Abstracts
Résumé
Au Maroc, pays du pourtour méditerranéen, les ressources en eau sont limitées et inégalement réparties dans l’espace et dans le temps. Agadir, ville du sud du Maroc, fait partie de la région du Souss connue pour ses activités d’agriculture et de pêche. La région est connue par un climat semi-aride et un grand déficit hydrique.
Afin de préserver la qualité des masses d’eau et pour diminuer les prélèvements dans le milieu naturel, il convient de chercher des approvisionnements alternatifs. La réutilisation des eaux usées épurées semble être une bonne alternative, notamment en irrigation.
Le potentiel actuel des eaux usées traitées par la station d’épuration (STEP) M’Zar du Grand Agadir-Maroc, susceptibles d’être utilisées sans restriction pour l’irrigation (catégorie A suivant les normes de l’OMS : Organisation Mondiale de la Santé), est de 10 000 m3•jr-1. Cette capacité de production permettra de combler entièrement les besoins en eau d’irrigation des espaces verts du Grand Agadir. Cette étude concerne l’évaluation des effets de la réutilisation des eaux usées épurées (EUE) en comparaison avec les eaux de la nappe pour l’irrigation des golfs. Elle présente la planification, le protocole et les résultats du suivi des analyses physicochimiques des lixiviats qui sont menés pour évaluer les effets de la réutilisation des eaux usées épurées, pour l’irrigation des golfs pendant les 60 premiers jours d’irrigation. Les analyses ioniques des lixiviats permettent de conclure que, malgré la grande valeur fertilisante des EUE, une légère salinité a été remarquée, laquelle est accentuée par l’entraînement des sels solubles du sol vers la nappe phréatique lors de l’irrigation par les EUE.
Mots-clés :
- Réutilisation des eaux usées,
- irrigation,
- golf,
- salinité,
- analyse ionique
Abstract
In Morocco, one of the Mediterranean countries, water resources are limited and unevenly distributed in space and time. Agadir, a city in southern Morocco, is part of the Souss region known for its agricultural activities and fishing. The region is also known for its semi-arid climate and a large water deficit. In order to preserve the quality of the water masses and reduce the water demand in the natural environment, alternative water supplies should be sought. The reuse of treated wastewater seems to be a good alternative, especially for irrigation. The wastewater potential from the M’zar treatment plant of Greater Agadir (Morocco) for irrigation, without any restriction (category A, WHO standards), is about 10,000 m3•d-1. This capacity could satisfy the needs for irrigation water for the entire Agadir area (Morocco). In the present study, the effects of the use of reclaimed wastewater and groundwater for irrigation of golf courses were compared. The leachate composition was monitored during the first 60 days of irrigation. We present the planning, the study protocol and the results that were obtained from the physicochemical analyses of the leachates. The results showed that despite the high fertilizing value of reclaimed wastewater, a slight increase in salinity was recorded, along with a transfer of soluble salts to groundwater.
Keywords:
- Wastewater reuse,
- irrigation,
- golf,
- salinity,
- ionic analysis
Article body
1. Introduction
La région d’Agadir est une région agricole qui se caractérise par un climat aride, des ressources en eau très limitées et des sols pauvres en éléments nutritifs. De ce fait, l’utilisation des eaux usées épurées (EUE) en agriculture peut contribuer à la préservation des ressources en eau de la région.
La superficie totale des espaces verts est estimée à 878 ha avec un besoin en eau d’irrigation à satisfaire de 8 millions de m3•an-1. Les terrains de golf occupent à eux seuls 268 ha de la superficie totale des espaces verts d’Agadir (30,5 %), avec une consommation d’eau estimée à 3,2 millions de m3•an-1. Les EUE de la STEP de M’zar peuvent entièrement combler ce besoin. Cette étude s’intéresse à leur utilisation pour l’irrigation des golfs. Elle présente les résultats des analyses ioniques des lixiviats de parcelles de gazon irriguées par les EUE et de parcelles irriguées par les eaux de la nappe phréatique et discute des interactions entre le sol et les deux types d’eaux d’irrigation.
2. Matériels et méthodes
Les essais in situ sont réalisés sur le site de la STEP de M’zar du Grand Agadir où deux zones de terrain ont été aménagées pour l’utilisation des EUE et d’eaux de puits pour l’irrigation (Figure 1 (a) et (b). Pour atteindre cet objectif, trois variétés de gazon de golf (Penccross (V1), Ray-grass anglais (V2) et un mélange composé de 60 % de Ray-grass anglais et de 40 % du fétuque rouge (V3)) sont utilisées sur trois parcelles de terrain (P1, P2, P3). Chaque parcelle a une dimension de 25 m2 et contient une couche de 20 cm de sol composé de 75 % de terre végétale et de 25 % de sable (Tableau 1), ainsi qu’un lysimètre (sol reconstitué) sur ses deux coins opposés (répétition). À des fins de comparaison, les mêmes essais sont reproduits dans les mêmes conditions en utilisant les eaux de la nappe. Les lysimètres ont un volume de 1 m3 et reproduisent les conditions du sol et de la variété de gazon semée dans la parcelle concernée. Ils sont étanches pour permettre la récupération du lixiviat après l’irrigation (Figure 1 (c) et (d)).
