Abstracts
Résumé
Cet article est le premier d’une série intitulée « Pour une psychanalyse de la modernité chinoise », tirée de conférences faites par l’auteur à l’Institut d’Études Politiques de Lyon et au café philo de Sens Public en 2005 et 2006. Elle se poursuivra avec d’autres cours et conférences de l’auteur et d’autres contributeurs. Ce premier texte date de 2005. Quelques ajouts ont été faits en note, l’année étant mentionnée, et le texte principal conservé en l’état.
Article body
Au-delà des grandes déclarations diplomatiques et convenues sur l’entente entre la Chine et l’Europe, ou entre la Chine et la France, qui mobilisent bons souvenirs et professions de foi au service de nos intérêts mutuels, que peut-on dire simplement, et sans détour, des sentiments réels nourris par les Chinois envers l’Europe et la France au début du 21e siècle, à ce moment précis de l’histoire de Chine où la révolution économique en cours depuis vingt cinq ans apparaît comme « le » facteur central de modernité que le pays attendait depuis cent cinquante ans ? Quel est l’impact de ce formidable changement sur la psyché collective chinoise, sur la gestion que font les Chinois des blessures héritées de leurs relations passées avec l’Europe ? Quelles sont les conséquences que peut avoir une certaine fierté retrouvée sur l’image que les Chinois se font de nous, et sur ce qu’ils attendent de nous ?
Les sentiments nourris envers l’autre sont toujours en partie le reflet de l’idée qu’on a de soi-même : cette évidence de la psychologie sera notre point de départ. Si l’on s’autorise un discours non convenu sur les sentiments nourris par les Chinois à l’égard des Européens, disons clairement que l’étude de leur identification culturelle et raciale est un passage obligé ; passage, cependant, que l’on hésite toujours à franchir, tant le dérapage est facile. Pourtant, la nature de l’identification culturelle et de la vision raciale du monde qu’ont les Chinois justifie pleinement son choix comme l’un des fils directeurs possibles dans l’analyse des schémas mentaux chinois face aux « étrangers », les 外國人 waiguoren, ou « gens d’en-dehors du pays ».
L’exploration rapide de cet univers mental à laquelle on se livre ici est destinée à apporter quelques éléments de réponse à deux questions simples : Que pensent les Chinois de nous ? Qu’espère-t-ils obtenir de l’Europe ? Une première réponse à ces questions devrait nous permettre de mieux appréhender la manière dont la Chine envisage son insertion dans le monde actuel.
La dimension culturelle
Ce n’est pas une idée reçue que de dire que, de tout temps, les Chinois ont eu une très haute opinion d’eux-mêmes. Les premiers visiteurs étrangers revenus de l’Empire du milieu l’ont à peu près tous relevé ; et le fondement de cette fierté est aisément compréhensible : une histoire longue ; un pays qui, bien que fréquemment en proie aux troubles et à la division, s’étend à de lointaines limites ; la richesse d’une culture ayant réussi à créer un monde en soi, entouré de ses marges sinisées ; l’organisation d’un modèle culturel si complet qu’il a pu, des siècles durant, fonctionner dans son monde, sans prendre grand ombrage de l’existence des Européens, qu’on avait fini par connaître pourtant, et dont on soupçonnait même qu’ils avaient une culture qui n’était pas la plus sauvage parmi les Barbares étrangers - référence à la science occidentale. La Chine a disposé ainsi, jusqu’à l’arrivée, à la fin du 16e siècle, des premiers colonisateurs européens aux marges de l’Empire et de leur irruption dans sa vision du monde, d’un modèle fourni (contenu culturel), doté d’une cohérence réelle (le mode d’organisation de ce contenu culturel) et disposant d’une assise géographique étendue (la Chine propre, ses marges, les États feudataires, le monde sinisé). Rien de tout cela ne semble avoir jamais pris l’apparence d’un « empire immobile », qui aurait été parfaitement identique à lui-même à travers le temps et l’espace. Mais le continuum géographique et temporel qu’est la culture chinoise est une réalité historique indéniable, et c’est un élément fondamental de la psyché collective des Chinois, autant que le fondement premier de leur perception de la grandeur de leur culture.
Qu’il reste aujourd’hui de cette culture traditionnelle bien peu, ou beaucoup, ou plutôt quelque chose de rénové, ou encore quelque chose de fondamentalement altéré, est une autre question. Nous tentons d’abord ici de décrire une dimension psychologique : la perception qu’ont les Chinois d’eux-mêmes, quelles que soient les « réalités », par ailleurs impossibles à appréhender rigoureusement, sur lesquelles cette perception et ce jugement sur soi prétendent se fonder. Cette perception de soi est, on l’a dit, intimement liée à la perception de l’autre.
Cette superbe chinoise est allée de pair avec une vision du monde dominée par la distinction de ce que les Chinois appellent encore « les races ». Dans le modèle culturel traditionnel, il existe une tendance, que l’historien de la Chine pourrait dater plus ou moins précisément d’avant la fondation de l’Empire à l’arrivée des Européens, à considérer que les Barbares et autres peuples allogènes, situés aux confins de l’Empire, bien que différents culturellement, sur le plan de la langue et des us et coutumes, avaient la possibilité de devenir chinois à partir du moment où ils acceptaient les normes de la culture chinoise. L’assimilation semble avoir été, dans la culture chinoise, une possibilité inhérente au modèle. Bien qu’elle ait par essence supposé une hiérarchisation des cultures, elle indique cependant clairement que l’intégration de peuples « crus », devenant peuples « cuits », était possible. La différence culturelle allant de pair, dans la plupart des cas, avec la différence raciale, on peut parler d’une vision « raciale » du monde ; ce qui ne revient pas nécessairement à une vision « raciste » du monde.
