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Dans son ouvrage Les crimes au féminin (2010), Chrystèle Bellard analyse la délinquance ou la criminalité au féminin, à travers les productions littéraires et filmiques. Elle est peu satisfaite des anciennes méthodes d’analyse critiques parce que les théories déterministes en droit ou en criminologie qui sont « fondées sur une vision misogyne des différences entre les sexes, apparaissent aujourd’hui obsolètes » (Bellard, 2010, p.17). L’obsolescence de ces théories s’explique, selon elle, par le fait qu’elles sont construites autour des mythes, des stéréotypes et des fantasmes qui sont repris par les médias et l’opinion publique. De la mère meurtrière à l’empoisonneuse en passant par la femme trahie, elle montre comment les héroïnes de faits divers qui « provoquent des réactions passionnantes dans le public » (ibid., p. 41) sont transformées en « personnages littéraires, aussi symboliques qu’elles peuvent l’être dans les oeuvres de fiction » (ibid., p. 41).

Chrystèle Bellard distingue deux figures de la femme criminelle. Il y a d’abord la criminelle-victime, celle qui « tue pour se libérer de son compagnon » (ibid., p. 84). C’est en réaction à une violence que la femme devient, à son tour, violente et criminelle. L’affinité est évidente entre ce que Bellard appelle la « femme-trahie », dont l’honneur a été bafoué par un compagnon souvent volage, et le héros vengeur dans la tragédie grecque. Il y a ensuite la criminelle-diabolique, « l’anti-femme », celle qui tue froidement son compagnon « après plusieurs années de vie commune, plusieurs dizaines d’années » (ibid., p. 83), à l’image de ces tueuses célèbres comme la « Corriveau », la « Marâtre » d’Aurore, l’enfant martyre ou de Joséphine-Éléonore d’Estimauville, impliquée dans le meurtre du seigneur de Kamouraska en 1839, dont Alex Gagnon a rigoureusement analysé les histoires dans La communauté du dehors (Gagnon, 2016). En effet, Gagnon n’étudie pas les crimes de ces femmes, mais s’intéresse particulièrement au processus par lequel ces figures criminelles sont devenues légendaires, célèbres. Si elles font désormais partie de l’imaginaire social de toute une communauté, c’est parce que le discours médiatique, la tradition orale et la littérature ont, singulièrement, contribué à leurs représentations.

Dans le cas de l’écriture féminine contemporaine, la femme criminelle ou celle qui commet un crime est souvent animée d’une vengeance froide, comme Liliane Paolone dans Les merveilles de Claire Castillon (2012) ou Mireille dans Un chant écarlate de Mariama Bâ (1981), qui tue son enfant après avoir découvert l’infidélité de son mari. L’observation critique de ces figures féminines criminelles permet de comprendre la complexité de l’écriture de vengeance qui est mise en scène dans ces romans, mais aussi de s’interroger sur les frontières entre le « juste » et l’« injuste ». On le sait, le crime au féminin surprend et étonne. Il brouille les frontières traditionnelles entre le masculin et le féminin et participe aussi à la déconstruction des stéréotypes faisant de la femme une créature douce et passive.

Cette réflexion porte sur le roman Kouty, mémoire de sang d’Aïda Mady Diallo[1]. Elle étudie la manière dont ce roman propose une expérience particulière de l’écriture policière qui relève d’une vision singularisée de l’individu confronté aux violences et au désir de vengeance. Nous verrons dans un premier temps comment les transgressions (juridiques et socioculturelles) que le roman met en scène convergent vers une confrontation des valeurs : tolérance et intolérance, et amour et haine. Dans un deuxième temps, il s’agira de démontrer que le drame qui constitue le point de départ du roman se présente comme un souvenir douloureux auquel l’héroïne semble être condamnée à faire face, un souvenir qui cancérise sa mémoire et qui devient principalement hantise et obsession.

1. Sur les traces d’une criminelle-victime

Raconté par Kouty Tall, le récit se présente comme un récit de vie fictif et se singularise par sa dynamique narrative qui se manifeste par la référence explicite à l’événement, l’utilisation des toponymes et des patronymes qui renvoient à l’univers culturel et anthropologique réel de l’environnement décrit, et la référence à l’histoire sociale et politique du Mali. La structure du récit est également entrecroisée. Le récit du massacre de la famille de Kouty et le récit de son adolescence chez Marceline et Odile alterne avec le récit de vengeance. Ces deux récits s’articulent au récit principal, celui de la rébellion armée au nord du Mali. La narration suit aussi les pérégrinations et les aventures de Kouty à Bamako, à Dakar et à Abidjan et développe un drame en trois actes : l’origine de la violence, la stratégie de l’attente et, enfin, la punition finale.

