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Le cinéma est une technologie qui anime des images et qui peut leur accoler des sons. En quoi cela concerne-t-il la sémiotique? En quoi les problèmes liés à la technologie du cinéma et à l’histoire de cette technologie relèvent-ils du domaine de la théorie des signes? La réponse a quelque chose de simple, d’évident même : appareils de prise de vues, tables de montage, microphones, projecteurs, etc., c’est-à-dire toute la panoplie technique du dispositif cinématographique, sont ce à travers quoi le cinéma fait signe et se constitue en discours. Tous ces “moyens” participent aux effets de sens du cinéma et des textes filmiques. Autrement dit, la réflexion sémiotique sur le cinéma, et ce, quelle que soit la tradition sémiotique adoptée, saussurienne ou peircéenne, structuraliste ou pragmaticiste, ne saurait faire l’économie du fait technologique. Bien sûr, d’une tradition sémiotique à l’autre le rapport à la technologie ne sera pas le même, comme en témoignent les textes rassemblés ici. Pourtant tous les auteurs réunis dans ce volume s’entendent sur l’importance de passer par la technologie pour aborder la question générale de la représentation au cinéma, et c’est pourquoi nous avons jugé utile pour les lecteurs de RS/SI d’accueillir ici leurs travaux.
À l’origine de ce volume, il y a eu un colloque que nous avons organisé à Montréal, en 2011, sous le titre “Impact des innovations technologiques sur l’historiographie et la théorie du cinéma[1]”. Pendant les six jours de cet événement, il nous est apparu que le volet “théorie du cinéma” de la programmation tournait autour de questions importantes pour la sémiotique du cinéma : problèmes liés au réalisme et à l’effet de réalité, à la spécificité du médium, à la convergence des plateformes de diffusion et des médias, à l’esthétique, mais surtout à tout ce qui concerne le dispositif. Nous avons donc voulu donner une suite et une nouvelle vie à cet événement en demandant à certains auteurs de faire un retour sur les sujets abordés lors du colloque, mais au moyen d’arguments plus étoffés que ne le permet une communication. Du coup, les douze articles produits pour RS/SI se trouvent enrichis des nombreux échanges, débats et discussions souvent passionnés auxquels cet événement mémorable a donné lieu.
Parmi les sujets les plus chaudement débattus lors du colloque, on trouve la question du dispositif. Il était donc normal d’y revenir ici, d’y insister même. Plus de la moitié des articles réunis se penchent donc sur cette notion pas toujours facile à saisir, d’autant qu’elle engage des traditions de recherche et de pensée différentes selon qu’on l’envisage depuis l’Europe continentale ou depuis les terres anglo-saxonnes. Afin de bien cerner les problèmes de définition qui concernent le “dispositif”, le volume s’ouvre sur un important travail philologique de Frank Kessler, qui expose les difficultés de traduction du terme avant d’examiner deux sources de son usage en études cinématographiques, soit l’oeuvre de Michel Foucault et celle du tel-quellien Jean-Louis Baudry. Cet examen conduit Kessler à vouloir remettre la notion de dispositif sur la ligne du temps, en “historicis[ant] la relation qui se tisse entre une technologie, une forme filmique avec son mode d’adresse et le positionnement du spectateur qui en résulte” (23), et à adopter à son égard une perspective pragmatique qui l’amène à se demander : “que se produit-il lorsqu’on considère la configuration x comme un dispositif?”. L’auteur évalue dans la suite de l’article les conséquences de cette perspective sur les discussions concernant les transformations que l’arrivée des technologies numériques fait subir au cinéma (et aux études cinématographiques).
Thomas Elsaesser revient lui aussi sur l’histoire des théories du “dispositif” dans le champ des études cinématographiques, sur leurs sources sémiologiques, psychanalytiques et socio-économiques, et s’interroge sur leur fonction au sein des discours sur le cinéma, compte tenu du fait que le renouveau de l’historiographie du cinéma durant les années 1980 devait conduire à remettre en question les enjeux transcendantaux qui leur sont associés (notamment chez Baudry). Elsaesser examine les démêlés des théories du dispositif aux mains du féminisme et des théoriciens du cinéma des premiers temps, mais sans pour autant chercher à bannir la notion du paysage conceptuel des études cinématographiques/médiatiques : il s’agit plutôt de redéfinir la notion de dispositif afin de lui découvrir une nouvelle “productivité” discursive dans l’étude de la sphère médiatique à une époque où elle est sujette à des transformations substantielles.
