Abstracts
Résumé
Cet article fait l’examen des attitudes à l’égard du chiac véhiculées dans Pour sûr (2011) de France Daigle, attitudes qui peuvent varier, allant du mépris à la glorification. Les protagonistes du roman considèrent souvent leur vernaculaire comme illégitime surtout en comparaison avec le français dit standard. Par exemple, certains personnages s’interrogent fréquemment sur la qualité de leur parler et expriment des inquiétudes par rapport à la survie du français au sein de leur milieu. Toutefois, certains commentaires laissent transparaître une plus grande tolérance à l’égard du chiac et même une certaine fierté, en faisant référence, entre autres, au fait qu’il est naturel que chaque vernaculaire ait ses propres traits, ses particularités. Les sentiments contradictoires envers la langue occupent une place centrale dans ce roman, dans les dialogues aussi bien que dans la voix narrative. Ce roman porte un regard particulièrement perspicace sur la réalité sociolinguistique de Moncton et de sa région.
Mots-clés :
- France Daigle,
- Pour sûr,
- français acadien,
- chiac,
- idéologies linguistiques
Abstract
This article examines the attitudes towards Chiac conveyed in France Daigle’s novel Pour sûr (2011), attitudes that can vary from contempt to glorification of the vernacular. The protagonists often consider their vernacular as illegitimate, especially in comparison with the so-called standard French. For example, some characters frequently question the quality of their speech and express concern about the survival of French in their environment. However, some comments reveal a greater tolerance of Chiac and even a certain pride, referring to the fact that it is natural for each vernacular to have its own features and particularities. Conflicting feelings about the language are central to the novel, both in the dialogue and in the narrative voice. Pour sûr takes a particularly insightful look at the sociolinguistic reality of Moncton and its region.
Keywords:
- France Daigle,
- Pour sûr,
- Acadian French,
- Chiac,
- linguistic ideologies
Article body
Publié en 2011, le roman Pour sûr de France Daigle, qui a remporté le prix du Gouverneur général dans la catégorie « romans et nouvelles » en 2012, dépeint la vie quotidienne d’Acadiens vivant dans la région de Moncton, dont la langue vernaculaire est le chiac, un parler parfois dénigré surtout à cause de son caractère hybride, ce qui lui a valu des épithètes telles que français corrompu (King, 2008, p. 138), langue bâtardisée (Boudreau et Dubois, 1993, p. 155), etc. Le roman Pour sûr abonde en détails, présente « une foule de savoirs » (Lefort-Favreau, 2013, p. 30), non seulement sur l’histoire et l’identité des Acadiens, mais également sur la langue locale. Au fil des pages, le lecteur découvre une multitude de faits sur le chiac : l’emploi de mots anglais et leur intégration à la syntaxe du français, l’utilisation de mots considérés archaïques, soit des survivances d’un état de langue d’autrefois, les paradigmes de conjugaison régionaux de certains verbes, entre autres. Le roman révèle aussi des débats houleux entourant l’utilisation du parler et les enjeux liés au bilinguisme asymétrique de la région; il accorde une grande place au regard que posent les personnages sur leur propre variété de français, un regard qui oscille constamment entre des sentiments de réprobation et l’appréciation (voire même la glorification) de leur langue.
Cette étude fait l’examen du rapport ambivalent qu’entretiennent les personnages du roman Pour sûr à l’égard de leur langue. Elle vise à montrer que, en dépit d’une critique qui est parfois sévère à l’égard du parler de Moncton dans le roman, plus spécifiquement en ce qui concerne son hybridité, une certaine quête de légitimité du parler semble transparaître. La section 1 donne un aperçu de l’oeuvre de France Daigle, en particulier du roman Pour sûr, en faisant ressortir la place centrale qu’y occupe une foule d’aspects sur le vernaculaire de Moncton et des environs. En effet, même si Pour sûr « n’est pas un roman sur le chiac » (le titre exact de l’article de Ferland [2014] est « Ceci n’est pas un roman sur le chiac »), il traite largement de tout ce qui se rattache au parler local. La technique de codification du chiac utilisée par Daigle dans Pour sûr est aussi discutée dans cette section. Le système de transcription du vernaculaire apparu dans le dernier roman de Daigle a fait couler beaucoup d’encre, entre autres parce qu’il rendrait la lecture du roman ardue et accentuerait les singularités du vernaculaire, lui conférant davantage un caractère marginal. La section 2 fournit d’abord quelques renseignements sur la situation des francophones du sud-est du Nouveau-Brunswick, situation qui explique, du moins partiellement, le rapport paradoxal que les locuteurs acadiens de la région de Moncton entretiennent à l’égard de leur langue. Cette partie montre ensuite que les attitudes contradictoires quant à la langue locale, qui peuvent varier, allant du dénigrement du chiac à sa valorisation, occupent une place centrale dans le roman, à la fois dans les dialogues comme dans le récit, ce qui fait écho à la réalité. Toutefois, certains commentaires dévoilent une plus grande tolérance à l’égard du parler, certaines remarques tendant même à valider sa légitimité. La section 3 fait l’examen des jugements portés sur les mots empruntés à l’anglais et les archaïsmes. Il s’avère que les attitudes envers les mots qui proviennent de la langue dominante dans la région monctonienne et les mots transportés en Amérique par les colons français sont presque diamétralement opposées.
1. La langue et l’obsession linguistique au coeur de Pour sûr
Originaire de la région monctonienne, France Daigle a signé une douzaine de romans; elle est aussi l’auteure de divers autres textes, y compris des pièces de théâtre et des poèmes. Considérée comme la principale représentante du postmodernisme en littérature acadienne (Bourque, 2015, paragr. 1), Daigle a recours dans ses récits à plusieurs techniques caractéristiques de cette forme littéraire : déconstruction du récit, autoréflexivité et brouillage des frontières entre l’imaginaire et le réel. Dans l’univers romanesque daiglien, il n’est pas rare que faits biographiques et fiction se mélangent et que des personnes réelles côtoient les personnages fictifs[1] (Doyon-Gosselin, 2012; Giroux, 2004b). Par exemple, dans le roman 1953. Chronique d’une naissance annoncée (1995) sont relatés de petits comme de grands événements qui ont marqué l’année de naissance de Bébé M., future romancière dont le père est rédacteur à L’Évangéline, qui voit le jour dans un hôpital de Moncton en novembre 1953. Comme le souligne Doyon-Gosselin (2012), « l’écrivaine France Daigle est effectivement née en novembre 1953 et […] son père a vraiment travaillé au journal L’Évangéline » (p. 228). Par ailleurs, dans Pour sûr, entre autres, de vraies personnes de la scène artistique et intellectuelle de Moncton sont mises en scène : en plus de l’auteure elle-même qui s’insère dans l’intrigue y figurent, par exemple, DJ Bones (pseudonyme de Marc Xavier LeBlanc), personnalité du paysage musical; Hektor Haché-Haché, décédé depuis 2016 et ancien professeur de sexologie de l’Université de Moncton; Robert Melanson, longtemps propriétaire de la Librairie La Grande Ourse, à Dieppe. Sur ce croisement réel-fiction dans le roman Pour sûr, Daigle s’exprime comme suit :
Il y a tout un côté qui n’est pas de la fiction aussi. Il y a toute une réalité qui est vraie, alors comment démêler? Ce n’est pas important de démêler parce que… C’est comme les personnages Terry, Carmen [personnages récurrents dans son oeuvre], pour moi, ça pourrait être mes voisins. Ils n’existent pas vraiment; je ne les connais pas; ce n’est pas de vraies personnes, mais ils pourraient l’être. Je veux dire… on peut entendre ce qu’ils vont se dire sur n’importe… n’importe quel coin de rue à Moncton là. Ce n’est pas rien de… Alors, ce n’est peut-être pas nécessaire au fond d’essayer de démêler qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui n’est pas vrai; tout est vrai finalement.
« France Daigle était à la librairie Le Port-de-Tête », 2011
Ces liens à la réalité se traduisent aussi par l’emploi du vernaculaire des francophones de la région de Moncton, un parler qui a longtemps été stigmatisé et qui l’est encore de nos jours principalement parce qu’il dévie de la norme [par ses emprunts à l’anglais, mais aussi par d’autres caractéristiques telles que des archaïsmes phonétiques et lexicaux] (Boudreau, 1998, 2011, 2016; Boudreau et Perrot, 2010; King, 2008; Perrot, 1995, 2006, 2014; Young, 2002).
