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1. Introduction

Les activités anthropiques sont de plus en plus responsables de l'introduction d'un grand nombre de substances chimiques dans le sol et rendent vulnérables les ressources en eau souterraine. Ces dernières, lors d’une exploitation intense, sont confrontées à une contamination par l’intrusion d’eau de mer saline ou les eaux de sebkha. Ce problème d’intrusion marine touche un nombre important de nappes du littoral tunisien dont celles de Gar el Melh, Korba, Téboulba et Bekalta (BOURI et BEN DHIA, 2010; ZGHIBI et al., 2013; EL HANINI et al., 2013; CARRUBA, 2017). Les nappes phréatiques sont, également, menacées par des infiltrations et des cheminements des substances polluantes. Ces substances peuvent avoir, comme origine, la diversification des activités agricoles et industrielles et le rejet des eaux usées partiellement traitées. L’inventaire national du Ministère de l’Environnement et du Développement durable, réalisé en 2004, a fait apparaître 750 sources de pollution, d’origine urbaine, industrielle et agricole, susceptibles d’engendrer des nuisances notables aux ressources hydriques. Le secteur agroalimentaire est la source prédominante de pollution, suivi par les secteurs du textile, de l’habillement et du caoutchouc et du plastique. L’inventaire a, aussi, signalé une pollution originaire des eaux usées traitées domestiques et industrielles dont la qualité dépasse, dans plusieurs stations d’épuration, la norme tunisienne de rejets dans le milieu hydrique. En 2017, la conformité des eaux traitées aux normes n’était que de l’ordre de 68 % (ONAS, 2017). Une charge importante de matières organiques, métaux lourds, graisses et colorants est rejetée par les industries surtout que seulement les effluents de 3 979 unités industrielles sont raccordés au réseau public d’assainissement (ONAS, 2016) avec ou sans prétraitement et le reste des unités (1 229) rejette directement ses effluents dans le milieu naturel. Les infiltrations de contaminants rendent ainsi l'utilisation des eaux de la nappe risquée pour l’être humain, les sols et les cultures, à court ou à long terme (BENALAYA et al., 2009; OMS, 2012; CARRUBA, 2017).

Cette étude est focalisée sur la nappe côtière de Téboulba vu son importance pour l’agriculture locale. Cette nappe soufre de la salinité de ses eaux due à l’intrusion des eaux salines en provenance de la mer Méditerranéenne et de la sebkha de Moknine suite à une surexploitation. La nécessité d’améliorer, quantitativement et qualitativement, les eaux de la nappe, a amené les autorités à procéder à des recharges artificielles et à créer le périmètre irrigué de Téboulba, alimenté par les eaux de Nabhana (bonne qualité). L’étude a été menée chez trois agriculteurs faisant partie de ce périmètre et utilisant, en irrigation, les eaux de leurs puits en période d’indisponibilité des eaux de Nebhana. L’étude s’est reposée sur une caractérisation physico-chimique des eaux de cinq puits. Tenant compte des résultats inattendus de cette caractérisation, une étude du potentiel génotoxique des sols irrigués par ces eaux a été, aussi, envisagée. Le potentiel génotoxique des sols a été évalué à travers leurs lixiviats en se servant du test de micronoyaux appliqué au niveau des extrémités racinaires de Vicia faba. Ce test est considéré parmi les meilleurs outils disponibles pour étudier la biodisponibilité des polluants du sol et d’eau, leurs interactions possibles et les effets potentiels de la pollution non caractérisée (FOLTÊTE et al., 2011; COTELLE et al., 2015).

2. Matériel et méthodes

2.1 Présentation de la zone d’étude

L’étude a concerné la région de Téboulba (Figure 1), une des plus importantes régions agricoles du Sahel tunisien, connue par sa forte production de maraîchage de primeurs. Les surfaces agricoles utiles occupent 86,6 % de la délégation de Téboulba et l’activité agricole intense, marquée par une forte demande en eau, a entrainé une surexploitation des eaux de la nappe difficile à la combler par les infiltrations des eaux pluviales.