Le débat se poursuit dans les articles de Jane Gaines et de Will Straw. Retraçant à sa manière les sources du “dispositif” chez Baudry et chez Foucault, de même que les problèmes de traduction qu’implique le terme (selon qu’on en souligne la dimension “machinique” ou la dimension “agencement”), Gaines prend pour objet le mouvement de pensée qui a conduit les théoriciens du cinéma et des médias à passer du dispositif à l’apparatus pour revenir aujourd’hui à la notion de dispositifs (au pluriel) : c’est l’histoire d’un véritable comeback qui, grâce aux interventions de l’historiographie du cinéma, procède maintenant par la démultiplication des dispositifs. En un sens, c’est sur l’existence même d’une telle mise en séquence historique (et sur la signification et la fonction idéologique que revêt ce type de pensée historique, téléologique et linéaire) que porte ici l’interrogation.
Les théories du dispositif cinématographique ont évidemment fait appel à une figure “théorique”, “idéale” du spectateur – comme sujet abstrait, désubjectivé. Or, sous la pression conjuguée de différentes critiques adressées au déterminisme et à la rigidité de la théorie du dispositif – lesquelles ont conduit notamment à l’émergence des “identity politics studies” –, cette figure s’est “détachée” du dispositif pour se “sociologiser”. C’est sur la base de pareil questionnement que s’ouvre l’article de Will Straw, à la faveur duquel l’auteur revient notamment sur les différences culturelles qui distinguent les approches du dispositif et de la spectature en provenance des milieux francophones et anglophones, et qui rendent particulièrement compliqués les rapports transnationaux autour de cette question. Or, dans un monde saturé d’appareils, Straw soutient qu’il faut sortir d’un modèle qui envisage exclusivement les effets idéologiques et les effets de sens dans la seule rencontre entre appareil et usager. Selon lui, il importe de prendre en considération les contextes plus vastes des espaces et des réseaux sociaux où se manifestent une série d’enjeux liés à de nouveaux usages de la technologie.
Dans un esprit voisin (du moins à certains égards) de celui de Straw, Gabriele Jutz propose de déplacer la question du dispositif en le faisant passer de l’espace de l’exhibition (et donc de son rapport au spectateur) au processus de production audiovisuelle. Ce sont alors les dispositifs de création qui l’intéressent, mais cette fois le registre est d’ordre esthétique. Jutz s’intéresse plus précisément au phénomène de la “technicité rétrograde”, notamment dans l’avant-garde, en examinant comment, au cours du XXe siècle, un certain nombre d’artistes audiovisuels se sont approprié des appareils et ont détourné des technologies au profit d’un mouvement “à rebours”. L’intérêt de cette approche pour la question du dispositif consiste notamment à faire voler en éclats les discours rigides, déterministes, sur la spécificité du dispositif cinématographique et sur la téléologie de la technique.
L’article de Christa Blümlinger poursuit cette interaction entre esthétique et dispositifs en interrogeant les manifestes d’artistes (Frampton, Kuntzel, Godard, Farocki, Luksch, Hirschhorn, Tscherkassky, etc.) qui, depuis les années 1970, prennent position face aux innovations technologiques ayant touché l’image en mouvement dans les domaines de l’électronique et du numérique. L’auteure examine comment leurs oeuvres et leurs discours contribuent à renouveler les débats critiques entourant le dispositif, qu’ils s’éloignent des formes classiques qui ont présidé à sa théorisation chez les spécialistes du cinéma ou qu’ils les retrouvent partiellement par la voie détournée et “archaïsante” d’une “technicité rétrograde” (pour reprendre le terme de Jutz). Dans le dernier cas, cependant, Blümlinger montre qu’il convient de distinguer ce mouvement, par sa conscience historique et son désir d’archive, d’une tradition de la “pureté” cinématographique propre à une avant-garde antérieure à la vidéo et au numérique (chez Brakhage, par exemple).