Ce drame commence un matin de l’année 1984 à Gao où des hommes lourdement armés attaquent la famille de Kouty, une famille qui vivait pourtant en bonne intelligence avec les autres habitants de la ville. Ousmane Tall, le père de Kouty, qui s’était levé après avoir entendu des bruits :

[...] vit alors les Land Rover s’arrêter et une vingtaine d’hommes enturbannés, armés de Kalachnikov et de coupe-coupe [qui] se dirigèrent vers un ensemble d’habitations par groupes de trois ou quatre, et à l’aide de leurs armes, défoncèrent les portes.

KMS, p. 7

Sa mère, Fathy, dont le mariage avec Ousmane Tall est considéré comme un déshonneur, une humiliation, est d’abord violée par les assaillants avant d’être laissée pour morte. Et Kouty, qui s’était cachée dans un endroit sécurisé de la maison sur les ordres de son père, observe les scènes de violence, l’assassinat de son père et de son jeune frère, et assiste après le départ des tortionnaires au suicide de sa mère qui a préféré mourir. Retrouvée par une famille voisine, elle est confiée à un homme qui se rend à Bamako. La suite du roman la montre, avant d’être récupérée et soignée par Marceline et Odile, errer dans les rues de Bamako et se mêler aux mendiants et aux jeunes talibés, une classe sociale dont la dénonciation des conditions sociales occupe une place considérable dans les premières parties du roman. Après avoir retrouvé l’équilibre chez ses tutrices à Bamako, Kouty peut enfin nommer les choses et se souvenir des terribles événements dont elle a été à la fois témoin et victime.

Par ailleurs, cette description du drame familial insiste aussi sur la dimension traumatique de la violence et les causes idéologiques, politiques, historiques et culturelles du mal. Elle inscrit l’événement tragique « au sein d’une seule conscience, où se projette celle de l’auteur, à travers un langage fortement singularisé, qui fait toute la valeur de cette prose expressive » (Coquio, 2004, p. 143). Car, en prenant comme thème les relations sociales (interethniques), Kouty, mémoire de sang convoque les lieux communs discursifs. Les quatre individus qui ont violenté la famille d’Ousmane Tall traumatisent l’héroïne qui, déterminée à frapper chaque coupable au plus intime de lui-même, élabore sa propre stratégie d’enquête, qui ne fait aucune place à la tolérance. Kouty se substitue à la justice et élimine méticuleusement les assassins de ses parents au fil d’une enquête qui prend « l’allure d’une rêverie personnelle » (Dubois, 1992, p. 179).

En effet, le mariage des parents de Kouty a toujours été considéré par les frères de Fathy comme une atteinte à leur honneur. À l’arrivée des assaillants, Ousmane ne comprend pas les raisons qui ont conduit les tortionnaires à « leur infliger un tel châtiment. Qu’avaient-ils fait pour ça? » (KMS, p. 10) À cette question, les tortionnaires répondront par des coups de feu et de machettes. Tout le récit s’élabore autour du parcours, de la formation et du désir de vengeance de Kouty, chez qui, depuis le décès tragédique de ses parents, « la peur fait place à la haine » (ibid., p. 11). Cette haine trouve son origine dans le souvenir terrible de l’assassinat de sa famille :

Quand Fathy reprit connaissance, elle entendit d’abord les éclats de rire énormes des quatre hommes en tenue militaire. Elle comprit vite pourquoi ils riaient, vu la nature du liquide qu’elle avait senti couler sur son visage et qui l’avait sortie de sa torpeur. L’un d’entre eux pissait sur elle. Fathy aperçut alors son mari allongé sur le ventre, la tête couverte de bosses, la face tuméfiée, la lèvre fendue. Mais malgré tout, on pouvait percevoir dans son regard l’ombre d’un sourire. Très vite, la femme devina quelles étaient les intentions des tortionnaires. L’un des hommes lui bloqua les bras au-dessus de la tête, un autre se mit à la déshabiller tandis qu’un troisième commençait à s’agiter sur elle. Le quatrième, un genou posé sur le dos d’Ousmane, maintenait la tête du pauvre homme dans la direction de sa femme. « Regarde qui tu as épousé! Une sale garce! Toi, et tous les esclaves nègres, vous ramassez les garces de chez nous pour les épouser? »

ibid., p.10

Comme le préconisent les conventions du polar, le roman de Diallo obéit au code de la vraisemblance : le contexte socio-politique des événements est historiquement daté (1984); la ville de Bamako, où Kouty met en place les éléments de sa stratégie d’enquête et de vengeance, fait également l’objet d’une description assez détaillée, et Gao, où vivait sa famille, est géographiquement située :

Gao, au nord du Mali. Depuis une semaine déjà, l’école primaire était fermée. Les parents avaient trop peur de laisser leurs enfants sortir de chez eux. […] Cette nuit-là, les autorités avaient essayé en vain de rejoindre Bamako ou Taoudéni pour tenter d’obtenir une protection. Les gendarmes envoyés en reconnaissance n’étaient pas revenus. Au petit matin, on découvrit leurs cadavres, égorgés, à l’entrée de la ville.

