Abstracts
Résumé
Cet essai, rédigé en deux articles compagnons (Partie I & II), est destiné mettre en valeur le service public de psychiatres du Département de psychiatrie de l’Université de Montréal ayant oeuvré au niveau du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) pour les politiques de désinstitutionnalisation et l’organisation des services de psychiatrie communautaire pour les personnes avec des troubles mentaux graves. Il s’agit des Drs Camille Laurin, Denis Lazure, Arthur Amyot, Luc Blanchet et André Delorme.
Dans cette seconde partie, la période 2003-2015 sera couverte. Elle marque la fin du Comité de la santé mentale du Québec (1971-2003), et ses travaux féconds interdisciplinaires. 2003, c’est l’entrée au ministère du Dr André Delorme qui y détient sans doute un des records de longévité, servant depuis 2003 à la Direction de la santé mentale transférée sous la nouvelle Direction des affaires médicales et universitaires du MSSS également créée en 2003.
Cette phase voit l’émergence depuis le modèle de psychiatrie communautaire d’une approche différentiée, les cliniques spécialisées ou l’approche par programme-clientèle. Mais ce dernier modèle ne dispose pas des ressources nécessaires pour s’étendre et éviter des difficultés d’accès. L’essai conclut avec une discussion sur l’impact de la toute nouvelle gouvernance du système de la santé et des services sociaux du Québec, la loi 10. En simplifiant le système de santé en deux lignes (soins primaires dans les bureaux des médecins de famille, avec soutien infirmier et social ; soins spécialisés par le personnel des centres intégrés de santé et de services sociaux [CISSS]), il sera soutenu qu’il y a des opportunités pour un financement plus équitable et un système plus équilibré de santé mentale au Québec.
Article body
La réintégration des médecins dans la gouvernance du ministère de la Santé et des Services sociaux d’une pratique populationnelle et différenciée (2003-2015)
C’est sous le ministre de la Santé Philippe Couillard, maintenant Premier ministre du Québec, qu’est créée à l’intérieur du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) une division entre d’une part les programmes des affaires sociales, et d’autre part les affaires médicales et universitaires. Et sous cette dernière, est effectué le passage de la direction de la santé mentale sous les affaires médicales et universitaires, une direction qu’assumera le Dr André Delorme (voir encadré décrivant le Dr Delorme). Le Comité de la santé mentale est également aboli au même moment.
Cette remontée dans la gouvernance des médecins en général doit être située aussi comme la fin de l’apogée et du modèle des CLSC pensé et institué au début des années 70 dans la réforme Castonguay comme devant unir le secteur santé et celui social dans leurs actions, les localités et la communauté. Les médecins de famille, les médecins, avaient largement boudé les CLSC. Dans les faits, les services de santé de première ligne vont demeurer et se livrer dans les cabinets privés de médecin qui vont progressivement devenir des pratiques de groupe. Prenant acte de cette faillite, propre au modèle québécois, le Québec va s’engager dans la reconnaissance des groupes de médecine de famille (GMF) gouvernés et organisés par les médecins de famille, comme fondement des services de soins primaires. En ce sens, le Québec revenait au modèle de base britannique fondé par le National Health Service (NHS) en 1949, qui avait servi de base au fondement de l’assurance hospitalisation et de l’assurance maladie au Canada et au Québec, mais aussi aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé de faire des soins primaires et des médecins de famille le fondement du système de santé de proximité. Dans les faits aussi, au Québec comme ailleurs au Canada, en Australie et en Grande-Bretagne, les médecins de famille voyaient et voient les trois quarts de la population à chaque année, identifient 1 patient sur 5 (ou 15 % de la population) avec un trouble mental – en comparaison, les services spécialisés psychiatriques voyaient 2-3 % de la population, et les CLSC environ 1 % de la population aux fins de santé mentale (Kisely & Lesage, 2014 ; Lesage, 1996 ; Ouadahi et al., 2009).
Le Dr Delorme arrivait en 2003 dans un ministère où le rôle des troubles mentaux avait plutôt été occulté sous la pression d’une vision plus sociale de la santé mentale et des problèmes de santé mentale. Cette même année, un rapport accablant du vérificateur général en santé mentale avait aussi signalé que le ministère ne jouait pas son rôle de leadership et qu’en général la population souffrait d’un manque d’accès et d’organisation.