Ses quatre derniers romans, Pas pire (1998), Un fin passage (2001), Petites difficultés d’existence (2002) et Pour sûr (2011), ancrés dans le monde urbain acadien, accordent une place assez considérable au chiac, à ses pratiques, aux enjeux liés à son utilisation. Dans ces romans, la narration est en français standard, voire un français châtié, tandis que la majeure partie des dialogues est dans le parler local (Giroux, 2004a, p. 80; Grenier, 2014, p. 144; Leclerc, 2005a, p. 21; Leclerc, 2005b, p. 171; Lonergan, 2011, p. 13; Morency, 2004, p. 87)[2]. Lefort-Favreau (2013) résume la coexistence du chiac et du français normatif dans Pour sûr de la façon suivante :
Sa logique a quelque chose de terroriste et d’inclusif à la fois. Elle n’adopte pas une posture victimaire où la langue illégitime doit être la seule à avoir le droit de cité, ni ne demande, honteuse, la permission pour utiliser « la bonne langue ». Elle se permet plutôt d’utiliser à la fois le chiac et le français normatif, considérant, avec raison, que rien ne lui est interdit. Son plaidoyer en actes pour une esthétique hétérogène ne profite pas qu’au chiac, mais à tous les discours.
p. 30[3]
Pour sûr, une oeuvre de fiction monumentale qui compte environ 700 pages, et les trois romans précédents mettent en scène des personnages qui vivent à Moncton et dans les environs, y compris Terry Thibodeau et Carmen Després, un couple dont on suit le parcours, de leur première rencontre jusqu’à leur vie en tant que parents. Dans Pour sûr, par le biais de dialogues entre ces deux protagonistes et d’autres qui gravitent autour d’eux et aussi par le biais de la voix narrative, le lecteur découvre, entre autres, des faits sur l’histoire de certains mots du vernaculaire, des remarques sur leur prononciation et de nombreuses réflexions sur la qualité et la valeur du parler[4]. En effet, le roman contient une multitude d’observations et d’interrogations sur la langue : la prononciation de certains h en français acadien (Daigle, 2011, p. 51), la conjugaison particulière de certains verbes dans le parler local (que je me neille pour que je me noie) [Daigle, 2011, p. 132], les régionalismes (l’emploi de thériaque/tiriaque pour réglisse) [Daigle, 2011, p. 145], les attitudes face aux emprunts à l’anglais, oscillant le plus souvent entre la tolérance et la désapprobation (« Carmen renonça à réagir aux mots anglais de Terry, car elle en avait parfois marre d’être rabat-joie », Daigle, 2011, p. 328), etc. Ainsi, au fil du roman sont dévoilées des particularités du vernaculaire et des jugements à son égard. Le roman prend donc des allures didactiques (sans que cela implique qu’il s’agisse d’un but conscient de l’auteure), car le lecteur a accès à une foule de remarques sur le français acadien et peut en apprendre sur le sujet, qu’il soit novice ou relativement chevronné. Bref, « [l]a rencontre du français, de l’anglais et du chiac, leur rencontre parfois fructueuse, parfois désastreuse, dans la diégèse de Pour sûr autant que dans la réalité de Moncton et des environs, forme le coeur du roman […] » (Grenier, 2014, p. 141).
De tous les romans de Daigle, Pour sûr est certainement celui qui confère la plus grande place au chiac. La romancière semble avoir eu le souci de représenter de manière plausible la réalité de la région de Moncton. Ainsi, en utilisant le chiac, l’auteure rend les personnages, l’intrigue et les situations du roman plus crédibles. Daigle explique :
Vers mon cinquième roman, je me suis rendu compte que je ne pouvais faire parler mes personnages avec réalisme sans recourir au chiac. Sinon, j’inventais une réalité qui n’existait pas. Je voulais que mes lecteurs entendent l’humour et la culture du Nouveau-Brunswick. Donc, il fallait écrire en chiac, comme Michel Tremblay a écrit en joual.
citée dans Barlow, 2013, paragr. 6
Ainsi, le désir d’authenticité semble être la raison principale pour laquelle Daigle utilise le chiac; elle précise qu’elle n’a pas eu recours au vernaculaire pour le légitimer ou en faire l’apologie :
[Le chiac] appartient au registre oral, qui n’est qu’un aspect de la langue. Ce n’est pas « une » langue et ce n’est pas « la » langue. Les francophones du Nouveau-Brunswick, y compris les jeunes, doivent être conscients que le chiac ne suffit pas si on veut avancer dans la vie. Il fait partie de nous, mais peu importe où tu travailleras, tu n’écriras pas en chiac. C’est toute l’Acadie qui a un problème si une masse critique d’Acadiens ne réussit pas à écrire et à s’exprimer correctement en français.
citée dans Barlow, 2013, paragr. 4
Afin de représenter graphiquement la langue vernaculaire, France Daigle a recours à la technique de l’eye dialect[5], c’est-à-dire qu’elle utilise une orthographe non standard pour transcrire à l’écrit des prononciations particulières. Le système qu’elle a développé pour codifier le chiac dans Pour sûr est assez singulier et peut à première vue être déconcertant pour le lecteur, car difficile à décoder, comme dans le passage suivant :
— Hõly gẽeze, Étienne! Tu commences à me wõrriéer!
Mais Étienne voulait vraiment savoir :
— Comme, si Mémére mettrait du Tide dans la tarte aux fraises à la place du sucre, ça nous tuerait-y, toute la famille?
— Ben, sti-là qui mangerait la première bouchée ouèrrait commensque ça serait mauvais, cracherait ou s’étoufferait ou dequoi de même, ça fait que les autres n’en mangeriont pas. Pis là, la police asseyerait de saouère quoisse qui s’a passé, pis après ça Mémére pourrait ẽndér ũp à la jãil si c’était prouvé qu’alle était tannée de nous autres pis qu’a voulait nous empoisonner.
Daigle, 2011, p. 365
Plusieurs travaux ont souligné le caractère frappant du système utilisé par Daigle dans Pour sûr pour transposer le chiac à l’écrit (voir, entre autres, Boehringer, 2014; R. Boudreau, 2014; Brun del Re, 2019; Cormier, 2014; Robidoux-Daigneault, 2015; Thivierge, 2017). Dans son dernier roman, Daigle n’a pas recours à l’italique pour souligner l’emploi de la langue anglaise, comme dans Pas pire ou encore Petites difficultés d’existence, un procédé qui permet à la fois une mise en relief de l’altérité de l’anglais et une lecture fluide, facilement décodable. L’auteure adopte une nouvelle démarche; elle s’octroie des libertés en inventant et en instaurant des règles orthographiques pour intégrer la part de l’anglais au chiac. Ce nouveau système orthographique signale les mots anglais par l’ajout de signes diacritiques. Ainsi, le tilde sur les voyelles sert à indiquer qu’un terme est prononcé tel que dans la langue d’origine. Les emprunts à l’anglais adaptés phonologiquement au français sont quant à eux représentés sans tilde : « avant qu’y cawliont mon nom » (Daigle, 2011, p. 14) et « Denne hõw cõme qu’y disont tout le temps la langue de Molière, comme si qu’y était le kĩngpin du français? » (Daigle, 2011, p. 32). Dans ces exemples, cawliont (le verbe call de l’anglais conjugué en utilisant la désinence -iont que le français acadien ajoute aux radicaux; il s’agit d’une forme de conjugaison ancienne [King, 2013, p. 41-42]) et denne (de then de l’anglais) seraient prononcés à la française. Quant à l’accent aigu, il est utilisé pour indiquer qu’un verbe emprunté à l’anglais se conjugue selon les patrons du français, comme frẽaké õut, et sẽlf-mũtilatér (Daigle, 2011, p. 202). L’usage particulier de ce diacritique est également expliqué :
La tentation, voire la nécessité d’élargir le rôle des accents. Par exemple, l’accent aigu sur le e des verbes anglais se terminant en er — bãnkér, clãmpér, drĩvér, flũnkér, lẽakér, mãnagér — pour indiquer qu’il s’agit de mots anglais dont la terminaison se prononce en français. Prendre des décisions, établir de nouvelles règles, repenser l’erreur.