ibid., p. 12

On y apprend aussi que, la même année, de violentes manifestations conduites par les associations étudiantes ont entraîné une insurrection populaire au cours de laquelle des « manifestants avaient été incendiés dans un entrepôt industriel à la suite d’un affrontement avec les forces de l’ordre » (ibid., p. 90). Ces références, qui renvoient aux tensions et événements politiques réels, relèvent véritablement d’une mimésis descriptive et contribuent à soutenir l’effet de réel. En même temps, elles ont une répercussion considérable sur le développement affectif et le caractère de Kouty : elles l’empêchent de prendre un nouvel élan, comme nous pouvons le constater dans ce passage où les horreurs de l’assassinat de ses parents continuent de la traumatiser :

Les deux jours qui suivirent furent douloureux.
Kouty ne pouvait pas dormir. Dès qu’elle fermait les yeux, elle revoyait le film d’horreur se dérouler dans sa tête. Elle avait l’impression que tout recommençait et elle se levait en hurlant. Son hôte, Bâ Maïga, s’en inquiéta et en informa l’infirmier du quartier. Il prescrivit un sédatif à l’enfant qui se révéla efficace. Les jours passèrent. Kouty devenait calme, étrangement calme. Elle faisait toujours des cauchemars, mais ils l’effrayaient plus autant, elle conservait, imprimés au fond de sa mémoire, les visages des quatre Touaregs. Elle ne les oublierait pas. Elle ne voulait pas les oublier. Ces images, terribles, étaient enfouies en elle comme un trésor dans un coffret dont elle seule posséderait la clef.

ibid., p. 16

Ces visages, qui sont « imprimées au fond de sa mémoire » et qu’elle ne veut pas oublier, constituent désormais la raison de sa détermination. À la violence première, celle du massacre de sa famille, correspond une violence plus cruelle, qui refuse la tolérance. Ici, on peut affirmer, à la suite de Jean-Michel Rey, que celle qu’on a :

[…] voulu supprimer violemment de la scène du monde n’a d’autre recours que d’y apparaître totalement méconnaissable, sous une autre forme et un autre nom, et de faire usage de la puissance qu’elle a su acquérir entre-temps, en vue de détruire ceux qui ont été les seuls artisans de son malheur.

Rey, 2013, p. 19

L’éducation de Kouty et sa formation auprès de Marceline et d’Odile seront un précieux moyen pour entrer en contact avec les bourreaux de sa famille.

Considérée par les assassins de ses parents comme une enfant dont la naissance a aggravé l’humiliation, Kouty, dans sa volonté de punir les assassins de ses parents, se situe en marge de la loi. Sa démarche est semblable à celle de ce genre de justicier qui se « prive des bénéfices d’un système reposant sur le principe de l’égalité ou de la proportionnalité entre le tort et la punition, n’a comme seule règle que sa volonté d’aller jusqu’à l’anéantissement physique et social de son bourreau » (Bourdin, Chauvaud, Gaussot et Keller Henri, 2010, p. 10). Cette volonté inébranlable qui l’anime l’amène à mettre minutieusement en place les éléments de son projet dont l’élaboration repose sur la discrétion et une parfaite maîtrise des sentiments et des émotions. Au restaurant Mouton Blanc (le restaurant de Marceline et d’Odile), le bourreau Fadhel, dans un état d’ébriété, décrit les circonstances de ce crime d’honneur en ces termes :

Vous savez, brailla-t-il, fier de lui, c’est moi qui avais donné l’adresse de cette pute de Fathy! C’est à mon frère, son cousin, qu’elle était promise! Depuis toujours. […] Nous faire cet affront, à nous, des nobles, des Blancs! Préférer un nègre, un fils d’esclaves! Mon frère a fait son devoir. Il a lavé notre honneur dans le sang, comme on doit le faire, et j’ai récompensé les valeureux guerriers qui nous ont aidés. D’ailleurs, il y en a un qui a obtenu un poste de conseiller à l’ambassade du Mali au Sénégal, grâce à mon appui, et je...