La nappe phréatique de Téboulba couvre une zone d’environ 35 km2, s’étirant sous forme d’une bande entre la mer au nord-est et la sebkha de Moknine au sud-ouest. L’altitude ne dépasse pas 30 m. Elle est renfermée dans les intercalations sableuses d’une série à dominance argileuse attribuée au Plio-Quaternaire. La nappe est surexploitée par l’agriculture intensive dans la région et à ses alentours, entre Moknine à l’ouest et Bekalta à l’est. Cette surexploitation a été à l’origine d’une intrusion d’eau saline en provenance de la mer et de la sebkha. Pour éviter l’invasion des eaux salées et l’épuisement de la nappe, des campagnes de recharge artificielle ont été réalisées. L’eau du barrage de Nebhana (salinité inférieure à 1,56 dS∙m-1), véhiculée jusqu’à la région de Téboulba, a servi à cette recharge à partir des puits existants et pour irriguer les zones agricoles défavorisées par l’augmentation de la salinité de la nappe à travers la création du périmètre irrigué de Téboulba. Pour préserver la nappe, les autorités du Ministère de l’Agriculture ont aussi décrété en 1981 la nappe de Téboulba comme un périmètre de sauvegarde (Décret N°81-41), interdisant, de ce fait, toute création d’un forage ou l’équipement, par pompe électrique, tous ouvrages existants avec une mise en place d’une taxe sur l’eau du barrage de Nebhana.

Pour mener ce travail, des échantillons d’eau de puits ont été prélevés au mois de mars 2017. L’échantillonnage a concerné trois agriculteurs (A1, A2 et A3) appartenant au périmètre irrigué de Téboulba (Figure 1). Ces agriculteurs utilisent, en général, les eaux en provenance du barrage de Nebhana, seules ou mélangées (parfois) avec celles de leurs puits, pour l’irrigation de leurs cultures. Cependant, en période de crise marquée par une régression importante des réserves en eau dans le barrage de Nebhana, les agriculteurs se basent sur les eaux de la nappe pompées de cinq puits pour l’irrigation, par goutte à goutte, de leurs parcelles de pomme de terre (plein champ) et de tomate et piment (sous-serre).

Figure 1

Localisation de la zone d’étude (Google Earth)

Location of the study area (Google Earth)

Localisation de la zone d’étude (Google Earth)

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2.2 Échantillonnage d’eau et analyses

Les échantillons d’eau ont été prélevés des cinq puits et analysés pour leur pH, à l’aide d’un pH-mètre (Lutron pH-211) et leur salinité, par une mesure de la conductivité électrique (CE; Cond/TDS, AZ 8361). Ils ont également fait l’objet d’une analyse minérale. Les ions Na+ et K+ ont été dosés par spectrophotométrie de flamme (Jenway, PFP 7). La quantification des ions Cl- et HCO3- a été réalisée par titrage en utilisant respectivement une solution de nitrate d’argent (AgNO3) et d’acide chlorhydrique (HCl). Les ions SO42- ont été dosés selon la méthode néphélométrique et ceux Ca2+ et Mg2+ par titrage complexométrique. Les concentrations des éléments traces métalliques ont été déterminées par spectrométrie d’absorption atomique (Perkin Elmer).

2.3 Préparation des lixiviats

À côté des échantillons d’eau, des prélèvements de sol ont été réalisés pour une étude du potentiel génotoxique des sols irrigués par les eaux de puits. Les parcelles ont été choisies selon les fréquences d’irrigation par les puits étudiés en période du manque d’eau (période de crise). Chez chaque agriculteur, deux parcelles ont été sélectionnées : une, sous-serre (S), occupée par une culture de tomate ou de piment et une autre, en plein champ (PC), occupée par une culture de pomme de terre. À ces échantillons s’ajoutent d’autres témoins, jamais irrigués par les eaux de puits ou celles de Nabhana. Trois échantillons de sols (0-40 cm) ont été prélevés de chaque parcelle. Ils ont été séchés à l’air libre, broyés et tamisés à 2 mm. Des échantillons composites ont été formés par un mélange des échantillons de la même parcelle. Ces échantillons ont été, par la suite, conservés à l’obscurité. Les lixiviats ont été obtenus suite à un ajout de 1 L d’eau distillée à 1 kg de sol (1 v:1 m), une agitation de 24 h et une filtration. Après une mesure de leur pH et salinité, les lixiviats ont été conservés à 4 °C et à l’obscurité. Ces lixiviats sont basiques (7,65-8,26) avec une faible salinité (0,21-1,06 dS∙m-1).