Daigle, 2011, p. 63
L’auteure affirme qu’elle a créé des formes nouvelles pour pouvoir représenter la langue vernaculaire dans le roman : « [le chiac est] une langue hybride, mixte, à laquelle j’ai dû donner ses structures pour la rendre à l’écrit. » (citée dans Barlow, 2013, paragr. 5)
Comme le note Boehringer (2014), le système orthographique dans Pour sûr, qui déforme l’orthographe de mots anglais, rend le chiac plus difficile à décrypter :
[…] l’auteure intervient dans la graphie même de l’anglais, elle la modifie et crée ainsi des obstacles qui rendent la lecture un peu plus ardue. La graphie insolite produit une nouvelle perception de l’anglais qui dérange, voire provoque les lecteurs, car elle ne se laisse pas déchiffrer automatiquement, selon les habitudes. D’aucuns trouveront ce traitement de l’anglais sans doute abusif, vu qu’il ajoute un autre niveau de complexité à une lecture déjà difficile pour ceux qui ne connaissent pas le chiac.
p. 193
Malgré le caractère excentrique du procédé, il « est tout à fait transparent, puisque le dispositif […] est révélé au fil du récit » (Robidoux-Daigneault, 2015, p. 30). En effet, tout au long du roman, des indications qui dévoilent le fonctionnement du système sont données, ce qui aide le lecteur à apprivoiser progressivement la technique particulière de codification du chiac.
Plusieurs chercheurs ont émis des remarques sur l’effet produit par le système « poursûrien ». R. Boudreau (2014) affirme que le procédé de l’auteure accentue délibérément la singularité du chiac, ses particularismes[6] : « Dans Pour sûr, France Daigle choisit une version très poussée du chiac qu’elle alourdit volontairement en faisant de l’oral un jeu qui multiplie les marques les plus inusitées. » (p. 14) Cette observation rejoint celle de Cormier (2014), pour qui la « codification du vernaculaire est un [jeu], un jeu linguistique participant du plaisir de la systématisation et de la classification qui transparaît à chaque page de Pour sûr […]. L’encodage du chiac dans le roman devient alors une entreprise réflexive, valable en elle-même, comme l’est aussi la structure de l’oeuvre »[7] (p. 134). Elle participe du ludisme dans le roman.
Pour sa part, Ariane Brun del Re (2019) propose que le système orthographique du chiac dans Pour sûr donne une forme graphique au vernaculaire qui est distincte à la fois du français et de l’anglais. Elle explique : « Le système orthographique du chiac qu’elle [Daigle] propose a pour effet de le transformer en code étranger, ce qui oblige le lecteur endogène à adopter la position exogène. En d’autres mots, l’écrivaine procède par défamiliarisation […]. » (p. 168) Un constat similaire est fait par Cormier (2014) qui soutient que la technique d’encodage du chiac dans Pour sûr permet une mise à distance de celui-ci par rapport à l’anglais et au français normatif (p. 137; voir aussi Thivierge, 2017, p. 244). Dans ce sens, ces perspectives ne sont pas sans rappeler la caractérisation du chiac comme un « troisième code autonome » (Boudreau et Perrot, 1994, p. 274; voir ci-dessous). Le système de codification du chiac dans Pour sûr, qui est essentiellement un travail de standardisation, de fixation du chiac, « tire son origine de la réflexion sur la construction d’une langue, c’est-à-dire […] la mise en cause du système pur, de la forme pure » (Cormier, 2014, p. 137). Cormier ajoute que Pour sûr est la poursuite du projet de revendication de la légitimité du chiac amorcé dans les romans antérieurs :
Assurément, la seule présence du vernaculaire dans les ouvrages linguistiques lui fournira une première légitimité, comme le reconnaît Julien Lefort-Favreau (2013, p. 30) : « En choisissant cette forme, la plus normative qui soit, dont le rôle est de fixer la norme et l’usage, [Daigle] indique la voie à suivre. »[8]
2014, p. 132
Dans Pour sûr, au fil des pages, le lecteur apprend à « décoder » la langue des francophones du sud-est du Nouveau-Brunswick. Il peut donc déceler certains traits caractéristiques de leur accent tels que la prononciation des è [ɛ] en é [e], lorsque cette voyelle est suivie par un r en fin de mot (« parce qu’y a tué son õwn pére » [Daigle, 2011, p. 239]); la prononciation de certains o, soit [ɔ] (o ouvert) ou [o] (o fermé), en ou, soit [u] ou [ʊ], le phénomène nommé ouisme (« J’imagine que c’est comme les houmords » [Daigle, 2011, p. 348]); la prononciation de [tj] et [k] en [tʃ], représentée graphiquement comme tch (tchoeur pour coeur [Daigle, 2011, p. 198]), ainsi que la prononciation de [dj] et [g] en [dʒ], indiquée par la suite dj (djeu pour dieu [Daigle, 2011, p. 194]). Un passage du roman porte spécifiquement sur la façon de prononcer les mots quelqu’un, quai, guerre et gueule, avec des consonnes dites affriquées : « — Pis quoisse qu’on ferait des tche par icitte pis des dje par là? Tchequ’un, tchai, djerre, djeule? On va-t-y se remettre à parler de même asteure? » (Daigle, 2011, p. 208) Les dialogues des personnages sont aussi émaillés de mots désignés comme archaïques (coq-mort[9] qui signifie « bouilloire » [Daigle, 2011, p. 524]), de mots maritimes qui ont connu une extension de sens et qui peuvent être employés dans la vie de tous les jours (larguer dont l’emploi maritime veut dire « lâcher ou détendre un cordage » (Gauvin, 2011, p. 297); « Que les brãkes larguiont aller ou dequoi de même » (Daigle, 2011, p. 227), de l’emploi de -ti qui sert à former des interrogatives totales, le plus souvent représenté comme t-y dans le roman (« C’est-y quelqu’un à l’école, ça? » [Daigle, 2011, p. 299]), etc. Comme mentionné ci-dessus, en plus de mettre en exergue les traits langagiers locaux, Pour sûr regorge de commentaires sur le statut et la légitimité du chiac ainsi que sur la relation paradoxale qu’entretiennent ses locuteurs à son égard.
2. Le rapport ambivalent à la langue dans Pour sûr : la coexistence du « chiac mépris » et du « chiac fierté »
Au Nouveau-Brunswick, qui compte environ 32 % de francophones (Statistique Canada, 2017), les francophones de plusieurs régions vivent en milieu minoritaire. Malgré l’adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969, qui fait du français et de l’anglais des langues co-officielles, le français est souvent relégué au second plan, et dans la pratique, l’anglais demeure la langue prédominante dans plusieurs sphères (par exemple, l’affichage commercial, voir ci-dessous).
Le Grand Moncton comprend trois villes à compositions linguistiques différentes : Riverview, seulement 8 % de francophones; Dieppe, 72 % de francophones; et Moncton, 35 % de francophones[10] (Statistique Canada, 2019a, 2019b, 2019c). Selon Violette (2018/2019), « [l]es deux groupes linguistiques […] sont souvent présentés dans les discours publics en tant que “majorité” et “minorité”, ce qui caractérise le rapport de force numérique et symbolique qui les lie » (p. 54). Par ailleurs, en plus de cette différence de poids démographique des deux communautés linguistiques, il y a un écart net en ce qui concerne le taux de bilinguisme au sein des deux groupes. D’après le recensement de 2011, dans la province, le taux de bilinguisme chez les francophones s’élèverait à 68 %, alors que seulement 16 % des anglophones seraient bilingues (Statistique Canada, 2012). Violette (2018/2019) affirme que le contact asymétrique entre les deux langues officielles dans la métropole de Moncton « se traduit par une minoration du français face à l’anglais, langue qui demeure absolument nécessaire pour circuler et évoluer dans l’espace monctonien » (p. 54). Bien que la ville de Moncton soit officiellement bilingue depuis 2002, l’affichage commercial unilingue anglais y est dominant (Roussel, 2013), reflétant le rapport de force que l’anglais exerce sur le français. Certains francophones souffrent d’insécurité linguistique, « un sentiment d’illégitimité à l’égard d’une langue » (Boudreau, 2009, p. 442), jugeant que leurs pratiques et leurs compétences linguistiques ne sont pas adéquates. Ce sentiment découlant de représentations linguistiques négatives peut se manifester par différents comportements (hypercorrection, hypocorrection, reformulations, reprises). L’insécurité linguistique peut également se présenter « sous forme d’auto-odi ou de métadiscours récurrents sur sa manière de parler » (Boudreau, 2016, p. 125).
