd’hui qu’il y a quatre ans, opposant l’actuelle stabilité aux baisses de salaires, aux licenciements massifs et au krach financier systémique de 2008.
Alors que l’économie est au centre de la scène, ces divergences reflètent le désir grandissant parmi les militants démocrates de voir se dessiner un contraste nettement plus clair entre les visions économiques du président Obama et du gouverneur Romney, qui les distingue par leurs solutions pour l’avenir plutôt que par leurs traits biographiques.
Avec un chômage restant obstinément collé au-dessus de 8% – la limite qu’Obama s’était lui-même fixé pour sa réélection, et des sondages nationaux suggérant que lui-même et le gouverneur Romney sont réellement au coude à coude dans cette course, est-il à présent raisonnable d’assumer que le chiffre des emplois et une vision économique vont déterminer qui occupera la Maison Blanche en 2013 ?
L’économie est indubitablement la question n° 1 dans l’esprit des Américains. Cependant, malgré cette focalisation, ce qui pourrait faire la décision dépend de l’incertitude entre une démographie électorale plutôt favorable aux Démocrates et le magot de campagne des Républicains et de leurs alliés conservateurs.
Alors que les sondages nationaux montrent que les candidats tiennent dans un mouchoir de poche, les experts reconnaissent que la carte électorale reste favorable au président Obama. Il faut assurer le gain de 270 collèges pour emporter la présidence, et les projections actuelles suggèrent qu’Obama en tient environ 230, ce qui donne une bonne avance au président face aux 180 de Romney. Dans les États les plus disputés, où se jouent les 130 collèges décisifs, le défi est deux fois plus dur pour Romney que pour le président. Et dans l’Ohio, en Pennsylvanie et dans le Michigan, où se jouent trois combats cruciaux, les sondages montrent une avance de 5 à 8% pour le président.
De même, le président dispose aussi d’une avance substantielle parmi les femmes, les Noirs, les hispaniques et les jeunes. À Tampa, les Républicains eurent du mal à mettre en avant leurs propres leaders parmi les femmes et les hispaniques, tout comme à faire oublier les chiffres d’Obama parmi les diplômés. Peut-être le trait le plus cinglant de leur convention fut-il la vision du candidat à la vice-présidence, Paul Ryan : une génération de diplômés au chômage retournant vivre chez leurs parents et chez qui l’affiche “Obama HOPE’ de 2008 restait punaisée. Mais le problème des républicains n’est pas tant le profil de leur politiciens que leur politique : sur les prêts étudiants, sur l’immigration, la contraception et le mariage gay entre autres.
S’agissant du financement de la campagne, la balance penche nettement en faveur de Romney, qui est parvenu ces derniers mois à distancer le président dans un rapport de deux à un en matière de levée de fond. Certes, ces dépenses officielles sont encore limitées à ce jour. Les candidats doivent distinguer entre le financement de la primaire et celui de la présidentielle, ne pouvant dépenser pour cette l’élection qu’après avoir été investis par leur parti, tandis que Romney a également bénéficié du support massif de groupes extérieurs. Une décision rendue par la Cour Suprême en 2010 dans l’affaire “Citoyens Unis’ a en effet supprimé toute limitation aux dépenses des entreprises pour appuyer des campagnes liées à des intérêts, et nous sommes partis pour une campagne qui verra un niveau de dépense sans précédent de la part de groupes d’intérêts privés. Les observateurs peuvent s’attendre à ce que les deux prochains mois soient particulièrement sanglants et extrêmement coûteux.
Dans une certaine mesure l’avantage financier des républicains et des conservateurs pourrait être annulé par le pupitre offensif de la Maison Blanche, qui offre au candidat une plate-forme de communication sans équivalent. Bien sur, cela dépendra des nouvelles que le président devra faire passer depuis l’estrade. Le vendredi suivant son discours d’investiture, les Américains connaîtront la dernière statistique mensuelle des emplois. Cela explique peut-être le sentiment d’urgence des cercles démocrates pour réclamer un propos économique clair qui combinerait une justification de la trajectoire actuelle avec un agenda politique d’avenir.
À Tampa, le discours de Romney présentait un propos économique incohérent. Peut-être sous le coup de la disparition inattendue de Neil Armstrong, s’il en appelait à un État réduit, à des impôts plus bas et à une baisse de la dépense publique, ce fut avec des accents de nostalgie pour l’Amérique des années 60 et l’héroïsme et de l’ambition du projet Apollo – l’un des exemples les plus importants et les plus aboutis de la dépense publique de toute l’histoire nationale. Les partisans d’Obama ont demandé aux Américains de regarder vers l’avant, pas en arrière. Romney, comme Dole en 1996, pourrait bien avoir fourni un tremplin idéal pour un discours de la Convention présidentielle démocrate. Le défi pour le président Obama est de se saisir de cette occasion pour préciser une vision convaincante du futur national. Et pour finir, on en reviendra bien à l’économie, stupide !
Appendices
Note biographique
Matt Browne est chercheur au Center for American Progress. Il s’exprime ici à titre personnel.