2.1 Protocole d’irrigation des parcelles et de leur suivi
Chaque parcelle de 25 m2 a été irriguée trois fois par jour et a reçu au total 90 litres d’eau par jour. Le suivi a débuté le 11 juin 2007 par un semis manuel de graines. Les prélèvements des lixiviats ont été effectués tous les six jours à partir du premier jour de germination (cinq jours après le semis). Ce suivi a duré 60 jours au total résultant en 10 campagnes d’échantillonnage. Pour chaque campagne, 16 échantillons du lixiviat ont été récoltés pour être analysés. Les principaux paramètres physico-chimiques des eaux (pH et conductivité électrique (EC)) ont été déterminés in situ. Les constituants ioniques (Na+, Cl-, Ca++, Mg++, SO4-- et HCO3-) sont analysés au laboratoire suivant les méthodes décrites dans la norme marocaine NM08.5.070-2001.
3. Résultats et discussion
Les résultats permettent de suivre l’évolution du pH, de la conductivité électrique (EC), du sodium, du chlorure, du calcium, du magnésium, et du ratio d’adsorption du sodium (SAR) (Figure 2). Les teneurs en sulfates et en bicarbonates sont aussi indiquées (Tableau 2).
Les valeurs du pH sont voisines de la neutralité. Le pH présente une constance dans le temps quels que soient les types de gazon et d’eau d’irrigation. Dans les lixiviats résultant de l’irrigation avec des eaux de puits, la conductivité électrique augmente de 27 % par rapport à celle résultant de l’irrigation avec les EUE, ce qui est dû à la lixiviation des sels solubles du sol (voir Tableau 1). Cependant, les concentrations en Cl- et en Na+ ne varient pas, tandis que celles en Ca++ et en Mg++ baissent (58 % et 46 %) respectivement. D’après Cheniniet al. (2002), les sulfates et les bicarbonates ne présentent aucun changement par rapport à la nature de l’eau d’irrigation.
Lorsque les EUE sont utilisées comme eau d’irrigation, la situation est radicalement différente. Un fort enrichissement en ions Na+ et Cl- est observé avec une diminution de la teneur en calcium. Ces variations nous amènent à suggérer qu’il s’agit d’un échange ionique avec les agrégats du sol entre les ions Na+, Ca++ et Mg++, ce qui est en accord avec les résultats de PEDRERO et ALARCON (2009).
Dans le cas présent, l’échange ionique peut être suivi uniquement à partir d'une très forte conductivité électrique car celle-ci est fortement corrélée à la concentration en chlorure de sodium. De même, la concentration des sulfates dépasse celle des EUE de 60 %, ce qui confirme l’augmentation des sels solubles dans les lixiviats. Cependant, les concentrations des bicarbonates baissent de 25 % en raison de leur combinaison avec les ions Ca++ ou Mg++ pour former un précipité de carbonate de calcium ou de magnésium dans le sol. Ceci cause l’augmentation de la teneur en Na+ et du Sodium Adsorption Ratio (SAR) d’après AYERS et WESTCOT (1988).
Conclusion
Le suivi de la qualité de lixiviats des parcelles de gazon irriguées par les EUE nous a permis de conclure que celles-ci présentent des risques de salinisation des sols et de la nappe. Ce résultat est accentué dans les textures lourdes (limoneuses ou argileuses) qui sont moins perméables, mal aérées et favorisent l’échange ionique. De ce fait, des précautions doivent être prises d’abord dans la gestion des doses d’irrigation afin d’éviter l’accumulation des sels dans la rhizosphère et, ensuite, dans le contrôle de leur transfert dans les eaux de la nappe.
Les concentrations des ions sulfates et bicarbonates rapportées pour les EUE ne créent aucun risque pour la nappe. Par contre, des précipités de carbonates de calcium ou de magnésium peuvent être prévus, ce qui provoquera une augmentation de la salinité comme l'a démontré les travaux de Jalali (2008).
En général, la réutilisation des EUE pour l’irrigation du gazon des golfs reste une bonne alternative pour la réduction des usages abusifs des engrais et, par la suite, la contamination de la nappe par les fertilisants.
Appendices
Remerciements
Nos remerciements s’adressent à la Régie Autonome Multiservice d’Agadir (RAMSA), l’Office Régionale de Mise en Valeur Agricole du Souss Massa Daraa (ORMVAS), et au Laboratoire de Chimie des Eaux à Besançon en France (SERAC).
Références bibliographiques
- Ayers R.S. et D.Westcot (1988). La qualité de l’eau en agriculture. Bull. FAO Irrig. Drain., 170 p.
- Chenini F., M. Trad, S. Réjeb, Z. Châabouni et D. Xanthoulis (2002). Optimisation et durabilité du traitement et de la réutilisation des eaux usées en agriculture. Rapport, Ministère de l’Agriculture, de l’Environnement et des Ressources hydrauliques, Institut National de Recherche en Génie Rural, Eaux et Forêts, Tunisie, 76 p.
- Jalali M. (2008). Effect of sodium and magnesium on kinetics of potassium release in some calcareous soils of Western Iran. Geoderma., 145, 207-215.
- Pedrero F. et J.J. Alarcon (2009). Effect of treated wastewater irrigation on lemon trees, Desalination, 246, 631-639.