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1. Introduction

Les études sur les déterminants des performances scolaires sont riches d’enseignements (Aazi, et coll., 2020 ; Altinok et Bourdon, 2012 ; Bou-serdane, 2015 ; Duru-Bellat, 2002 ; Ikira, 2020 ; Yayan et Berberoglu, 2004). Néanmoins, l’examen de certains travaux permet de constater que la plupart des chercheur⋅se⋅s se sont limité⋅e⋅s à l’étude des relations empiriques entre des variables personnelles des élèves et des variables de contexte d’apprentissage en rapport avec les résultats scolaires. Cependant, vouloir s’appuyer uniquement sur l’approche quantitative pour analyser les situations de scolarisation réduit la validité de l’étude, surtout lorsqu’il s’agit d’analyser des situations complexes (Brockington, 2014 ; Carvalho et White, 1997). De ce fait, l’analyse de la qualité et des inégalités de scolarisation qui fait intervenir plusieurs acteur⋅rice⋅s, loin d’être homogènes dans leurs attitudes et leur implication dans le fonctionnement de l’école, ne doit pas se réduire au déterminisme relatif à certaines caractéristiques des contextes familiaux et scolaires (Behrens et Smith, 1996). Les déterminants des performances scolaires des élèves pourraient davantage être analysés, selon nous, à travers une chaine de valeurs dont il faut expliciter et décortiquer les maillons pour en identifier les sources d’inertie ou de renforcement. D’après les statistiques publiées par la Direction de la stratégie, des statistiques et de la planification du Maroc (ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, 2021), en 2020-2021 le nombre d’écoles primaires a atteint 3 636 établissements privés et 8 022 établissements publics. Le cycle d’enseignement primaire est organisé en deux secteurs : le public, qui regroupe plusieurs types d’écoles (autonomes, centrales et satellites) et le privé, formé essentiellement d’unités autonomes et de quelques établissements scolaires relevant des missions culturelles étrangères, notamment françaises et américaines.

Les écoles publiques autonomes (3 277) sont généralement localisées dans les villes, tandis que les secteurs scolaires (4 264) sont implantés dans les zones rurales et sont structurés comme suit : chaque secteur scolaire est composé d’une école mère, siège de la direction, et de plusieurs écoles satellites (13 226 écoles satellites en 2018) dispersées dans les douars plus ou moins éloignés de l’école mère. En 2018, le nombre d’élèves du primaire a atteint 4 030 142 élèves, dont 3 454 268 sont scolarisé⋅e⋅s dans les établissements publics (85,71 %) et 575 874 dans les établissements privés. Près de 55,63 % des élèves du primaire sont scolarisé⋅e⋅s en milieu rural et plus de 47 % sont des filles. Les effectifs des écoles publiques sont encadrés par 125 496 enseignant⋅e⋅s, soit un taux d’encadrement de 27 élèves par maitre·sse. Les élèves du privé sont encadré⋅e⋅s par 31 523 enseignant⋅e⋅s, soit un taux d’encadrement de 18 élèves par maitre·sse.

Sur le plan architectural, le système éducatif marocain se présente sous forme pyramidale à quatre paliers : l’administration centrale du ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports du Maroc, le niveau régional avec 16 académies régionales d’éducation et de formation, 69 délégations provinciales et, enfin, le niveau des établissements d’enseignement. Aujourd’hui, conformément au nouveau découpage régional adopté par le Maroc, le nombre d’académies a été réduit de 16 à 12 (ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports du Maroc, 2007).

La réforme du système d’éducation et de formation lancée au Maroc en 1999, qui a trouvé son cadre de référence fondamental dans la Charte nationale d’éducation et de formation, a montré l’importance des efforts déployés (Chafiqi et Alagui, 2011). À titre indicatif, il est important de rappeler que les investissements d’infrastructures engagés ces dix dernières années et les aides accordées aux élèves les plus démuni⋅e⋅s – par les programmes « Tayssir » (Ikira, 2020), « un million de cartables » et la création d’internats –, ont permis d’augmenter le taux de scolarisation au primaire de 52,4 % à 99,1 % entre 1999 et 2009 (Banque mondiale, 2013). La situation a aussi nettement progressé en matière d’égalité d’accès, en milieu rural, le taux net de scolarisation des filles s’étant amélioré, passant de 22,5 % à 100 % pour la même période. Cependant, quand on observe le niveau des acquis des élèves (selon le Programme national d’évaluation des acquis ou les tests PIRLS et TIMSS), on s’aperçoit que l’école primaire au Maroc est assez loin de l’ambition de démocratisation scolaire des objectifs tracés (Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, 2016). En effet, les évaluations menées aux niveaux national et international ont démontré la faiblesse et les inégalités en matière de performances scolaires (Organisation de coopération et de développement économiques, 2019). Le dernier rapport évaluatif de la mise en place de la Charte, publié en avril 2015 par le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (2016), montre un sérieux décalage entre les objectifs tracés et les réalisations atteintes. Ledit rapport s’est inspiré des évaluations existantes menées au niveau national en 2008, telles que le Programme national d’évaluation des acquis scolaires, et de celles réalisées au niveau international par l’Association internationale pour l’évaluation des acquis scolaires de 1993 à 2015, auxquelles le Maroc participe depuis 1993 (Altinok et Bourdon, 2012).