Ce modèle d’intégration a été abandonné, mais non la tendance à hiérarchiser les cultures et à distinguer entre une « race céleste » (le mot de 天朝 tianchao, mot à mot « la dynastie céleste », par laquelle les Chinois aujourd’hui encore peuvent désigner la Chine et les Chinois, s’apparente fort à la notion anthropologiquement normale, mais politiquement inquiétante, de « peuple élu » ou de « race élue ») et les autres. À mesure que la Chine réalisait qu’elle n’était pas seule au monde, et que ses marges-confins devaient peu à peu devenir des frontières-tracés, l’assimilation ne pouvait plus se faire indéfiniment dans un Empire de plus en plus grand. La prise de conscience se fait sentir à la fin du 16e siècle ou au début du 17e siècle, alors que les Européens commencent à se faire pressants sur les côtes chinoises (les Portugais à Macao en 1557, les Hollandais sur les Pescadores, face à Taiwan, en 1622), et qu’au même moment, le jésuite Matteo Ricci commence d’introduire au centre même du monde, devant l’Empereur en 1601, les connaissances occidentales. Ce modèle culturel d’assimilation ne disparaîtra certes pas en un jour ; il s’est lentement transformé, à mesure que changeaient les principaux référents chinois sur la géographie - devenue espace précis et limité -, la culture - dans un monde composé d’autres foyers culturels -, et la politique - devenue un enjeu global ne se résumant plus aux relations entre le Milieu et ses voisins proches. La Chine, qui n’a pas inventé le concept moderne de la souveraineté[1] récupèrera progressivement ce concept central de la modernité politique occidentale jusqu’à abandonner son modèle de marges-confins et d’allogènes en voie d’assimilation et devenir, à la fin du 20e siècle et au début du 21e siècle, un État crispé sur une vision désormais dépassée de la souveraineté, dont les Européens eux-mêmes s’éloignent progressivement depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Ce modèle culturel hiérarchisant les cultures, mais laissant la possibilité d’ « entrer dans la civilisation » en acceptant les valeurs chinoises, s’est immanquablement ressenti de cette crispation progressive. Alors que la Chine s’en éloignait, la vision « raciale » de la Chine a pu prendre des formes plus « racistes » qu’auparavant. L’irruption des Occidentaux dans le paysage mental des Chinois, et ce, sous un mode traumatique, n’est sans doute pas sans lien avec la crispation du modèle culturel chinois que Frank Dikötter a constaté dans certains ouvrages pseudo-scientifiques datés de la fin du 19e, où l’on note une tentative de réaffirmer la supériorité chinoise en détaillant, avec force indications, la sauvagerie des autres peuples, jusqu’à décrire la quasi-animalité de certains, les Africains en premier lieu. La teneur de ces travaux aurait pu faire pâlir les penseurs européens du racisme au 19e siècle. Or le rapport des Chinois aux Africains reste, de façon regrettable, toujours marqué aujourd’hui par des préjugés raciaux forts.[2]
Bien que la Chine n’ait jamais fait de ces théories une ligne politique officielle - sauf, peut-être, une certaine impératrice Cixi et à l’occasion de la « guerre des Boxers » - il reste néanmoins de ces croyances quelque chose de profondément ancré dans la psyché des Chinois d’aujourd’hui, que l’on doit prendre en compte pour mesurer la nature du sentiment nourri par les Chinois à notre égard, particulièrement depuis que les traumatismes des guerres de l’Opium ont aggravé le problème. Quelques exemples « sensibles » peuvent illustrer ce point, exemples que seule peut rapporter une expérience du terrain conduite par des non-Chinois, parlant bien chinois, sensibles à ces questions sensibles, sachant déjouer la méfiance de ses interlocuteurs, les faire parler en situation, et assez chanceux pour obtenir quelques perles que jamais, sinon, un Chinois ne se laisserait aller à « confesser » devant un Occidental, et qui révèlent jusqu’où, aujourd’hui encore, peut aller le racisme, ou du moins le préjugé culturel, des Chinois à l’égard des « étrangers ».
Un racisme de principe demeure aujourd’hui en Chine, qui fait considérer aujourd’hui encore par certains les non-Chinois comme des barbares sur le plan culturel, et ce, avec des degrés variables selon le peuple considéré, ce dans quoi l’héritage politique des conflits du passé (avec le Japon, la France, la Grande-Bretagne,...) joue un rôle. Bien sûr, rien n’en sera jamais dit. Il est comme essentiel de ne pas le dire ouvertement ; car les Chinois sont gênés d’être suspectés de chauvinisme, voire de racisme. Et il ne leur manquerait plus sans doute que de retrouver pleinement leur fierté pour ne plus avoir besoin de se rassurer par des discours culturels flairant le racisme et pour finir par accepter un autre principe de la modernité occidentale : que toutes les cultures du monde se valent et qu’on ne doit surtout pas les hiérarchiser... Mais ceci est un point de vue tellement occidental ! Et tellement récent, même chez nous ! Le problème, pour la Chine, est que l’intensité de la propagande, la lamentable éducation nationaliste actuellement appliquée en Chine et l’extrême difficulté pour la société chinoise actuelle d’arriver à penser par elle-même, hors de cadres idéologiques impérieux, rend une telle prise de conscience improbable aujourd’hui, au point que mêmes les intellectuels chinois surprennent souvent par leur incapacité à se départir vraiment de conceptions douteuses des relations de culture à culture, de « race » à « race », et de la Chine avec le monde.
Curieusement, mais au fond de façon logique, un tel discours apparaît aussi à Taiwan, mais pas n’importe où : précisément chez les « Continentaux », les 外省人 Waishengren, ces Chinois d’immigration récente éduqués par le Parti Nationaliste, le Kuomintang, depuis la fin de la seconde guerre mondiale dans l’amour de la Chine. En face, les Taiwanais de souche, et même ceux qui, pour des raisons de politique intérieure complexe que je ne détaillerai pas ici, votent eux aussi pour le Parti Nationaliste et non un parti indigène taiwanais indépendantiste, se départissent de ce point de vue « grand chinois » qui tend à toiser les « étranger » avec tout ce que l’histoire politisée peut léguer comme préjugés savamment mis en mouvement par certains gouvernements.
Il conviendrait bien sûr de se demander également si nous, Européens, n’avons pas nous aussi des collections de préjugés du même ordre qui traînent, considérant les Chinois comme « fourbes » ou « bizarres », ou gratifiant les Arabes de qualificatifs peu élogieux. Sans aucun doute. Le racisme ordinaire n’est nullement l’apanage des Chinois. La question d’une infériorité culturelle est-elle, cependant, aussi explicitement détaillée et argumentée chez nous, autant que ce que les Chinois peuvent faire, dans une relation de confiance, et sans conscience de l’écoute qu’ils ont en face d’eux chez le chercheur dialoguant avec eux, au sujet des Occidentaux et pire, des Africains ? J’ai pu, dans la configuration de dialogue aux multiples conditions décrite-ci dessus, entendre ainsi plusieurs fois des Chinois parler de « l’infériorité raciale et culturelle » des Occidentaux avec des arguments tels que, par exemple : dans le premier cas, la pilosité des Occidentaux, signe d’évolution ralentie de l’animalité vers la culture ; et dans le second, l’utilisation des fourchettes et de couteaux pour « dépecer » la nourriture, là où les Chinois la « pincent délicatement dans l’assiette », signe indubitable de « barbarie » des Occidentaux dans l’acte alimentaire, par opposition au raffinement culturel chinois. De nombreux autres exemples « édifiants et curieux » pourraient être donnés.
La dimension historico-politique
À partir du milieu du 19e siècle s’ajoute à ce sentiment séculaire de supériorité le traumatisme des guerres de l’Opium, des traités dits « inégaux » (不平等條約, bu pingdeng tiaoyue),[3] des concessions étrangères (租界, zujie) dans les ports à traités, et du découpage de la Chine en territoires d’influence au bénéfice de l’Europe, des États-Unis et du Japon. Ces conflits aggraveront durablement la tendance des Chinois à hiérarchiser les cultures et les conduiront à repenser leur distinction habituelle entre civilisation et barbarie sur un mode désormais traumatique, rajoutant à un préjugé ethnocentrique au fond assez courant, au moins dans sa nature, un ressentiment dont on n’a pas nécessairement mesuré la profondeur et la violence. Nous sommes toujours en grande partie, aujourd’hui, dans ce schéma mental, et il importe donc particulièrement de revenir sur ce fondement. Ce qui est nouveau, et réellement fondamental, c’est cette fierté que la Chine retrouve aujourd’hui du fait de sa métamorphose économique, et qui nous conduira à nous demander ce qu’elle apporte à la problématique.
Le traumatisme historique est aisé à comprendre : mais il faut pour cela tenir compte de l’ampleur de l’agression impérialiste... et de la perception du soi de la Chine. L’objet n’est pas ici de déterminer des responsabilités historiques - le procès n’est point le métier d’historien, et je ne suis, en outre, pas historien..., mais plutôt de tenter de voir, en tant que politiste, comment la série historique devient un traumatisme national, comment ce dernier est géré, et quelles sont les conséquences du mode de gestion choisi sur la relation de la Chine à l’Occident, du point de vue chinois. Une longue analyse historiographique serait ici nécessaire ; contentons-nous, faute de place et de compétence, de son aboutissement le plus récent. L’un des meilleurs indicateurs sera ici la façon dont ce traumatisme (celui de l’agression occidentale) fut présenté en 1997, à l’occasion de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine. L’acte est immensément important, et très révélateur pour notre sujet, puisque, d’une part, il marque la fin de l’humiliation qu’ont été les guerres de l’Opium, par quoi tout prétendument commence ; et que, d’autre part, cette rétrocession se déroule précisément dans la phase historique que je décrivais à l’instant : une époque où la métamorphose économique représente pour la Chine le facteur de développement et de fierté retrouvée qu’elle attend depuis cent cinquante ans.