Simone Natale reprend pour sa part le thème de la multiplicité des dispositifs, abordé entre autres par Jane Gaines, afin de poser un regard historique sur les liens du dispositif cinématographique avec le dispositif scénique des spectacles de magie et de spiritisme au tournant du XXe siècle. Plus précisément, l’auteur cherche à montrer l’interaction entre une série de dispositifs et à illustrer la manière dont le cinéma des premiers temps a assuré la remédiation de certains dispositifs qui l’ont précédé. Il s’agit dès lors d’établir comment certaines conceptions théoriques du cinéma – dont celle développée par Hugo Münsterberg en 1916 – trouvent une partie de leur généalogie au sein de ces dispositifs.
Cette section du volume consacrée au “dispositif” dans tous ses états se clôt sur l’article de Maria Tortajada, qui adopte une perspective différente alors qu’elle examine l’appropriation de la machine cinématographique, en particulier de l’appareil de prise de vues (le cinématographe), par le bergsonisme et son développement d’un modèle cinématographique de la pensée. C’est la dimension technique et cinématographique du dispositif philosophique et discursif de Bergson qui attire l’attention de Tortajada. Du coup, l’auteure s’interroge sur la valeur, pour l’histoire du cinéma, du “cinématographe bergsonien”, c’est-à-dire sur la façon dont il s’insère dans la série des représentations que nous nous sommes données – et que nous nous donnons encore – du cinéma. En outre, à la question de Bazin “Qu’est-ce que le cinéma?”, on trouve aussi comme réponse, parmi d’autres, le cinématographe de Bergson et son dispositif philosophique.
S’il convient d’évoquer ici Bazin, c’est qu’il se trouve au centre des préoccupations de Marco Grosoli, qui propose une lecture novatrice du fameux “mythe du cinéma total” en l’articulant à une critique de ce qu’on perçoit souvent, chez le critique et théoricien français, comme l’apologie d’une conception téléologique de l’histoire du cinéma en lien avec son développement technologique. À cet égard, l’article donne la réplique à celui de Jane Gaines, qui se termine sur la célèbre formule bazinienne : “le cinéma n’est pas encore inventé”. Grosoli explique le sens qu’il faut donner à la formule en se référant au mythe bazinien du “cinéma total” à titre ni plus ni moins de causa finalis. Pour reprendre l’idée en nos termes, nous dirons que le “mythe” déterminerait, mais de manière stochastique uniquement, les transformations technologiques du cinéma qui seraient alors susceptibles de prendre différentes directions pour se réaliser, étant entendu qu’une telle “réalisation” est une sorte d’asymptote qui vise un désir, c’est-à-dire quelque chose de général et donc d’irréalisable en soi. C’est notamment en considérant les techniques de la motion/performance capture que l’argument s’élabore, faisant appel au passage à la sémiotique de Peirce et aux concepts d’indice et d’icône.
Bazin occupe également un rôle de premier plan dans la réflexion d’Anustup Basu sur le techno-réalisme hyper-violent du film de Mel Gibson The Passion of the Christ (2004). S’inspirant des travaux d’Erich Auerbach, Basu entend démontrer comment le film de Gibson mobilise les technologies audiovisuelles contemporaines et les effets spéciaux pour évoquer la Passion du Christ sous l’angle de la révélation figurale telle qu’elle existait au Moyen Âge (la figura du Moyen Âge se distinguant de l’emblème, du symbole ou de l’allégorie, lesquels sont propres à un esprit plus moderne, plus scientifique, qui marque un régime sémiotique distinct, proche de l’esprit de la Réforme et d’un monde scientifique “désenchanté”). À cet égard, le film de Gibson se heurte sur plusieurs fronts à la conception bazinienne du réalisme (tout aussi catholique, mais plus “moderne” sur la question de la représentation). Sur le plan de la technique, grâce à la numérisation, The Passion of the Christ offre un réalisme qui ne porte plus la trace directe, le stigmate, qui en ferait l’effet d’une cause enregistrée par la caméra de manière purement photographique. C’est-à-dire que ce n’est plus pleinement un signe photographique. Il en résulte néanmoins une forme de réalisme plus haptique, plus invasive, plus “interne” que celle qu’offre le réalisme du cinéma argentique, plus proche de la “réelle présence” – ce qui est paradoxal compte tenu des moyens utilisés qui éloignent l’image du réel profilmique –, et qui explique les réactions suscitées par un film qui se donne à nous, dès lors, comme un mystère médiéval du XXIe siècle.