Les résultats du Programme national d’évaluation des acquis scolaires démontrent qu’en lecture, les élèves du primaire au Maroc n’arrivent pas à atteindre la moyenne. En effet, 87 % des élèves de quatrième année du primaire ne dépassent guère le score minimum pour réussir de 50 points sur un nombre total de 100 (Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, 2016). Ces résultats corroborent ceux établis par les enquêtes internationales montrant que les élèves marocain⋅e⋅s figurent parmi les participant⋅e⋅s les moins performant⋅e⋅s en lecture, en sciences et en mathématiques, en particulier les élèves des zones rurales.

En matière d’inégalités scolaires, la volonté d’offrir une éducation de qualité pour tou⋅te⋅s, indifféremment des caractéristiques sociales, économiques et culturelles des familles, se heurte à certains déterminismes très marqués. Ainsi, selon un indice composite d’accès, d’équité, d’efficacité et de qualité de l’éducation, la Banque mondiale, dans son sixième rapport de suivi sur l’éducation pour tou⋅te⋅s, classe les élèves du Maroc parmi les moins performant⋅e⋅s de la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord, en ce qui concerne les quatre plans déjà susmentionnés (Banque mondiale, 2007).

Au Maroc, la perte en développement humain causée par les inégalités scolaires est importante. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (2016), cette perte est évaluée à plus de 45 % en 2015. Ce potentiel perdu en raison des inégalités scolaires est largement plus élevé par rapport à celui causé par les inégalités dans les autres composantes du développement humain, à savoir l’espérance de vie et la santé (16 %) et le revenu (23 %).

L’objectif de cet article est donc de comprendre les facteurs qui influencent les performances scolaires des élèves à partir d’une étude de cas multiples. Ce travail de recherche vise à analyser et à comparer l’implication des différent⋅e⋅s acteur⋅rice⋅s (directeur⋅rice⋅s d’écoles, enseignant⋅e⋅s, parents) en rapport avec les performances scolaires des élèves dans cinq établissements d’enseignement primaire de la commune de Tamellalt dans la province de El Kelaa Des Sraghna au Maroc. Les résultats obtenus dans ce cadre seront comparés à ceux de la littérature se fondant sur une démarche quantitative.

La question qui se pose est de savoir quelles sont les principales causes de la faiblesse des performances scolaires des élèves du primaire au Maroc.

Pour répondre à cette question, une clarification conceptuelle et une revue de la littérature sur les performances scolaires sont d’abord proposées. Ensuite, la méthodologie de l’étude est présentée, puis les résultats de notre étude de cas sont dévoilés. Enfin, ces résultats sont discutés.

2. Les performances scolaires : clarifications conceptuelles et revue de la littérature

2.1 Clarifications conceptuelles

La performance scolaire admet plusieurs interprétations et la difficulté d’une tentative de définition résulte des différentes connotations qui peuvent lui être sous-jacentes. La documentation consultée sur le sujet comporte diverses interprétations que nous associerons à deux types d’approches : la première définit la performance scolaire à partir des résultats obtenus ; la deuxième considère l’importance des moyens mobilisés comme indicateur de performance sous réserve de l’existence d’un effet positif entre ces moyens et les résultats scolaires. Levine et Lezotte (1990) considèrent que la performance scolaire est « la production d’un résultat ou d’un résultat souhaité » (traduction libre, p. 13).

Dans son rapport « Priorités et stratégies pour l’éducation », la Banque mondiale (1995) met en avant l’ambigüité qui caractérise cette notion. Cependant, la définition qu’elle en donne insiste sur l’importance des résultats comme indicateurs de performance. Elle précise qu’« une définition adéquate doit inclure les résultats des élèves. La plupart des éducateurs aimeraient aussi y inclure la nature de l’expérience éducative aidant à produire de tels résultats » (Banque mondiale, 1995, p. 46).

Outre l’importance des résultats dans l’appréciation de la performance scolaire, le sixième objectif du cadre d’action de Dakar élargit les définitions précitées en considérant le concept d’égalité comme étant intimement lié à la performance éducative (Forum mondial de l’éducation, 2000). En effet, un système éducatif est performant s’il garantit à tou⋅te⋅s les élèves un meilleur résultat d’apprentissage, notamment en ce qui concerne la lecture, l’écriture, le calcul et les compétences indispensables dans la vie courante. C’est un des fondements de la démocratisation scolaire (Forum mondial de l’éducation, 2000).

Coombs (1985) soutient que la performance scolaire doit tenir compte des changements sociétaux et des aspirations individuelles :

la performance des élèves en termes traditionnels de programmes et de normes […] dépend également de la pertinence de ce qui est enseigné et appris, comment ceci répond aux besoins actuels et futurs des apprenants concernés, compte tenu de leurs circonstances et perspectives particulières.

p. 105

Jarousse et Mingat (1993) font référence aux caractéristiques du contexte scolaire pour définir la performance scolaire : « [u]n système éducatif est performant si les facteurs caractéristiques de l’organisation de l’école sont favorables (maîtres qualifiés, classes de petite taille, matériel pédagogique à usage des élèves et des maîtres disponibles en quantité et en qualité) » (p. 29). Cette définition renferme plusieurs composantes et met en évidence l’implication de multiples facteurs (caractéristiques des enseignant⋅e⋅s, caractéristiques des classes, qualité et quantité des outils pédagogiques).

L’Association internationale d’évaluation des acquis scolaires établit à ce sujet des enquêtes périodiques (tests TIMSS, PIRLS, PISA). Ces enquêtes offrent des outils globaux permettant de comparer les performances des systèmes éducatifs (Ezzrari, 2019). En effet, les scores produits en sus des questionnaires sur le contexte familial et éducatif démontrent l’importance et la complexité de cet exercice d’évaluation. La plupart des indicateurs produits sont de flux, de structures et des résultats de performances (âge, sexe, catégories socioprofessionnelles des familles, taille des classes, caractéristiques des écoles et des enseignant⋅e⋅s, etc.).