2.4 Germination et traitements

Le matériel végétal utilisé est la fève (Vicia faba, variété locale Chahbi). Les graines nous ont été fournies par le Laboratoire des Légumineuses de l’Institut National de Recherches Agronomiques de Tunis (INRAT). Elles ont été désinfectées à l'eau de Javel (10 %) et lavées abondamment à l’eau distillée. Pour faciliter et homogénéiser leur germination, les graines ont été placées dans l’eau distillée pendant une nuit. Une partie du tégument a été enlevée délicatement et les graines ont été mises à germer entre deux papiers filtres imbibés à l’eau distillée. La germination a eu lieu dans l'étuve à une température de 25 ± 1 °C et à l’obscurité pendant 48 h.

Les graines germées ont été transférées dans des bacs en plastique (30 x 21 cm) et exposées, pendant 24 h, aux lixiviats des sols (400 mL). L’eau distillée (ED) a été utilisée comme un témoin négatif et l’hydrazide maléique (HM, 4 mM) a servi comme un témoin positif. Le HM est un herbicide couramment utilisé en génotoxicité comme un inducteur de micronoyaux (COTELLE et al., 2015). Durant le traitement, les graines ont été placées à une température de 25 ± 1 °C.

2.5 Test de Vicia-micronoyaux

Après 24 h d’exposition, les racines ont été rincées avec de l’eau distillée et transférées dans une solution de Carnoy formée d’acide acétique et d’éthanol (1:3), pendant une nuit et à l’obscurité. Les racines ont été hydrolysées dans du HCl (1 N), étalées et colorées à l’orcéine. L’indice mitotique correspond au nombre de cellules en division parmi 100 cellules comptées sous microscope (Leica, DM2500). Le nombre de cellules renfermant un ou plusieurs micronoyaux (cellules micronucléées) a été aussi déterminé parmi 1 000 cellules comptées. Pour chaque traitement (témoin/HM/lixiviats), au moins six lames ont été préparées avec un double comptage de cellules en division et de cellules micronucléées sur chacune des lames. Les aberrations chromosomiques et nucléaires ont été photographiées à l’aide d’une caméra (Canon EOS 1100).

2.6 Analyse statistique

Les résultats sont présentés sous forme de moyenne ± écart type. Afin de déterminer la significativité entre les lixiviats des sols témoins et ceux d’intérêts pour les deux paramètres, indice mitotique et nombre de cellules micronucléées, nous avons procédé à une analyse de la variance et à une comparaison des moyennes à l’aide du test de Tukey à α = 5 %. Ces analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS (IBM SPSS Statistics v20).

3. Résultats et discussion

Malgré les activités de réalimentation artificielle de la nappe de Téboulba et la création du périmètre irrigué, certains agriculteurs ont toujours recours aux eaux pompées de leurs puits pour combler le manque d’eau lorsque celles en provenance du barrage de Nebhana sont indisponibles. Cinq puits servant à l’irrigation en période de crise ont été choisis. Les puits de profondeur variable entre 22 et 44 m ont des eaux basiques (pH entre 7,93 et 8,05) avec une salinité sévère (>3 dS∙m-1) (Tableau 1). La salinité la plus faible a été enregistrée dans les puits 1 et 5 (environ 3,61 dS∙m-1) et la plus forte dans le puits 2 (7,26 dS∙m-1). Les puits 3 et 4 ont une salinité très proche ne dépassant pas 5,82 dS∙m-1. De point de vue de la composition ionique, les ions suivent l’ordre suivant : Na+ > Ca2+ > Mg2+ > K+ pour les cations et Cl- > SO42- > HCO3- pour les anions.