Mais la fin du cinéma pelliculaire signale-t-elle pour autant la fin du cinéma au profit d’un autre médium, d’une ère postcinématographique des images animées? La question a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années. Pour Diane Wade, toutefois, le recours aux travaux de l’ex-filmologue Edgar Morin, et en particulier à son ouvrage Le cinéma ou L’homme imaginaire (1956), sert à dédramatiser les conséquences de ce nouvel avatar du cinéma : même à l’ère numérique, le cinéma reste une machine-miroir, un miroir anthropologique. Le rôle du cinéma selon Morin – comme machine qui assure la conjonction de l’imaginaire et du réel – est tout simplement reconduit par le cinéma numérique. Sur le plan anthropologique, en somme, le dépassement de la pellicule par la technologie numérique ne change en rien le rapport de l’homme aux images animées : ces images continuent de répondre au “besoin de cinéma” chez l’homme, dans la mesure où elles persistent dans cette fonction qui consiste à servir de machine-miroir à fabriquer des “doubles” de l’homme et de son monde.
L’article de Dominique Chateau vient clore la section thématique de ce volume par une réflexion épistémologique sur les rapports complexes qui se tissent entre la théorie du cinéma et l’outillage technologique qui enserre de toute part l’objet cinéma. “D’où la question de savoir, comme l’écrit Chateau, si la théorie du cinéma est le simple enregistrement des paradigmes idéologiques [au sens de “manières de se représenter le monde”] ou si elle a un rôle plus actif, voire créateur” (230). Voilà une réflexion qui engage et trouble à la fois la distinction, l’écart, susceptible d’exister entre des paradigmes idéologiques et des paradigmes théoriques (ou scientifiques), de manière à bouleverser potentiellement les catégories de la représentation. Concrètement, cela signifie se demander si tel ou tel phénomène X d’images animées propre aux nouvelles technologies demeure au sein de la catégorie du cinéma ou s’il verse dans une nouvelle catégorie conceptuelle, ou encore si son incorporation au sein de la catégorie cinéma entraîne des complications pour cette dernière (voire même son éclatement ou son passage dans le non-sens ou encore dans le domaine logique du vague). On rejoint ici les discussions sur le cinéma élargi, dont l’élargissement est susceptible de se produire dans des directions variées tant le cinéma, longtemps conçu comme un médium simple, est en fait cerné de toutes parts par des mutations technologiques qui peuvent affecter à peu près chacun de ses aspects.
Il s’agissait ici de présenter les textes qui composent ce volume au moyen d’un survol succinct des principaux enjeux qui animent leurs auteurs. On en conservera une idée que d’aucuns ont parfois tendance à oublier : que la technologie du cinéma n’est jamais “neutre” et “passive” en ce qui concerne la signification et la représentation cinématographiques. Au contraire, elle y joue un rôle fort important. Mais, en définitive, cela n’a rien d’étonnant, car en matière d’images animées la signification et la représentation transitent et sont même “moulées” par la technologie. Ce qui est étonnant peut-être, c’est la régularité avec laquelle nous oublions cet état de fait ! Car si le cinéma est un art, un langage et une industrie, il est aussi, et sous chacune de ces (de ses) identités, une technologie.
Cinema is a technology for animating images and possibly joining recorded sounds to them. How is this fact connected with semiotics? How are the problems related to cinema technology and to its history relevant for the theory of signs? The answer to these questions is fairly simple, even obvious : cameras, editing benches, microphones, projectors, etc., which is to say the entire technological panoply of the moving image apparatus, offer the material means through which cinematic signs come into being and through which cinema becomes a discourse. All of these various technological means, therefore, contribute to the “meaning effects” films can produce. Put another way, semiotic considerations of the cinema, no matter what semiotic tradition one adopts – Saussurian or Peircean, structuralist or pragmaticist –, shouldn’t overlook the fact of technology. Naturally, ways of conceiving the import of technology will not be the same from one semiotic tradition to the next, as some of the texts presented here attest. And yet every author contributing to this volume agrees on the importance of technology when addressing the general question of cinematic representation, and this is why we have decided to gather their work together in this issue of RS/SI.