2.2 Revue de la littérature

La revue de la littérature sur l’analyse des conditions de scolarisation et les performances scolaires des élèves montre que plusieurs facteurs interagissent et conditionnent les acquis et la réussite scolaire des élèves. Ces facteurs sont regroupés en deux grandes catégories de travaux empiriques. La première catégorie met l’accent sur le lien entre les caractéristiques familiales et la réussite scolaire (Bourdieu, 1966 ; Bourdieu et Passeron, 1964 ; Duru-Bellat, 2002 ; Yayan et Berberoglu, 2004). La deuxième catégorie considère que les facteurs familiaux n’ont pas d’impact significatif sur les performances des élèves comparativement aux facteurs scolaires, notamment les caractéristiques de l’école (Caillods et Postlethwaite, 1989 ; Gimeno, 1984 ; Heyneman, 1983 ; Simmons et Alexander, 1978), ce qui est bien entendu discutable.

Les premières contributions empiriques ont généralement tendance à estimer l’effet de l’environnement familial sur les acquis des élèves selon le statut socioéconomique, mesuré par la scolarité et l’emploi des parents. Le rapport Coleman, paru en 1966, mentionnait que le statut socioéconomique des parents d’élèves expliquait à lui seul presque toute la variance des résultats scolaires des élèves (Cherkaoui, 1978), ce qui reste également très discutable.

Les travaux de Bourdieu et Passeron (1970) mettent l’accent sur les fonctions sélectives de l’école. L’enfant issu⋅e d’un milieu défavorisé ne dispose pas des bases culturelles nécessaires à la réussite scolaire, le déficit culturel dans le milieu familial est à l’origine de son échec scolaire. Cependant, ce déficit socioculturel s’exprime par une distance par rapport à la culture scolaire imposée par l’école. Ainsi, pour les enfants provenant d’un milieu aisé, l’école constitue le prolongement naturel de leur milieu familial, contrairement aux enfants issu⋅e⋅s des milieux défavorisés. Autrement dit, il existe un « habitus » entre la famille et l’école, du point de vue socioculturel, qui détermine la performance scolaire de l’élève. L’école reproduirait donc, dans ces conditions, les inégalités sociales au lieu de les réduire.

De même, Mingat (1991) a constaté à travers les résultats d’une enquête longitudinale portant sur 2 200 élèves du primaire en France que le niveau des acquis des élèves est fortement lié à leur appartenance sociale. Les enfants dont le père exerce un emploi non qualifié ont le niveau le plus faible d’acquisition, alors que les enfants dont le père est technicien ou cadre ont en moyenne des résultats supérieurs. La différence moyenne entre ces deux groupes est de l’ordre de 7,5 points en français et de 6,5 points en mathématiques (Mingat, 1991).

Pour Duru-Bellat (2002), le niveau d’instruction de la mère a un effet très significatif sur la performance scolaire de l’enfant :

Ainsi, dans tous les pays de l’OCDE, le fait pour un jeune d’avoir une mère qui a terminé le second cycle du secondaire donne un avantage en termes de performance en compréhension de l’écrit (à 15 ans), l’avantage étant encore plus fort quand la mère a achevé des études universitaires. Réciproquement, les performances sont significativement plus faibles quand la mère n’a pas terminé ses études secondaires.

p. 30

Ces résultats corroborent ceux obtenus très récemment au Sénégal à travers l’évaluation Jàngandoo qui signifie « apprendre ensemble » (Fall et Cissé, 2018). Il s’agit d’un programme d’évaluation de la qualité des apprentissages des enfants âgé⋅e⋅s de 9 à 16 ans. Cette évaluation est menée annuellement auprès des ménages sénégalais depuis 2013. Le programme Jàngandoo est un baromètre de mesure de la qualité des apprentissages scolaires des élèves en lecture, en mathématiques et en culture générale. Les derniers résultats disponibles concernent l’évaluation réalisée en 2016 ayant porté sur 22 688 enfants âgé⋅e⋅s entre 9 et 16 ans issu⋅e⋅s de 16 199 ménages. À l’issue de cette évaluation, il apparait que le niveau d’instruction du chef du ménage entretiendrait un lien significatif avec le rendement scolaire des élèves. En effet, le rendement scolaire des élèves dont le père a un statut social élevé est supérieur à celui des élèves issu⋅e⋅s de catégories moyenne et inférieure (Fall et Cissé, 2018).

Cette approche de la performance scolaire qui s’appuie sur les facteurs socioéconomiques et culturels des familles des élèves est discutable. En effet, les travaux de Billy et ses collaborateurs (2015) montrent, au contraire, que l’autodétermination est un facteur de réussite scolaire au-delà des conditions de vie des élèves. On pourrait y ajouter le sens que les élèves attribuent à l’école pour réaliser une mobilité sociale en passant par l’école (Baatouche, 2018). Ces nouvelles approches des performances scolaires semblent relativiser l’effet du contexte éducatif remis en question en France à travers l’éducation prioritaire (Bilek, 2005 ; Rochex, 2016).

Parmi les études qui se sont intéressées à l’analyse de la relation entre le contexte scolaire et les performances des élèves, les travaux de Gimeno (1984) et de Schiefelbein et Simmons (1981), réalisés dans le contexte des pays en voie de développement, arrivent à la conclusion que les équipements scolaires et les ressources matérielles exercent une influence significative sur le rendement scolaire.