Deux partis politiques que l’on peut qualifier de « chinois » avaient d’une certaine manière leur mot à dire sur la gestion de l’héritage traumatique, ces deux partis historiques qui s’opposent dans le détroit de Taiwan : les Nationalistes sur l’île, les Communistes sur le Continent.[4] La différence de traitement entre les Nationalistes, déjà ‘désidéologisés’ par dix années de réformes politiques à Taiwan, et les Communistes à Pékin, toujours arc-boutés sur le nationalisme chinois, de « l’événement 1997 » est saisissante. Alors que la Chine publiait un « Atlas de la honte » et nourrissait officiellement un inquiétant sentiment revanchard, les Nationalistes, après cinquante années passées à Taiwan, et après avoir eux-mêmes tenu ce discours pendant longtemps, affirmaient explicitement que l’agression impérialiste des Occidentaux en Chine fut rendue possible par l’état de déliquescence d’un empire rongé de l’intérieur et incapable de faire face à la modernité - celui qu’ils avaient abattu quatre-vingts ans plus tôt, en 1911. L’argument représente une bifurcation historiographique, qui par effet de contraste, soulignait d’autant plus crûment l’esprit anti-étranger qui continue d’être l’un des premiers soubassements de la cohésion sociale telle que voulue dans un pays aux multiples tendances centrifuges par le gouvernement chinois depuis 1949. Il est vrai que le vieux parti nationaliste chinois à Taiwan était alors dirigé par un Taiwan de souche, réformateur, démocrate.[5]
Tout ceci indique à l’évidence que la Chine arrive mal à gérer son traumatisme... ou ne souhaite pas le faire pour l’instant. Car il représente un excellent levier politique interne (pour la mobilisation de sa population) tout autant qu’un moyen de pression international (la culpabilité des Occidentaux et des Japonais rappelée quand une concession est attendue). Nous sommes maintenant plus près du cœur de notre question : quelle place fait cette Chine aujourd’hui conquérante et gonflée d’orgueil à ce traumatisme fondateur de sa modernité ? En retrouve-t-on des traces dans ses orientations politiques, dans son discours au monde, dans sa relation aux Occidentaux, et dans ses attentes en termes de rôle à jouer dans la politique internationale ?
La réponse est sans aucun doute affirmative. Sans arrêt, le passé est ressassé. Sans arrêt, le négociateur intuitif, l’homme de terrain qui sent les idées derrières les idées, le chercheur sachant poser ses questions avec diplomatie et à-propos, peut repérer l’importance toujours renouvelée du traumatisme guerres de l’Opium / « traités inégaux » / concessions étrangères / découpage de la Chine en territoires d’influence dans le discours chinois, qu’il s’agisse du petit peuple, d’un dirigeant d’entreprise, ou des hommes politiques. Qu’un problème apparaisse dans une relation entre un Chinois engagé dans un commerce avec un Occidental et ce dernier, si l’enjeu n’oblige pas le premier à prendre sur soi, l’ampleur de la réaction montrera rapidement tout le bagage alourdissant instantanément une incompréhension qui était peut-être, à l’origine, bénigne. Tout le poids des péchés du passé vient alors immédiatement reconditionner en silence l’image du partenaire occidental, soudain suspect, s’il ne l’était pas déjà par principe ; cela va d’une clause de contrat dont l’interprétation ne sied pas aux exigences de la partie chinoise, au simple porteur des valises d’un groupe de touristes dans un hôtel qui, mécontent d’un pourboire pas assez large à son goût, troquera rapidement son sourire forcé pour un regard mauvais qui en dit long sur le degré d’indicible qui demeure derrière les convenances, et laissera les bagages en plan au milieu de l’entrée. Cet indicible-là est à fleur de peau en Chine, en ville comme en campagne, et peut-être plus en ville où les enjeux d’enrichissement sont considérables, qu’à la campagne où l’étranger reste encore aujourd’hui autant une source de merveilleux que de peur. Et tout cela, derrière cet accueil souvent chaleureux que les Chinois savent réserver aux Étrangers, où toujours semble se mêler politesse et calcul, mais aussi générosité et plaisir apparemment sincère.
Qu’on aille au Palais d’Été, le monstrueux sac par les Français et les Anglais du « Jardin des jardins » en 1860 sera rappelé comme une culpabilité que les Européens doivent porter aujourd’hui encore, et qu’ils semblent devoir porter ad vitam aeternam.[6] Qu’on veuille se promener avec un guide chinois sur le Bund à Shanghai, et il ne sera fait grâce à aucun touriste du rappel, comme source d’une culpabilité directe et éternelle, du fameux panneau interdisant, au temps des concessions, l’entrée du parc « aux chiens et aux Chinois » (« Dogs and Chinese Not Admitted »). Intolérable manifestation du mépris de Occidentaux face aux Chinois, lui aussi résultat de toute une histoire culturelle et civilisationnelle d’un sentiment de supériorité aveugle. Le problème, c’est que ce panneau, on le sait maintenant, n’a simplement jamais existé, qu’il est pure invention, et qu’on peut comprendre aisément ses motivations, tant il répond parfaitement à un gouffre, celui de la capacité de la Chine à négocier de façon apaisée les proportions respectives de son ego national et de l’existence d’autres ego autour d’elle.[7] De quoi se demander si, dans l’infiniment grand de la géopolitique, les règles de la psychologie ne sont pas égales, nonobstant les grandeurs, à l’infiniment petit des psychologies individuelles.
Il est vrai que la question se pose, et nous en avons une fâcheuse habitude en Occident : ne sommes-nous pas responsables ? Sans aucun doute, de quelque chose. Mais ici encore, peut m’importe : l’objectif n’est pas de développer un argumentaire sur les responsabilités historiques, que je serai bien incapable de tenir, mais de voir comment ce qui a été dit et fait est interprété, consciemment ou non, utilisé voire détourné, pour nourrir un sentiment anti-étranger qui ne flatte rien de moins qu’une propension chinoise séculaire à se penser comme le siège de la civilisation : cet anthropocentrisme chinois surpasse sans doute en contenu et durée celui des Grecs, des Romains, des Européens en général, ou encore des Japonais... De l’analyse de cet anthropocentrisme moderne à une psychanalyse de la modernité chinoise, il n’y a peut-être qu’un pas. Je crois cette dernière nécessaire, et même urgente.
Une éternelle culpabilité ?
Effectivement, qu’avons nous fait et dit ? Sommes-nous responsables ? L’agression impérialiste est une évidence, et le mépris pour la Chine affiché à l’époque par les Occidentaux permet de comprendre les sentiments chinois. Cependant, le temps a passé, et les Occidentaux vivant aujourd’hui ne sont pas plus responsables des guerres de l’Opium ou de la destruction du Palais d’Été que les jeunes Allemands d’aujourd’hui ne le sont du nazisme ou de la Shoah.[8] Et l’on peut parfois ajouter le détail historique que la Chine ne veut pas entendre : par exemple, que la guerre franco-chinoise de 1884-1885 a été lancée par le gouvernement de Jules Ferry sans l’accord du parlement, représentant de la souveraineté populaire.