Après le Grand Dérangement, les Acadiens vivent dans une autarcie relative et n’ont que très peu accès à un enseignement public en français jusqu’au milieu du 20e siècle. Ce n’est qu’à partir des années 1950, au contact d’autres variétés de français et d’une norme qui sert de référence, qu’ils perçoivent leurs différences linguistiques (Boudreau, 2009, p. 442). Ainsi, les francophones en Acadie, tout comme d’autres francophones en milieu minoritaire, considèrent parfois qu’ils parlent un français qui est de piètre qualité, un français qui est inférieur par rapport à d’autres, par rapport à la norme, jugée plus prestigieuse.
Or, des études menées sur les représentations linguistiques des locuteurs du français acadien, y compris des locuteurs du sud-est du Nouveau-Brunswick montrent que les rapports à la langue peuvent être assez complexes. Ainsi, une sensibilité des locuteurs à leurs spécificités langagières peut engendrer chez eux une relation ambiguë avec leur langue (voir, entre autres, Boudreau, 1991, 1995, 1996, 2003, 2009, 2012, 2016; Boudreau et Dubois, 2001, 2007; Boudreau, Dubois et d’Entremont, 2008; Boudreau et Perrot, 1994; Perrot, 2006). Le vernaculaire sera tantôt méprisé, tantôt célébré pour les mêmes traits régionaux, quoique cela puisse sembler contradictoire. Ainsi, les perceptions à l’égard du vernaculaire de Moncton peuvent varier énormément, allant du « chiac mépris » au « chiac fierté » (Boudreau, 1996, p. 152).
Une recherche réalisée par Boudreau et Dubois (2009) sur la perception qu’ont les Acadiens de la qualité de leur français révèle que nombreux sont ceux qui ont une attitude méprisante envers leur variété. Par exemple, à la question « Est-ce que tu parles bien le français? », certains locuteurs du sud-est du Nouveau-Brunswick ont répondu de la façon suivante[11] :
— On a du bon français mais c’est quand même : y a de l’acadien là-dedans, pis les Acadiens ont un français des fois pas trop haut
— J’aimerais avoir un français plus parfait; on est porté à avoir des expressions de la région pis on peut dire des mots franglais
— Non, moi, j’ai des expressions de par icitte
— Je parle avec mon petit acadien
— Ben pas comparé à la majorité des/des autres francophones du Canada
Boudreau et Dubois, 2009, p. 481
Cette autoévaluation révèle chez les locuteurs un jugement réprobateur à l’égard de leur parler. Certains Acadiens ont une représentation largement négative de leur langue et ils sont convaincus qu’ils s’expriment mal. En effet, ils estiment que leur parler est moins légitime que d’autres variétés parlées au Canada et ailleurs. Toutefois, les Acadiens peuvent aussi parfois porter des jugements positifs sur leur langue. D’après l’étude de Boudreau et Dubois (2009), plusieurs locuteurs ressentent un attachement au français; ils estiment qu’il est un élément indissociablement lié à leur identité. Les énoncés ci-dessous correspondent à quelques réponses recueillies pour la question « Est-ce que la langue française est importante pour toi? » :
— Faut la garder notre langue, c’est notre culture; nos… nos ancêtres, c’est ce langue-là qu’y parlaient… /pis euh/ on a reçu ça de des Français de France…
— C’est notre langue à nous autres; on devrait pas prendre celle des autres
— Je trouve que si t’es né avec ça [la langue] tu sais… c’est important parce que c’est mes origines
— C’est la langue de nos ancêtres
— C’est important là… beaucoup d’ancêtres qui se sont battus pour juste avoir notre langue…
Boudreau et Dubois, 2009, p. 478
Ces oscillations dans le jugement porté sur la langue, alternant entre un regard favorable et un jugement sévère, sont omniprésentes dans Pour sûr, tant dans les dialogues que dans les remarques attribuables à la voix narrative. En ce sens, le roman s’apparente à un essai ethnographique et sociolinguistique; les remarques métalinguistiques dont il regorge illustrent les attitudes contradictoires présentes dans la communauté acadienne du sud-est du Nouveau-Brunswick. Le passage suivant, un commentaire sur les titres de deux romans de Daigle, est très éloquent en ce qui a trait à ce rapport ambivalent, « un rapport tortueux au langage » (expression faisant partie d’un titre d’une oeuvre de France Daigle, La beauté de l’affaire. Fiction autobiographique à plusieurs voix sur son rapport tortueux au langage, parue en 1991).
Pour sûr. Cette expression vient-elle seulement de l’anglais for sure? Tant pis. La gradation de Pas pire à Pour sûr me va, d’autant plus que pour sûr fait un pied de nez au cliché langagier sûr et certain, que je place dans la même catégorie que la langue de Molière et la langue de Shakespeare. Ai-je parlé de mon rapport d’amour-haine à la langue?
Daigle, 2011, p. 694-695
Les paragraphes suivants sont consacrés à certains commentaires de Pour sûr qui reflètent les attitudes opposées des francophones de la région de Moncton à l’égard de leur langue. Bien que Pour sûr soit un ouvrage de fiction, il réussit à représenter de façon assez fidèle des scènes de la vie des francophones du sud-est du Nouveau-Brunswick et des tensions suscitées par leur langue.
Les protagonistes dans Pour sûr sont souvent tourmentés par la langue, ses pratiques, son statut, sa légitimité (soucis qui sont aussi exprimés hors dialogues, dans la trame narrative comme telle), ce qui est aussi le cas dans la réalité : « En Acadie, les citoyens et les citoyennes grandissent dans un univers où les discussions linguistiques foisonnent […]. » (Boudreau et Dubois, 2009, p. 477-478) Le dialogue suivant, entre deux personnages anonymes, témoigne de cette préoccupation par rapport à sa façon de parler.
— La langue est une obsession par icitte pour sûr!
— Pourrais-tu expliquer?
— Ben, à cause de la wé que t’es supposé de parler!
— Ya! C’est assez frĩggen compliqué.
Daigle, 2011, p. 464
Dans ce passage, le chiac est évalué en lien avec un modèle jugé légitime : les personnages se questionnent quant à la valeur de leur propre parler et expriment la complexité de leur rapport à la langue qui découle de cet état des choses. Certains personnages de Pour sûr ont clairement un complexe par rapport au vernaculaire, considérant qu’il s’agit d’une variété inférieure. Carmen, qui est sans aucun doute le personnage le plus opposé à l’utilisation du chiac, a conscience que ce parler dévie du modèle à imiter et elle est hostile à la langue vernaculaire, comme l’illustre le passage suivant :
La position de Carmen au sujet de la langue n’a rien de reposant, et ce, pour elle-même en premier lieu. Elle a beau vouloir que les enfants apprennent un français correct, elle ne peut s’empêcher de sourire parfois devant certaines tournures chiac. Mais ce n’est pas toujours le cas, hélas. Elle a souvent l’impression que le chiac résulte d’une certaine paresse, ou d’un manque de curiosité, de fierté, de logique, d’autant plus quand le mot français est connu de tous et facile à intégrer au parler courant. Au Babar, par exemple, elle aimerait que les employés parlent aisément un français un peu plus relevé, sans que le chiac disparaisse complètement pour autant. Elle n’a pas encore trouvé la meilleure manière d’aborder cette question avec les employés, craint d’être jugée, mise à l’écart du simple fait d’aborder ce sujet sensible.
Daigle, 2011, p. 76-77
Carmen éprouve une gêne, un très grand malaise par rapport au chiac et elle souhaiterait que les personnes de son entourage veillent à soigner leur français. Or, la situation de contact de langues à Moncton et dans ses environs, où le français et l’anglais se côtoient, rend parfois difficile le maintien du « bon » français. Selon Carmen, parler chiac, c’est mal parler; elle dévalorise donc ce vernaculaire et ne cesse de corriger le parler de son conjoint, Terry, et de son fils, Étienne. Il n’empêche qu’elle se sent tiraillée par le dilemme entre le choix de la langue familière et celui de la langue de prestige. La description suivante sur le chiac renseigne sur le fait que la langue régionale est souvent décriée :
Aussi grammaticalement logique qu’il puisse être, le chiac est la plupart du temps dénoncé comme modèle suprême de médiocrité, une déviation magistrale par rapport au français normatif, une forme langagière (lapsus : uniforme bandagière) supposée supérieure. Prendre/perdre son mal en patience.