Le plan d’action en santé mentale (PASM) – 2005-2010, développé sous la gouverne du Dr André Delorme, va tenter de réconcilier et d’intégrer les secteurs communautaires et les équipes déployées dans les CLSC avec des équipes de plus en plus spécialisées, de plus en plus différenciées. Il verra à orienter les systèmes vers les valeurs de rétablissement, de participation des personnes atteintes de troubles mentaux et de leur famille. Il propose une nouvelle structure que sont des équipes de base en santé mentale, en fait les mêmes équipes basées sur les CLSC. Il confirme un accroissement des soins à domicile avec la création d’une part d’équipes de suivi d’intensité variable de moindre intensité appuyant l’action des équipes de base en santé mentale basées en CLSC et d’autre part des équipes à capacité d’intervention plus intense sur le modèle d’équipes de suivi intensif en équipe, et la poursuite des équipes spécialisées qui pourraient être plus différentiées. Le tout dans une approche populationnelle et de secteur.
En l’absence d’un financement défini pour le budget de la santé mentale, d’autres leviers seront utilisés comme des ententes de gestion. Bien reçu en général, le PASM mettait aussi le rétablissement des personnes au premier plan, se concentrait sur des personnes avec des troubles mentaux graves autant que ceux modérés avec un rôle de la première ligne, en particulier les équipes de base en santé mentale. Le Plan d’action reprenait aussi la suggestion du plan de 1997-2003 du Comité de la santé mentale, en donnant de l’importance au suivi intensif dans le milieu.
Le Plan d’action demeurait peu développé sur les services pour les jeunes, ce que les travaux du Comité de la santé mentale, sous la gouverne du Dr Blanchet, avaient pourtant bien signalé. Comme dans les plans précédents aussi, le Plan d’action ne prévoit pas de nouvelles allocations budgétaires, mais plutôt le maintien de réallocation budgétaire à la faveur d’une poursuite de la réduction des lits hospitaliers des institutions psychiatriques, et même des lits de psychiatrie dans les hôpitaux généraux, et finalement le recours à des ressources résidentielles moins supervisées et moins coûteuses. Le Plan d’action ne sera par ailleurs pas planifié conjointement avec les médecins de famille, malgré la présence d’une direction de l’intégration des soins primaires dirigée par un médecin de famille sous la direction des affaires médicales et universitaires du MSSS.
Les dernières quinze années vont être marquées par une résistance accrue, des psychiatres et des milieux psychiatriques universitaires. D’une part les négociations salariales des médecins spécialistes dont les psychiatres vont particulièrement bien bénéficier, vont limiter la collaboration avec une direction de la santé mentale, pourtant bien dirigée par un médecin spécialiste et également située dans une direction médicale et universitaire de niveau sous-ministériel adjointe. La résistance vient aussi de la dislocation d’équipes spécialisées dirigées par des psychiatres pour garnir les équipes de base en santé mentale qui ne devaient pas contenir de psychiatre, mais plutôt une présence de médecins de famille. Ces derniers ne seront pas au rendez-vous pour ces équipes de base en santé mentale, comme ils ne l’avaient pas été à l’intérieur des CLSC. Les milieux hospitaliers universitaires vont réclamer également des services différenciés et on verra ainsi la naissance de l’Association des cliniques de premier épisode appuyée par des regroupements de famille réclamant de nouveaux investissements dans les cliniques qui ne pourront dépasser généralement les milieux universitaires, mieux dotés en ressources.
