Abstracts
Résumé
Dans cet article, nous analysons le rôle des croyances religieuses dans le cadre du programme des droits sexuels et reproductifs en Argentine. Pour ce faire, nous présentons les résultats d’une enquête d’opinion publique réalisée en 2021 en Argentine dans le but d’identifier les représentations et les imaginaires en place qui articulent religion, politique et avortement. Les résultats révèlent des processus de sécularisation et de laïcité où coexistent des dynamiques complexes de recouvrement entre la présence publique historique des institutions religieuses et l’avènement d’une société plus diverse et plurielle où les individus bénéficient d’une plus grande autonomie dans la définition de leurs choix de vie.
Mots-clés :
- droits sexuels et reproductifs,
- avortement,
- laïcité,
- religion,
- Argentine
Abstract
In this article, we analyze the role of religious beliefs within the framework of sexual and reproductive rights programs in Argentina. We begin by presenting the results from a public opinion survey conducted in Argentina in 2021 in order to identify the prevailing representations and understandings of the ways in which religion, politics and abortion intersect. These results reveal processes of secularization and the complex dynamics that exist between the historically public presence of religious institutions and the emergence of a more diverse and pluralistic society where individuals enjoy greater autonomy in defining their life choices.
Keywords:
- Sexual and reproductive rights,
- abortion,
- secularism,
- religion,
- Argentina
Resumen
El artículo analiza el papel de las creencias religiosas en relación con la agenda de los derechos sexuales y reproductivos en Argentina. Para ello, presenta los resultados de una encuesta de opinión pública realizada en 2021 en Argentina con el propósito de identificar las representaciones e imaginarios existentes que articulan la religión, la política y el aborto. Los resultados dan cuenta de procesos de secularización y de laicidad donde cohabitan dinámicas complejas de solapamiento entre la histórica presencia pública de las instituciones religiosas y el advenimiento de una sociedad más diversa y plural que supone una mayor autonomización de las personas en la definición de sus elecciones de vida.
Palabras clave:
- Derechos sexuales y reproductivos,
- aborto,
- laicidad,
- religión,
- Argentina
Article body
1. introduction
En Argentine, depuis janvier 2021, la loi 27.610 réglemente l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVE selon son sigle en espagnol). Elle prévoit le droit des femmes et des « personnes de différentes identités de genre susceptibles de devenir enceintes » à l’interruption volontaire de grossesse jusqu’à la 14e semaine (incluse) du processus de gestation. Le projet de loi a été rédigé par la Campagne nationale pour le droit à l’avortement libre, légal, sûr et gratuit, et présenté en novembre 2020 par le président Alberto Fernández qui, lors de sa campagne électorale, avait fait preuve de sa volonté politique de faire avancer le programme du mouvement féministe et le projet de loi IVE de la Campagne nationale.
Jusqu’à l’adoption de la loi sur l’avortement en 1921, le Code pénal argentin reconnaissait certaines raisons qui rendaient l’avortement non punissable : le risque pour la vie ou la santé de la femme enceinte, et la grossesse résultant d’un viol. Pendant des décennies, cependant, l’avortement volontaire en Argentine a subi un processus de criminalisation, de réduction au silence et de condamnation sociale qui l’a placé à la périphérie des institutions et de la vie privée, bien qu’il ait toujours fait partie du répertoire des pratiques répandues au sein de la société (Romero, 2017). Les barrières à l’accès à l’avortement s’inscrivent dans un contexte patriarcal qui imprègne les institutions, les réglementations et les discours dominants sur le corps des femmes ainsi que sur les femmes enceintes en tant que reproductrices et dispensatrices de soins par nature (Kumar, Hessini et Mitchell, 2009). La persistance de ces pratiques d’obstruction dans les établissements médicaux et les tribunaux a contribué à perpétuer dans l’esprit du grand public et des professionnel·e·s de la santé l’idée que l’avortement est illégal et doit être moralement condamné, et a conduit à la stigmatisation de l’avortement (Zamberlin, 2015). Par conséquent, ce qui aurait dû être considéré comme un droit à un soin médical est devenu une anomalie ou un événement exceptionnel, qui fait l’objet d’un jugement moral et auquel on accède après avoir franchi toute sorte d’obstacles (Drovetta, 2015).
La question de la réglementation de l’avortement témoigne des liens complexes entre le religieux et le politique dans les sociétés contemporaines. Dans des pays comme l’Argentine, ainsi que dans la plupart des régions où une grande majorité de la population s’identifie à la religion catholique et/ou se considère comme croyante, ce débat nous offre la possibilité d’observer un éventail de construits et d’imaginaires concernant le rôle des croyances religieuses dans le programme des droits sexuels et reproductifs, qui est l’objectif principal de cet article. Pour ce faire, nous allons d’abord restituer les positions publiques de la société civile sur la question de l’avortement : celle du mouvement féministe et celle de l’activisme « pro-vie ». Ces secteurs, que des liens antagoniques unissent, mettent en évidence différentes caractérisations de l’articulation entre le religieux et le politique. Dans un deuxième temps, nous présenterons les résultats d’une enquête d’opinion réalisée en 2021 en Argentine, dans le but d’identifier les représentations et les imaginaires en place qui articulent le religieux, le politique et l’avortement. Trois dimensions ou configurations principales seront proposées à l’analyse : la laïcité de l’État, la légalité de l’avortement et la compatibilité entre le fait d’être un·e bon·ne croyant·e et une série de décisions controversées aux yeux des institutions religieuses prédominantes.
Notre analyse de la relation entre religion, politique et avortement en Argentine part du principe que la criminalisation de l’avortement volontaire a été soutenue dans une large mesure par les accords et les pactes entre l’État et l’Église catholique, qui caractérisent l’histoire du pays à différents égards. Bien que le processus de laïcisation de l’État se soit intensifié à la fin du xixe siècle en raison des lois restreignant le rôle des autorités ecclésiastiques[1], la plus grande partie du xxe siècle a été dominée par des dictatures militaires qui, au contraire, ont accru le poids du pouvoir ecclésiastique. L’influence de la hiérarchie catholique sur le droit et les politiques publiques a fait de la réglementation de la sexualité et de la reproduction un des enjeux les plus importants. Des sujets tels que le divorce, l’éducation sexuelle, l’accès aux contraceptifs et même la validité des raisons acceptées pour avorter volontairement ont dû attendre le début de la restauration démocratique des années 1980 avant de pouvoir être débattus et considérés comme légitimes.
La consolidation démocratique a également ravivé les discussions sur les liens entre l’État et l’Église. Ces débats ont accompagné, dans une large mesure, l’entrée des droits sexuels et reproductifs dans l’arène publique (Gudiño Bessone, 2017). Bien qu’il y ait des points de continuité — comme le soutien de l’État au culte catholique et le statut privilégié de l’Église catholique en tant que personne de droit public — qui laissent entrevoir les limites de la laïcité existant encore aujourd’hui, certaines réformes législatives ont restreint la portée de l’influence de la hiérarchie catholique sur la légitimité de l’ordre sexuel, en particulier au début du xxie siècle. Malgré la forte résistance des milieux catholiques, ces réformes ont entraîné un changement de paradigme dans l’articulation entre l’État et la sexualité : la loi sur la santé sexuelle et la procréation responsable (2003) ; la loi sur l’éducation sexuelle intégrale (2006) ; l’approbation du mariage pour tous — qui inclut l’adoption d’enfants par des personnes de même sexe — (2010) ; et la légalisation de l’identité de genre selon l’expérience intérieure et personnelle que chaque personne a de son genre (2012).