KMS, p. 37-38

Face à cet aveu d’une violence limite, Kouty sombre dans un état de nervosité. Dans la description, les expressions traduisant le mouvement du corps, du regard et de l’esprit permettent de saisir le sentiment de haine qui l’anime. S’ouvre alors, dans le roman, un lexique de l’effondrement, de la douleur et du tremblement. Face au bourreau de sa famille, Kouty « avait la sensation d’avoir reçu un coup de poing dans l’estomac », la « tête lui tournait, des relents d’aigreur inondaient sa gorge » et ses « mains tremblantes laissèrent tomber la coupe qu’elle était en train d’essuyer » (ibid., p. 38). Cette colère lui donne également une vision tragique et pessimiste de l’humanité :

Aucun crime perpétré par les hommes, fût-il abominable, ne l’étonnait plus. Pour Kouty, l’infamie de l’être humain était sans limites. Le développement affectif de la jeune fille semblait avoir sauté l’étape de la jeunesse. En effet, si les filles de son âge fermaient leurs paupières pour y enfermer des pensées roses, Kouty, elle, ne voyait sous les siennes qu’un gouffre sombre et des masques hideux et sanglants. Son coeur était un désert où ne fleurissait rien qu’une végétation agressive, nourrie par le désir de vengeance. Kouty était toute entière possédée d’une détermination froide et muette. Elle n’espérait ni amour ni gloire. Elle voulait du temps.

ibid., p. 28

Cette vision tragique de l’humanité l’amène à se détourner des voies de Dieu : « […] depuis le drame qui l’avait frappée, Kouty s’était détournée de la pratique religieuse comme toute personne déçue par la foi. » (ibid., p. 29) Mais, aussitôt, l’évocation de son désir de vengeance est atténuée par des expressions traduisant la patience : « Elle voulait du temps », « dans cette attente » (ibid., p. 28). Ces expressions sont renforcées par celles qui désignent une maîtrise absolue des émotions : « Rien dans son comportement ne laissait paraître son tourment », elle « était avare de paroles, difficile à aborder », « elle restait toujours courtoise comme tous les gens bien élevés » (ibid., p. 28), « elle ne dit pas un mot », « ne pleura même pas » et « se contenta de s’agripper très fort au bout du comptoir pour ne pas perdre l’équilibre » (ibid., p. 38). Cette apparente patience dissimule non seulement ses émotions (principalement sa colère) pour mieux permettre l’éclosion d’une vengeance savamment méditée, mais fournit également un cadre temporel pour exécuter son projet dont la réalisation repose sur l’actualisation du vieux dicton sicilien selon lequel « la vengeance est un plat qui se mange froid ».

En effet, discrétion et taciturnité caractérisent l’héroïne, plus encline à la dissimulation et à la manipulation qu’à l’exposition de ses sentiments. Sa démarche vindicative s’énonce comme une entreprise complexe, nourrie de haine. À une vengeance immédiate, Kouty préfère une vengeance différée, réfléchie et calculée. Sa froideur, « Kouty était tout entière possédée d’une détermination froide, muette » (ibid., p. 28), traduit la longue durée sur laquelle repose son projet de vengeance. Comme l’observe bien Désiré Nyela, dans son étude sur le polar africain, l’économie du temps, propre à la vengeance est, dans le roman de Diallo, scrupuleusement respectée : elle joue un rôle primordial et permet aussi à l’héroïne, de se transformer en justicière.

En exergue dans les romans de Modibo Sounkalo Keita et d’Aïda Mady Diallo, le motif de la vengeance propulse au premier plan un type particulier dans le personnel romanesque du polar : le justicier. Justicier dont l’action s’inscrit dans la durée à travers l’accomplissement de sa mission. C’est que le justicier veut le temps, se sert du temps et ce, à double titre : le temps comme allié propice à la maturation de son projet; mais aussi et surtout le temps comme étau dans lequel va être enserrée sa proie.

Nyela, 2015, p. 109

Cette stratégie d’attente confère au roman d’Aïda Mady Diallo une dimension particulière : elle relègue au second plan la dimension du roman noir pour privilégier celle du roman à suspense[2]. Kouty, mémoire de sang mêle histoire et politique sur fond de suspense, avec un dispositif narratif particulier qui suscite l’émotion et l’effroi. Kouty, avant de procéder à l’exécution de son projet de vengeance, brouille les pistes, espionne ses cibles et met en place une série de stratégies : elle tisse des liens avec Attaher, se rend à Dakar, planifie un mariage avec Fadhel avant de rejoindre sa dernière cible à Abidjan. Ces déplacements géographiques, qui donnent au roman une spatialité éclatée, permettent d’aborder subtilement d’autres questions secondaires, sans pourtant perturber le trajet de l’héroïne, déterminée à laver l’honneur de sa famille dans le sang.

Au niveau figuratif, la topographie est placée sous le signe de l’antonymie entre les différents lieux visités. Dynamique et motivée, Kouty, qui fréquente boites de nuit, ambassades et restaurants, est particulièrement attentive à la condition socio-économique de ses victimes. Ainsi, le programme narratif qui se met en place suppose un délai considérable, nécessaire aux métamorphoses que subit l’héroïne (Vassilev, 2008, p. 44). Celle-ci se transforme, se dépersonnalise et emprunte une identité fuyante. Pour masquer sa véritable identité (le fait d’être la fille d’Ousmane Tall et de Fathy Attaher), elle emprunte une personnalité temporaire, pour ne pas se faire reconnaître. Elle devient taciturne et dissimule ses angoisses, ses frustrations et ses plans à ses camarades et à la société. Personnage problématique, elle est à la fois lumière et obscurité, amour et haine. Pour mieux accomplir sa mission, elle doit impérativement rester un mystère pour tout le monde, y compris ses tutrices, Marceline et Odile, et son ami Eddy. Elle tente même d’ignorer cet « horrible tableau » (KMS, p. 11) qui finira par la traumatiser en durcissant « son coeur comme celui d’une vieille dame [qui] ne bat plus que pour de bonnes raisons » (ibid., p. 28).