Les travaux de Nechyba (1997) et de Rothstein (2006) se sont intéressés aux modalités d’affectation des élèves dans des établissements scolaires. Ils ont développé un modèle spatial de choix résidentiel et scolaire sous l’hypothèse d’une sectorisation stricte avec possibilité du libre choix de l’école. Parmi les apports essentiels de leurs travaux, on note : 1) la répartition spatiale non aléatoire en fonction de la qualité des quartiers résidentiels ; 2) la corrélation positive entre les revenus des parents et le niveau scolaire de leurs enfants ; 3) la stratification des élèves en fonction de leur niveau scolaire dans des écoles différentes.

Goux et Maurin (2005) confirment le lien existant entre la ségrégation spatiale et la réussite scolaire en France. En effet, ces auteur⋅e⋅s ont montré qu’une partie non négligeable de l’échec scolaire s’explique par la ségrégation résidentielle. L’existence d’une corrélation entre le retard à l’école et celui enregistré à l’échelle du quartier confirme qu’il existe bel et bien une relation de cause à effet entre le contexte résidentiel et la réussite scolaire. C’est le fondement même de la politique de l’éducation prioritaire en France (Bilek, 2005 ; Rochex, 2016).

Au Maroc, certaines études empiriques menées pour analyser les déterminants des performances scolaires des élèves au primaire confirment l’impact très significatif à la fois du contexte familial et du contexte scolaire (Benbiga et coll., 2013 ; Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, 2016 ; Hijri et coll., 1995 ; Ibourk, 2017 ; Mourji et Tamsamani, 2020). D’abord, ces études s’accordent sur le fait que les performances scolaires des élèves au Maroc sont très faibles vu l’influence des caractéristiques des contextes familial et scolaire. L’effet de l’origine sociale se combine avec l’influence du contexte scolaire pour différencier les élèves en matière d’acquis scolaires. Ensuite, le développement de l’offre privée a engendré une sélection des élèves selon leurs caractéristiques géographiques, socioéconomiques et culturelles. Les écoles privées se différencient des écoles publiques par l’importance des dotations diligentées ou des moyens engagés (ressources matérielles, humaines et financières). À la différence des écoles publiques, les écoles privées ont la possibilité de sélectionner le type d’élève et sont, par conséquent, axées sur les segments des familles les plus aisées (Aazi et coll., 2020). Cette dualité se renforce davantage entre les écoles publiques. Ainsi, ces dernières sont conçues sous deux formes, à plusieurs égards, bien différentes. D’une part, les écoles autonomes sont implantées dans les villes et considérées comme des structures cohérentes. D’autre part, les secteurs scolaires qui sont situés dans les zones rurales se composent d’une école mère (centrale), siège de la direction, et de plusieurs écoles satellites dispersées dans des zones très reculées et à proximité des domiciles des élèves. Cependant, ces écoles sont mal équipées, ne s’occupent généralement que d’un ou de deux niveaux scolaires et ne disposent que d’une ou deux salles, utilisant parfois un enseignement multigrade. Cette situation engendre une structure scolaire inachevée et déséquilibrée, car, après une ou deux années de scolarisation, et en dépit des aléas, le transfert des élèves vers d’autres écoles mères s’avère nécessaire et inévitable (Organisation de coopération et de développement économiques, 2019).

Malgré les résultats quantitatifs obtenus, ces études ne fournissent pas toujours tous les éléments nécessaires pour comprendre et interpréter le sens de certaines relations statistiques identifiées par les modèles explicatifs. Les travaux quantitatifs réalisés au Maroc sur les déterminants des performances scolaires pourraient gagner en pertinence s’ils étaient complétés par les résultats d’une investigation qualitative portant sur l’analyse du fonctionnement des écoles dans les différents contextes locaux, d’où l’intérêt de notre étude de cas multiples.

3. Méthodologie

Le mode d’investigation choisi dans le cadre de cet article correspond à une étude de cas multiples d’un système scolaire local (plusieurs écoles d’une même commune), qui va nous permettre de comprendre une réalité locale. L’étude de cas est une méthode de recherche pour laquelle la généralisation qualitative des résultats empiriques est le plus souvent visée ; la généralisation statistique étant secondaire (Hamel, 2000). Elle peut emprunter des outils qualitatifs ou quantitatifs, voire les deux. Certain⋅e⋅s auteur⋅e⋅s combinent des données quantitatives et qualitatives (Boucherf, 2016 ; Brockington, 2014 ; Bryman, 1984). Il existe des études de cas qualitatives, quantitatives, voire quali-quantitatives (Yin, 2013). Le choix de ce mode d’investigation est justifié par la recherche d’une plus grande diversité des conditions de scolarisation, et non par la représentativité statistique des individus, même si une généralisation statistique des résultats d’une étude de cas est possible si l’échantillon est représentatif (Merle et coll., 2016). Une perspective compréhensive des attitudes et des sentiments des acteurs⋅rice⋅s locaux⋅les oriente donc nos choix méthodologiques, tant sur le plan des instruments utilisés pour la collecte des données que sur le mode d’analyse (archives, entretiens, groupes de discussion, etc.).