Dans son rapport de décembre 2012 sur la performance du système de santé mentale au Québec, le Commissaire à la santé du Québec fait les constats suivants (CSBE Commissaire à la santé et au bien-être du Québec, 2012). La stigmatisation des patients dans le système est toujours présente ; il y a isolement des médecins de famille des autres secteurs sociaux et de santé impliqués en santé mentale ; il y a un accès non équitable aux interventions fondées sur des données probantes, la psychothérapie en particulier ; de nombreux obstacles d’accessibilité aux services pour eux-mêmes et leurs proches sont signalés par les familles ; une fragmentation des services ; on constate une application inégale et inachevée du Plan d’action 2005-2010 dans les différentes régions du Québec ; enfin, il y a un manque d’indicateurs pour témoigner de la performance du système de santé mentale. Parmi les recommandations du Commissaire, on notera l’accès équitable à la psychothérapie, citant le modèle de l’Australie (voir aussi INESSS, 2015a, 2015b ; Kisely & Lesage, 2014). Cependant, le Commissaire ne recommandera pas, comme la Commission canadienne de la santé mentale en mai 2012, dans sa stratégie en matière de santé mentale pour le Canada, un accroissement du budget relatif de la santé consacré à la santé mentale (Commission canadienne de la santé mentale, 2012). Une conférence de consensus commandée par le gouvernement albertain faisait la même recommandation (Lesage & Bland, 2014).
Au-delà de 2015 – retour vers une psychiatrie communautaire de secteur ?
La loi no 10 imposée au début 2015 par un grand représentant du secteur médical et spécialisé, Dr Gaétan Barrette, marque la fin de l’influence politique du secteur institutionnel et hospitalier, par l’abolition de leur conseil d’administration, de leurs représentants qu’était l’Association des hôpitaux du Québec, ou son successeur de l’Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux (AQESSS), mais aussi l’abolition des CLSC et du modèle des CLSC. La loi no 10 recrée seulement deux lignes en santé : la première ligne est représentée par les GMF (et autres groupes de médecine de famille) gouvernée et menée par des médecins de famille auxquels s’adjoindrait du personnel infirmier et possiblement un peu de personnel de service social. Par ailleurs une deuxième ligne, une ligne spécialisée en santé sous la gouvernance des quelques 27 centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS-CIUSSS), qui va regrouper ensemble le personnel des anciens établissements tant hospitaliers, que des CLSC ou des CSSS sur l’ensemble du territoire du Québec. Chaque CISSS aura un programme santé mentale, avec toutes ces ressources, avec un budget clairement identifiable.
Il n’est pas surprenant qu’au moment d’écrire ces lignes il soit impossible pour la Direction de la santé mentale de produire dans la dernière année de ces transformations un nouveau plan d’action en santé mentale. Si par exemple ce dernier avait plutôt reconduit un plan d’action prévoyant une poursuite du rôle pour les équipes de base en santé mentale basé sur les CLSC, le plan d’action se serait retrouvé caduc suite à la loi no 10 qui reconfigure la vision et simplifie le nombre de lignes en santé, mais aussi en santé mentale. La loi no 10 force aussi l’intégration de l’ensemble des ressources et des installations consacrées à la santé mentale à l’intérieur d’un même programme de santé mentale pour tout le CISSS/CIUSSS. Ainsi, il y aura d’une part cohabitation du secteur des ressources résidentielles, des équipes de base en CLSC, des équipes de suivi d’intensité variable, souvent dominées par les intervenants psychosociaux, et d’autre part les services hospitaliers, les services ambulatoires spécialisés, les équipes de suivi intensif en équipe, où oeuvraient entre autres les médecins-psychiatres.
Une telle reconfiguration facilitera-t-elle un déplacement des ressources financières vers des programmes regroupés de santé mentale, lesquels au fil des dernières décennies, comme signalé plus haut, ont représenté une portion relative de plus en plus insuffisante avec les conséquences que nous avons notées dans la première partie sur les déficits systémiques ? Permettra-t-elle mieux le déploiement des services de soins à domicile que représentent les équipes de suivi intensif en équipe ou de suivi d’intensité variable en santé mentale ?