Tableau 1

Profondeur des puits et moyennes (± écarts types) du pH, de la salinité (mesurée par la conductivité électrique, CE) et de la composition ionique des eaux des puits. A1, A2 et A3 représentent les agriculteurs sélectionnés pour cette étude

Well depths and means (± SD) of pH, salinity (measured by the electrical conductivity), and ionic composition of well waters. A1, A2 and A3 represent the farmers selected for this study

Profondeur des puits et moyennes (± écarts types) du pH, de la salinité (mesurée par la conductivité électrique, CE) et de la composition ionique des eaux des puits. A1, A2 et A3 représentent les agriculteurs sélectionnés pour cette étude

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À cette salinité semble s’ajouter un problème de contamination de la nappe par des éléments traces métalliques. Cette contamination s’est avérée suite à une comparaison des concentrations des éléments métalliques dans les eaux de puits aux limites recommandées par la FAO (AYERS et WESTCOT, 1985) dans les eaux d’irrigation (Figure 2). Les teneurs de Pb (0,02-0,12 mg∙L-1) et de Zn (0,02-0,06 mg∙L-1) n’ont pas dépassé les limites fixées respectivement à 5 et 2 mg∙L-1. De même, les teneurs de Cu (0,003-0,012 mg∙L-1) et Mn (0,008-0,024 mg∙L-1) sont inférieures à la valeur seuil 0,20 mg∙L-1 pour ces deux éléments. Cependant, des concentrations plus importantes, marquées par des valeurs proches ou dépassant les limites, ont été notées pour le Cr, Cd et Co. Les concentrations les plus élevées ont concerné, principalement, le puits 2 avec des teneurs en Cr (0,86 mg∙L-1) proches de la limite (0,1 mg∙L-1) et des teneurs en Cd (0,012 mg∙L-1) et Co (0,054 mg∙L-1) surpassant les limites fixées respectivement à 0,01 et 0,05 mg∙L-1. Ces teneurs pourraient avoir comme origine les activités agricoles et industrielles répandues dans la région d’étude et à ses alentours. En effet, Téboulba est une région agricole représentant près du tiers de la production des maraîchères du Gouvernorat de Monastir et se positionne, aussi, comme le premier producteur des cultures sous-serres (2 133 serres en 2012) en Tunisie. Cette caractéristique rend l’utilisation des engrais une nécessité pour augmenter les rendements et protéger les cultures. Plusieurs travaux ont accusé ces produits d’être une source d’apport des métaux lourds nuisant les sols et les eaux souterraines. Les engrais phosphatés sont considérés les plus riches en métaux lourds tels que le Cd, Cu, Cr, Ni et Zn avec une attention particulière envers le Cd, en raison de sa toxicité potentiellement élevée pour la santé humaine (PACYNA, 1984; CHEN et al., 2011; GHREFAT et al., 2012; ALKHADER, 2016). La richesse en Cd est principalement liée à la roche phosphatée utilisée comme matière première. En Tunisie, l’un des plus grands fournisseurs des engrais chimiques, les phosphates naturels sédimentaires ont révélé des teneurs en Cd atteignant 34 ppm, alors que ces teneurs n’ont pas excédé 13 ppm en Algérie, Burkino Faso, Inde, Jordanie et Mali (ZAPATA et ROY, 2004). Plusieurs pays ont déjà instauré des limites de Cd dans les engrais phosphatés. Au Liban, les limites ont été fixées à 50 ppm (AZZI, 2016). La Finlande, la Hongrie et la Slovaquie ont limité la teneur en Cd à 20 ppm. En Allemagne, les limites sont plus basses, ne dépassant pas 1,5 ppm (WEIGAND et al., 2013). Cependant, la législation turque n’a pas envisagé des limites de Cd dans les engrais et les valeurs seuils ont concerné le Ni, Cr, Zn et hg (UYSAL et al., 2010). En Tunisie, l'industrie des fertilisants s'est développée depuis le début des années 1950, jouant un rôle indéniable dans l’économie tunisienne. Parmi les engrais mis au marché et produit par le Groupe Chimique Tunisien (GCT) : le di-ammonium phosphate (DAP), le monoammonium phosphate (MAP), le trisuperphosphate (TSP), le simple-super phosphate (SSP) et le dicalcium phosphate (DCP). Les teneurs de Cd varient entre 20 et 30 ppm dans le SSP, produit par le GCT, et n’excédant pas 10 ppm dans le DCP (MIPME, 2019). L’activité agricole intense à Téboulba, nécessitant l’utilisation de ces engrais, pourrait être, en partie, responsable des valeurs élevées des métaux lourds, en particulier le Cd, dans les eaux de puits à travers un lessivage des sols par les eaux pluviales et celles d’irrigation.