Daigle, 2011, p. 240
Le chiac est caractérisé dans cet extrait comme comportant de nombreux écarts par rapport à la norme et devient un exemple par excellence de parler de mauvaise qualité. Cette attitude découle manifestement de l’idéologie du standard, qui est expliquée par Boudreau (2009) de la façon suivante :
On peut […] affirmer que l’idéologie de l’unilinguisme français, fortement apparentée à l’idéologie du standard, qui confère au français le statut de langue unique, la même pour tous, faisant fi de toute diversité, a été longtemps l’idéologie dominante (Joseph 1987; Crépon 1996; De Robillard 2000; Klinkenberg 2001) et a eu des conséquences indéniables sur les comportements linguistiques des francophones, surtout dans les milieux périphériques par rapport à la France […].
Boudreau, 2009, p. 441
Cette idéologie suppose qu’une seule forme de français est permise, ce qui exclut la possibilité de variation, de différences, pourtant intrinsèques à toute langue. Selon cette conception, la langue serait immuable, figée, et les locuteurs ne seraient pas entièrement libres d’employer des formes qui n’en font pas partie. Dans Pour sûr, on s’interroge sur la question de savoir si les gens ont le droit de faire des écarts :
Il n’est pas toujours facile de savoir quand il est justifié de créer de nouveaux mots anciens. L’expression quoi c’que par exemple, contraction de quoi c’est que : elle se dit et s’écrit plus simplement sous la forme quoisse que. Cependant, cette forme ne se trouve ni dans le Glossaire acadien de Pascal Poirier, ni dans le Dictionnaire du français acadien d’Yves Cormier. Par contre, le Poirier retient ousque et yousque pour où est-ce que et y où est-ce que. Il serait également justifié d’admettre ayousque, tout aussi courant dans la langue acadienne et vraisemblablement formé à partir de à y où est-ce que. Dans ce cas, pourquoi pas quoisque et, pour le langage du dimanche, quesque? Le quoisse continuerait à exister pour l’escamotage du que. Évidemment, la même règle devrait aussi s’appliquer au qui.
— Pas diffarence quoisse tu dis, c’est yinque d’autres règles. Pis quisqui va faire sûr que toutte ça fait du sens?
— On a-t-y ẽven le droit de frĩggér avec le français comme ça?
Daigle, 2011, p. 58-59
La question « On a-t-y ẽven le droit de frĩggér avec le français comme ça? » révèle que les locuteurs considèrent qu’ils n’ont pas l’autorité de transgresser la norme; ils doivent s’y conformer. Par ailleurs, le passage insinue que les formes non consignées dans les ouvrages de référence, les dictionnaires, ne sont pas d’usage correct. Comme le font remarquer Arrighi et Violette (2013, p. 85), « [f]aire référence à la qualité de la langue découle de l’idée qu’il y en a une seule forme de légitime, la forme standard, à l’aune de laquelle toutes les autres formes sont considérées déviantes, impures, problématiques et menaçantes ».
Le passage suivant est particulièrement révélateur à cet égard. À la librairie Didot, où il travaille, Terry se sent généralement mal à l’aise en présence d’un personnage particulier, Alphonse Lemaître, un professeur de littérature à la retraite, qu’il trouve arrogant, particulièrement parce qu’il parle avec un accent qui semble ne pas être le sien; Alphonse Lemaître s’exprime dans un français considéré comme valable :
Terry sentit à quel point il était d’aplomb ce jour-là en voyant Alphonse Lemaître dit LeSage (!) ouvrir la porte de la librairie. Il va sans dire que le professeur à la retraite n’invitait pas à la familiarité, et il faisait exprès — Terry en était persuadé — de toujours demander des livres qui ne figuraient pas sur les étagères.
— Y a-t-y dequoi que je pourrais faire pour vous autre aujourd’hui?
Terry n’avait pas de difficulté à accepter les critiques occasionnelles des clients, mais il se méfiait des personnes qui n’avaient que des commentaires désobligeants en bouche. Aussi, n’en était-il plus à ses premières armes avec ce prétentieux — Alphonse Lemaître dit LeSage (!!) — qui faisait bien attention de prononcer tous ses mots très correctement, comme s’il était né à Versailles et non à Shédiac.
Daigle, 2011, p. 719
Alphonse Lemaître (au nom prédestiné) semble incarner le savoir, la culture, et en tant qu’ancien professeur de littérature, il appartient à une classe sociale favorisée et est détenteur d’une norme linguistique. Il n’est pas étonnant que son articulation nette rappelle la façon de parler de Versailles, symbole de pouvoir linguistique. Vu qu’il est originaire du sud-est du Nouveau-Brunswick, comme Terry, il est fort possible qu’Alphonse Lemaître puisse s’adresser au libraire en chiac. Or, Alphonse Lemaître s’exprime dans un français rappelant les variétés de prestige utilisées en France. Il se pourrait qu’il provienne d’une classe sociale privilégiée ayant eu accès, dès l’enfance, à la langue légitime et qu’il juge qu’il n’y a pas lieu de recourir, même avec des locuteurs monctonniens, à une langue minorée. Toutefois, il se pourrait qu’Alphonse Lemaître soit en fait un locuteur natif du chiac et qu’il rejette délibérément sa langue, qu’il la délaisse complètement, ce qui peut évidemment être interprété comme un déni de ses racines. D’après Boudreau et Dubois (2009), les Acadiens « ne peuvent faire autrement qu’être conscients de l’existence d’une langue qui jouit d’une légitimité et d’un prestige supérieurs à la leur » (p. 473). On peut supposer que le refus d’Alphonse Lemaître d’utiliser le chiac résulte d’un profond sentiment de honte à son égard. Bien qu’une grande part des commentaires métalinguistiques de Pour sûr révèlent des attitudes négatives à l’égard du chiac, le vernaculaire est présenté parfois sous un jour plus favorable. Ainsi, le chiac peut aussi être considéré comme une langue à forte valeur identitaire et être vu de façon plus positive. Dans le passage suivant, Étienne, le fils de Terry, lui fait remarquer qu’il emploie des mots anglais :
— Papa! T’as encore dit un mot anglais!
De temps à autre — cela relevait d’un calcul intuitif —, Terry glissait un mot ou une expression anglaise dans son parler parce que malgré tout cette forme de transgression faisait également partie de son identité.
Daigle, 2011, p. 333
L’emploi de mots anglais dans la langue vernaculaire, quoique le plus souvent sévèrement critiqué (voir la section 3), est tout de même une caractéristique intrinsèque du parler acadien de la région de Moncton. La langue vernaculaire, puisqu’elle est liée à l’expression de l’identité, peut être aussi source de fierté, même si elle s’éloigne de la norme. Ainsi, le caractère hybride du parler n’est pas toujours occulté. Dans l’extrait suivant, Terry explique à quel point le chiac fait partie de son être en affirmant : « le chiac est dẽep dans moi » (Daigle, 2011, p. 114). Ainsi, le vernaculaire appris pendant la jeune enfance est une partie inaliénable de l’individu.
Il y a d’autres passages dans Pour sûr qui montrent que les personnages peuvent éprouver un attachement à leur langue, qui les lie à une communauté de francophones plus large. Par exemple, les prénoms peuvent symboliser l’appartenance à un héritage, à une culture, à une communauté linguistique. Dans l’extrait suivant, Étienne interroge sa mère pour connaître l’équivalent anglais de son prénom. Sa mère lui explique que son nom n’a pas d’homologue anglais et qu’il porte un nom français parce que les membres de la famille s’identifient comme étant des francophones.
— Maman, commensque je m’appelle en anglais, moi?
La question prit Carmen par surprise.
— Chico dit qu’à l’école, y a un garçon qui s’appelle Antoine dans la classe. Ben dans la cour y s’appelle Tony.
— Toi, t’as pas vraiment de nom anglais. Étienne, c’est un nom français.
— Je sais.
— …
— Ben, juste si quelqu’un voudrait m’appeler en anglais?
— Vraiment, je connais pas de nom anglais pour dire Étienne. Ça doit être comme ça que ça se dit en français pis en anglais.
Carmen essaya de prononcer le nom Étienne à l’anglaise, la différence peinait à se faire entendre.
— Tu vois, c’est aisé de dire ton nom en anglais. Ça se prononce presque de la même manière.