En déplaçant la direction des services des établissements vers une perspective populationnelle et des besoins des personnes et de leur famille, la réforme s’appuie sur des soins primaires et spécialisés donnés dans la communauté. Par exemple, pour les personnes âgées en perte d’autonomie, vers un accroissement des soins à domicile qui sont restés largement déficitaires au Québec par rapport à d’autres provinces et surtout d’autres pays. On se rappellera que l’ancien ministre de la Santé et des Services sociaux, gériatre et chercheur, Dr Réjean Hébert, avait proposé des investissements supplémentaires via une caisse d’autonomie et que les fonds soient remis sous la gouvernance des usagers et de leur famille pour diriger les services qu’ils pourraient recevoir, et ainsi, on peut le deviner, favoriser plus des services à domicile que des services institutionnels. L’enjeu des soins à domicile est donc comparable pour les services de santé mentale (équipes de suivi d’intensité variable, de suivi intensif ou flexibles de suivi) que pour ceux en général en santé pour des personnes en perte d’autonomie (Lesage & Bland, 2014). La proposition Hébert n’avait pas reçu suite à cause des périodes tant de contraintes budgétaires que des critiques comme celles de Claude Castonguay qui soulignait que le déploiement des services à domicile ne dépendait pas de nouvelles allocations budgétaires, mais plutôt d’une meilleure gouvernance. Celle proposée par la loi no 10 réussira-t-elle en ayant brisé la résistance et la prédominance du secteur hospitalier, mais aussi en intégrant les services sociaux et de santé plus que les CLSC l’avaient fait et en reconnaissant l’autonomie et la gouvernance médicale des services de santé en première ligne ?
Certains pays qui ont été le fer de lance de la psychiatrie communautaire, mais aussi du modèle de santé et de services sociaux comme la Grande-Bretagne et plus récemment l’Australie ont consenti ou maintenu des investissements en santé mentale axée vers les services dans la communauté et diversifiés. L’Australie s’est illustrée par le déploiement de cliniques de premier épisode sous l’impulsion de psychiatres visionnaires appuyés par les familles d’une part et d’autre part par l’accroissement des services et d’un accès équitable à la psychothérapie (Kisely & Lesage, 2014). Le budget relatif de la santé mentale australien est un peu plus important que celui observé dans l’ensemble du Canada et au Québec. Plus remarquable encore, des investissements similaires tant pour les cliniques de premier épisode que pour les services spécialisés et l’accès accru à la psychothérapie via les fonds gouvernés et gérés par les médecins de famille, avec une portion plus importante au budget relatif de la santé attribué à la santé mentale, ont été faits en Angleterre (Collectif pour l’accès à la psychothérapie, 2015).
Comme le disait Bill Wilkerson, le porte-parole avec expérience vécue de troubles mentaux dans l’initiative bidécennale de Santé mentale au travail, et y ayant travaillé étroitement avec l’ancien ministre des finances fédéral Michael Wilson, lui-même ayant perdu un fils par suicide et maintenant président de la Commission canadienne de la santé mentale (http://www.mentalhealthcommission.ca/Francais) : « la reconnaissance de l’ampleur des problèmes de troubles mentaux dans la société est gagnée ; la bataille contre la stigmatisation est en voie d’être gagnée ; la bataille maintenant est celle de l’accès aux services » (Gerstel, 2012). Et dans un système public, les services qui ne sont pas financés ne sont pas accessibles.
Appendices
Annexe
Annexe 1
Cinq personnages, psychiatres engagés dans le service public québécois pour un meilleur système de soins.
Camille Laurin. Né à Charlemagne, près de Montréal, le 6 mai 1922 – décédé à Vaudreuil-Dorion en 1999. Il réalise des études classiques au Collège de l’Assomption. Il obtient son diplôme en médecine à l’Université de Montréal où il étudie aussi sous l’influence du chanoine Groulx. Il est membre des jeunesses étudiantes catholiques. Après avoir obtenu son diplôme, il va d’abord à Boston au Boston State Hospital et il fait une période plus prolongée à Paris pour perfectionner sa psychanalyse. Au milieu des années 50, il est membre de l’Association des psychothérapeutes catholiques du Québec. Il est à la direction du futur Département de psychiatrie dès 1957. En 1961, il signe la postface du livre Les fous crient au secours, du patient Jean-Charles Pagé sur les hôpitaux psychiatriques dont celui de Saint-Jean-de-Dieu à Montréal (devenu en 1976 sous la direction de Denis Lazure, l’Hôpital L-H. Lafontaine et en 2011, l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal).
Au niveau politique, il est un des fondateurs du mouvement souverainiste québécois et est nommé président du conseil exécutif du Parti Québécois en 1976. Il est le maître d’oeuvre de l’adoption de la Loi 101 sur le français comme seule langue officielle au Québec. Il sera ministre de l’Éducation de 1980 à 1984, et ministre des Affaires sociales quelques mois en 1984. Il quitte le gouvernement Lévesque en 1984 pour y revenir en 1994 sous le gouvernement de Jacques Parizeau. Entre-temps, durant cette décennie, il revient au Pavillon Albert-Prévost comme directeur, et par ses liens au ministère sous un gouvernement libéral il parvient à faire ériger une nouvelle aile au Pavillon qui prendra plus tard le nom de l’Aile Camille-Laurin.