On pourrait certes se demander si la raison pour laquelle la Chine a du mal à gérer son traumatisme ne serait pas que nous, Occidentaux, n’aurions pas eu le courage de faire clairement « repentance », dans le droit fil de notre approche contemporaine de la gestion des passés encombrants. Cependant, là encore, l’attitude de la Chine est ambiguë : tout a été fait entre 1941 et 1945 pour la faire entrer dans le concert refondé des Nations, et qui allait déboucher sur la création de l’ONU dans laquelle la Chine, membre fondatrice et disposant d’un siège au Conseil de Sécurité, accédait soudain à une stature internationale qu’elle n’avait jamais eue. Et si nous avions particulièrement insisté sur la repentance, cela aurait-il effectivement changé quelque chose ? Sans doute, mais rappelons-nous que le Japon, après tout, a bel et bien exprimé des regrets officiels, explicites, par l’empereur du Japon lui-même, et lors d’une visite en Chine, pour les atrocités commises par l’armée nippone pendant la guerre - c’était en 1992, par la voix de l’Empereur Hakihito. Or la propagande chinoise s’évertue depuis à enseigner aux Chinois que jamais le Japon ne se serait excusé. Les ambiguïtés du Japon sur la question, par exemple dans ses manuels scolaires, ne peuvent tout expliquer. L’orgueil et l’intérêt, du côté chinois, y répondent en concert pour rendre la vie impossible à leur relation bilatérale.
Les torts, c’est à craindre, sont clairement partagés dans ce lourd passif des relations entre la Chine et l’Europe, et ce serait simplifier l’histoire - faire en quelque sorte de l’historiquement correct - que de réduire les reproches des Chinois, que l’on sent bien souvent en arrière-plan de leur discours, à la simple conséquence d’un défaut de repentance de notre part. A noter que certains observateurs occidentaux, pas les meilleurs, sont souvent les premiers à tomber dans ce panneau. La propension chinoise à jouer la diva maltraitée est une constante depuis la « libération » à l’occasion de laquelle Mao Zedong déclarait que « les Chinois se sont levés »,[9] et que « plus jamais les Chinois ne seront un peuple d’esclaves ».[10] Il apparaît évident que ce discours revanchard et nationaliste n’est pas seulement lié à l’agression impérialiste occidentale des années 1840 aux années 1920, mais qu’il est aussi profondément le produit de la très haute opinion de soi qu’ont les Chinois, et de leur propension, au contraire de tous les clichés, à l’immodestie culturelle, quand bien même ce qu’il y a de plus beau dans la culture chinoise a sans doute depuis bien longtemps disparu... en Chine (merci Taiwan de la part des sinologues d’avoir conservé manuscrits et œuvres d’art, traditions et savoirs-faire, politesse et caractères traditionnels...).
Que reste-t-il aujourd’hui de cet héritage psychologique ?
La question est alors de savoir ce qu’il reste aujourd’hui dans la psyché chinoise - celle du peuple, celle des chefs d’entreprises, celle des dirigeants - de ce « traumatisme freudien » mal géré. Le Chinois du peuple, me semble-t-il, a une perception de l’Europe complexe, et l’on s’attache ici avant tout à caractériser la perception de l’Europe chez ceux qui n’ont pas fait d’études, ne sont pas allés en Europe. Ceci, afin de montrer ce fond commun, cette perception par défaut qui va cohabiter, jusque chez les dirigeants économiques et politiques, avec une analyse plus nuancée et circonstanciée des relations entre la Chine et l’Europe. Nous tenterons d’illustrer par un exemple le sentiment que l’on a que cet esprit revanchard est bien présent, d’une certaine manière, au sommet de la société chinoise, avec ce que le pouvoir politique et ses ressources offrent comme capacité de décuplement parfois dramatique de l’obsession nationaliste.
La perception de l’Europe par défaut, chez le Chinois « de base », nous paraît consister en un mélange de ces six éléments : l’admiration, la frustration et la jalousie, un esprit revanchard, une certaine fierté aujourd’hui retrouvée, ainsi qu’une perception aiguë des intérêts de la Chine.
L’admiration pour l’Europe semble présente à un degré ou un autre chez beaucoup de Chinois, qui savent que l’Europe est riche, pacifique, et développée. Cette admiration est réelle, sincère et multiforme, traverse les classes, et renvoie avant tout à la dimension culturelle. Les uns sont conscients de la richesse culturelle du continent : les premiers savoirs européens ont été introduits dès le 17e siècle en Chine, et ne l’ont pas toujours été sur un mode guerrier. Les intellectuels tout particulièrement font preuve de ce savoir et témoignent de cette perception. D’autres, des classes plus populaires, admirent et envient surtout notre niveau de développement social : cette envie n’est pas une jalousie, et agit comme une incitation à y immigrer, les États-Unis représentant un contre-modèle sur ce point. Différents segments de la population tentés par l’immigration ont ainsi de l’Europe l’image d’un continent où l’on trouve du travail, dont la société bénéficie d’une paix civile et d’une stabilité sociale réelle, et où l’intégration à la chinoise sera possible sans les heurts rencontrés ailleurs, [11] et où l’État providence leur assurera en prime, dans certains cas, une installation financièrement facilitée (allocations logements et familiales, là où en Chine il leur est interdit d’avoir plus d’un enfant, et où se procurer un logement est difficile et coûteux).[12]
La frustration et la jalousie co-existent aisément avec cette admiration et cette envie. Elles ne sont nullement contradictoires les unes avec les autres, car elles viennent d’autres profondeurs de la psyché chinoise moderne. Alors que l’admiration pour l’Europe vient de l’image positive qu’ont les Chinois de sa valeur culturelle, et que l’envie d’y immigrer vient de l’injustice profonde de la société chinoise et des tensions sociales considérables qui l’agitent depuis le lancement des réformes en 1978, la frustration et la jalousie envers l’Europe se dénotent chez ceux dont la conscience nationale prend des tours plus politiques : c’est le cas de la population urbaine et/ou moyennement éduquée, voire d’ « intellectuels » n’ayant pas une pensée que l’on qualifierait, en Europe, d’ « humaniste ». C’est un cas extrêmement courant et une configuration de pensée très répandue.
Cette jalousie et cette frustration ont à n’en pas douter une double origine : l’impérialisme européen passé en Chine, et la puissance conservée par l’Europe aujourd’hui. Derrière ces sentiments se trouvent avant tout la perception d’une distance entre l’image que les Chinois ont de leur pays - de ce qu’il serait selon eux en droit d’être et d’avoir - , et l’état dans lequel il est resté depuis le milieu du 19e siècle et jusqu’à très récemment. L’Europe et les Européens ont certes une brillante culture, mais celle-ci reste néanmoins nécessairement une culture inférieure à la culture chinoise, comme toutes les autres. Or l’Europe réussit bien, elle est prestigieuse. Et c’est elle, avant les États-Unis, qui a ravi à la Chine la place qu’elle considère devoir lui revenir.