L’objectif est d’analyser le fonctionnement de chaque école tel qu’il est appréhendé et vécu par les acteurs⋅rice⋅s locaux⋅les et d’en dégager des similitudes et des différences en référence à notre lecture de la littérature sur les performances scolaires. Ce travail est réalisé dans le but de comprendre la dynamique de scolarisation dans des contextes locaux présentant des caractéristiques différentes. La collecte des données est opérée auprès des acteur⋅rice⋅s de cinq écoles de la commune de Tamelalet, province d’El Kelaa Des Sraghna : une école privée et deux écoles publiques autonomes en milieu urbain, et un secteur scolaire en milieu rural composé d’une école mère et d’une école satellite. Les critères de choix desdites écoles dans une même commune sont justifiés, d’une part, par la diversité de l’offre scolaire (écoles publiques autonomes, écoles publiques centrales, écoles publiques satellites et écoles privées) et, d’autre part, par la diversité des milieux (rural et urbain), des situations socioéconomiques (localités pauvres et moins pauvres) et des réalités socioculturelles (parents d’élèves alphabétisé⋅e⋅s et analphabètes). Le tableau 1 donne les caractéristiques des écoles concernées par l’étude.

Tableau 1

Quelques caractéristiques des écoles sélectionnées

Quelques caractéristiques des écoles sélectionnées

Note. Ce tableau est élaboré sur la base de l’enquête effectuée par les auteurs.

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Tou⋅te⋅s les acteur⋅rice⋅s des écoles visitées ont participé à l’enquête empirique. Ainsi les enseignant⋅e⋅s et les directeur⋅rice⋅s ont participé aux entrevues et tou⋅te⋅s les élèves et les parents des écoles visitées ont participé aux groupes de discussion (focus groups) (annexes 1 et 2). L’objectif était d’appréhender le point de vue de ces acteur⋅rice⋅s quant au fonctionnement des établissements scolaires au primaire grâce à une liste de questions. Cette liste porte sur les modules suivants : le niveau des acquis des élèves ; les conditions de fonctionnement des écoles ; la dimension pédagogique et logique d’appui scolaire et social ; le rôle des acteur·rice·s et leurs représentations dans les différents contextes locaux. Ces modules sont importants, car ils donnent l’occasion aux acteur⋅rice⋅s de s’exprimer en exposant leurs points de vue et appréciations sur la qualité des services d’éducation rendus dans leur établissement.

Pour apprécier la qualité des apprentissages des élèves au sein de chaque école visitée, notre guide d’entretien était composé des questions de base suivantes : 1) Comment appréciez-vous le niveau de vos élèves en langue et en mathématique ? ; 2) Quel est le pourcentage approximatif d’élèves dans votre école qui suivent le cours sans difficulté ? ; 3) Quel est le pourcentage approximatif de celles⋅ceux qui montrent certaines carences ? ; 4) Quel est le pourcentage approximatif de celles⋅ceux qui sont en situation de décrochage ? ; 5) Quels sont, selon vous, les facteurs explicatifs de cette situation ?

Des groupes de discussion (focus groups), ont été mis en oeuvre pour les parents et les élèves. Des entretiens individuels ont été conduits auprès des directeur⋅rice⋅s et des enseignant⋅e⋅s. Les instruments d’investigation ont été construits pour répondre aux questions relatives à l’offre scolaire, à l’appui scolaire, à la gouvernance, à la qualité et aux inégalités de conditions d’apprentissage.

Afin d’assurer l’homogénéité des interventions par les animateur⋅rice⋅s des groupes de discussion et, surtout, la comparaison de leurs résultats, chaque instrument d’investigation était accompagné d’un guide avec des directives claires et précises dont l’élaboration est basée sur les objectifs de l’étude. Les données qualitatives recueillies par les divers outils d’investigation ont fait l’objet d’une transcription et d’une catégorisation selon les axes de l’étude. L’opération de collecte des données s’est déroulée au même moment dans les cinq écoles visitées. Elle s’est étalée sur une période de deux jours (les 5 et 6 juin 2018). Les débats avec les groupes de discussion ont été animés en arabe par un modérateur, assisté par un rapporteur.

L’analyse des données s’est faite à travers la classification globale des informations collectées, selon les différents modules qui ont formé une trame pour les échanges avec les acteur⋅rice⋅s concerné⋅e⋅s, tels qu’ils sont formulés dans le protocole d’entretien.

4. Résultats

Le niveau des acquis des élèves et les représentations des acteur⋅rice⋅s de l’école sont les principaux résultats de notre étude de cas multiples sur les performances scolaires des élèves du primaire au Maroc. Les écoles visitées sont comparées afin de mettre en évidence les variables pouvant expliquer la faiblesse des résultats scolaires des élèves d’écoles publiques. L’accent est mis sur l’identification de quelques freins à la démocratisation scolaire au Maroc à travers l’ergonomie de la profession enseignante, les attitudes des enseignant·e·s, le rôle des familles et l’avis des élèves. Compte tenu de la taille de l’échantillon de l’étude de cas multiples (cinq établissements scolaires d’une même commune), nos résultats sont discutés.

4.1 Le niveau des acquis des élèves : différences entre écoles

Tou⋅te⋅s les acteurs⋅rice⋅s admettent l’hétérogénéité du niveau scolaire des élèves au sein d’une même classe. En plus, elle⋅il⋅s n’ont exprimé aucun sentiment net de satisfaction quant au niveau des acquis de leurs élèves. Ainsi, elle⋅il⋅s confirment que la faiblesse des acquis scolaires est l’un des reflets de la crise profonde que traverse l’école primaire marocaine (tableau 2).

L’analyse des réponses des acteur⋅rice⋅s fait ressortir des contrastes, d’une part, entre les secteurs privé et public et, d’autre part, entre les écoles publiques rurales et urbaines.