Associée au principe de l’intolérance, la démarche de Kouty, qui est déterminée à venger l’assassinat de ses parents, est fondée sur la dissimulation et la taciturnité, deux principes qui convergent vers un même but : l’application d’une sanction longuement élaborée. Elle s’oppose aux principes fondamentaux de la religion (probité, loyauté et charité) que son père Ousmane lui avait inculqués, des principes qui « trouvaient cependant leur limite et se heurtaient à son imaginaire où les assassins de sa famille restaient emprisonnés » (ibid., p. 29). En effet, ses parents ont été assassinés « parce que son père était noir et sa mère blanche » (ibid., p. 101). Ils ont subi la violence « parce que son père était Peul et sa mère Targui» (ibid., p.101). Elle est devenue orpheline « parce que sa mère avait préféré son père à des siens » (ibid., p. 101). Et cette souffrance qui l’a « envahie, détruisant en elle tout autre sentiment [fait] désormais sa force » (ibid., p. 101).

En faisant ressortir le caractère testimonial d’un conflit politique et culturel et en traduisant le problème du traumatisme auquel l’héroïne est confrontée, le roman de Diallo insiste sur la vengeance et l’impossibilité du pardon. Or, le pardon, comme le note Denis Jeffrey, est « un acte de délivrance [qui] convoque le désir de se déprendre d’un sentiment de vengeance afin d’envisager comment il est de nouveau possible de vivre avec les autres, même avec les ennemis » (Jeffrey, 2000, p. 10). Même si Ousmane Tall a inculqué à sa fille des valeurs humaines (tolérance, amour, honnêteté), celle-ci, devant l’horreur des événements, décide de recourir à la justice privée, à la loi du talion. Cette attitude lui semble nécessaire pour reconstruire son identité. Son refus de pardonner aux bourreaux de sa famille s’explique par le motif arbitraire de l’acte, qui lui a fait « voir sous ses yeux toute sa famille massacrée » (KMS, p. 16). Cette quête d’une justice privée, mène à un autre aspect important du roman : la soumission de la vengeance aux injonctions de la mémoire et aux souvenirs douloureux.

2. De l’impossibilité de lutter contre la mémoire

Kouty, après l’attaque de sa famille, sombre dans une période de torpeur, de frustration et de renoncement aux plaisirs de la vie juvénile. Traumatisée par les événements de Gao, elle décline les incessantes déclarations d’amour d’Eddy, ce jeune Français, qui l’aime tant. Le traumatisme des événements de Gao revient constamment dans sa mémoire et la narration épouse parfois l’injonction du souvenir. À Dakar, avant d’entrer en contact avec l’un des bourreaux de sa famille, elle se souvient de ces images horribles :

À bout de souffle, comme un athlète après une dure épreuve, elle s’adossa à la porte qu’elle venait de refermer derrière elle, cherchant à chasser de sa pensée tous les souvenirs encore vivaces et terribles qui l’assaillaient. Mais on ne peut pas échapper à soi-même, on ne peut pas lutter contre la mémoire. Elle revoyait ces images horribles, défilant à toute allure, ce crâne rasé. Un crâne d’enfant. Le crâne d’un enfant tué comme un chat de gouttière. Kouty se retrouvait dans un cauchemar, rejetée dans son passé, en plein coeur d’un meurtre, dans une petite concession de Gao. En gros plan, projetée par son imaginaire sur le mur d’en face, une main blanche tenait un couteau dont la lame pénétrait la chair de son père, à la naissance du cou. Elle vit à nouveau le sang jaillir de la blessure béante, la vie s’échapper du regard de son père, et ce regard mort. Elle entendit alors retentir dans sa mémoire le rire bestial et satisfait de l’assassin.

ibid., p. 62-63

Le roman se construit sur le recouvrement du souvenir du massacre de la famille de l’héroïne. De cette manière, il établit comme L’aîné des orphelins de Monénembo, analysé par Josias Semujanga, « une continuité entre le passé et l’état actuel du sujet, dans laquelle celui-ci découvre le groupe qu’il rattache à l’auteur initial de sa souffrance et peut dès lors l’accabler à son tour » (Semujanga, 2013, p. 96). C’est par le biais de ses souvenirs fragmentés que Kouty reconstruit sa vie et que le lecteur est conduit au coeur de l’horreur du massacre de sa famille. Kouty revoit les scènes du massacre et puise, à la manière du « vengeur désenchanté » décrit par Juliette Raabe, « une force toujours renouvelée grâce à laquelle le lecteur, s’identifiant à l’héroïne, en épouse peu à peu, la rancune » (Raabe, 1989, p. 103). Désormais, elle ne veut plus « jamais ouvrir les yeux sur ce monde dont le bonheur semblait exclu » (KMS, p. 100).