Étienne restait sceptique, même si Carmen n’alla pas jusqu’à lui faire croire que son nom coulerait toujours de source dans la bouche des Anglais.
— Ben Papa, lui, s’appelle Terry...
Carmen entendit venir la suite.
— Pis toi, beaucoup de monde t’appelle Carm...
— Oui, c’est vrai. Ben c’est pas nous autres qui avons demandé de se faire appeler de même. Le monde a juste commencé à le faire longtemps passé pis ç’a resté comme ça. Pis asteure on dirait qu’y est trop tard pour changer. Toi, t’as un nom plusse français parce que c’est ça qu’on est, plusse français.
Daigle, 2011, p. 502-503
En somme, dans Pour sûr, les protagonistes ont des attitudes contradictoires vis-à-vis du chiac, qui est tour à tour dénigré et accepté. Cette représentation des sentiments d’ambivalence n’est pas nouvelle chez Daigle. Leclerc (2009) discute de ce rapport complexe que les personnages de Petites difficultés d’existence expriment à l’égard de leur langue. Elle est à la fois contestée (entre autres par Carmen qui reproche à Terry de ne pas soigner son français) et revendiquée (par Terry, par exemple, qui s’oppose parfois à la censure imposée par sa conjointe).
3. Le regard jeté sur les anglicismes et les archaïsmes
Le chiac, issu du contact du français et de l’anglais en situation minoritaire, est caractérisé « par l’intégration et la transformation, dans une matrice française, de formes lexicales, syntaxiques, morphologiques et phoniques de l’anglais; on y trouve également des traits dit archaïques » (Boudreau, 2011, p. 88). La présence de l’anglais dans la langue régionale est souvent considérée comme abaissant la qualité du français et a longtemps été perçue comme « le symbole de l’aliénation linguistique » (Boudreau et Perrot, 2010, p. 51).
Dans Pour sûr, c’est le plus souvent un sentiment de dépréciation qui est véhiculé à l’égard de l’hybridité du vernaculaire. En effet, l’idée que l’anglais est responsable de l’appauvrissement de la langue est répandue; c’est la présence de l’anglais qui représente une menace et qui entache la langue. Un « bon » français devrait être dénué d’emprunts à l’anglais. Boudreau et Dubois (1993) expliquent : « [l]’infiltration de l’anglais dans la langue constitue le signe indélébile d’une langue bâtardisée non seulement pour les locuteurs qui en font usage, mais aussi pour ceux qui parlent autrement. » (p. 155) C’est avant tout la sonorité anglaise qui gêne, tel qu’indiqué par le passage suivant :
Puisque le français acadien regorge de mots anciens et de tournures désuètes, c’est sans doute la forte et souvent insidieuse présence de l’anglais qui donne au chiac son caractère propre, et la prononciation tout à fait anglaise de ces mots pèse lourdement dans la balance. Un Français peut bien dire « parquigne », l’Acadien, lui, aura l’impression de faire du théâtre s’il doit en dire autant. Il prononcera donc tout naturellement « parking », comme il l’entend de la bouche des milliers d’anglophones qui l’entourent. On a affaire ici à une rupture d’ordre musical, rythmique, esthétique. Souvent le mélange des deux langues passe presque inaperçu, mais souvent il blesse tant l’oreille que l’entendement.
Daigle, 2011, p. 44
Le « mélange » du français et de l’anglais est condamné, plus particulièrement la non-intégration des mots de l’anglais. Boudreau (2012) fait un commentaire qui va dans ce sens :
[L]a plupart des citoyens imaginent le français comme homogène, ce qui mène à occulter la part d’hétérogène qui le constitue. Je pense notamment aux emprunts qui caractérisent toutes les langues qui passent inaperçus lorsqu’ils sont intégrés phonétiquement dans la matrice de la langue X. Cependant, lorsque ces emprunts sont perceptibles et audibles, comme ils le sont dans la plupart des milieux minoritaires francophones au Canada, ils restent inadmissibles aux yeux de la plupart des gens.
p. 92
Dans Pour sûr, l’emploi d’anglicismes est souvent vu comme une menace à la bonne maîtrise du français. Dans l’extrait suivant, Carmen, parlant à son conjoint Terry, discute du fait que le français de leur fils Étienne est parsemé de mots anglais, ce qui la préoccupe.
Carmen ne réussissait pas à s’endormir, pensait au lendemain :
— Je suis pas sûre que c’était une bonne idée d’envoyer les enfants faire ce film-là. T’aurais dû entendre Étienne après le souper. C’était des cãndés par-icitte, des pũddles d’eau par-là, qu’y avont mis du cẽment dedans, qu’était ãwesome, pis là y a annoncé qui voulait un skãteboard pour sa fête.
Terry commençait lui aussi à s’inquiéter du langage de son fils.
— Je sais…
— C’en est décourageant…
— Dis-toi qu’y reste yinque deux jours…
— Hun! Ça commence juste! C’est supposé qu’une fois qu’y mettont les pieds à l’école, c’est fini!
Daigle, 2011, p. 166-167
Dans la région monctonnienne, la situation du français est perçue comme étant fragile, le risque d’assimilation étant toujours ressenti. L’utilisation fréquente d’emprunts est ainsi parfois associée à la peur de perdre sa langue.
Le passage suivant exprime la même idée, soit que l’emploi de mots d’origine anglaise dégrade le français. Des personnages anonymes discutent du problème qu’engendre l’acceptation de mots anglais dans la langue, qui peut ne pas avoir de limites. En d’autres mots, admettre certains emprunts à l’anglais peut mener à en incorporer davantage dans le vernaculaire.
— Moi, j’ai peur que si on admet rigne pour rĩng, signifiant sonner à la porte ou sonner la cloche, ça sera pas long qu’on entendra le monde dire dequoi comme j’ai rigné la dõorbell. Je désapprouve totalement qu’on ouvre la porte à dõorbell.
— Peut-être qu’il suffirait de créer drigne pour drĩngla sonnerie, et de réserver rigne pour la boxe. Qu’en pensez-vous?
Daigle, 2011, p. 661
Les personnages sont réticents à l’égard des emprunts. Ils traitent des formes possibles de mots anglais, comme rigne pour désigner l’action de sonner à la porte, et des conséquences néfastes d’utiliser ces mots de l’anglais. Les mots anglais pourraient envahir la langue, ce qui constitue une menace risquant de faire disparaître le français. Il est donc question ici de la survie de la langue. L’utilisation d’emprunts est vue comme une contrainte qui empêche de bien parler français. Les emprunts font donc obstacle à la maîtrise de la langue maternelle.
Carmen se sert elle aussi de mots anglais, même si elle n’aime pas que les gens en emploient. Elle explique qu’elle doit éviter les emprunts lorsque Terry est présent, car elle ne veut pas lui donner l’idée que les anglicismes sont appropriés; ils nuisent aux compétences linguistiques.
La serveuse apporta la carte, demanda si nous voulions un apéritif.
— Voulais-tu manger, toi?
— Je veux juste des frites. C’est supposé qu’y sont bonnes icitte. Y les faisont avec des yãms.
— Awh oui?
— Oui, pis faudrait pas que Terry m’entendrait. Je me laisse aller à dire des mots anglais quante y est pas alentour.
— Ben, tu dis des mots anglais avec lui aussi des fois.
— Je sais, pis chaque fois j’ai peur que ça l’encourage à faire pareil.
— Y est-y si fragile que ça? Linguistiquement, je veux dire…
— Je comprends pas tout le temps commensque ça se passe dans sa tête. Ou dans sa bouche. Pendant des jours le français va bien, pis là tout d’un coup, c’est comme si que l’anglais était couché partout dans le chemin en avant de lui pour le faire trébucher.