Par rapport aux États-Unis, envers lesquels la jalousie est décuplée, cette jalousie envers l’Europe reste cependant limitée, notamment du fait de l’importance prise par les États-Unis dans le monde et leur place dans la politique internationale, qui les met souvent en opposition voire en conflit avec la Chine. On débouche ainsi sur un intéressant paradoxe : ce sont les Européens avant tout qui ont dépecé la Chine, mais la puissance des États-Unis aujourd’hui fait que la frustration chinoise s’est en quelque sorte sublimée dans la volonté de la Chine de prendre une revanche sur le monde, et non plus sur les Européens.[13] De plus en plus, les États-Unis étant en travers de ce chemin-là, c’est sur ces derniers que le sentiment revanchard se porte plus clairement, au bénéfice d’une relation plus apaisée avec l’Europe. Nous partions des Européens, nous arrivons aux Étatsuniens : tous sont étrangers, pas tous les mêmes, mais quand même rangés dans la même catégorie de « gens de l’extérieur de pays », le fourre-tout qui distingue le soi de l’autre en évitant de distinguer l’autre de l’autre. Ce glissement du ressenti anti-européen vers le ressenti anti-américain est un changement de degré, mais aussi, quelque part, de paradigme : le sentiment anti-européen est sublimé, et consumé, par son transfert sur les Etats-Unis. Et pourtant, quel changement réel ? Dans les deux cas, on sent bien que c’est la puissance de l’autre, considérée à l’aune de celle qu’on l’on a pas, que l’on a plus, ou que l’on aura bientôt mais dont piaffe d’impatience d’en jouir à nouveau, qui détermine la gestion du passé traumatique. Gestion que l’on devrait laisser aux historiens - à supposer que ces derniers puissent travailler sans pression - et que le parti communiste chinois a capté pour en faire un superbe outil de socialisation politique.
Si les occasions ne manquent pas de rappeler aux Européens leur culpabilité, il y a en même temps une réelle volonté de la part de la Chine d’aller de l’avant avec notre Continent. Les reproches restent ainsi présents, comme on l’a vu avec la rétrocession de Hong-Kong : mais il ne s’agissait plus en 1997 que d’un « cocorico » nationaliste, d’un décorum idéologique obligé, d’une déclaration que la Chine ne pouvait pas ne pas faire, plutôt qu’une stratégie consciente pour obtenir d’ultimes concessions avant, par exemple, la conclusion des négociations pour son entrée à l’OMC.[14] Les intérêts géopolitiques globaux de la Chine conduisent cette dernière à atténuer de façon marquée cet argumentaire avec nous aujourd’hui. Il est probable que la tendance continue en ce sens, si l’Europe et les États-Unis d’après la guerre froide continuent de constituer des entités de plus en plus distinctes voire concurrentes dans le « bloc occidental » (notion à revisiter, par ailleurs).
Au niveau du « petit peuple », le sentiment revanchard ne semble guère aller très loin : on ne voit d’ailleurs pas comment il pourrait déboucher, chez le Chinois moyen, sur autre chose qu’un simple sentiment, en l’absence de pouvoir politique et des ressources que ce dernier confère. Ce sentiment revanchard varie beaucoup d’une personne à l’autre, et nombre de Chinois en semblent dépourvus, si l’on entend par ce « sentiment revanchard » une obsession, celle de voir la Chine « battre » l’Europe. Mais ce sentiment n’est pas loin non plus, et il est clair que la majorité des Chinois savourent les succès économiques de la Chine, ceux en tous cas qui les connaissent et en bénéficient, comme cette revanche que la Chine commence enfin à prendre sur le monde. La métamorphose économique de la Chine se traduit ainsi avant tout par une confiance en soi retrouvée, dont on a pu montrer, grâce aux développements qui précèdent, leur importance psychologique profonde. [15]
La question des investissements étrangers, qui financent désormais une part considérable de l’activité productive chinoise dans un pays où les capitaux propres manquent de façon parfois criante, fait sourire les Chinois : il y a un gâteau, vous venez vous servir, nous en bénéficions tous ; et, en fin de compte, c’est bien la Chine qui deviendra la première puissance économique du monde. Ils n’ont donc aucunement l’impression que la Chine serait en train de se vendre, voire de se « prostituer » pour obtenir des capitaux étrangers, ni même, fait nouveau, que la pénétration économique des étrangers serait une forme nouvelle d’impérialisme. La confiance retrouvée est indubitable, même si elle est fragile : une analyse rigoureuse des formidables menaces pesant sur l’économie chinoise donne un sens tout différent des risques encourus, et cette confiance pourrait bien basculer. Mais en attendant, aujourd’hui, une confiance absolue des Chinois « de base » quant à la capacité de la Chine à (re)devenir la première économie du monde est très largement répandue. Cette donnée nouvelle est essentielle, et l’on espère qu’elle va peu à peu permettre aux Chinois et à leurs dirigeants de réaliser ce qui devrait compter vraiment dans leur relation au monde.
Pour l’instant, il semble qu’on en soit encore loin. Pour ce qui est des hommes politiques, leur volonté de montrer au monde ce qu’est la Chine ne fait aucun doute, de 1949 à nos jours. L’obsession de rattraper l’Occident a déjà lancé la Chine de Mao, en 1958, dans le plus grand désastre humain que le pays ait connu au 20e siècle : né d’une analyse économique qui à l’époque pouvait paraître en partie rationnelle,[16] Mao fit sombrer la Chine dans le « Grand bond en avant » avec l’objectif affiché de rattraper puis de « dépasser l’Angleterre » en trois ans et les États-Unis en quinze ans. L’épouvantable catastrophe qui suivi saigna l’économie chinoise pendant sept années, coûta vraisemblablement, entre les morts directes et le déficit de naissance, l’équivalent de la population française de l’époque.
Plus récemment, le barrage des Trois Gorges peut être rattaché directement à cette même volonté de prendre une revanche sur un Occident coupable d’avoir rabaissé une Chine méritant de droit la première place. Aucun projet d’une telle ampleur n’a sans doute, dans le monde, été décidé avec autant d’opposition de tous horizons, contre l’avis des experts scientifiques, des environnementalistes, de stratèges militaires,[17] de cadres locaux et de députés nationaux - et ceci, dans un cadre politique totalitaire, ou du moins post-totalitaire.[18] Que le faramineux projet débouche sur un risque écologique et humain majeur pour un projet technique d’utilité globale limitée, de l’avis de nombreux spécialistes, n’est nullement une surprise en Chine : les dirigeants, depuis les phases préparatoires au lancement du projet ont entendu de nombreux experts en privé, tout en muselant les critiques publiques. Que l’envasement de l’immense réservoir, qui risque de faire perdre au barrage la moitié de ses capacités d’ici quinze ans, ait débuté avant même l’achèvement du barrage, était une estimation connue et annoncée par les ingénieurs et les observateurs experts. Pourtant, en dépit de sa folie et de son inutilité relative, le projet au coût astronomique a été adopté et conduit au forceps. Qu’est-ce qui pourrait expliquer la poursuite d’un projet dont l’irrationalité et les multiples dangers ont été amplement démontrés, sinon la volonté d’en remontrer à l’Occident avec le chantier « le plus vaste du monde » ?
Plus près de nous encore, l’insistance de Pékin à organiser les Jeux Olympiques depuis plus de dix ans, qu’elle organisera finalement dans trois ans en août 2008, et le formidable déploiement de vindicte nationaliste à l’égard des Occidentaux après le premier échec de Pékin en 1993, indique la part que prend, jusqu’à aujourd’hui, dans la décision politique chinoise, la nécessité de montrer au monde ce qu’est la Chine, ce que peut la Chine, ce que veut la Chine.
Confiance en soi, intérêt pour l’Europe, transferts de technologies
Comment peut-on résumer ces perceptions croisées du soi et de l’autre par les Chinois, et donc, en retour, ce qu’ils peuvent penser de nous, Européens ?