Les formes de régulation de l’avortement ont également provoqué un débat intense sur les rapports entre l’Église catholique et l’État. Bien que l’Argentine ait une longue histoire de lutte pour l’avortement en raison de la mobilisation féministe et féminine qui a pris un nouvel essor après la transition démocratique (Tarducci, 2018), ce n’est qu’en 2021 que le cadre légal a été modifié pour faire la transition depuis un système de criminalisation vers un système de légalisation. Alors que la bannière de la défense de la vie dès la conception était brandie par la hiérarchie catholique et fortement soutenue par différents secteurs religieux et non religieux, le Parlement argentin a adopté fin 2020 la loi IVE susmentionnée, qui reconnaît l’avortement comme un droit pour les femmes et les « personnes enceintes », et oblige l’État à garantir l’accès à l’avortement dans tous les services publics et privés de santé et dans la sécurité sociale.
2. campagnes en conflit. l’avortement : un crime ou un droit
Comme dans la plupart des pays, le débat public sur l’avortement en Argentine est très divisé. Alors que toutes les instances visant à promouvoir la reconnaissance des politiques publiques ou des changements juridiques autour des manières traditionnelles de concevoir la sexualité, la famille, l’autonomie corporelle ou la liberté sexuelle ont mobilisé des secteurs pour et contre, c’est en 2018 — à la suite du débat déclenché par la présentation de la loi IVE — que la polarisation sociale est devenue plus visible. Pendant cette année, on a pu assister à la formation de deux blocs antagonistes, qui ont utilisé des arguments juridiques, moraux et scientifiques pour défendre des imaginaires contradictoires et inconciliables sur la réglementation de l’interruption volontaire de grossesse. D’une part, nous trouvons une position qui criminalise l’avortement et refuse donc la possibilité de l’avortement volontaire. Cette position soutient que la vie commence à la conception et que, par conséquent, tout système juridique qui ne criminalise pas l’avortement est injuste et illégitime. Le camp opposé, par contre, considère l’accès volontaire à l’avortement comme un droit qui doit être garanti par la loi et respecté par l’État à travers les politiques publiques. De ce point de vue, la criminalisation de l’avortement est considérée comme l’une des nombreuses manifestations d’un système patriarcal qui limite les choix des femmes et des personnes enceintes en général.
Nous présentons ci-dessous une brève description des deux principaux groupes d’opinion qui sont apparus sur la scène publique lors de la controverse sur l’avortement en Argentine : a) la Campagne nationale pour le droit à un avortement sûr, légal et gratuit, dont l’objectif principal est de légaliser l’avortement volontaire en reconnaissant le droit à décider de façon autonome, et b) l’activisme pro-vie, qui considère que le système de criminalisation et de pénalisation doit être maintenu comme étant le seul moyen de défendre le droit des personnes pas encore nées.
Le choix de ces deux blocs antagonistes n’est pas le fruit du hasard. Les données de l’enquête d’opinion publique sur la religion, la politique et l’avortement — que nous présenterons dans la section suivante — nous indiquent que nous nous trouvons face à des imaginaires en tension. Lorsqu’on demande aux gens de donner leur avis sur le mouvement féministe et les secteurs pro-vie, les notes positives pour les deux groupes sont égales (36,6 % ont une bonne ou très bonne opinion du mouvement féministe, tandis que 35,4 % ont une perception positive des secteurs pro-vie). En ce qui concerne les notes négatives (mauvaises ou très mauvaises), on constate un rejet plus important, quoique modéré, vis-à-vis des secteurs pro-vie (40,6 % en ont une mauvaise ou très mauvaise opinion, contre 35 % qui ont une mauvaise ou très mauvaise opinion du mouvement féministe). Comme nous le verrons plus en détail dans notre analyse des données empiriques, la façon dont les deux secteurs ont construit leurs arguments et leurs discours sur la sexualité et la procréation a imprégné l’opinion et les attitudes de la population, bien qu’avec des nuances qui reflètent l’avancée d’un processus de sécularisation morale et d’autonomie concernant ces questions.
2.1 La Campagne nationale pour le droit à l’avortement légal, sûr et gratuit
L’Argentine a une longue histoire de mobilisation sociale autour des droits des femmes, des diversités sexuelles et des droits sexuels et reproductifs (Barrancos, 2007, 2008 ; Di Marco, 2011 ; Tarducci, 2017, 2018). La lutte pour l’avortement légal, en particulier, a toujours été au coeur du mouvement féminin et du mouvement féministe en Argentine, contribuant aux débats sur la sexualité, la maternité, les rôles de genre et leurs fondements idéologiques (Tabbush et al., 2016).
Depuis la transition vers la démocratie dans les années 1980, le mouvement des femmes a créé des stratégies de lutte pour faire de l’avortement une question de santé publique et de droits de l’homme, accompagnée de politiques publiques et de lois particulières pour soutenir sa pratique. Dans les années 1990, le contexte néolibéral et la réforme constitutionnelle de 1994, qui visait à inclure une clause sur la « défense de la vie humaine dès la conception »[2], ont déclenché la multiplication des groupes de femmes qui ont rejoint la lutte pour le droit à l’avortement. La Conférence internationale sur la population et le développement (1994) — où l’État argentin a maintenu une position alignée sur celle de l’Église catholique — et la Conférence mondiale sur les femmes (1995) ont créé un contexte qui a favorisé la création du Forum pour les droits en matière de procréation et du groupe de Femmes autoconvoquées pour décider en toute liberté (MADEL, selon son sigle en espagnol). Ce groupe réunissait le Forum pour les droits en matière de procréation et la Commission pour le droit à l’avortement, parmi d’autres organisations syndicales, sociales et politiques qui soutenaient la lutte pour les droits sexuels et reproductifs (Tarducci, 2018 ; Gutiérrez et al., 2000). L’organisation sociale autour de la lutte pour l’avortement légal a pris forme dans les Rencontres nationales des femmes qui, depuis 1986, sont un espace fédéral autoconvoqué et autogéré en Argentine où une centaine de femmes et d’organisations sociales se réunissent pour débattre du programme politique féministe.
Depuis 2005, la Campagne nationale pour le droit à l’avortement légal, sûr et gratuit est le principal référent de la mobilisation pour l’accès à l’avortement en Argentine. Il s’agit d’une coalition fédérale de plus de cinq cents organisations et personnalités publiques qui mènent des actions de plaidoyer politique pour la légalisation de l’avortement. Le slogan de la Campagne nationale « éducation sexuelle pour décider, contraceptifs pour ne pas avorter, avortement légal pour ne pas mourir » a installé à l’ordre du jour politique et social un enjeu qui était encore en marge du débat. À partir de 2015, avec le premier appel massif du Collectif « Ni Una Menos » exigeant des mesures contre les féminicides et les violences fondées sur le genre de la part de l’État, la Campagne nationale pour le droit à l’avortement a gagné en reconnaissance et en adhésions massives. En 2018, la possibilité de délibérer et voter le projet de loi IVE — rédigé par la Campagne nationale — au Congrès a déclenché le mouvement appelé « Ola verde » (la vague verte) et généré une mobilisation massive dont les foulards verts distinctifs sont devenus le symbole du combat pour le droit à l’avortement légal dans le monde. Bien que le projet de loi n’ait pas obtenu de majorité au Sénat (après avoir été approuvé par la Chambre des députés), l’ampleur du mouvement a installé la lutte pour l’avortement légal à l’ordre du jour politique. Enfin, la proposition de loi a été adoptée par le Congrès en décembre 2020, à la faveur d’un exercice de plaidoyer politique du mouvement féministe au cours duquel le droit à l’avortement a émergé sur la scène publique et politique et a été transposé dans la sphère législative, encadrant la discussion de ce droit dans le processus d’expansion des réglementations liées au droit à décider.