This volume grew out of a conference which we organized in Montreal in 2011 entitled “The Impact of Technological Innovations on the Theory and Historiography of Cinema”[1]. During this six-day event, it became evident that the “film theory” side of the programming turned on questions of importance to film semiotics : problems around realism and the reality effect, medium specificity, the convergence of media dissemination platforms, aesthetics and, especially, around the apparatus. We thus wished to follow up on and give new life to this event by asking some of the participants to revisit topics raised during the conference in greater depth than is possible in an oral presentation. These twelve articles produced for RS/SI have benefited from the many exchanges of views and often passionate debates and discussions to which this memorable event gave rise.
The question of the apparatus or dispositif was among the most hotly debated topics at the conference. It is thus natural to return to the question here, in fact to dwell on it. More than half of the articles included in this triple issue address this often difficult to grasp concept, especially as it engages different research and intellectual traditions in continental Europe and English-speaking countries. In order to properly pin down the problems around defining dispositif, the issue opens with an important philological elucidation of the concept by Frank Kessler who notes the difficulties involved in translating the term, before examining two sources of its use in film studies : the work of Michel Foucault and that of the Tel Quel author Jean-Louis Baudry. Kessler’s discussion leads him to reject a static or transcendental view of the dispositif and instead to promote its use for “historicizing the relation between a technology and a filmic form with its mode of address and the resulting position of the viewer” (23). He proposes adopting a pragmatic point of view towards the dispositif which asks : “what happens when we see configuration X as a dispositif?” The rest of Kessler’s article examines the consequences of this perspective for discussing the changes wrought to cinema (and to cinema studies) by the current digital turn.
Thomas Elsaesser also revisits the history of theories of the dispositif in film studies and their semiological, psychoanalytical and socio-economic sources, inquiring into their role within discourses on cinema given that the new approach to film historiography in the 1980s led to a questioning of the transcendental issues associated with them (in particular in the work of Baudry). Elsaesser examines how feminist critics and early cinema historians challenged apparatus theory, all the while refusing to banish the concept of apparatus from the conceptual landscape of film and media studies. Rather, he argues, what is needed is to redefine it in order to confer upon it a new discursive “productivity” in studies of the media sphere at a time when it is undergoing substantial transformation.
The debate continues in the articles by Jane Gaines and Will Straw. In her own way, Gaines also traces the sources of dispositif theory back to the work of Baudry and Foucault, and examines the translation problems that the term poses (depending on whether one emphasizes its “mechanical” or its “tendency”/“disposition” connotations). Gaines’s essay, however, complements the two previous articles by taking as her subject the shifts in thinking that have led English-speaking film and media theorists to pass from the dispositif to the “apparatus” and back again today to the notion of dispositifs in the plural. This is a true “comeback” which, under pressure from film historiography, is now proceeding on the basis of an increase in the number of dispositifs. In a sense, however, these questions force us to consider the very existence of such historical sequencing and assess the ideological signification and function of historical, teleological and linear thinking.
Traditional apparatus theories in film studies have mostly employed a “theoretical”, “ideal” notion of the viewer as an abstract, de-subjectivized subject. Under the combined pressure of various critiques of the determinism and rigidity of apparatus theory, however, leading in particular to the emergence of identity politics studies, this viewer has become “unhinged” from the apparatus and been “sociologized”. Will Straw’s article opens with this question, which he examines in particular from the perspective of the cultural differences that affect approaches to the dispositif and spectatorship in the French- and English-speaking milieus, and render transnational relations around this question particularly complex. In a world saturated with all sorts of audiovisual devices, Straw maintains that we must leave behind a model which centred only the ideological and meaning effects produced by the sole encounter between device and user. Rather, we should be taking into account the broader contexts of social spaces and networks, where a series of issues related to new uses of technology can be seen to operate.