Denis Lazure. (1925-2008) Psychiatre et homme politique québécois, réformateur médical et social, praticien, dirigeant et député à l’Assemblée nationale du Québec et ministre, en autres, des Affaires sociales. Né à Napierville, il rentre à l’Université de Montréal pour sa médecine et est d’ailleurs président de l’Association générale des étudiants en 1950. Il se montre aussi comme un grand sportif entre autres avec l’équipe Les Carabins de l’Université de Montréal au hockey. Dans les années 50 au Québec être admirateur du Dr Norman Bethune lui vaut d’être exclu rapidement du milieu très catholique de l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu et de l’Université de Montréal. Il doit terminer sa formation dans le réseau de l’Université McGill où il côtoie le professeur Heinz Lehman à l’Hôpital Douglas. Il se spécialisera également à l’Université de Pennsylvanie en pédopsychiatrie. Dans ces années, il est également actif en politique se présentant comme député du Nouveau Parti démocratique du Québec. Il y côtoie Pierre Elliott Trudeau avec lequel il fait une visite en Chine avec le futur sénateur Jacques Hébert.
C’est Camille Laurin qui l’invite au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal pour développer la pédopsychiatrie. Il fonde et dirige le Département de psychiatrie infantile de l’Hôpital Ste-Justine de 1957 à 1969. Il fonde et est directeur pendant un an du premier hôpital psychiatrique d’Haïti. Il est président de l’Association des psychiatres du Canada en 1966 ; président du Conseil interaméricain des psychiatres en 1967 ; directeur général de l’Hôpital Rivière-des-Prairies entre 1969 et 1974 ; président de la Société Canada-Chine entre 1974 et 1975 et de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine entre 1975 et 1976 où il marque le passage à une direction laïque et plusieurs réformes à l’intérieur entre autres la mixité des unités. Élu en 1976 au Parti Québécois, il devient ministre des Affaires sociales entre 1976 et 1981 du gouvernement Lévesque. Ministre d’État au Développement social en 1981-1982, il crée en 1981 l’Office des personnes handicapées du Québec. Il revient comme psychiatre clinicien tout d’abord à l’Hôpital Charles-Lemoyne entre 1986 et 1989 et puis à l’Hôpital Louis-H. Lafontaine entre 1999 et son décès en 2008. Témoin du passage d’un modèle de psychiatrie différencié en ce qui allait devenir un institut universitaire en santé mentale, il se fait critique dans une réflexion qu’il propose modestement et où il prône un retour au modèle de psychiatrie communautaire étant donné les ressources disponibles et sur lesquelles peuvent se nicher les activités académiques et de recherche surspécialisée si les ressources le permettent (Lazure, 2004).
Arthur Amyot. Né dans l’est de Montréal, son père est médecin de famille. Il fait ses études en médecine et en psychiatrie à l’Université de Montréal. Actif syndicaliste étudiant dans l’effervescent milieu des années 60, il connaît ainsi Bernard Landry, grand leader étudiant et futur premier ministre du Québec. Il est actif au sein de l’Association des étudiants de médecine de l’Université de Montréal et dans l’organisation de la grève pour de meilleures conditions de travail pour les résidents, réunissant les quatre facultés de médecine. Son souci de l’amélioration des conditions de travail l’amène aussi à cofonder l’Association des résidents en psychiatrie de l’Université de Montréal. Alors qu’il commence au Pavillon Albert-Prévost, il reçoit l’appui du Dr Camille Laurin pour ses actions syndicales. C’est avec le Dr Jacques Drouin comme mentor au Pavillon Albert-Prévost à l’époque qu’il fait l’apprentissage de la psychiatrie communautaire. Ce dernier n’est pas psychanalyste et travaille dans la communauté en équipe aux soins des patients avec troubles mentaux graves et persistants. Chef du Département de psychiatrie au Pavillon Albert-Prévost, mais également chef du Département de psychiatrie universitaire de 1980 à 1988. il est invité entre 1982 et 1984 comme chef de service des programmes de santé mentale au ministère des Affaires sociales par le Dr Jean Rochon qu’il avait connu aussi autour de grèves étudiantes.