Cette écriture d’un passé qui ne passe pas repose sur un lexique particulier et sur une démarche exigeante qui s’effectue par un travail minutieux : Kouty prend soin de dresser un portrait précis des différents bourreaux de sa famille. Les quatre personnages dont elle suit les traces sont présentés et décrits comme des individus dont la seule motivation réside dans la défense de leur honneur. On apprend ainsi que Tonton Attaher est un « Targui qui mélange le français avec sa langue maternelle » (ibid., p. 37); Zahiby Ag Mustapha, le conseiller juridique à l’Ambassade du Mali à Dakar, est décrit comme « un homme de grande taille, beau avec une peau claire, des cheveux lisses et très noirs » (Ibid., p. 62); le troisième bourreau, Mohamed Ag Mohamed, est un riche homme dont la villa a été incendiée par des manifestants (ibid., p. 93). Mais c’est le portrait de Fadhel Ag Sidilamine qui est le plus complet. Ce dernier est présenté comme « un homme au teint blême, avec un regard glacial, des petits yeux enfoncés dans leurs orbites, une chevelure noire et luisante, des favoris blancs, grand, de carrure athlétique » qui habite une « vaste demeure blanche avec un étage, entourée d’un jardin parfaitement entretenu agrémenté d’une belle piscine, dans un quartier résidentiel de la ville, à quelques pas de la mer » (ibid., p. 113-114).

Ce processus de repérage et d’identification des coupables s’accompagne d’une exacerbation de la haine, doublée de violences. La stratégie de l’attente à laquelle Kouty se conforme, et qui repose sur une réelle détermination morale et physique, peut se résumer par cette formule de Gérard Bonnet : « venger pour survivre », une formule dont le crédo « c’est l’autre qui a commencé » permet de voir « comment naît ce désir de vengeance dans la psyché humaine » (Bonnet, 2011, p. 281). C’est que Kouty, dans son enquête, a recours à la dissimulation et à la transformation. D’abord, chez Odile et Marceline, elle fait montre d’une maîtrise absolue de ses émotions. Ensuite, alors qu’elle est considérée par son ami Eddy comme une jeune fille timide, elle se transforme en femme fatale pour séduire et détruire Zahiby. C’est ainsi qu’après avoir appris auprès des étudiants à Dakar que Zahiby « était marié et père de quatre enfants, et appréciait fort la grâce féminine » (KMS, p. 64), elle met en place sa stratégie :

Une nuit comme les six précédentes, Kouty mit sa tenue la plus aguichante. Une minirobe sans manches de chez Carré, multicolore, avec des motifs orientaux, très décolleté et moulante. […] Ses longues jambes étaient nues et elle était chaussée d’espadrilles mauves, assorties à son petit sac. […] Eddy ne l’avait jamais vue comme ça. Elle se trémoussait sous les projecteurs, les cheveux lâchés, provocante. Il remarqua que, à plusieurs reprises, elle donna des petits coups de coude dans le dos de l’homme qui dansait derrière elle. Le danseur se retourna pour protester, mais quand il découvrit la responsable, il sourit et s’excusa d’un geste. Ainsi, tout naturellement, ils se retournèrent pour danser ensemble.

ibid., p. 64-65

Quand Eddy lui demande si elle connaît l’homme qui a été assassiné, Kouty répond d’abord froidement : « Oui, d’une voix éteinte. Un très bel homme. Quelle perte pour les femmes. » (ibid., p. 80) Puis, elle ajoute agressivement : « Écoute, dit-elle, en le fixant sans sourciller, tu sais, il y a des gens qui meurent tous les jours comme ça. Je suis désolée, mais tout le monde n’est pas sensible comme toi. » (ibid., p. 81) Scène d’une violence limite, le meurtre de Zahiby, qui s’inscrit dans un continuum de violences, accentue la détermination psychologique de Kouty, une détermination traduite par un lexique de l’insensibilité : « tout le monde n’est pas sensible comme toi », laissant entendre que la mort de ce conseiller juridique n’est rien, comparée à sa propre douleur personnelle.