- L’importance généralisée d’un chauvinisme exacerbé en Chine ne fait aucun doute, l’existence de racisme, elle, étant très probable, mais peut-être pas plus qu’ailleurs aujourd’hui ;
- Quant à la xénophobie[19], elle a manifestement disparu, en tous cas dans sa forme générale et flagrante qu’elle prenait jusqu’au début du 20e siècle, et qui répondait en partie à l’impérialisme concomitant. La Chine, aujourd’hui, est engagée dans une coopération très étroite avec le monde, dont elle sait qu’elle tire grand bénéfice, et la présence étrangère en Chine n’est plus un problème « en soi », semble-t-il ; elle est vue au contraire comme source de capitaux, voire, dans certains cas, de témoignage contre le gouvernement ou le délitement de la stabilité sociale ; ce serait, si les années à venir le confirment de façon indéniable, un nouveau paradigme, qui représenterait un très grand changement dans l’histoire de la Chine ;
- Une volonté de revanche ? Certes, mais celle-ci n’est plus vraiment rattachée à l’entité géographique Europe ; la Chine ayant une ambition mondiale, c’est sur le monde qu’elle doit prendre sa revanche ; cette sublimation, aux sens presque chimique[20] , en tous cas psychanalytique[21] du terme, indique bien l’existence de deux problèmes distincts, l’impérialisme passé, et le chauvinisme chinois : « le monde », en effet, n’est pas responsable en tant que tel des cent cinquante ans de stagnation économique et politique chinoise ;
- Une confiance retrouvée ? La Chine souffrait d’être passée d’un tiers de l’économie du monde au début du XIXe à 4% à la fin de l’ère maoïste : elle n’avait pas besoin de savoir ces chiffres d’historiens de l’économie pour connaître au quotidien son affaiblissement durant cent cinquante années ayant été marquées, au même moment, par une profonde occidentalisation du monde. Ce que la Chine sait aujourd’hui, depuis peu d’ailleurs, c’est que ce n’est plus seulement la mondialisation qui influence la Chine ; désormais, la Chine influence la mondialisation, et ce, de façon accélérée. Il y a là un autre paradigme nouveau, dont on prend conscience depuis deux ans environ. Un nouveau suivra peut-être bientôt : une troisième phase dans la mondialisation où cette dernière se fera autour de la Chine, au rythme de la Chine.
Mais les revendications anciennes n’ont pas disparu pour autant, et elles légitiment tout à fait, aux yeux des Chinois, une volonté systématique d’obtenir le maximum de partenariats profitables, même si, par ailleurs, ces derniers sont ouverts sur un mode désormais sincère d’intérêt pour les échanges internationaux. Mais ceux-ci doivent apporter un maximum de bénéfices tout en supposant un minimum de contraintes. Cette phrase pourrait résumer l’essentiel de l’approche chinoise actuelle des relations internationales, tant économiques que politiques.[22]Les transferts de technologie sont, à ce titre, en train de devenir la question centrale, objet incessant du désir chinois tant chez les entrepreneurs que les hommes politiques. Ils représentent pour ces derniers une compensation légitime pour les agressions passées qui restent vécues sur le mode d’une superbe nationale bafouée. Or ces transferts de technologie sont effectivement capitaux pour l’économie chinoise : depuis 2000, plus de la moitié des exportations chinoises proviennent désormais d’une économie d’assemblage, dans laquelle la valeur ajoutée chinoise et la technologie nationale est limitée ; en conséquence de quoi, la Chine peut bien être l’atelier du monde sur certains segments, elle ne gagne jamais, pour l’instant, que les parts de marché auxquelles sa technologie et les délocalisations lui donnent accès. Elle ne pourra opérer des remontées de filière significatives et donc en gagner de nouvelles qu’à condition de se procurer les technologies étrangères qu’elle n’est pas encore en mesure de produire elle-même, du fait de la faiblesse de ses structures de R.&D. Le gouvernement chinois en est parfaitement conscient, et s’en cache de moins en moins dans ses négociations avec l’Europe, l’Inde, le Canada, les États-Unis...[23] Si elles vont aujourd’hui croissantes, les Occidentaux savent pourtant encore garder le meilleur pour eux, et tentent, pour l’instant avec un relatif succès, de se prémunir de transferts trop grands de technologie, qui, seuls, peuvent assurer à la Chine la place mondiale à laquelle elle prétend.
Confiance retrouvée, certes, mais l’économie chinoise, derrière les chiffres avancés par les quotidiens, reste grevée par des risques considérables : une extraordinaire tension sociale, un chômage urbain explosif, une croissance géographiquement déséquilibrée, le casse-tête des conglomérats d’États irréformables car promettant de mettre entre 20 et 100 millions de personnes au chômage, la quasi-faillite du système bancaire et la profusion des créances douteuses, le manque cruel de fonds propres pour développer l’économie, une situation calamiteuse de l’environnement[24] et, dernier mais non des moindres, l’incapacité de la Chine à gérer pacifiquement la crise du détroit de Taiwan.
Les Chinois sont peut-être en train de devenir un atelier du monde pour de nombreux produits de faible valeur ajoutée et de grande intensité en capital travail, mais ce secteur le plus dynamique de l’économie chinoise est en grande partie dépendant de l’étranger : des capitaux et des sociétés pour lesquelles on sous-traite, et la Chine ne peut que continuer à être demandeuse, face à l’Europe notamment, à une époque de l’histoire où, justement, les relations entre les deux sont apaisées. Les Chinois ont besoin plus que jamais des investisseurs étrangers, et, en dépit de leur superbe, le reconnaissent aujourd’hui de façon plus simple, et plus décomplexée. Ils se lancent aujourd’hui à l’assaut de l’Europe, et si, dans la mentalité populaire la France reste liée à la culture et aux parfums, à la mode et aux beaux paysages, là où « l’Allemagne, c’est les voitures et l’électroménager »,[25] les patrons chinois ont une vision largement plus informée. En début d’année 2005, une enquête menée en Chine auprès des dirigeants de 102 entreprises chinoises remarquées pour leur dynamisme à l’international montrait que, sur la moitié (48,4%) d’entre elles qui comptaient ouvrir une ou des filiale(s) à l’étranger au cours de prochains 24 mois, l’ordre de préférence en termes de destination s’établissait ainsi, pour les premières destinations : États-Unis, Allemagne, Grande-Bretagne, France et Russie. L’Europe et la France sont clairement, en vingt ans, apparues dans le paysage mental des Chinois comme une zone à surveiller particulièrement.
Les tendances actuelles à condamner la démocratie taiwanaise dans divers pays européens ne fait que flatter les Chinois, et apporte des bénéfices à court terme : le 5 avril 2005, lors de l’ouverture du 11e colloque économique franco-chinois, la vice premier Ministre chinoise félicitait la France de sa « compréhension » lors de l’affaire de la « loi anti-sécession » votée par la Chine dans le conflit du détroit. Mais que nous devions ou non encourager la crispation de la Chine sur une vision dépassée de la souveraineté, et dont les conséquences géopolitiques risquent d’être lourdes, est une vraie question. L’incapacité de la Chine à gérer la question de Taiwan autrement que par l’obsession nationaliste, par ailleurs basée sur une vision totalement recomposée de l’histoire ancienne,[26] de l’histoire récente et de la situation juridique exacte de Taiwan, fait que la question du détroit de Formose est bien aujourd’hui la plus dangereuse épine dans le pied de la Chine sur la voie de son insertion pleine et entière dans la société internationale. Il n’est pas sûr qu’il soit dans notre intérêt et dans l’intérêt de la Chine à long terme de l’encourager dans sa tendance à s’éloigner d’une résolution raisonnée du problème. Peut-être devrions-nous saisir la chance que représente une relation apaisée à la Chine pour dépasser le cadre de nos contrats et réfléchir à la stabilité du détroit, que la logique chinoise n’aide pas à résoudre.