Les acteur⋅rice⋅s de l’école privée confirment que 75 % de leurs élèves de la 4e année du primaire maitrisent convenablement les compétences de lecture, d’écriture et de calcul, et montrent une facilité de compréhension. En effet, le directeur de cette école privée, qui en est également le propriétaire, déclare être content de la performance scolaire de ses élèves. De son point de vue, ce niveau de performance élevé est le résultat de l’implication considérable des parents, des enseignant⋅e⋅s et de l’équipe de direction. Il considère que l’amélioration des acquisitions scolaires des élèves est l’objectif primordial annoncé à toute l’équipe, c’est l’élément d’ancrage qui permet à l’école de fidéliser davantage sa clientèle. Une enseignante de cette école privée a déclaré que :

Notre école offre une éducation de qualité et les élèves ont en général un taux de réussite élevé. Les infrastructures scolaires sont en général meilleures, les enseignants sont mieux encadrés et l’environnement éducatif familial est généralement favorable.

Enseignante E1, école privée

Tableau 2

Les acquis des élèves dans les écoles enquêtées

Les acquis des élèves dans les écoles enquêtées

Note. Ce tableau est établi sur la base de l’enquête qualitative menée par les auteurs.

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En revanche, dans les écoles publiques du milieu rural, les enseignant⋅e⋅s déclarent que la majorité des élèves de 4e année du primaire ne savent ni lire ni écrire. Ainsi, cette faiblesse déclarée touche entre 60 % et 80 % des élèves. La situation est moins catastrophique dans les écoles autonomes localisées dans le milieu urbain, où ce pourcentage varie entre 25 % et 30 %.

Quant aux raisons qui expliquent cette faiblesse dans les écoles publiques, les parents d’élèves dénoncent des programmes inadaptés aux réalités locales et invoquent l’incompétence de certain·e·s enseignant·e·s, leur manque de sérieux et leur incapacité à mettre en application des procédés pédagogiques appropriés au contexte de vie de chaque enfant. Les enseignant·e·s, de leur côté, déplorent les conditions de travail inadaptées, le manque d’intérêt des parents envers la scolarité de leurs enfants et les conditions matérielles telles que la surcharge des classes, l’incohérence du projet pédagogique et l’inadéquation des conditions logistiques.

Dans les écoles rurales, en plus de la pauvreté et de l’analphabétisme des parents d’élèves, les enseignants⋅e⋅s signalent d’autres carences relatives à l’absence quasi totale d’un enseignement préscolaire. Elle⋅il⋅s mettent également en cause le déphasage du contenu du programme scolaire avec la réalité locale. Ces insuffisances font que les déficits d’apprentissage peuvent s’accumuler d’une année à l’autre.

4.2 Les représentations contrastées des acteur⋅rice⋅s de l’école

La dynamique de la scolarisation se développe à travers de multiples variables qui interagissent différemment selon les contextes locaux et l’implication des acteur⋅rice⋅s. Dans cette section, nous essaierons de mettre en exergue le rôle des acteur⋅rice⋅s (directeur⋅rice⋅s, enseignant⋅e⋅s, parents et élèves) à travers leurs engagements respectifs suivant les contextes tout aussi variés que complexes.

4.2.1 L’ergonomie de la profession (la⋅le directeur⋅rice d’établissement)

Sur le plan de la gestion de l’établissement, la situation est différente entre le privé et le public. En effet dans l’école privée, les entretiens avec les enseignant⋅e⋅s nous ont permis de constater que la⋅le directeur⋅rice domine la prise de décision et que les enseignant⋅e⋅s n’ont aucun rôle dans la gestion de l’établissement. Dans l’école publique, les entretiens font ressortir que la position de la⋅du directeur⋅rice est inconfortable à cause du caractère multidimensionnel de la crise que traverse l’école publique marocaine. D’abord, elle⋅il est en position idéale pour constater et vivre tous les problèmes induits par les dysfonctionnements de l’action publique en matière d’éducation. Ensuite, elle⋅il est en contact direct avec les élèves, les enseignant⋅e⋅s, les parents, le personnel de soutien, l’autorité locale, la direction provinciale et ses différents services. Elle⋅il intervient sur tous les volets (pédagogie, infrastructure et logistique, sécurité, activités parascolaires, gouvernance et gestion administrative, appui social, partenariat, etc.). La mission est encore plus colossale dans le cas des groupements scolaires où la⋅le directeur⋅rice doit gérer plusieurs établissements éparpillés géographiquement dans des territoires enclavés. L’immensité de ces missions est à associer aux faiblesses des moyens mobilisables. Cette insuffisance est perceptible sur au moins deux plans : les ressources humaines et la gouvernance locale.

Sur le plan des ressources humaines, la·le directeur⋅rice de l’école publique ne bénéficie d’aucun appui administratif, elle·il assure toutes les tâches de sa mission en séquentiel. Dans les écoles publiques autonomes, les directeur·rice·s déplorent les tâches administratives très encombrantes, telles que l’actualisation de la plateforme de suivi des élèves (Massar, une plateforme de gestion scolaire, accessible à tou⋅te⋅s les acteur⋅rice⋅s). Le potentiel en temps perdu aurait pu être consacré à la coordination pédagogique et à l’encadrement des enseignant·e·s.

Sur le plan de la gouvernance locale, la⋅le directeur⋅rice ne dispose pas des moyens nécessaires pouvant lui permettre de résoudre les problèmes logistiques même mineurs (petites réparations, achats des fournitures, etc.). L’isolement de l’école, dont les conséquences se font fréquemment sentir, complique considérablement cette mission de gouvernance. Souvent, la⋅le directeur⋅rice ne peut en aucun cas compter sur l’appui des partenaires locaux (Association des parents et tuteurs d’élèves, commune, communauté locale). Ces acteur⋅rice⋅s, à priori, ne sont nullement en bonne posture pour contribuer à une quelconque dynamique de la qualité ; leur implication n’est en réalité effective dans aucune des cinq écoles visitées. Le conseil de gestion des établissements scolaires, censé être un dispositif local de gouvernance, se présente malheureusement comme une « coquille vide ».