Daigle, 2011, p. 432-433
Dans l’extrait suivant, une description du chiac est fournie, description qui a les apparences d’une définition du type qu’on retrouve dans les dictionnaires ou les encyclopédies. Il y a une énumération de certains traits de ce vernaculaire; le parler est présenté comme un code hybride, comportant des archaïsmes, des mots du français contemporain, des emprunts à l’anglais et des structures syntaxiques des deux langues. Ce passage semble en quelque sorte légitimer le chiac; or, l’utilisation du mot salmigondis au début de la description, terme à connotation péjorative puisqu’il sert à désigner un mélange disparate et incohérent, donne le ton. Ainsi, le passage semble véhiculer l’idée que les nombreuses caractéristiques listées dans l’extrait, qui sont somme toute un ramassis confus, concourent à créer un sentiment de honte chez ses locuteurs. La langue régionale, en raison de ses nombreuses différences par rapport à la norme, dont le recours à l’anglais, est une variété inférieure :
Salmigondis de français du XVIIe siècle et de français moderne, de mots anglais prononcés à l’anglaise, de mots anglais francisés et d’un mélange syntaxique empruntant aux deux langues, le chiac est surtout l’apanage des Acadiens du sud-est du Nouveau-Brunswick. En dépit de sa résonance autochtone (Shédiac, Kouchibouguac, Tabusintac) rien n’est certain quant à l’origine du mot chiac. Et parler le chiac appelle encore aujourd’hui un certain déshonneur.
Daigle, 2011, p. 24-25
Par ailleurs, le fait que certains locuteurs ne se rendent pas compte qu’ils utilisent des mots anglais à la place de termes français indiquerait que certaines habiletés linguistiques leur font défaut :
— À Moncton, des fois, c’est mêlant pour zeux, le français pis l’anglais.
— Y en a qui mélangeont sitant le français pis l’anglais qu’y savont pas même qu’y parlont deux langues différentes. Y croyont que les mots anglais sont du français.
— On voulait qu’y voueillent qu’y a des places oùsque tout le monde parle yinque français. Moi-même, j’ai grandi à Dieppe. Aussitant ben dire que j’ai grandi bilingue. Ça fait que je mêle les mots français pis anglais des fois.
Daigle, 2011, p. 347-348
Ce passage rappelle une remarque d’un locuteur cité dans Boudreau et Perrot (1994) qui déclare : « [o]n devrait pas mêler nos deux langues […] on devrait tout simplement si qu’on veut parler l’anglais qu’on le parle si qu’on veut parler le français qu’on le parle mais pas les mêler. » (p. 276)
Il arrive, plus rarement, par contre, que certains locuteurs du vernaculaire considèrent le mélange des langues de façon plus positive. On admet donc parfois que, pour manier deux langues, il faut une certaine agilité d’esprit, une certaine habileté :
— Moi, c’est ceuses-là qui asseyont de parler chiac pour se moquer de nous autres. Y croyont que c’est aisé de parler comme ça bũt quante qu’y asseyont, y oueillont que c’est pas si aisé que ça.
— Plusse, y ũsont tout le temps le même exemple : crõssér la strẽet.
— Ça pis bãck… Je vas retourner bãck au magasin.
— Tu! Drouette là ça prõve que parler chiac, c’est plus dur que ça paraît. Un vrai chiac mettra pas bãck pis re- dans la même phrase. Y dira qu’y va bãck y aller, pẽriod. Le bãck remplace le re-, rĩght? Y dirait pas même qu’y va y aller bãck. Parce que bãck — comme le re-, ãs ã mãtter õf fãct — va en avant du verbe. Ça fait yinque du cõmmon sẽns. Je vas bãck aller au magasin. Ou au stõre, c’est selon.
— C’est dequoi qu’y faut que tu grandisses avec, pas dequoi que tu peux apprendre dans les livres ou pĩckér ũp juste de même.
— Faut que tu connaisses ton anglais pour pouère le bẽndér au français.
— Ẽxactly!
Daigle, 2011, p. 209-210
Le chiac n’est pas considéré comme une variété appauvrie ou corrompue dans cet extrait, mais comme une variété valable ayant une structure et des règles. Il n’est donc pas le résultat peu homogène d’un amalgame aléatoire de deux langues. Boudreau et Perrot (1994) décrivent le chiac « comme un troisième code autonome par rapport aux deux codes en contact dont il est issu, régi par ses propres règles, et non comme le résultat hétéroclite d’une sorte de “mélange arbitraire” » (p. 274). Comme pour toute langue et toute variété de langue, le chiac est gouverné par des règles. Toutefois, le chiac étant un vernaculaire, ses règles ne sont pas consignées dans les grammaires grand public et, par conséquent, ne sont pas réellement accessibles hors de la communauté dans laquelle il est parlé. Par ailleurs, le chiac est surtout utilisé par des locuteurs francophones bilingues (voir entre autres Young, 2002). De ce fait, les gens qui ne sont pas des locuteurs natifs du chiac ne parviennent pas à l’imiter; ils n’ont tout simplement pas les compétences linguistiques pour s’exprimer dans ce vernaculaire. Ainsi, un certain sentiment de fierté transparaît dans ce passage. De façon générale, par contre, dans Pour sûr, les commentaires métalinguistiques révèlent le plus souvent une inquiétude quant au mélange de langues. Il est important de souligner que, malgré les réticences exprimées à l’égard du chiac dans le roman, de nombreuses remarques dans la trame narrative vont dans le sens d’une défense du vernaculaire. Entre autres, on le caractérise comme « grammaticalement logique » (Daigle, 2011, p. 240), on met en évidence qu’il est naturel qu’« une langue ait ses propres couleurs et idiosyncrasies » (Daigle, 2011, p. 230) [offrant ainsi une justification des écarts par rapport à la norme], et on discrédite même parfois le français normatif, en dénonçant par exemple les nombreux mots anglais qui sont fréquents dans l’usage du français hexagonal et dont un certain nombre est consigné dans le dictionnaire, donc légitimé (Daigle, 2011, p. 656).
Pour leur part, les mots connus sous la dénomination archaïsmes ne sont pas condamnés en chiac, comme le sont le plus souvent les mots d’origine anglaise. Les mots qui sont jugés archaïques (vieillis ou désuets) le sont parce qu’ils sont disparus de l’usage courant en France. Or, même si ces termes ont été largement délaissés au détriment d’une autre forme sur le territoire français, ils peuvent être bien vivants dans certaines communautés francophones. Le jugement du caractère archaïque se fait donc à l’aune du français normatif hexagonal. Dans l’ensemble, l’emploi d’archaïsmes, qui sont de souche française, donc qui appartiennent au patrimoine, est jugé favorablement. Par exemple, dans le roman, certains des personnages témoignent d’une attitude positive à l’égard de vieux mots. C’est le cas de Zed qui, lors d’une partie de pêche avec son fils adoptif, Chico, discute d’équipement de pêche et du mot approprié pour désigner « cuve ».
— Avais-tu une canne à pêche?
— Non, juste une sorte de cage pour attraper les petits poissons qu’on voit. Je pouvais ’n attraper beaucoup dans une journée. Je les amenais chez nous dans un siau pis après je les mettais dans une grande cuve d’eau. On appelait ça une bâille dans ce temps-là.
— Mémére a une bâille…
— Tu vois? C’est un bon mot. C’est juste qu’à l’école on a appris à dire cuve, pis ça nous a fait oublier bâille.
Daigle, 2011, p. 609-610
Zed considère que l’archaïsme bâille est « un bon mot », un mot valable. À l’école, c’est le terme d’usage contemporain cuve qui est employé, ce qui contribue à faire tomber bâille dans l’oubli. Robidoux-Daigneault (2015), qui a analysé plusieurs romans de Daigle, fait remarquer le dilemme qui se présente aux personnages provenant de la région de Moncton : « [s]’il est vrai que la chiaquisation est susceptible d’ouvrir le pas à une anglicisation inéluctable, l’adhésion à la norme de référence est quant à elle susceptible de gommer les particularités de la langue acadienne. »[12] (p. 43) Un cas similaire se présente dans l’extrait suivant, où il est question du mot tirette pour désigner « tiroir » (utilisé dans la francophonie en général), dont l’une des prononciations est tiroué.
— Je me souviens qu’on disait tirette chez nous, à la place de tiroir. Ben vraiment, on disait tiroué.
— Ĩ wõnder si c’était plusse ça le vrai mot.
— Asteure on dit juste tiroir, comme tout le monde.
— Y en a qui sont contre ça.
— Contre quoi?
— Qu’on laisse aller le chiac.
Daigle, 2011, p. 420
Dans ce passage, l’un des protagonistes avance que certains trouvent qu’il est regrettable de délaisser le chiac; spécifiquement, ce qui est déploré est l’abandon des vieux mots. Les archaïsmes sont considérés comme une partie intégrante de la langue du patrimoine et ne sont donc pas « frappés du même interdit que les anglicismes » (Boudreau, 1996, p. 145).