Appendices
Notes
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[1]
Comme l’on sait, l’invention en revient à l’Europe des traités de Westphalie de 1648, au moment où celle-ci commence à se faire sentir aux marges de la Chine.
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[2]
A noter qu’en juillet 2008, à la veille des J.O. de Pékin, le South China Morning Post de Hong Kong rapportait que les autorités de Pékin auraient interdit l’accès des personnes de couleur de peau noire dans les bars de la capitale pendant les Jeux, ce que le gouvernement a démenti. Les raisons, si le fait est avéré, peuvent être nombreuses (craintes d’agressions racistes contre les Noirs par des Chinois éthylisés, ce qui témoignerait d’une perception du gouvernement du racisme des Chinois du peuple ; volonté de ne pas montrer de Noirs dans les bars alors fréquentés en masse par les Occidentaux, ce qui serait une manifestation d’un racisme officiel masqué ; croyance, pas totalement infondée semblerait-il d’ailleurs, que des Noirs - on parle souvent d’un réseau de Congolais - soient liés à des réseaux mafieux et ne profitent de la situation...). Quelles que soient les raisons, il est difficile de savoir la réalité, mais un tel rapport d’un quotidien pourtant nettement moins libre dans son expression depuis le retour de Hong Kong sous la souveraineté chinoise reste préoccupant (note ajoutée en 2008).
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[3]
Les guillemets se justifient en effet au sujet de cette expression que nous reprenons invariablement du chinois, sans jamais la questionner. En effet, nous le verrons plus bas, la violence physique et psychologique de l’agression occidentale n’explique pas à elle seule la profondeur du traumatisme chinois : il faut, également, prendre en compte la superbe culturelle et raciale qui constitue la psyché chinoise, qui accroît démesurément la violence du choc. L’expression « traités inégaux » en est une conséquence sémantique. A-t-on en effet jamais conçu de « traités égaux » mettant fin à une guerre où il y a un vainqueur et un vaincu ?
-
[4]
Depuis, on le sait, la problématique a changé, et les nationalistes ne sont plus au pouvoir à Taiwan. Ils étaient d’ailleurs à l’époque déjà dirigés par un réformateur taiwanais sensible à l’indépendance de Taiwan, Lee Teng-hui. (Note de 2008 : Lors des présidentielles du 22 mars 2008, le KMT est revenu au pouvoir à Taiwan).
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[5]
Son départ en 2000 de la direction du parti a préludé à la reprise en main du parti par sa faction conservatrice.
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[6]
Il est ici intéressant de citer des extraits d’un texte à multiples tiroirs écrit par Victor Hugo l’année suivante sur le sac du Palais d’Été, et dont la modernité est étonnante : « Il y avait, dans un coin du monde, une merveille du monde : cette merveille s’appelait le Palais d’Été. (…) Tout ce que peut enfanter l’imagination d’un peuple presque extrahumain était là. (…) [S]upposez en un mot une sorte d’éblouissante caverne de la fantaisie humaine ayant une figure de temple et de palais, c’était là ce monument. (…) Cette merveille a disparu. Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d’Été. (…) Nous Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous les Chinois sont les barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie. Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre. Mais je proteste, et je vous remercie de m’en donner l’occasion ! Les crimes de ceux qui mènent ne sont pas la faute de ceux qui sont menés ; les gouvernements sont quelques fois des bandits, les peuples jamais. L’Empire français a empoché la moitié de cette victoire et il étale aujourd’hui, avec une sorte de naïveté de propriétaire, le splendide bric-à-brac du Palais d’Été. J’espère qu’un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée, renverra ce butin à la Chine spoliée. » (Lettre au Capitaine Butler, Hauteville-House, Guernesey, 25 novembre 1861). De source diplomatique française, l’élément suivant pourrait être avantageusement rajouté. Au début des années 2000, lors de la visite d’un ministre chinois à Paris, et dans le cadre de la préparation des années croisées, le gouvernement français, sur l’idée de l’Élysée, avait fait savoir à Pékin que la France serait prête à lancer le chantier de la reconstruction du Palais d’Été. Le gouvernement chinois, probablement peu désireux de perdre cet outil politique de culpabilisation perpétuelle des Occidentaux, déclina la proposition.
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[7]
Bickers, Robert A., et Wasserstrom, Jeffrey N., « Shanghai’s « Dogs and Chinese Not Admitted » Sign : Legend, History and Contemporary Symbol », in The China Quarterly, n°142 (juin 1995), p. 444-466. Voilà dix ans que cet article a été écrit, mais inlassablement les guides continuent de ressasser ces mêmes mensonges. On peut parier que dans des années encore, l’idée restera fermement ancrée dans les croyances des Chinois. Ceci n’est pas sans faire penser à l’insistance, pour ne pas dire l’obsession, des Chinois à confirmer que l’on voit la muraille de Chine depuis la lune. Horreur, Yang Liwei, le premier « taïkonaute » chinois, avait confirmé qu’on ne la voyait pas depuis un orbite terrestre. Quel ne fut pas le plaisir de la Chine quand son successeur Leroy Chiao, en revenant de 6 mois sur la station internationale en 2005, indiqua qu’il l’avait vue. China Daily en fit une une avec photo à l’appui - China Daily, le quotidien officiel pour les étrangers... Reste qu’on ne sait toujours pas si elle est visible de la Lune elle-même, et le simple fait que l’idée ait pu être inventée sans preuve montre la valeur de l’idée : ce qu’elle révèle du nationalisme chinois.
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[8]
Ce que Hugo indique aussi, et à juste titre, en 1861, est que les Occidentaux de l’époque, pris collectivement, ne sont pas responsables non plus, et qu’il faudrait incriminer les dirigeants plutôt que les peuples.
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[9]
Discours du 21 septembre 1949 devant la Conférence Consultative Politique du Peuple Chinois, l’assemblée temporaire constituée avant la proclamation de la République populaire de Chine, le 1er octobre. Dans ce même discours, Mao Zedong rendait explicitement responsable du déclin de la Chine l’impérialisme étranger, sans une quelconque évocation de l’état économique et politique de l’empire nonobstant le colonialisme. Il déclare ainsi : « Les Chinois ont toujours été une grande nation, courageuse et industrieuse ; ce n’est que dans les temps modernes qu’elle est tombée dans l’arriération. Et ceci est dû entièrement [sic !] à l’oppression et à l’exploitation par l’impérialisme étranger et les gouvernements nationaux réactionnaires » [du Kuomintang, allié aux étrangers dans ses yeux ; il oubliait de mentionner que l’essentiel du travail de récupération des territoires en concession revenait précisément à ce gouvernement réactionnaire : celui du « Parti Nationaliste Chinois »... L’historiographie chinoise passe allègrement dessus depuis].
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[10]
Discours de proclamation, le 1er octobre 1949, du haut des murailles de la cité interdite face à la place Tienanmen, de la République populaire.
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[11]
Nous voulons ici parler de violence anti-chinoises, comme dans d’autres pays en Asie, et le type d’intégration que nous évoquons est une intégration que le modèle français considèrerait comme du communautarisme, les Chinois y voyant une façon de rester discrets. Pour la majorité des immigrants chinois de première génération, il n’est pas question de devenir citoyens du pays d’immigration et de perdre leur identification primordiale à la Chine, il s’agit simplement d’y atteindre rapidement un niveau de vie élevé de façon la plus discrète : tel est le sens que beaucoup donnent à l’ « intégration ».