La mobilisation sociale pour le droit à l’avortement a permis d’obtenir des changements politiques qui ont étendu les droits sexuels et reproductifs des femmes et des personnes enceintes. De nouvelles formes de mobilisation sociale et de stratégies de pression politique qui ont dépassé les frontières argentines ont été mises en oeuvre (Bellucci, 2014 ; Brown, 2017). La revendication de la légalisation de l’avortement en tant que « dette de la démocratie » (Sutton et Borland, 2017) a été utilisée de manière stratégique pour inscrire l’avortement dans le cadre du droit national et international et favoriser les alliances avec les organisations de défense des droits de l’homme. Elle a permis aussi une approche à la fois large et spécifique en incluant aussi bien les arguments féministes que ceux liés à la santé publique et a repris un discours largement utilisé en Argentine. En même temps, cette stratégie a contesté la légitimité des secteurs défendant le droit à la vie dès la conception en utilisant ce même cadre de discussion (Felitti, 2021 ; Felitti et Prieto, 2018).
Le poids politique de la religion est, en général, l’un des principaux obstacles à la lutte pour la légalisation de l’avortement. Il n’est donc pas surprenant que la Campagne pour un avortement légal, sûr et gratuit soit caractérisée par son anticléricalisme ; en particulier, par sa position contre l’influence politique de la hiérarchie catholique sur les différents gouvernements, notamment en matière de santé sexuelle et reproductive. Ce positionnement, qui s’exprime dans le rôle joué par la Campagne en particulier et le féminisme en général, a influencé les stratégies d’approfondissement de la laïcité et les analyses sur la séparation, jugée insuffisante, entre la religion et la politique. Comme cela a été le cas lors du débat sur le mariage égalitaire — nom en espagnol du mariage pour tous — en 2010 (Pecheny et al., 2016), la mobilisation sociale en faveur de l’avortement légal a également été fortement appuyée par des personnes qui, tout en se reconnaissant proches de certaines Églises évangéliques et de la religion catholique, ont pris leurs distances des commandements moraux ou ont mis en avant les valeurs liées à l’amour des autres, à la solidarité et à la liberté de conscience afin de soutenir ces réglementations (Feletti et Ramirez Morales, 2020).
Même si la laïcité est un horizon normatif partagé par l’activisme féministe, on trouve également la problématisation d’une identité féministe, religieuse et/ou spirituelle, qui converge avec la quête de séparation entre l’Église et l’État (Felitti et Prieto, 2018). En effet, l’organisation Católicas por el Derecho a Decidir (Catholiques pour le droit à décider), l’une des créatrices du célèbre foulard vert, a mis en circulation une appropriation dissidente qui permet d’amalgamer les croyances religieuses et une position en faveur de la légalisation de l’avortement. Outre les demandes d’approfondissement de la laïcité de l’État, cette organisation se mobilise pour contester le monopole de la hiérarchie catholique en matière d’interprétation des questions de morale sexuelle. Católicas por el Derecho a Decidir, ainsi que des secteurs et des Églises d’autres traditions religieuses, remettent en question la revendication d’une perspective chrétienne univoque, arguant que le regard religieux devrait tenir compte des réalités des femmes qui meurent à la suite d’avortements clandestins : si le dogme chrétien prône la compassion, alors les femmes qui décident d’avorter dans des contextes de profondes inégalités sociales ne devraient pas être criminalisées (Dulbecco, Cunial et Jones, 2021). La centralité de la laïcité a pu être observée lors des débats parlementaires de 2018 et 2020, dont notamment l’accroissement de la présence du discours laïque — déjà existant dans le traitement d’autres lois liées à l’autonomie du corps et la liberté sexuelle —, et la multiplication du soutien aux campagnes déjà existantes en faveur de l’État laïque dans les espaces féministes (Felitti et Prieto, 2018).
2.2 L’activisme pro-vie
Au fur et à mesure que la mobilisation féministe progressait, l’activisme conservateur en faveur de la défense de la vie dès la conception en tant que valeur universelle s’est consolidé. Tandis que la hiérarchie catholique continuait à chercher à influencer les décisions de l’État, différents secteurs (religieux et autres) se sont alliés à elle pour résister à la demande de décriminaliser l’avortement. Comme dans d’autres pays, la formation de l’activisme pro-vie en Argentine doit être interprétée comme un phénomène transnational, car, malgré ses particularités, il répond aux leçons apprises dans d’autres contextes, et les canalise. En particulier, la réaction à la libéralisation de l’avortement aux États-Unis, lors de l’arrêt Roe c. Wade (1973), a eu des effets directs grâce au rôle d’institutions telles que Human Life International (HLI).
Depuis le rétablissement de la démocratie et l’apparition des premières ONG, dont la seule mission était d’empêcher la décriminalisation de l’avortement, l’activisme pro-vie argentin est devenu plus complexe[3]. À la défense de la vie s’est ajoutée la défense de la famille, et l’opposition à l’avortement s’est inscrite dans un cadre beaucoup plus large d’opposition aux droits sexuels et reproductifs en général. Notamment, le débat puis l’approbation du mariage pour les couples du même sexe en 2010 marquent un tournant qui a conduit à la création de nouvelles organisations de défense de la famille (Morán Faúndes, 2015), qui font également partie de l’activisme pro-vie actuel. Un autre changement important est l’entrée en force des jeunes dans la lutte en faveur de la criminalisation de l’avortement, dont témoignent leurs actions sur les réseaux sociaux et les environnements numériques[4]. Sans renoncer aux formes plus traditionnelles, on observe une intensification du cyberactivisme conservateur qui, entre autres, « capture et recadre les significations que les mouvements féministes ont mises en circulation publiquement » (Sgro Ruata, 2021).
Le débat sur l’IVE en 2018 a mis en évidence le renforcement des stratégies de communication et de participation publique de l’activisme pro-vie. Outre les alliés traditionnels au sein des Églises catholiques et évangéliques, des médias et des porte-paroles qui occupent une place importante sur les réseaux sociaux ont rejoint la discussion. Le débat a également révélé le complexe réseau d’arguments de la position antiavortement : sans abandonner les raisons morales ou religieuses, l’activisme pro-vie privilégie stratégiquement les arguments séculiers. Le domaine de la loi est notamment devenu la scène principale où les activistes essayent de défendre un ordre moral jugé en crise, ainsi que de poursuivre l’objectif moins explicite de rechristianiser l’ordre social (Vaggione, 2020).
Dès le début, l’activisme pro-vie s’est tourné vers le pouvoir judiciaire en tant que l’une des principales instances susceptibles d’interdire l’avortement. L’utilisation tactique du contentieux en tant qu’outil politique s’est concentrée sur plusieurs questions, entre autres : le classement de la contraception d’urgence comme méthode abortive ; la protection de la famille contre des lois sur l’éducation sexuelle et/ou l’accès aux contraceptifs ; la contestation des protocoles qui réglementent la pratique de l’avortement dans les cas autorisés par la loi, etc. Ainsi, les voies ouvertes par la consolidation démocratique sont également utilisées par les secteurs qui défendent une conception restrictive de l’avortement et un ordre sexuel hiérarchisé en fonction de la famille traditionnelle et du potentiel reproductif de l’acte sexuel.