Figure 2

Teneurs en éléments traces métalliques (moyennes ± écarts types) dans les eaux des puits utilisés en irrigation. Les teneurs sont comparéesaux limites recommandées par la FAO (AYERS et WESTCOT, 1985) dans les eaux d’irrigation. A1, A2 et A3 représentent les agriculteurs sélectionnés pour cette étude

Trace element contents (means ± SD) in well waters used for irrigation. Contents were compared to the limits recommended for irrigation water by the FAO (AYERS and WESTCOT, 1985). A1, A2 and A3 represent the farmers selected for this study

Teneurs en éléments traces métalliques (moyennes ± écarts types) dans les eaux des puits utilisés en irrigation. Les teneurs sont comparéesaux limites recommandées par la FAO (AYERS et WESTCOT, 1985) dans les eaux d’irrigation. A1, A2 et A3 représentent les agriculteurs sélectionnés pour cette étude

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Une telle contamination semble également être en liaison avec les unités industrielles implantées dans la région et ses alentours et déversant leurs contaminants dans la sebkha de Moknine. Cette dernière, reliée à la nappe de Téboulba de son côté sud, est entourée de plusieurs oueds drainant des déchets industriels de Téboulba elle-même, Moknine et Bekalta. Des teneurs excessives de métaux lourds ont été trouvées dans la sebkha de Moknine dont les sources ont été, principalement, liées à l’industrie de textile, jouant un rôle économique et social important. En effet, la région de Monastir est considérée comme la capitale par excellence de cette industrie (511 unités en 2012) avec une installation d’environ 11 % des entreprises dans les régions de Téboulba, Ksar Helal et Moknine (API, 2014). Le déversement des effluents des industries de confection et de tanneries de cuir et de jeans directement ou indirectement dans la sebkha a été à l’origine de sa contamination par le Cr (jusqu’à 45 ppm), métal utilisé, principalement, dans le tannage de cuir et des chaussures (WALI et al., 2015). Ajouté au Cr, des fortes teneurs de Co, Pb, Cu, Zn et Ni ont marqué les sédiments de la sebkha et qui sont, probablement, issues des poteries et des industries de fabrication de brique ainsi que des eaux usées traitées rejetées dans la sebkha par la station d’épuration située dans sa partie septentrionale et dont 50 % de ses effluents sont d’origine industrielle (WALI et al., 2015). Plusieurs nappes tunisiennes souffrent de la contamination de leurs eaux par des teneurs excessives de métaux lourds, de sulfates et de nitrates dont celles de la côte orientale de Cap-Bon, Bekalta et de Sidi Aïch-Gafsa (BENALAYA et al., 2009; EL HANINI et al., 2013; HAMED et al., 2013). Les sources de contamination ont été attribuées aux activités agricoles et au lessivage des sols agricoles (irrigation et pluies), à l'industrie agroalimentaire, pétrolière, du textile et aux rejets des eaux usées domestiques ou industrielles directement dans les lits généralement sableux des oueds et aux infiltrations à partir des fosses septiques assez fréquentes dans les régions rurales. BENALAYA et al. (2009) ont lié la présence de plusieurs métaux lourds dans les eaux de la nappe de la côte orientale du Cap-Bon à l’infiltration des rejets industriels issus des ateliers mécaniques de peinture et de fabrication artisanale, des usines de textile et des sites de décharges publiques riches en piles, batteries et déchets d’hôpitaux.