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[12]
On peut se référer ici à l’ouvrage de Zheng Li-huan Dominique Desjeux et Anne-Sophie Boisard, Comment les Chinois voient les Européens, Paris, PUF, 2003, 148 p., avec le simple regret que ce travail, utile et informatif, sur les perceptions générales des Chinois urbains du sud de la Chine des sociétés européenne, soit basé sur un échantillon de 29 personnes, ce qui pose un certain problème de représentativité. On peut aussi regretter l’absence de regard critique sur les dimensions sensibles de la relation interculturelle, soigneusement évitées, telles que les ressentiments historiques ou les nationalismes croisés.
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[13]
Cela pouvait être encore vrai sous Mao Zedong. Comme nous le verrons plus bas, le « grand bond en avant » visait avant tout à « dépasser l’Angleterre », avant de rattraper les États-Unis.
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[14]
Ce que la Chine, par contre, sait très bien faire avec constance face au Japon, lui rappelant en toute occasion sa culpabilité depuis l’ouverture des relations diplomatiques dans les années soixante-dix, et avant tout chaque fois qu’il s’est agit de négocier des prêts de la part de Tokyo.
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[15]
Cette confiance affichée confine parfois à l’étalage infantile, tel que ce milliardaire chinois se faisant construire dans le grand Shanghai des bureaux dupliquant le Congrès américain. Le symbole est fort : l’argent confère le pouvoir, et si l’on ne peut disposer ainsi du pouvoir politique en Chine, on en aura au moins le symbole. Là encore, le symbole est américain...
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[16]
Jean-Luc Domenach, La Chine, t. 1, 1949-1971, Le Seuil, 1995, p. 161.
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[17]
Risques considérables sur les populations civiles en cas de bombardement du barrage.
-
[18]
La journaliste et activiste environnementale chinoise Dai Qing a bien documenté les méthodes déployées par le régime pour réprimer les oppositions, y compris au sein d’un Parlement réputé pour être une simple chambre d’enregistrement des décisions du pouvoir. Voir Dai Qing, Yangze! Yangze!, Earthscan, 1994 ou encore Barber, Margaret, et Rydder, Grainne, sous la dir. de, Damming the Three Gorges. What Dam Builders Don’t Want You to Know. Earthscan, 1993.
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[19]
On distingue « racisme » et « xénophobie », au sens où le premier postule la différence et l’inégalité des races et la seconde se « contente » d’être, bien que souvent liée au premier, un sentiment de peur, de rejet, et de méfiance face aux étrangers.
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[20]
Opération consistant à faire passer un corps directement de l’état solide à l’état gazeux sans passer par l’état liquide. On veut dire ici que la Chine modifie substantiellement la nature ou l’objet de son sentiment en « sautant » apparemment des étapes, le phénomène pouvant être cependant expliqué.
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[21]
« Mécanisme de défense visant à transformer et à orienter certains instincts ou sentiments vers des buts de valeur sociale ou affective plus élevée » (Psych. 1976 ; cité par le Trésor de la langue française) ; on insiste par cette métaphore psychanalytique sur la dimension mentale du processus ou du procédé, lié à une frustration transformée en volonté de revanche dans un réflexe de défense.
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[22]
Cette lecture est certes répandue dans le monde, et a bien été la nôtre en Europe, mais elle est désormais chez nous encadrée par les mises en communs de souveraineté entraînées par la construction de l’Europe.
-
[23]
Du fait de la situation géopolitique, il n’y a pas de négociation sur ce point avec Taiwan, mais la Chine dispose d’autres moyens pour opérer des transferts de technologie depuis les usines possédées par les hommes d’affaires taiwanais.
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[24]
Problème qu’on a du mal à admettre comme étant un indicateur numéro un de la dangerosité de la transition chinoise. Selon Libération, 5 mai 2006, p. 13, « La Chine a connu l’an passé environ 50 000 conflits dus à des problèmes environnementaux et craint qu’ils ne fassent peser une menace sur la stabilité sociale » (note de 2006).
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[25]
Voir « Les produits européens dans la vie quotidienne des Chinois », première partie de Comment les Chinois voient les Européens, op.cit., p. 17 et seq.
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[26]
Voir les parties portant sur l’historiographie, sa réécriture politique et les raisons de cette réécriture dans Corcuff, Stéphane « La question taiwanaise et l’emploi de l’arme nucléaire. Une possibilité limitée par le contexte politico-historique », in Godineau, Guillaume, dir. Le nucléaire dans son second âge, Paris : l’Harmattan (à paraître en 2009 ; note de 2008).
Pour continuer...
- Auteurs variés, Lettres édifiantes et curieuses écrites des missions étrangères. Nombreuses éditions, par exemple chez Noël-Etienne Sens et Auguste Gaude (Toulouse), 1810-1811 : vol. 16 à 24, Mémoires de la Chine et vol. 25 & 26, Mémoires des Indes et de la Chine. Perceptions occidentales de la Chine par des missionnaires présents sur le terrain, fin XVIIe - fin XVIIIe.
- Bo, Yang, The Ugly Chinaman and the Crisis of Chinese Culture, Allen and Unwin, 1992 (ou sa version chinoise, plus complète : 醜陋的中國人,星光,1992). Critique radicale, par un Chinois du Continent ayant suivi les Nationalistes à Taiwan, militant des droits de l’homme et de la démocratie, sur la culture chinoise.
- Bergère, Marie-Claire, Bianco, Lucien et Domes, Jürgen, dir., La Chine au XXesiècle, Fayard, 1989 (t. 1) et 1990 (t. 2). Analyse historique de la Chine républicaine et communiste sous les angles politiques, économiques, sociaux, les artes et la culture, les mouvements sociaux.
- Cabestan, Jean-Pierre, Vermander, Benoît, La Chine en quête de ses frontières, Presses de Sciences-Po, 2005. Analyse de la crispation de la Chine sur la question taiwanaise.
- Dikötter, Frank, The discourse of Race in Modern China, Stanford, 1992. Étude universitaire sur les discours raciaux chinois, de la Chine classique à la République.
- Domenach, Jean-Luc & Richer, Philippe, La Chine, Imprimerie Nationale, 1987. Histoire détaillée de la Chine populaire de 1949 aux années quatre-vingt, une référence.
- Gernet, Jacques, L’intelligence de la Chine, Gallimard, 1994. Études sur la culture et la philosophie de la Chine classique.
- Gernet, Jacques, Le monde chinois, Armand Colin, 1972. Le plus grand ouvrage en français sur la Chine ancienne et moderne, jusqu’à la chute de l’Empire.
- Gipouloux, François, La Chine du 21esiècle, une nouvelle superpuissance ? Armand Colin, 2006. Analyse détaillée des réformes depuis 1978, des structures du développement économique chinois et des faiblesses de l’économie chinoise actuelle.
- Gurr, Ted Why Men Rebel, Princeton, 1971. Ouvrage couronné qui porte sur l’analyse des facteurs de frustration et leur passage ou non à la révolte.
- Izraelewicz, Erik, Quand la Chine change le monde, Grasset, 2005. Analyse très informée et rigoureuse, bien que d’un non spécialiste et non dénuée d’erreurs, de l’émergence mondiale de l’économie chinoise. Lecture très utile pour le public non spécialiste.
- Sévillia, Jean, Historiquement correct. Pour en finir avec le passé unique, Perrin, 2003. Le titre se suffit à lui-même...
- Terrill, Ross, The New Chinese Empire, Basic Books, 2003. Une analyse américaine typique de l’approche sino-dubitative, voire sino-anxieuse, par un très bon spécialiste.