L’activisme pro-vie a également orienté ses actions vers le pouvoir législatif pour atteindre plusieurs objectifs, allant de la création de cadres juridiques protégeant « la vie de l’enfant à naître » à la résistance aux projets de loi visant à décriminaliser l’avortement. Lorsque le projet de loi IVE susmentionné a été présenté au Parlement, différents secteurs pro-vie se sont fortement mobilisés. Bien que cet activisme soit hétérogène, l’une des premières décisions a été de centraliser la campagne contre le projet de loi. Environ 150 organisations d’envergure nationale et territoriale, y compris — entre autres — des organisations de jeunes, de femmes, de professionnel·le·s et d’universitaires, se sont réunies sous la bannière de « Unidad ProVida » (Unité pro-vie), où des groupes catholiques, évangéliques et laïques se sont rassemblés pour coordonner leurs efforts contre le projet de loi[5]. Outre les témoignages d’experts au cours du débat parlementaire et le lobbying auprès des législateurs, au moins six « marches pour la vie » ont été organisées (la première, en septembre 2017, avait pour but de « rendre visible le fait que l’Argentine défend la vie, de la conception à la mort naturelle »[6]). Ces marches ont notamment mis en avant le slogan « Sauver les deux vies », créé par le Frente Joven et l’utilisation du foulard bleu ciel — inspiré des couleurs du drapeau argentin — comme symbole opposé au foulard vert de la Campagne nationale pour le droit à l’avortement légal.
Le débat sur l’avortement en Argentine a révélé la complexité argumentative et symbolique des acteurs en conflit, ainsi que leur capacité à mobiliser différents secteurs sociaux dans les principales régions du pays. Bien que l’activisme pro-vie acquière ses caractéristiques en fonction des contextes particuliers, il fait partie, comme indiqué précédemment, d’un phénomène transnational qui transparaît dans les campagnes, les arguments et les acteurs.
Une dimension importante de l’activisme pro-vie, également révélée au cours du débat sur la loi IVE, est sa relation complexe avec la religion. En Argentine, comme dans le reste des pays de la région, cet activisme est fortement imprégné par la religion, et ce, de différentes manières. La création des ONG pro-vie est marquée, du moins au début, par une forte empreinte catholique qui se retrouve jusque dans les noms choisis par les organisations (un exemple en est l’association Portal de Belén qui, depuis le début des années 1990, est à la tête de la défense de la vie dès la conception). Cette empreinte se retrouve également dans les principaux arguments utilisés pour s’opposer à l’avortement (Vaggione, 2020). Les secteurs pro-vie défendent une morale universelle selon laquelle la légitimité et la légalité des modes de régulation de la sexualité doivent être liées à son potentiel reproductif, conformément à la doctrine catholique officielle.
Néanmoins, l’activisme pro-vie a connu d’importants changements qui rendent cette empreinte catholique plus complexe. En premier lieu, la présence de plus en plus importante de groupes évangéliques se mobilisant contre les droits sexuels et reproductifs a généré un oecuménisme inclusif de l’activisme antiavortement (Morán Faundes, 2015). Des secteurs conservateurs des deux traditions religieuses collaborent à la défense d’une morale sexuelle unique et à la résistance au féminisme, qu’ils considèrent comme un danger pour la liberté religieuse (Vaggione, 2020). L’incorporation de ces secteurs évangéliques a augmenté la présence dans les rues des manifestations contre l’avortement. En particulier, la, ainsi appelée, « marche bleu ciel » ou « marche pour la vie » mobilise une majorité de chrétiens, tant catholiques qu’évangéliques, pour défendre une vision partagée du monde (Rebón et Gamallo, 2021).
Deuxièmement, l’activisme pro-vie n’est pas simplement un phénomène religieux, au contraire, il dépasse (ou déborde) les limites entre le religieux et le séculier (Vaggione, 2020). On assiste à un processus de perte de centralité et/ou de désidentification par rapport à la religion (Morán Faúndes, 2015). Bien que de nombreux arguments utilisés soient liés aux circuits de production et de circulation de connaissances des institutions vaticanes, des universités catholiques et des organisations confessionnelles, ces arguments ne peuvent pas être réduits à la religion. L’activisme pro-vie privilégie au contraire des arguments scientifiques, juridiques et éthiques qui excèdent le champ religieux et peuvent être considérés comme faisant partie d’un processus de sécularisation du conservatisme moral ou de sécularisme stratégique (Vaggione, 2005). En fait, la mise en oeuvre des arguments médicaux et juridiques de la bioéthique s’est avérée être le point central du langage politique des groupes pro-vie lors du débat sur la loi IVE qui a débuté en 2018 (Gudiño Bessone, 2017). Un autre exemple de son impact dans la région est la centralité publique acquise par la lutte contre « l’idéologie de genre » en tant que terme générique regroupant les demandes en matière de droits sexuels et reproductifs. Bien que ce néologisme trouve son origine dans le camp catholique, il est instrumentalisé par divers acteurs et fait même partie des propositions programmatiques des partis de droite de la région (Vaggione et Morán Faúndes, 2021).
En bref, la politisation du religieux par les activistes pro-vie prend des formes complexes. D’une part, les institutions et les croyances religieuses sont essentielles pour comprendre l’élaboration de leur programme politique et la mobilisation des différents secteurs sociaux. Ce qu’ils et elles défendent, ce qu’ils et elles construisent face au péril, c’est une vision morale du monde, une manière d’habiter le monde, ancrée dans le christianisme. D’autre part, l’activisme tend à opérer dans le cadre de circuits démocratiques, par le biais d’arguments séculiers et sans nécessairement faire appel publiquement (c’est du moins le cas pour certains secteurs) au religieux. Ainsi, l’activisme pro-vie axe ses stratégies sur celles que l’on pourrait considérer comme les règles du jeu de la laïcité.
3. attitudes des citoyen·ne·s à l’égard de la sexualité, de la reproduction, de la politique et de la religion
Après la description des campagnes pour et contre la décriminalisation de l’avortement, dans cette section nous analyserons les opinions et les attitudes des citoyen·ne·s à l’égard de la réglementation de la sexualité et de la reproduction, en mettant l’accent sur les légitimations attribuées à l’État, aux individus et aux religions dans ce domaine. Cette démarche analytique nous permettra de découvrir les représentations sociales qui prédominent en fonction de deux axes qui communiquent entre eux : religion et sexualité, d’une part, et religion et politique, d’autre part. Nous aborderons ainsi les discussions conceptuelles autour de la sécularisation et de la laïcité en tant que cadre d’interprétation.
Alors que nous avons précédemment passé en revue les activismes mobilisés publiquement, nous souhaitons ici comprendre la construction d’imaginaires sur le plan sociétal en relation avec des questions brûlantes dans le débat public telles que l’avortement, le financement public des institutions religieuses, l’influence des chefs religieux sur le vote, l’influence des croyances religieuses sur les décisions publiques des législateurs, la conduite à suivre par les professionnel·e·s de la santé dans la pratique de l’avortement, etc. Nous souhaitons analyser non seulement les positions des citoyen·ne·s sur chacun de ces sujets, mais aussi la façon dont la religion joue un rôle dans la configuration de cet ensemble de réponses. Les imaginaires sociaux étant traversés et imprégnés de valeurs religieuses, nous évaluerons dans quelle mesure l’importance de la religion dans la vie des gens conditionne les opinions des individus.