In like spirit, at least in certain respects, Gabriele Jutz proposes to shift the question of the dispositif from the space of exhibition (and thus from its connection with the viewer) to the process of audiovisual production. Her interest thus lies with apparatuses for creation, but in this case her concern is of an aesthetic nature. More precisely, she explores the phenomenon of “retrograde technicity”, particularly in the avant-garde, by examining how a number of audiovisual artists in the twentieth century appropriated devices in an effort to deflect technologies and their future-driven telos, and use them “against the grain”. The interest of this approach for the question of the apparatus lies in the particular in the way it shatters rigid and deterministic discourses on the specificity of the cinematic apparatus and on the teleology of technology.
Christa Blüminger’s article continues this interaction between aesthetics and apparatuses by looking at artists’ manifestos (by Frampton, Kuntzel, Godard, Farocki, Luksch, Hirschhorn, Tscherkassky, etc.) which, since the 1970s, have adopted a stance towards the technological innovations that have affected moving images in the electronic and digital fields. Blüminger examines how works of art and the discourses artists produce have brought new ideas to critical debates around the apparatus, either by distancing themselves from the classical forms which served as a reference for its theorization or by a return to those same forms but in a historically informed way as a détournement or else drawn by an “archaizing” drive reminiscent of Gabriele Jutz’s conception of “retrograde technicity”. In the latter case, however, Blüminger demonstrates that we should distinguish this movement, by virtue of its historical awareness and archival impulses, from the tradition of cinematic “purity” found in an avant-garde that predates video and digital technology (as seen in the work of Brakhage, for example).
Simone Natale takes up the theme of the multiplicity of dispositifs, addressed in the texts by Jane Gaines, Frank Kessler and others, in order to cast a historical glance at the cinematic apparatus and its connections to the stage apparatus of magic acts and spiritualism shows at the turn of the twentieth century. More precisely, he seeks to demonstrate the interaction amongst a series of dispositifs and to illustrate the way in which early cinema remediated a number apparatuses which preceded it. He then establishes how the genealogy of certain theoretical conceptions of cinema, including that developed by Hugo Münsterberg in 1916, is found in part within these apparatuses.
The section of the issue devoted to the dispositif in all its forms concludes with Maria Tortajada’s article, which adopts a different perspective by examining how cinema’s machinery, and in particular the moving picture camera (the cinématographe), were appropriated by Bergsonism and its development of a cinematic model of human thought. What draws Tortajada’s attention is the technological and cinematic dimension of Bergson’s own philosophical and discursive dispositif. She explores the value of the “Bergsonian cinematograph” for film history, meaning the way in which it has inserted itself into the series of representations of cinema we have given ourselves and continue to give ourselves. In a sense, Bergson’s cinematograph and his philosophical dispositif are presented as one answer, among others, to Bazin’s question “what is cinema?”
Invoking Bazin is opportune here, because he is at the centre of Marco Grosili’s concerns in his innovative reading of the French critic’s famous “Myth of Total Cinema” essay, linking it to a critique that is often – and mistakenly – seen, in Bazin’s work, as an apology for a teleological conception of film history with respect to its technological development. In this respect, Grosoli’s text is a reply to the article by Jane Gaines, which concludes with Bazin’s famous claim that “cinema has not yet been invented”. Grosoli explains the meaning we should give this statement by describing Bazin’s myth of “total cinema” as nothing short of a causa finalis. To phrase the idea in our own terms, the “myth” only stochastically determines cinema’s technological transformations, which are then able to take different directions in seeking its fulfillment. However, this “fulfillment” is a kind of asymptote directed towards a desire, which is to say something general and thus unachievable in itself. Grosoli develops his argument with respect to motion and performance capture in particular, with reference to Peirce and his concepts of the index and the icon.