Vu cette contamination surprenante des eaux de la nappe, une évaluation de la qualité des sols irrigués par ces eaux a été entreprise. L’évaluation s’est basée sur le test de Vicia-micronoyaux à travers une exposition aux lixiviats issus des sols irrigués par les eaux de la nappe. Plusieurs travaux ont montré la fiabilité de cette méthode (exposition indirecte à travers les lixiviats) dans la détection des mutagènes non adsorbés dans les sols (CHEN et al., 2004; SONG et al., 2007; JUN-HUI et HANG, 2009). Les paramètres de génotoxicité étudiés sont l’indice mitotique et le nombre de micronoyaux formés (Figure 3).

Figure 3

Moyennes (± écarts types) de a) indice mitotique (nombre de cellules en division/100 cellules) et b) induction des micronoyaux (nombre de cellules micronucléées/1000 cellules) chez les cellules de méristèmes racinaires de Vicia faba exposés aux lixiviats de sols. Le témoin négatif est reconstitué avec l’eau distillée. HM représente le témoin positif avec l’hydrazide maléique (4 mM). Chez chaque agriculteur (A1, A2, A3), A.T : lixiviat d’un sol témoin, A.S : lixiviat d’un sol sous serre, A.PC : lixiviat d’un sol en plein champ. Chez chaque agriculteur, les lettres différentes indiquent une différence significative entre le lixiviat témoin et ceux issus des sols irrigués par les eaux de puits selon le test de Tukey à α = 5 %

Means (± SD) of a) mitotic index (number of divided cells/100 cells) and b) micronuclei induction (number of cells with micronucleus/1000 cells) in root meristematic cells of Vicia faba exposed to soil leachates. The negative control is reconstituted with distilled water. HM represented the positive control with maleic hydrazide (4 mM). For each farmer (A1, A2, A3), A.T: leachate from the control soil, A.S: leachate from greenhouse soil, A.PC: leachate from field soil. For each farmer, different letters indicate a significant difference between the control leachates and those from soils irrigated by well waters according to Tukey's test at α = 5%

Moyennes (± écarts types) de a) indice mitotique (nombre de cellules en division/100 cellules) et b) induction des micronoyaux (nombre de cellules micronucléées/1000 cellules) chez les cellules de méristèmes racinaires de Vicia faba exposés aux lixiviats de sols. Le témoin négatif est reconstitué avec l’eau distillée. HM représente le témoin positif avec l’hydrazide maléique (4 mM). Chez chaque agriculteur (A1, A2, A3), A.T : lixiviat d’un sol témoin, A.S : lixiviat d’un sol sous serre, A.PC : lixiviat d’un sol en plein champ. Chez chaque agriculteur, les lettres différentes indiquent une différence significative entre le lixiviat témoin et ceux issus des sols irrigués par les eaux de puits selon le test de Tukey à α = 5 %

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L’irrigation avec les eaux de puits ne semble pas affecter le sol de point de vue de génotoxicité puisque les lixiviats n’ont pas montré une division cellulaire différente de celle observée chez les lixiviats témoins (Figure 3a). Dans ce cas, l’indice mitotique a varié entre 8,83 % et 10,83 % chez les lixiviats témoins. Sous-serre ou en plein champ, cet indice n’est que, légèrement, plus ou moins élevé (6,83-14 %) que celui du témoin. De même, l’induction des cellules supportant un micronoyau n’a pas montré une variabilité significative entre les lixiviats témoins et ceux échantillonnés des parcelles d’intérêts (Figure 3b). Le nombre le plus important de cellules interphasiques micronucléees a atteint 18/1 000 cellules chez le premier agriculteur et n’a pas dépassé 13/1 000 cellules chez les deux autres.