Analyser les opinions et les attitudes des citoyen·ne·s en matière de sexualité en fonction de leurs croyances religieuses et décortiquer l’influence de ces dernières sur les premières nous plonge dans les débats sur la sécularisation. Au-delà de la nature polysémique du concept, la sécularisation est un processus de différenciation fonctionnelle dans les sociétés occidentales modernes, qui explique que la religion ait été écartée de son ancienne fonction de régulation de la vie sociale (Weber, 1984 ; Berger, 1999). Les délais, la forme et la configuration de ce processus varient en fonction des particularités historiques, culturelles, juridiques et politiques de chaque société. Il ne s’agit pas d’une évolution linéaire et normative, mais d’une identification du rôle joué par le religieux dans le monde contemporain. La pluralisation du concept — « les » sécularisations — permet de rendre compte de son caractère contingent et sert à dénaturaliser son caractère d’universalité et d’irréversibilité (Wright, 2015).
La physionomie de la sécularisation, conçue donc en tant que dynamique de recomposition religieuse (Hervieu-Leger, 2010), se forge à travers des processus de désaffiliation et de réaffiliation qui subvertissent les liens entre l’individu et les institutions, y compris religieuses. Les individus construisent leurs propres itinéraires, s’approprient des croyances de différentes sources et structurent leurs univers de significations à leur convenance et en fonction de leurs besoins matériels, spirituels et symboliques. L’idée d’autonomie apparaît ici comme un indicateur d’un processus de sécularisation morale où les citoyen·ne·s construisent des opinions et assument des attitudes, en l’occurrence sur la sexualité et la reproduction, indépendamment des cadres de référence religieux hégémoniques.
Les questions de moralité sexuelle offrent un champ d’analyse qui nous permet de comprendre la sécularisation comme un processus complexe et contradictoire. En particulier, la question des droits sexuels et reproductifs a permis d’aborder de manière critique certaines dimensions analytiques de la sécularisation en tant qu’élément de la modernité et de poser de nouvelles questions normatives sur le rôle public des religions (Vaggione, 2005). Sans ignorer le fait que l’aspect religieux est l’un des principaux obstacles à la reconnaissance de ces droits, différentes analyses critiques ont mis en évidence deux axes majeurs pour repenser les théories de la sécularisation. Premièrement, le sécularisme ne doit pas nécessairement se concevoir comme un récit progressiste menant à une plus grande liberté sexuelle ; au contraire, des auteurs comme Scott (2018) soutiennent que la modernité et le sécularisme installent un régime de subordination des femmes. Deuxièmement, diverses analyses s’accordent sur l’importance des croyances religieuses dans le processus de prise de pouvoir des citoyen·ne·s en matière de décisions et de pratiques sexuelles et reproductives (Johnson, 2018). Ces études éclairent l’hétérogénéité du religieux et révèlent les possibilités émancipatrices des croyances, même au sein de traditions dont les hiérarchies soutiennent l’hétéropatriarcat (Natividade et Oliveira, 2013).
C’est pourquoi l’étude des imaginaires des citoyen·ne·s sur les articulations entre sexualité, religion et politique permet de repenser la sécularisation comme un processus complexe dans les démocraties contemporaines.
Le corpus empirique utilisé ici est l’enquête réalisée par IPSOS en 2021, à la demande de l’organisation Católicas por el Derecho a Decidir. Il s’agit d’une enquête réalisée avec le système CATI (Computer Assisted Telephone Interviewing) auprès de 1010 résidents argentins. L’univers de l’étude couvre la population de plus de 18 ans de tous les niveaux socioéconomiques, régions de résidence, groupes d’âge et genres du pays.
Les cas ont été sélectionnés par échantillonnage aléatoire simple, en utilisant la base de sondage des numéros de téléphone mobile. L’unité d’échantillonnage était précisément le numéro de téléphone mobile.
Les résultats obtenus tiennent compte d’une marge d’erreur de +/- 3,1 % et supposent un niveau de confiance de 95 %. Comme il s’agit d’un échantillon probabiliste, les données peuvent être extrapolées à la population générale de l’Argentine.
3.1 Religion et politique / Configurations de la laïcité de l’État
Le but de la recherche est d’analyser les attitudes des citoyen·ne·s à l’égard d’une série de questions liées à la relation entre la religion et la politique ou, plus précisément, entre l’État et les Églises. Les résultats obtenus nous permettront de discerner la configuration de la laïcité de l’État dans les imaginaires sociaux. Dans ce sens, nous nous sommes enquis du degré d’accord sur le fait que les gouvernements devraient fournir une aide économique aux Églises pour « le paiement des salaires des évêques et des prêtres »[7], « l’administration des écoles religieuses » et « l’assistance aux plus pauvres ».
Les avis varient en fonction de la destination des fonds. Dans le cas du paiement des salaires des évêques et des prêtres, le rejet l’emporte sur l’acceptation : 22,5 % se disent tout à fait ou plutôt d’accord, tandis que 68,2 % se disent plutôt ou tout à fait en désaccord. En ce qui concerne les contributions de l’État pour l’administration des écoles religieuses, le rejet est également présent, mais avec une moindre intensité par rapport au résultat précédent : 38,2 % des personnes interrogées se sont déclarées en faveur de ces contributions, tandis que 49,8 % s’y sont opposées. En revanche, le financement des églises par l’État est perçu positivement lorsqu’il est destiné à l’assistance aux plus pauvres : 72,8 % l’approuvent, contre 20,1 % qui le rejettent.
Les opinions sur le financement des Églises par l’État varient en fonction de l’importance accordée à la religion. Les personnes qui accordent de l’importance à la religion dans leur vie ont davantage d’opinions positives sur le soutien financier de l’État aux institutions religieuses. En fait, en ce qui concerne le transfert de ressources financières pour le fonctionnement des écoles confessionnelles, l’approbation l’emporte sur l’objection. Cependant, tous les segments de la société désapprouvent le versement de salaires aux évêques et aux prêtres par les gouvernements.
Si les personnes qui n’accordent que peu ou pas d’importance à la religion dans leur vie sont majoritairement opposées aux contributions financières de l’État aux Églises, six sur dix les approuvent lorsqu’elles sont destinées à l’assistance aux plus pauvres
Il apparaît ainsi que la conception de l’État et de la religion en tant que « questions distinctes » doit être problématisée. La complémentarité — voire la juxtaposition — historique entre les sphères étatique et religieuse en Argentine a pour corollaire la naturalisation de la présence publique d’agents confessionnels à différents aspects de la vie sociale. Une logique de subsidiarité prévaut, en tant que dispositif d’articulation entre l’action étatique et l’action religieuse sur le territoire (Esquivel, 2017) dans la prise en charge de la population vulnérable. Cet élément n’est pas nouveau : dans la première enquête nationale sur les croyances et les attitudes religieuses en Argentine (CEIL-CONICET, UBA, UNR, UNSE et UNCuyo, 2008)[8], 75 % des habitants de l’Argentine étaient d’accord avec le financement des Églises par l’État, pour collaborer au travail social qu’elles réalisent.