La réflexion et la vision du Dr Amyot se reflètent particulièrement dans le document Soins psychiatriques : nouvelle pratique, nouvelles articulations et nouveaux rôles (Aird G. et al., 1987) dans un mémoire présenté à la Commission d’enquête sur la santé et des services sociaux connexes présidée par Jean Rochon, et auparavant dans le rapport du comité d’étude sur les services psychiatriques de la région de Montréal déposé en mars 1985, à monsieur Guy Chevrette alors ministre des Affaires sociales (Amyot, Aird, Charland, & Robillard, 1985), mais aussi dans le document du début 1984 Le Québec compte-t-il suffisamment de psychiatres (Amyot A. et al., 1984).
Au cours des deux dernières décennies, le Dr Amyot se consacre au développement et au déploiement universitaire des services de gérontopsychiatrie.
Luc Blanchet. Médecin-conseil communautaire. Il naît à Québec, son père est médecin et professeur d’université et fait également de la psychothérapie. Sur huit enfants, quatre vont être médecin dont son frère le psychiatre André Blanchet et quatre en service social. L’une de ses soeurs oeuvrera au ministère en épidémiologie. Il faut noter qu’un de ses oncles jésuite a fondé l’Institut de psychothérapie, ayant été formé à New York. Hésitant avec la musique, il complète sa médecine à l’Université Laval et s’inscrit à la psychiatrie dans le réseau de l’Université McGill. Il est au Pavillon Albert-Prévost autour du moment de la grève des employés qui donne lieu à la fusion avec l’Hôpital du Sacré-Coeur. Il oeuvre pendant 10 ans à la Clinique Pointe Saint-Charles dans une période de mouvance antipsychiatrie et communautariste, amené dans cette célèbre clinique communautaire par le Dr François Lehmann, médecin de famille et fils du réputé psychiatre montréalais Dr Heinz Lehmann.
Il fait une pause pendant trois ans, en recherche à l’Hôpital Douglas sur les réseaux sociaux avec Dr Carlo Sterlin, mais fait aussi une orientation vers la pédopsychiatrie. Il est invité à créer le service distinct de pédopsychiatrie à l’Hôpital Jean-Talon où il oeuvre toujours. Il est également médecin-conseil au Département de santé communautaire afin d’y développer des programmes de promotion et de prévention.
André Delorme. Actuel directeur de la Santé mentale, Direction des affaires médicales et universitaires. Il est le programmateur éclairé. Né à Ottawa et se stabilisant malgré les déplacements de la famille autour de Saint-Hyacinthe puis dans la région de l’Estrie, il complète un BAC en mathématiques avec option informatique à l’Université de Sherbrooke avant d’entrer en médecine et en psychiatrie dans le réseau de l’Université de Montréal. Avant de compléter sa formation en 1994, il fait également une année à la Polyclinique 13e arrondissement à Paris. Il retient de ce stage parisien, le modèle d’une clinique ouverte offrant des services ambulatoires de jour et quelques lits, des unités ouvertes. Il y a toutefois un hôpital psychiatrique dans la couronne parisienne qui accueille des patients du secteur du 13e plus malades pour des soins de plus longue durée. L’influence psychanalytique y est fort importante, mais sa propre formation est plutôt en approche systémique.
Il se retrouve à Granby pour commencer sa pratique. Il est amené à servir comme directeur des services professionnels par intérêt pour deux ans en 1998-2000 avant de retourner en pratique. On l’appelle à la direction du Département de psychiatrie universitaire au CHUM où il sert pendant 18 mois et rencontre le Dr Louis Dufresne. Ce dernier se retrouve à la Direction des affaires médicales et universitaires du ministère, et a son influence lorsqu’en 2003 Dr Delorme est appelé par le sous-ministre Dr Michel Bureau alors que le ministre de la Santé alors est l’actuel premier ministre Dr Philippe Couillard, pour fonder une Direction de la santé mentale sous les affaires médicales et universitaires.
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