Ainsi, dans le roman, certains personnages daigliens trouvent que les vieux mots sont légitimes. Les commentaires qui critiquent l’emploi d’archaïsmes sont peu fréquents dans Pour sûr. L’extrait suivant constitue l’une des rares remarques négatives à l’égard de vestiges langagiers. On affirme que la prononciation archaïque de certains mots peut produire un « effet ringard ».
L’on raille les Acadiens — les Acadiens eux-mêmes le font entre eux — de prononcer nombre de mots comportant un è comme s’il s’agissait d’un é. Père et mère, par exemple, se diront pére et mére. Il s’agit bien sûr d’une ancienne prononciation française. Mais cette prononciation et plusieurs autres ont vraiment l’air de produire un effet ringard aux yeux de l’Autre, comme si cette inadaptation au français moderne était la preuve d’un défaut d’adaptation à la vie moderne tout court.
Daigle, 2011, p. 48
La prononciation archaïque de certains mots peut engendrer la perception d’un parler démodé, rétrograde, qui ne s’aligne pas sur le français moderne. La voix narrative semble lancer une invitation à la prudence dans la proposition débutant en comme si; il ne faudrait pas associer une prononciation non conforme au français contemporain à une impossibilité pour les Acadiens de s’adapter au monde moderne, à leur manque de volonté à accepter le progrès. Ce passage peut laisser entendre que, selon certains, les archaïsmes phonétiques pourraient être perçus comme indésirables parce qu’ils peuvent générer de l’incompréhension entre les Acadiens et d’autres francophones.
Pour sûr est un ouvrage qui expose, décrit, précise le rapport difficile que peuvent entretenir des francophones en milieu minoritaire à l’égard de leur langue. L’incertitude quant à la légitimité du chiac est constamment abordée dans le roman : on se questionne sur l’acceptabilité des termes employés, leurs origines; on éprouve un sentiment de malaise face à la langue régionale.
L’examen de nombreuses remarques métalinguistiques du roman montre que les protagonistes de Pour sûr ont des sentiments ambivalents à l’égard de leur parler, un « rapport d’amour-haine à la langue » (Daigle, 2011, p. 695), ce qui est aussi le cas des locuteurs de la région de Moncton, tel que décrit dans les études sociolinguistiques. Les Acadiens du sud-est du Nouveau-Brunswick vivent en situation diglossique, c’est-à-dire dans un contexte où l’anglais jouit d’un plus grand prestige. Dans la région de Moncton, comme le rapportent maintes recherches, les locuteurs ont des rapports ambigus à la langue, qui sont révélateurs d’un sentiment d’insécurité linguistique. Ils ont des représentations négatives de leur vernaculaire, qui comportent des formes qui s’écartent de celles d’un français servant de modèle (une norme fictive). Les protagonistes de Pour sûr jugent sévèrement leur parler surtout parce qu’il est imprégné de mots anglais. Dans ce sens, le roman reflète bien les attitudes des locuteurs du sud-est du Nouveau-Brunswick ainsi que les facteurs qui sont générateurs de ces attitudes. Boudreau (2016) constate :
En Acadie […], les marques ou les traces du mélange dans les paroles des personnes bilingues sont stigmatisées. En même temps, le bilinguisme individuel est très prisé et le discours provincial officiel vante, sur toutes les tribunes, les bienfaits du bilinguisme, message repris et mis en circulation par les élites francophones. Cependant, dans les débats sur la qualité du français, ces dernières décrient les traces de l’anglais dans le « parler ordinaire ». Les personnes francophones qui sont bilingues sont fières de connaître deux langues, mais d’autre part, elles sont victimes de l’ostracisme qui frappe leur parole justement en raison du mélange de langues qui caractérise leur parler, mélange qui est la conséquence directe du bilinguisme inégalitaire pratiqué par une population minorée.
p. 127
En revanche, les locuteurs du chiac peuvent également considérer leur variété comme un emblème d’identité, qui est rattaché à leur héritage. Dans Pour sûr, les remarques sur les formes archaïques révèlent que celles-ci sont en général considérées comme étant valables, bien qu’elles puissent contribuer à donner l’impression que les Acadiens ne sont pas dans le vent. Si Pour sûr est une oeuvre de fiction, il dépeint un lieu véritable, et les similarités entre les réalités de la ville de Moncton et les situations dans le roman abondent. Il est donc facile de dresser un parallèle entre les attitudes qu’ont les locuteurs acadiens du sud-est du Nouveau-Brunswick à l’égard de leur vernaculaire qui sont rapportées dans les études en sociolinguistique et celles des personnages dans le roman.
Bien que certaines observations à l’égard du chiac puissent être inclémentes dans le roman, un regard plus conciliant est parfois jeté sur le vernaculaire; en fait, souvent dans la trame narrative, des commentaires vont dans le sens d’une revendication de la légitimité du chiac, prônant qu’il s’agit d’une variété parmi d’autres, remettant ainsi en question la hiérarchie des langues. On pourrait même argumenter que l’invention d’un système d’encodage pour le chiac, qui a comme effet une mise en distance à la fois avec le français normatif et l’anglais, met ces trois « langues » sur un pied d’égalité.
Appendices
Notes
-
[1]
Daigle se met aussi en scène dans Pour sûr (l’autoreprésentation occupe également une place importante dans d’autres romans de l’auteure). Il va sans dire qu’une fois intégrées dans le roman, ces « vraies » personnes deviennent des personnages à part entière, dont l’existence, les caractéristiques et le comportement ne peuvent être analysés qu’au sein du récit fictif.
-
[2]
Selon Raoul Boudreau, l’utilisation de la langue orale « est l’une des caractéristiques marquantes de la littérature acadienne » (2014, p. 13); par exemple, les publications récentes de Paul Bossé (2007, 2011), de Georgette LeBlanc (2007, 2010) et de France Daigle (2011) accordent une grande place au vernaculaire.
-
[3]
L’italique est de Lefort-Favreau.
-
[4]
Comme décrit sur la quatrième de couverture, Pour sûr de France Daigle est « entre autres choses, une somme encyclopédique, un labyrinthe, une exploration de la folie des nombres, un précis de typographie, un reliquaire, une défense et illustration de la langue chiac, une réflexion sur les cultures minoritaires et leur obsession linguistique […] » (Daigle, 2011, quatrième de couverture).
-
[5]
L’expression eye dialect, aussi connue comme eye spelling, a été forgée en 1926 par George Philip Krapp dans un article intitulé « The Psychology of Dialect Writing » reproduit en 1971. Il décrit le rôle de l’usage orthographique non standard dans les oeuvres littéraires comme suit : « in the literary dialect they serve a useful purpose as providing obvious hints that the general tone of the speech is to be felt as something different from the tone of conventional speech. » (Krapp, 1971, p. 24) (en ce qui concerne les variétés représentées dans les oeuvres littéraires, elles – ces fautes d’orthographe – ont comme fonction utile de fournir des indices sur le fait que le ton général du discours doit être ressenti comme étant différent du ton du discours conventionnel) [notre traduction]. Ce procédé est donc employé depuis belle lurette par les écrivains pour transposer dans leurs écrits des traits de l’oral. En ce qui concerne la littérature franco-canadienne, on pense notamment à Michel Tremblay qui a eu recours à cette technique pour représenter le joual (voir Bélanger, 2011, p. 11; Lacoursière, 2008, p. 45; Rousselot, 2007, p. 265).
-
[6]
R. Boudreau ajoute (2014) : « Pour sûr de France Daigle réunit deux extrêmes : un extrême de la régionalisation et un extrême de la formalisation, et je ne suis pas sûr que le raccord puisse se faire entre les deux. Si le lecteur ne voit que le pittoresque de la langue, est-ce qu’on ne risque pas de tomber dans l’image folklorique et exotique de l’Acadie qu’on a jadis décriée? » (p. 15)
-
[7]
L’italique est de Cormier (2014).
-
[8]
L’italique est de Lefort-Favreau.
-
[9]
Typiquement, ce mot se trouve sous la forme coquemar, comme dans LeGlossaire acadien de Poirier.
-
[10]
Nous avons obtenu ces proportions en tenant compte du nombre de personnes ayant déclaré le français comme première langue officielle parlée et la population totale de la ville, des renseignements fournis sur les pages de Statistique Canada.
-
[11]
L’utilisation de l’italique est de Boudreau et Dubois (2009).
-
[12]
L’italique est de Robidoux-Daigneault.
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