Cependant, il convient de ne pas généraliser cette intersection jugée vertueuse. Comme nous l’avons souligné, en Argentine, l’État contribue au soutien de l’Église catholique. Il verse également des fonds pour le fonctionnement des établissements scolaires confessionnels. Bien qu’il y ait des différences entre les deux, il existe une objection dominante dans la société argentine à la fois au soutien du culte et à l’administration d’écoles religieuses avec des fonds publics.
Enfin, comment l’opinion publique perçoit-elle les prêtres, pasteurs ou autres chefs religieux qui appellent à voter pour ou contre certains candidats ou partis politiques ? En général, il y a une majorité de personnes qui s’opposent à ce que les chefs religieux appellent à voter pour ou contre un candidat ou un parti politique (64,4 %). Seuls 22,2 % des personnes interrogées y sont favorables. Moins on accorde d’importance à la religion, plus on s’oppose à ce que les chefs religieux se prononcent sur les élections.
Dans un premier temps, nous pouvons souligner la nécessité de repenser la définition de certains concepts ou, en d’autres termes, de les pluraliser théoriquement sur la base des différents contextes dans lesquels ils s’inscrivent. En Argentine, les configurations de la laïcité ne sont pas inscrites en soi dans l’idée de séparation entre l’État et les Églises — rappelons-nous que les citoyen·ne·s ont consenti à ce que l’État soutienne financièrement l’action sociale des institutions religieuses. En même temps, il existe une tendance sociale en faveur des « autonomies », au pluriel. Autonomie en matière de décisions de vote, sans l’intervention des chefs religieux, et autonomie en ce qui a trait aux définitions publiques sur l’avortement, sans la gravitation des croyances religieuses personnelles, comme nous l’analyserons plus loin.
3.2 Religion et sexualité / Configurations sur la légalité de l’avortement
L’opinion des citoyen·ne·s sur les questions qui soulèvent une controverse publique constitue l’épine dorsale de cette enquête. Parmi les questions étudiées, nous avons considéré la position sur différents aspects de l’interruption de grossesse. Ainsi que nous le verrons ci-dessous, un imaginaire d’expansion et d’égalisation des droits — et de conception de la sexualité comme décision autonome des sujets — prédomine. Cette composante, celle de la conviction de l’autonomie des individus, doit être considérée de manière transversale, puisque, comme prévu, elle se manifeste clairement aussi dans les questions liées à l’incidence de la religion dans la politique.
Afin de déterminer l’état de l’opinion citoyenne sur les cas où l’avortement devrait être autorisé, l’enquête a proposé trois scénarios possibles concernant la légalisation/pénalisation : « autorisé dans tous les cas », « autorisé dans certains cas » ou « interdit dans tous les cas ». La majorité de la population interrogée (63,6 %) a déclaré être d’accord avec l’avortement dans des situations spécifiques : 25,5 % disent qu’il devrait être autorisé dans tous les cas, tandis que 10,6 % disent qu’il devrait être interdit dans toutes les circonstances.
Parmi celles et ceux qui accordent beaucoup ou une certaine importance à la religion dans leur vie, les positions favorables dans tous les cas ou défavorables dans toutes les circonstances tendent à l’égalité, et la position intermédiaire est encore plus fréquente. En revanche, parmi celles et ceux qui accordent peu ou pas d’importance à la religion, le segment favorable à l’avortement est dix fois plus important que le segment favorable à la restriction (44,9 % contre 4,5 %).
En termes diachroniques, les positions qui considèrent l’avortement comme un droit à part entière de la femme se sont renforcées et les positions restrictives sur l’avortement ont diminué. En un peu plus de dix ans, la perception de l’avortement comme un droit absolu à décider de son propre corps est sur le point de doubler son acceptation dans la société. Pour sa part, la condamnation de l’avortement en toutes circonstances a reculé en termes de préférences et d’opinions publiques. Parallèlement, le recours à l’avortement dans certains cas est majoritaire et reste inchangé en termes de pourcentage entre 2008 et 2021[9].
Bien qu’historiquement, l’interruption volontaire de grossesse renvoie à des positions complexes, la mesure comparative indique une tendance qui accompagne une plus grande reconnaissance des droits civiques en matière de sexualité et de reproduction.
De même, les opinions concernant les conséquences possibles de l’approbation de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse sont d’une grande importance en ce qui concerne les représentations construites sur le plan du discours. Environ 7 personnes interrogées sur 10 sont d’accord pour dire que « les droits des femmes à décider de leur corps seront respectés » et que « moins de femmes mourront des suites d’avortements clandestins ».
Il est à noter que les pourcentages enregistrés ici dépassent largement ceux obtenus lorsqu’on interroge les personnes sur les circonstances justifiant l’avortement par une décision autonome de la femme.
Le niveau d’accord sur un autre groupe de conséquences potentielles baisse considérablement. Ainsi, 44,4 % sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle, à partir de la sanction de la loi, « cela ira à l’encontre de la volonté de Dieu », tandis que 42,9 % ne sont pas d’accord avec cette affirmation. Relativement à la phrase « la vie des bébés sera menacée », les opinions contraires l’emportent : 51,5 % expriment leur opposition et 40 % leur accord. Il est clair ici que le cadre discursif de la Campagne pour l’interruption volontaire de grossesse a été plus efficace que celui diffusé par l’activisme pro-vie lorsqu’il s’agit de toucher l’opinion publique. La diminution des décès dus aux avortements clandestins, d’une part, et la tentative d’attenter à la vie des bébés, d’autre part, ont été des slogans largement diffusés par les deux secteurs.
Les personnes qui n’attachent pas d’importance à la religion dans leur vie sont plus nombreuses à penser qu’avec l’approbation de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, le nombre de décès dus aux avortements clandestins diminuera et que le droit des femmes à décider de leur corps sera respecté. En même temps, parmi la population plus religieuse, il y a une perception croissante que la nouvelle loi ira à l’encontre de la volonté de Dieu et, dans une moindre mesure, qu’elle menacera la vie des bébés.
L’éducation sexuelle est largement soutenue par la société argentine. Différents sondages d’opinion s’accordent à dire que 9 habitants du pays sur 10 sont favorables à l’inclusion de l’éducation sexuelle à l’école. Le consensus est sans appel et traverse les différentes couches sociales, quelle que soit l’intensité avec laquelle la religion est vécue dans la vie quotidienne des gens.
Or, quelle est l’incidence de l’intégration de l’éducation sexuelle à l’école et dans quelle mesure contribue-t-elle à la prévention des grossesses et des abus sexuels ? Là encore, au-delà de l’importance accordée à la religion, il y a un accord catégorique. Plus de 90 % des personnes interrogées pensent que l’éducation sexuelle contribuera à prévenir les grossesses et les abus sexuels.
Bien qu’avec un niveau d’acceptation légèrement inférieur, la réponse à la question de savoir si les écoles secondaires doivent fournir des informations sur les situations où l’avortement est autorisé est tout aussi concluante. Près de 8 personnes sur 10 ont répondu par l’affirmative. Les personnes qui considèrent que la religion n’a que peu ou pas d’importance dans leur vie représentent le segment social le plus susceptible d’accepter que des informations sur l’avortement soient fournies dans les écoles secondaires (86,7 %).
3.3 Croyances religieuses et sexualité / Configurations concernant le bon croyant
Afin d’approfondir la connaissance sur les processus de sécularisation religieuse, l’enquête a demandé si une femme qui avorte, une personne qui utilise des contraceptifs, et les personnes homosexuelles peuvent encore être de bonnes croyantes.