Des aberrations chromosomiques et nucléaires ont été, également, notées. Elles ont été observées aussi bien chez les cellules méristématiques témoins que celles traitées avec les lixiviats (Figure 4). Ces aberrations ont regroupé des anneaux, des fragments, des ponts anaphasiques, des chromosomes isolés et non disjoints ainsi que des noyaux avec un bourgeonnement ou une structure rétrécie. Cette non-variation des paramètres génotoxiques entre les différents lixiviats pourrait être liée à la période d’échantillonnage (en saison pluvieuse) probablement responsable de l’entrainement des contaminants en profondeur, et à l’utilisation du système d’irrigation localisé (goutte à goutte) qui semble minimiser le risque d’accumulation, dans le sol, de ces contaminants. Rappelons aussi que les agriculteurs utilisent les eaux de leurs puits, uniquement, en période de crise. Dès la disponibilité des eaux de Nebhana, ces agriculteurs s’en servent pour l’irrigation de leurs cultures, ce qui semble réduire les effets des contaminants en provenance des eaux de puits.

Figure 4

Cellules méristématiques de Vicia faba supportant des micronoyaux et des aberrations chromosomiques et nucléaires en présence des lixiviats de sols : a) micronoyaux de petites (1) et de grandes (2) tailles, b) micronoyau de grande taille, c) cellule avec 3 micronoyaux, d) anneau, e) fragment chromosomique, f ) ponts anaphasiques, g) cellule avec un pont anaphasique (1), un chromosome isolé (2) et un micronoyau (3), h) et i) chromosomes isolés, j) chromosome isolé (1) et micronoyau (2), k) et l) chromosomes non disjoints, m) bourgeon, n) noyau de petite taille

Meristematic cells of Vicia faba with micronuclei and chromosomal and nuclear abnormalities in presence of soil leachates: a) micronuclei of small (1) and large (2) sizes, b) large size micronucleus, c) cell with 3 micronuclei, d) ring, e) chromosomal fragment, f) anaphasic bridges, g) cell with anaphasic bridge (1), isolated chromosome (2) and micronucleus (3), h) and i) isolated chromosomes, j) isolated chromosome (1) and micronucleus (2), k) and l) non-disjoint chromosomes, m) bud, n) small size nucleus

Cellules méristématiques de Vicia faba supportant des micronoyaux et des aberrations chromosomiques et nucléaires en présence des lixiviats de sols : a) micronoyaux de petites (1) et de grandes (2) tailles, b) micronoyau de grande taille, c) cellule avec 3 micronoyaux, d) anneau, e) fragment chromosomique, f ) ponts anaphasiques, g) cellule avec un pont anaphasique (1), un chromosome isolé (2) et un micronoyau (3), h) et i) chromosomes isolés, j) chromosome isolé (1) et micronoyau (2), k) et l) chromosomes non disjoints, m) bourgeon, n) noyau de petite taille

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4. Conclusions

Bien que les sols irrigués par les eaux de puits n’ont pas présenté des signes de génotoxicité différente de celles de témoins, la qualité des eaux des puits interpelle les services régionaux de l’environnement, les autorités locales, les collectivités et les industriels à une prise de conscience et un agir environnemental de façon responsable afin de faire face à la contamination probable de la nappe de Téboubla. Une étude plus poussée permettant d’établir des cartes de répartition des contaminants et l’élaboration d’un inventaire exhaustif des principales sources de contamination aideraient l’administration à entreprendre les décisions nécessaires en faveur d’une réduction « à la source » des rejets de substances toxiques. Pour inventorier les établissements polluants, des critères devraient être établis regroupant, la classe de pollution (non polluant, peu polluant et très polluant), la nature des nuisances (engrais, eaux usées, déchets solides, etc.) et le mode de gestion de la pollution.