Nos investigations ont permis de mettre en évidence au moins deux facteurs qui impactent de manière significative sur la qualité des services d’éducation : 1) la fragilité qui entoure le dispositif de direction de l’école ; 2) la faible immersion de l’école dans son environnement immédiat qui se traduit par la faiblesse de l’implication de tou⋅te⋅s les acteur·rice·s locaux·les (enseignant·e·s, familles, commune).

4.2.2 Les attitudes des enseignant⋅e⋅s

Certes, les dysfonctionnements relevés sur le plan de la gestion de l’école affectent négativement la qualité de la vie scolaire. Toutefois, une telle situation ne manque pas d’interpeler le corps enseignant sur son engagement, sa formation et son encadrement.

Les entretiens auprès des enseignant⋅e⋅s font ressortir toute la complexité des attitudes en matière d’engagement professionnel. Les enseignant⋅e⋅s de l’école privée déplorent à la fois le nombre élevé d’heures de travail par semaine et les considérations salariales. Une enseignante de l’école privée âgée de 29 ans, titulaire d’une licence en sciences de gestion et qui prend en charge l’enseignement de la langue française et des mathématiques, s’exprime à ce sujet et déclare que « c’est d’autant plus pénible que nous effectuons un travail intellectuel intense, les heures d’enseignement sont nombreuses, et la direction souhaite réduire les charges aux plus bas niveaux » (Enseignante E2, école privée).

Le temps passé avec les enseignant⋅e⋅s dans cette école nous a permis de déceler des signes de démotivation et de stress. Certain⋅e⋅s enseignant⋅e⋅s succombent souvent à la tentation de rejoindre les rangs du ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports en tant que contractuel⋅le⋅s plutôt que de travailler à long terme dans des conditions qu’elle⋅il⋅s jugent défavorables. La démission d’un⋅e enseignant⋅e au milieu de l’année scolaire constitue un exemple en la matière. Devant l’impossibilité de trouver dans l’immédiat un⋅e remplaçant⋅e, l’école a décidé de rassembler deux classes en une seule du même niveau. Or, l’implication de l’enseignant⋅e a un impact sur l’apprentissage des élèves, à travers l’effet-maitre·sse. En effet, la qualité de l’enseignement influence l’assimilation de son contenu par l’élève qui peut alors être motivé·e, stimulé·e ou inhibé·e. L’enseignant⋅e apparait dès lors comme un⋅e accompagnateur⋅rice dans une relation pédagogique idéalement horizontale, dans laquelle le savoir se construit aussi par des échanges bienveillants entre la·le maitre·sse et l’apprenant⋅e (Bressoux, 2001).

Dans le secteur public, les enseignant⋅e⋅s décrient les conditions difficiles de travail. En effet, la dégradation des infrastructures influence négativement les apprentissages. L’hétérogénéité et la surcharge des classes s’imposent comme une réalité difficile à gérer, surtout dans les écoles publiques. Les enseignant⋅e⋅s y soulignent la difficulté, voire l’impossibilité d’enseigner dans une classe de plus de 40 enfants. Ce résultat empirique semble très proche de ceux du Programme national d’évaluation des acquis (Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, 2016) concernant l’influence du contexte scolaire sur les performances des élèves.

L’absentéisme récurrent dans certaines écoles publiques est une conséquence directe du manque d’implication des enseignant⋅e⋅s. Nous avons relevé, au cours de notre enquête empirique, que dans certains établissements scolaires, ce phénomène est en réalité dû à un problème d’ordre organisationnel. En effet, lorsqu’une école compte plus d’enseignantes, les congés de maternité se dupliquent et créent un vide en matière de disponibilité. Aussi, certain⋅e⋅s enseignant⋅e⋅s des écoles déclarent ouvertement souffrir de dépression liée essentiellement à l’épuisement professionnel. Les mesures dont use le ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, notamment les contrevisites médicales et les retenues sur le salaire en fonction du nombre de jours d’absence, n’ont pas pu freiner la présentation répétitive de certificats médicaux. Le directeur du groupement scolaire déclare :

Il ne suffit pas de construire des écoles, il faut mettre les moyens pour assurer un contrôle et un encadrement pédagogique, ensuite il faut lutter contre le phénomène des certificats médicaux, car beaucoup d’enseignants qui travaillent en milieu rural les présentent pour justifier leurs absences.

Directeur DEPubS

L’absence des enseignant⋅e⋅s dans les écoles rurales se traduit souvent par une « perte sèche », la mobilisation d’un⋅e remplaçant⋅e étant quasi impossible à réaliser. De surcroit, le dispositif de contrôle dans les écoles rurales est très léger. Matériellement, et vu la dispersion des écoles satellites, la⋅le directeur⋅rice ne peut pas l’assurer de manière régulière.