En général, pour la population, il n’y a pas de contradiction entre le fait d’être un·e bon·ne croyant·e et l’utilisation de contraceptifs, l’homosexualité ou l’interruption de grossesse. Un large consensus se dégage, avec quelques nuances. Le consensus le plus important concerne l’utilisation de contraceptifs. Pour 92,3 % des personnes interrogées, il est possible d’utiliser des contraceptifs et de rester un·e bon·ne croyant·e [10]. Il y a également un très fort consensus sur le fait que les personnes homosexuelles peuvent être de bonnes croyantes, puisque 85,2 % sont d’accord avec cette affirmation. Bien que moins populaire, l’opinion selon laquelle une femme ayant subi un avortement peut toujours être une bonne croyante est également significative (65,6 %).
Il convient de souligner que, sur ce thème, l’importance accordée à la religion ne fait pas apparaître de variations significatives dans la valorisation des pratiques sexuelles et de la condition de bon croyant. Même celles et ceux qui affirment que la religion est assez ou très importante dans leur vie rendent l’utilisation de contraceptifs, l’homosexualité et même le fait d’avoir avorté compatibles avec le fait d’être un·e bon·ne croyant·e. Il semble que les attributs d’un·e bon·ne croyant·e se nourrissent davantage des variables inhérentes au monde religieux et moins de celles qui relèvent de la vie sexuelle.
Compte tenu des prescriptions de la doctrine des institutions religieuses prédominantes qui remettent en cause et/ou condamnent cet ensemble de pratiques, les données renforcent l’idée d’autonomie dans le contexte d’une forte sécularisation religieuse. Les individus décident et choisissent eux-mêmes les options et les relations sociales qui constituent leur projet et leur trajectoire de vie. On choisit le type de famille, le nombre d’enfants, le type de sexualité et le type de croyance.
La sécularisation se manifeste donc par une dérégulation religieuse institutionnelle lente mais durable, se traduisant par une réduction de l’efficacité des dogmes religieux lorsqu’il s’agit de réguler la vie quotidienne des citoyen.nes.
Une autre dimension étudiée, qui permet de comprendre l’imaginaire social de ce que signifie être croyant, est liée à l’obligation morale de voter en faveur d’une certaine orientation lorsque la question de l’avortement est en jeu. On constate ici que la conviction selon laquelle il est nécessaire de séparer les croyances religieuses personnelles des décisions qui concernent les citoyen·ne·s dans leur ensemble est prédominante, du moins en ce qui concerne l’avortement. Ce sont 50,3 % des personnes interrogées qui se prononcent contre le fait qu’un membre du Congrès de religion catholique ou évangélique aurait l’obligation morale de voter contre l’avortement, tandis que 36,7 % considèrent que cette obligation devrait lui être imposée.
L’étude s’est également intéressée à la question de savoir si un·e croyant·e devrait être obligé de voter pour des candidats qui s’opposent à l’avortement. Ici, le désaccord avec cette affirmation est encore plus important que dans la question précédente : 57,7 % ne sont pas d’accord avec le fait qu’un·e bon·ne croyant·e doit voter pour des candidats qui s’opposent à l’avortement. Sur 10 personnes, 3 ont déclaré être d’accord avec l’affirmation.
Celles et ceux qui accordent peu ou pas d’importance à la religion constituent le segment le plus réfractaire au fait de faire dépendre les décisions parlementaires et électorales des croyances religieuses. En revanche, parmi celles et ceux qui accordent une grande ou une certaine importance à la religion, on observe une tendance à une plus grande parité d’opinions, notamment en ce qui concerne le vote des législateurs croyants sur l’avortement.
Enfin, la recherche s’est intéressée à l’opinion du public sur les attitudes que les professionnel·e·s de la santé devraient adopter lors de la réalisation d’un avortement. Dans la lignée des questions précédentes, il était intéressant de relever le degré d’autonomie attribué par la société à l’action publique des législateurs, des citoyen·ne·s et, en l’occurrence, des médecins, par rapport à leurs convictions religieuses. Il ne s’agit pas ici d’analyser l’évaluation sociale de la religiosité des personnes, mais de la légitimité accordée à l’incidence des croyances religieuses sur leur action publique.
En ce qui concerne les professionnel·le·s chargé·e·s de pratiquer l’interruption de grossesse, les personnes ont été interrogées sur l’attitude qu’un·e médecin croyante devrait adopter vis-à-vis d’une femme qui demande un avortement parce que sa vie est en danger. Plus de la moitié (54,4 %) pensent qu’un·e professionnel·le de la santé peut refuser de pratiquer l’avortement, mais qu’il doit trouver un·e autre médecin disposé·e à pratiquer l’intervention. Trois personnes sur dix déclarent qu’un·e médecin doit pratiquer l’avortement en dépit de ses convictions religieuses, et 14,5 % affirment qu’un·e médecin a le droit de refuser de pratiquer l’avortement. L’importance accordée à la religion n’a pas d’influence significative sur cette question.
4. en guise de conclusion
La présence indéniable d’institutions, d’acteurs, de manifestations, de symboles et de discours religieux dans les sphères publiques les plus diverses — en politique, dans les structures juridiques, dans l’éducation, dans la protection sociale, dans les débats sur les questions morales, dans les médias et dans les locaux de l’État — nous a conduits à repenser les liens entre sécularisation et religion, en les considérant non plus comme deux pôles opposés et irréconciliables, mais plutôt en termes de cohabitation et d’influence réciproque.
La tendance des sciences sociales de la religion à moins privilégier les perspectives normatives et prescriptives a sans aucun doute alimenté le défi d’analyser des situations concrètes sur la base de catégories émergentes. En d’autres termes, il est moins important pour nous de déterminer dans quelle mesure la religion progresse ou régresse que de comprendre comment sa présence se matérialise et se déploie dans l’espace public et dans les constructions de sens des individus. Cet article aborde la question du comment, en se basant sur une analyse des principaux imaginaires sociaux qui émergent dans le débat sur l’avortement. Il ne s’agit pas ici de se focaliser sur les influences que les acteurs religieux ont exercées sur certaines politiques publiques ou législations (Alonso, Villarejo et Brage, 2017 ; Esquivel, 2012), mais plutôt de scruter les univers de sens religieux présents dans la culture citoyenne prédominante en Argentine. Cette démarche analytique nous amène nécessairement à aborder les configurations sociales qui façonnent les relations entre religion et politique, avec en toile de fond les discussions sur la sécularisation et la laïcité.
L’article considère le débat sur l’avortement en Argentine comme une période cruciale pour observer les formes d’articulation entre le religieux et le politique, à la fois dans les principaux groupes en conflit sur la question et dans les représentations sociales des citoyen·ne·s. Dans des contextes intensément démocratiques, où l’activisme des groupes et des organisations de la société civile est aussi présent dans la sphère parlementaire, l’espace public est projeté comme la scène où s’incarnent les débats et les expressions collectives.
Dans la première partie de l’article, il est question des façons dont le religieux est mobilisé — politisé — par les deux pôles qui s’opposent sur la manière de réglementer l’avortement. En Amérique latine, la littérature sur la religion et les droits sexuels et reproductifs révèle la fragmentation et l’hétérogénéité dont font preuve les acteurs, les actions et les arguments religieux (Morán Faundes, 2015). Bien qu’il y ait une tendance à reconstruire ce conflit à travers la dyade religion-laïcité, l’analyse proposée dans notre article souligne la nécessité de dépasser cette approche dichotomique et d’approfondir les porosités existantes.