Bazin is also at the forefront of Anustup Basu’s article on the hyper-violent techno-realism of Mel Gibson’s 2004 film The Passion of the Christ. Drawing on the work of Erich Auerbach, Basu seeks to demonstrate how Gibson’s film employs contemporary audiovisual technology and special effects to depict the Passion of Christ from a perspective of figural revelation such as it existed in the Middle Ages (the figura of the Middle Ages being distinct from the emblem, the symbol or allegory tied up with more modern and scientific ideas associated with a distinct semiotic regime closer to the spirit of the Reformation and to the rise of a “disenchanted” scientific world). In this respect Gibson’s film runs up against Bazin’s concept of realism on several fronts (a concept just as catholic but more “modern” on the question of representation). On a technological level, the digital endows The Passion of the Christ with a realism that no longer bears the direct trace or stigmata which make of it the effect of a cause recorded by the camera by purely photographic means, meaning that it is no longer fully a photographic sign. There nevertheless arises a more haptic and more invasive form of realism, a more “internal” realism than that offered by celluloid-based cinema. Such a realism is closer to “real presence”, something that is paradoxical given the means employed distance the image from profilmic reality. This accounts for the reactions provoked by the film, which has taken on the airs of a twenty-first-century medieval Passion play.
But does the end of celluloid-based cinema signal the end of cinema in favour of some yet unnamed new medium, of a post-cinematic era of moving images? This question has led to a lot of ink being spilled these past few years. For Diane Wade, however, the work of the one-time filmologist Edgar Morin, and in particular his book L’Homme imaginaire (The Imaginary Man 1956), can be employed to de-dramatize the consequences of this new avatar of cinema : even in the digital era cinema remains a “mirror-machine”, an anthropological mirror. From this perspective, Morin’s view of the role of cinema, as a machine that joins the imaginary and the real, is quite simply renewed by digital cinema. On the anthropological level, in short, digital technology’s overtaking of celluloid has changed nothing in our relation to moving pictures. These images continue to meet our “need for cinema” in that they continue to serve as a mirror-machine for creating “doubles” of ourselves and our world.
The article by Dominique Chateau closes off this issue with an epistemological discussion of the complex relations between film theory and the technological tool-kit that encompasses every aspect of cinema. “Hence the question”, Chateau writes, “of knowing whether film theory is a mere recording of ideological paradigms [in the sense of ‘ways we have of depicting the world to ourselves’] or whether it has a more active or even enabling role” (230). Chateau’s article both engages and upsets the distinction or gap that can exist between ideological and theoretical (or scientific) paradigms in such a way as to potentially throw our categories of representation into disarray. Concretely, this means that we must ask ourselves whether a particular phenomenon of moving images proper to the new technologies remains a part of the category “cinema” or whether it forms part of a new conceptual category. Or indeed whether its incorporation into the “cinema” category brings with it complications for this category (or even causes it to splinter or become meaningless or too vague). Here the discussion touches on the concept of an extended cinema, which is likely to extend in a number of directions now that cinema, for a long time seen as a “simple” medium, is in fact beset from all quarters by technological changes which may end up affecting pretty much all of its aspects.
Our goal here has been to introduce the essays that make up this volume by way of a succinct overview of the main issues their authors address. Readers of these articles will come away with an idea which some scholars today sometimes tend to forget : that cinema’s technology is never “neutral” or “passive” with respect to cinematic representation. On the contrary, it plays a very important role in that representation. There is nothing surprising in this, however, for in the case of moving images signification and representation necessarily pass through and are even “moulded” by technology. What is surprising is the regularity with which we forget this fact! For while cinema is an art, a language and an industry, it is also, in every one of its identities, a technology.
Appendices
Note
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[1]
Tenu à la Cinémathèque québécoise en novembre 2011, ce colloque a rassemblé pendant six jours plus de 150 conférenciers en provenance d'une quinzaine de pays. Il est né d’une initiative conjointe des deux groupes de recherche dont nous assurons la direction, le GRAFICS (André Gaudreault, Université de Montréal) et ARTHEMIS (Martin Lefebvre, Université Concordia), deux infrastructures financées par le Fonds de recherche du Québec - Société et culture et regroupant des chercheurs subventionnés notamment par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (qui a soutenu financièrement le colloque).
Appendices
Note
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[1]
This event, held over six days in Montreal in November 2011 (at the Cinémathèque québécoise), brought together more than 150 speakers from fifteen countries. It was a joint project of two research groups headed by the present authors: GRAFICS (André Gaudreault, Montreal University) and ARTHEMIS (Martin Lefebvre, Concordia University), each of which receives funding from the Fonds de recherche du Québec – Société et culture and brings together scholars whose work is funded in particular by the Social Sciences and Humanities Research Council of Canada (which provided funding for the conference).