D’ailleurs, sa stratégie, qui passe par une mise en relation, se révèle efficace. Les différents personnages, dont la mise en contact lui permet d’arriver à ses fins, sont utilisés comme des jouets. Elle se sert d’Eddy, de l’homosexuel Assan et de Zakiatou pour s’introduire dans la vie de Fadhel. Mais, contrairement à la technique utilisée pour remonter à ses premières victimes, la stratégie mise en place pour nouer contact avec Fadhel est mieux élaborée. Avant de procéder à la destruction de la cellule familiale de ce dernier, Kouty commence par inventer une histoire d’infidélité entre Zakiatou et Hama, le frère de Fadhel. Les photos compromettantes qu’elle envoie à Fadhel assombrissent leur union et précipitent le divorce et le départ de Zakiatou :

[…] et, sur ces mots, il jeta sur la moquette un jeu de photos avant de refermer la porte sur une épouse humiliée et désespérée. La jeune femme se précipita sur l’objet qui paraissait avoir déclenché un tel changement dans le comportement de son mari. Quelle ne fut pas sa surprise de se voir sur les photos, dans les bras de Hama, au bord de la piste de l’hôtel Indépendance.

ibid., p. 124

L’ironie est ultime. En effet, Zakiatou, qui a facilité le contact de Kouty avec son mari Fadhel, devient la victime de la manipulation de Kouty, une manipulation à laquelle Fadhel n’échappe guère, puisque, malgré ses déclarations de pureté raciale et ethnique, il est troublé face à la beauté (fatale) de Kouty :

Elle était noble, mais elle était noire, donc inférieure. D’ailleurs, une esclave pouvait-elle être noble? Comment faire pour se débarrasser en peu de temps d’un mode de pensée séculaire? Pour Fadhel, pour ses ancêtres, un Noir, un Nègre, c’était un descendant d’esclave. Mais Fadhel désirait cette femme. Et il la respectait. Seules Fathy et elle avaient éveillé en lui ces sentiments-là.

ibid., p. 133

Après le départ précipité de Zakiatou, Kouty peut accepter la demande en mariage tant attendue de Fadhel et commencer à détruire à petit feu le bourreau de sa famille. Elle ourdit soigneusement son complot en engageant d’abord Assan pour séduire Khaled, le fils de Fadhel, dont la soeur Leila, n’hésitera pas à informer leur père (Fadhel) du comportement de son frère avant d’avoir à son tour une relation avec Assan. Le passage ci-dessous montre comment Kouty, après s’être servie d’Assan, récompense ce dernier et exige de lui qu’il abandonne Leila :

Assan ne se fit guère prier. Après avoir touché la somme importante que Kouty lui fit remettre, il sortit de la vie de Leila, comme il y était entré. Du jour au lendemain, la jeune fille se retrouva seule au milieu des copains, qui lui affirmaient n’avoir aucune nouvelle de lui. Pour elle, le monde s’écroulait. […] Elle décida de rester enfermée dans la chambre où ils vivaient tous les deux. Elle l’attendait là. Son oncle Hama la trouva donc vautrée sur le lit, les yeux dans le vague, perdue dans ses rêves et ses souvenirs. Depuis quatre jours, elle s’était prostrée. Elle avait vendu tous ses bijoux de valeur pour se procurer des doses de drogue de plus en plus importantes.

ibid., p. 152-153

Après avoir détruite et esseulée Leila, et jeté le déshonneur sur la famille de Fadhel en s’assurant que l’homosexualité de Khaled soit révélée au grand jour (Fadhel n’a d’autre choix que de renier son fils), Kouty est désormais seule avec Fadhel dans sa villa et peut enfin dévoiler à sa victime sa véritable identité. Avant d’autoriser les manifestants à brûler Mohamed Ag Mohamed et sa maison, elle se présente à ce dernier en ces termes : « Je suis Kouty, la fille de Fathy, la nièce d’Attaher. Tes amis et toi, vous m’avez oubliée ce jour-là. Fatale erreur. Mais j’ai bonne mémoire. » (ibid., p. 93) Après avoir tué Hama, le frère de Fadhel, elle fait accuser Fadhel d’homicide volontaire avec préméditation.

On peut dire que, sur le plan de la stratégie de punition finale, propre au roman de vengeance, Kouty adopte, par la déstabilisation de ses victimes, les mêmes procédés, les mêmes techniques que les héros (vengeurs) étudiés par Kris Vassilev (2008). Cette phase de sa démarche et de son enquête dévoile, sans aucun doute, ses manipulations et ses subterfuges. Se met alors en place une dialectique du mensonge et de la vérité qui, selon Solanges Vernois, « apparaît également dans le troisième acte de la vengeance : la punition » (Vernois, 2010, p. 109). Chez Kouty, cette dialectique passe par une mise en contact dangereuse : le recrutement d’Assan, le mariage avec Fadhel, l’amitié hypocrite avec Zakiatou et une séduction fatale. Avant d’appeler la police sur les lieux du crime de Hama, elle récapitule, sous forme de conversation avec Fadhel, la stratégie qu’elle a utilisée pour pouvoir mieux le détruire :