D’une part, le pôle en faveur de la légalisation de l’avortement volontaire combine la défense de la laïcité en tant qu’horizon démocratique avec différentes façons de mobiliser les croyances religieuses. Alors que certains secteurs considèrent qu’il est important de politiser les processus de non-identification avec le religieux, d’autres défendent le pluralisme qui existe dans les croyances religieuses. Ainsi, les non-croyants, les athées, les agnostiques, les évangéliques ou les catholiques (entre autres) coïncident, à partir d’idéologies différentes, dans la défense d’un système qui considère le libre accès à l’avortement volontaire comme faisant partie des droits sexuels et reproductifs. Cela rejoint les résultats de recherches menées au Brésil, au Chili et en Uruguay, qui révèlent une structure décentralisée du camp évangélique permettant la coexistence d’une grande diversité d’Églises, dont les positions sur les politiques sexuelles constituent l’un des clivages centraux (Komura Hoga, 2010 ; Campos Machado, 2012 ; Rostagnol, 2010 ; Fediakova, 2010).
D’autre part, l’activisme pro-vie qui affirme que l’avortement est un crime se caractérise par la forte présence d’institutions et de croyances religieuses. L’ordre moral qu’il défend et les stratégies utilisées pour le faire ne peuvent être compris sans les multiples liens avec le religieux en tant que phénomène politique. Mais cet activisme reflète également le processus de laïcisation/sécularisation puisqu’il emprunte des voies démocratiques et inclut des arguments qui ne sont pas (directement) liés au religieux. En fait, des études menées dans d’autres pays de la région, comme le Chili, le Pérou et la Colombie, montrent comment l’appel au sécularisme par le conservatisme religieux a réduit la capacité des États laïques non seulement à détecter l’interférence des discours religieux dans les débats sur les droits sexuels et reproductifs, en particulier l’avortement, mais aussi à restreindre la présence dans l’arène politique d’acteurs qui opèrent parallèlement aux Églises, mais n’appartiennent pas au clergé (Morán Faundes, 2015). En ce sens, réduire l’activisme pro-vie à un phénomène religieux revient à ignorer les principaux changements et mutations qui se sont produits dans le pays, en grande partie en raison de la consolidation de la démocratie, et au-delà même des conséquences concrètes liées à l’expansion des droits sexuels et reproductifs.
Dans la deuxième partie, l’article reconstruit les principaux imaginaires des citoyen·ne·s sur la base de trois aspects/dimensions qui éclairent les contours du processus de sécularisation. Tout d’abord, les opinions et les attitudes sur une série de questions relatives à la relation entre la religion et la politique ou, plus spécifiquement, entre l’État et les Églises, ont été examinées afin de comprendre l’étendue de la sécularisation politique. Ensuite, nous avons examiné les perceptions des citoyen·ne·s à l’égard de l’avortement et des divers éléments qui s’y rapportent, dans le but d’élucider les composantes de la sécularisation morale. Enfin, nous avons analysé les évaluations des citoyen·ne·s quant à la compatibilité entre le fait d’être un·e bon·ne croyant·e et le fait d’avorter, d’utiliser des contraceptifs ou d’être homosexuel·le. De même, nous avons étudié les considérations sur l’influence des croyances religieuses sur les décisions parlementaires en matière d’avortement. Cet ensemble d’indicateurs a permis de discerner les modalités de la sécularisation religieuse.
Les données empiriques analysées confirment que les processus de sécularisation et de laïcité ont leurs propres voies, que les représentations sociales construites ne coïncident pas nécessairement. Elles cohabitent au contraire avec des dynamiques qui ne devraient en aucun cas être considérées comme contradictoires, telles que l’approbation du financement par l’État du travail social des Églises et le rejet de l’influence des chefs religieux sur les votes des citoyen·ne·s. Nous faisons face à des processus complexes de recouvrement entre la présence publique historique des institutions religieuses et l’avènement d’une société plus diversifiée et plurielle qui entraîne une plus grande autonomie des personnes dans la définition de leurs choix de vie.
Même si l’importance accordée à la religion constitue une variable qui modifie les opinions et les attitudes des citoyen·ne·s à l’égard d’une série de questions liées à la sexualité et à la reproduction, son incidence se reflète dans l’intensification ou la modération de la tendance à la reconnaissance des droits civils en tant que composante enracinée dans les imaginaires sociaux prédominants.
Dans les univers de sens de la citoyenneté, la laïcité et la religiosité ne sont pas nécessairement deux pôles opposés ou rédhibitoires. La vision du monde prédominante se nourrit de multiples éléments de l’héritage démocratique. L’autonomie et le respect de la diversité en tant qu’impératifs catégoriels prennent une signification particulière lorsqu’il s’agit d’interpréter, en termes normatifs, la relation de l’État avec le monde religieux. La singularité réside dans la naturalisation de la confluence des deux dimensions, laïcité et religiosité.
À son tour, la revendication de l’autonomie de décision sur son propre corps relève d’une idéologie qui, en termes sémantiques, se traduit par une invocation discursive légitimant les actions de l’État qui ont pour but de garantir les diverses options et décisions des individus, tant en matière de sexualité que de procréation.
Appendices
Notes
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[1]
La loi nationale 1420 sur l’Éducation obligatoire, gratuite et laïque (1884) ; la loi 1565 créant le Registre civil (1885) et la loi sur le Mariage civil de 1888.
-
[2]
Selon le Pacte de San José (Costa Rica), dont l’article 4 stipule : « Toute personne a droit au respect de sa vie. Ce droit doit être protégé par la loi et, en général, à partir de la conception. »
-
[3]
Comme dans d’autres pays, cet activisme se dit « pro-vie », comme une forme d’opposition au féminisme et, en particulier, parce qu’il considère l’avortement comme un meurtre.
-
[4]
Le Frente Joven (Front des jeunes), créé en 2010, est l’une des principales organisations mobilisant les jeunes pour la défense du «… premier droit, le droit de tous à vivre ». https://www.frentejoven.org/
-
[5]
Voir le site web Unidad ProVida : www.unidadprovida.org/
-
[6]
Sur le site web de Marcha por la Vida : https://marchaporlavida.com.ar/?data=nosotros
-
[7]
Il convient de signaler que l’Article 2 de la Constitution argentine établit que l’État doit soutenir le culte apostolique catholique romain. Cette disposition est rendue opérationnelle par un ensemble de textes législatifs, en vertu desquels les évêques, les prêtres des paroisses frontalières et les séminaristes reçoivent une allocation mensuelle de l’État.
-
[8]
En 2008, le Centro de Estudios e Investigaciones Laborales (CEIL-CONICET), en collaboration avec les universités de Buenos Aires, Rosario, Santiago del Estero et Cuyo, a réalisé la première enquête nationale sur les croyances et les attitudes religieuses.
-
[9]
Bien que l’enquête de 2008 ait été réalisée dans les foyers et celle de 2021 par téléphone, il s’agissait dans les deux cas d’un échantillon national, représentatif de la population résidant en Argentine. D’où la validité de la comparaison des données.
-
[10]
On retrouve le même pourcentage dans l’enquête du CEIL-CONICET, de l’UBA, de l’UNR, de l’UNSE et de l’UNCuyo, en 2008.
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