– Je crois que ce n’est pas la peine que je t’explique pourquoi j’ai fait ça, n’est-ce pas? Tes amis ont dû, ce jour-là, te faire le récit détaillé de leur « sortie », non? Le souvenir de cette journée macabre est mon seul héritage.
[…]
– Tous tes malheurs portent ma signature! Même le départ de Zakiatou! C’est moi aussi qui ai débarrassé la terre de Zahiby, de Mohamed et d’Attaher. Ces vermines que tu as chargées d’accomplir ce que ta lâcheté ne te permettait pas d’accomplir toi-même.
– Pourquoi tu n’as pas laissé Zakary me tuer?
– C’était une mort trop douce pour toi. Ta misérable existence ne vaut rien, comparée à la vie des miens. Je veux te voir souffrir milles morts tous les jours que Dieu fait. Tu iras en prison et par mes soins, crois-le bien, tu subiras un traitement particulier! Je ferai de toi une loque humaine! Je veux te voir partir lentement. Tu vivras ton enfer ici-bas, car je ne crois pas à l’au-delà.

ibid., p. 164-165

La révélation  « je suis Kouty Tall, la fille que tu aurais pu avoir avec Fathy al Ouleïdy » (ibid., p. 164) réunit tous les fragments de l’histoire et conduit à la découverte de la véritable identité de l’héroïne, une héroïne dont les douleurs personnelles ont été exposées au lecteur dès les premières pages du roman. Ainsi, entrainée par les terribles événements qui ont conduit au massacre de la famille de Kouty, l’enquête de celle-ci trouve sa résolution après l’anéantissement physique de ses bourreaux. Le lecteur, qui observait, hébété, les émotions, les états d’âme et les différentes actions de Kouty, se trouve face à une victime devenue criminelle. Face à un Fadhel effondré, meurtri et dont la famille est décomposée, la révélation finale de Kouty permet de comprendre une identité meurtrière, une machination savamment orchestrée et les différentes stratégies mises en place pour transformer le bourreau de sa famille en loque humaine.

De l’analyse de Kouty, mémoire de sang, il ressort que la quête, en tant que démarche dont la principale fonction est de traduire les problèmes et d’illustrer les lacunes sociales et politiques, prend différentes formes. Associée à la vengeance, elle s’incarne dans le ressentiment, dans la fidélité à soi, dans la dissimulation et dans le dédoublement. Elle se réalise aussi dans une description vraisemblable des événements socio-politiques, comme pour dire que le crime qui constitue le point de départ du roman est politique et culturel.

La convocation des lieux communs discursifs sur les violences politiques et ethniques est, en quelque sorte, le témoignage qui permet au roman de Diallo d’être rattaché, d’une part, à « toute la littérature féminine francophone » (De Meyer, 2007, p. 191), et, d’autre part, au roman africain contemporain de l’extrême violence. On le sait, l’écriture sur fond de conflits armés, de luttes fratricides et tribales, demeure le foyer d’intelligibilité de la plupart des romans africains des années 1990, singulièrement ceux de Ken Saro Wiwa, d’Ahmadou Kourouma, d’Emmanuel Dongala, d’Ismaël Beah et de Scholastique Muskasonga. Mettant en scène des personnages possédant des « malformations physiques et physiologiques » (Nkashama, 1997, p. 107), les romans de certains de ces auteurs analysés par Emmanuel Bruno Jean-François (2017), prennent pour thèmes la guerre dans différents pays (Nigéria, Libéria, Côte d’Ivoire, Congo, Rwanda et Sierra Léone), qui sont alors décrits comme des terres d’antagonismes ethniques à l’origine du génocide, de sécessions étatiques, de rebellions et d’autres blessures mémorielles.

Le roman d’Aïda Mady Diallo, qui s’inscrit dans un autre genre, le roman policier, ne se soustrait pas à cette thématique dominante, dans son intérêt pour la question politique et ethnique. Il invite à une analyse rigoureuse susceptible de mieux cerner les enjeux multiformes que prennent, par exemple, la quête, l’enquête et la justice sociale. Nous pensons avec Kris Vassilev (2008) que ce genre de récit fonctionne comme un récit transitif dont la structure est « fortement marquée par la prévisibilité du projet dont elle rend compte » (Vassilev, 2008, p. 66). L’affront, qui motive les actions des bourreaux de la famille de Kouty, est le résultat d’une série d’événements qui ont conduit au déchirement de la famille d’Ousmane. Devenue orpheline, Kouty ne peut que constater un immense vide qui conditionnera son comportement et les différentes actions qu’elle va entreprendre pour comprendre le fondement culturel et historique de cette « obsession » pour la pureté du sang. Dès lors, nous comprenons la cohérence de la démarche de Kouty, une démarche qui peut être comprise comme un processus complexe qui va de pair avec le refus d’oublier les assassins de sa famille.