Les écoles autonomes se trouvent, presque au même degré, confrontées à la dure réalité de l’absentéisme, imprévisible, et pour des causes tout aussi diverses. En effet, dans l’école autonome 1, sur un effectif de 15 enseignant⋅e⋅s (dont neuf sont des femmes), cinq se sont absenté⋅e⋅s pour cause de maladie. La situation se complique davantage lorsque nous prenons en considération l’absence de deux enseignantes pour cause de congé de maternité. Vu l’impossibilité de prévoir des remplaçant⋅e⋅s, la direction, dont le laxisme nous a fortement étonnés, s’est contentée de répartir les élèves dont l’enseignante est absente dans les autres classes pour ainsi se dégager de sa responsabilité et éviter que les élèves ne s’exposent à des risques pendant les heures où, théoriquement, elle⋅il⋅s devraient être en salle de cours. Notre visite a permis aussi de constater que certain⋅e⋅s enseignant⋅e⋅s arrivent en retard, ce qui constitue une autre forme particulière d’absentéisme.

Pour la deuxième école autonome qui compte 26 enseignant⋅e⋅s, dont 16 de sexe féminin, le directeur de cette école confirme que l’absentéisme des enseignant⋅e⋅s dans son école est généralement bien géré, excepté celui de longue durée, lié à la maternité. Le directeur confirme que l’application des procédures et des lettres circulaires dédiées à la gestion de l’absentéisme engage la responsabilité de l’enseignant⋅e qui, faute de se conformer à ses obligations personnelles et professionnelles, devra, le cas échéant, assumer celles-ci et corriger la situation. Il ajoute :

Être sévère, des fois, peut paraitre une bonne solution pour démasquer les tricheurs. Mais, dans la durée, cela a un effet très limité. La bonne solution, c’est d’en parler avec les concernés, en leur expliquant que leur présence est essentielle pour les élèves.

Directeur DEPubA1

Dans l’école privée, l’absentéisme des enseignant⋅e⋅s est maitrisé de manière stricte. La nature du contrat de travail, le contrôle de proximité exercé par l’administration ainsi que le suivi des parents réduisent considérablement cette pratique. La⋅le directeur⋅rice, qui assure le contrôle est toujours la⋅le premier⋅ère à arriver à l’école et la⋅le dernier⋅ère à partir. De plus, en cas de déplacement, le secrétariat prend en charge de signaler une absence ou un retard.

Le volet de la formation et de l’accompagnement professionnel des enseignant⋅e⋅s révèle des différences flagrantes entre le secteur privé et le public. Dans le premier secteur, la politique en matière de ressources humaines est axée sur la consolidation et l’encadrement des compétences. L’école privée dispose d’une très grande marge de manoeuvre qui permet de concevoir et de mettre en place un plan d’action de formation continue au profit de son personnel pédagogique. En matière de recrutement, les exigences de sélection accordent plus d’importance à la nature du diplôme, à l’expérience professionnelle et au profil psychologique des candidat⋅e⋅s. De même, la logique contractuelle qui y règne, généralement axée sur le prisme de la performance scolaire, insiste fortement sur l’effort et l’engagement professionnel de l’enseignant⋅e.

Contrairement au secteur privé, le secteur public se contente du diplôme comme prérequis d’admission. Le recrutement est basé sur une logique bureaucratique, loin d’être favorable à la spécialisation et à l’adaptation des profils aux matières à enseigner (français, mathématiques, arabe). Les discussions avec les directeur⋅rice⋅s du public ont montré que certain⋅e⋅s enseignant⋅e⋅s, en raison de leur formation initiale, ne sont nullement qualifié⋅e⋅s ou aptes à s’acquitter convenablement de leur tâche. Ainsi, et à titre d’exemple, celles⋅ceux ayant fait leur formation universitaire en arabe trouvent difficile d’assurer des cours en langue française.

Pour faire face à la croissance continuellement soutenue de la demande, le ministère de tutelle a procédé de façon intense, depuis l’adoption de la Charte nationale d’éducation et de formation, en 1999, à des recrutements parmi les diplômé⋅e⋅s des filières universitaires à accès libre et dont la qualité demeure de plus en plus discutable (Commission spéciale éducation formation, 1999). Outre cela, le spectre de cette politique très passive devient de plus en plus visible, surtout lorsque les jeunes recrues, sans grande expérience professionnelle, sont affectées dans des zones qui ne présentent guère des conditions favorables à la scolarisation. Le directeur de l’école rurale satellite nous déclare qu’« un enseignant nouvellement affecté est venu le voir pour lui exprimer son incapacité à prendre en charge l’enseignement du français. » (Directeur DEPubS) Par ailleurs, il nous a été rapporté par plusieurs enseignant⋅e⋅s et directeur⋅rice⋅s que l’enseignement du français se fait souvent en s’appuyant sur le dialecte marocain (darija).

L’effet modéré des caractéristiques des enseignant⋅e⋅s sur les acquis des élèves, mis en évidence par nombre d’études quantitatives (Altinok et Bourdon, 2012 ; Duru-Bellat, 2002), ne reflète pas toujours la complexité de la situation telle qu’elle se présente dans le cadre de notre étude de cas. Nos résultats empiriques montrent surtout que les conditions de travail jugées difficiles, le manque d’implication des enseignant⋅e⋅s, matérialisé par l’absentéisme fréquent et récurrent, ainsi que le relâchement du ministère de tutelle en matière de politiques de recrutement, de formation et de suivi des enseignant⋅e⋅s sont autant de facteurs qui expliquent la faiblesse des performances scolaires des élèves dans la commune dans laquelle a été menée notre étude de cas multiples.

4.2.3 Le rôle des familles

Concernant l’implication des parents d’élèves, les écoles visitées présentent des réalités très différentes. Dans le milieu rural, l’isolement de l’école par rapport à son environnement immédiat est bien le fruit de la faible implication des parents. Les directeur⋅rice⋅s regrettent cette situation et considèrent que les parents sont loin d’agir dans une logique collective. Quant à l’école privée, elle dispose d’une association de parents d’élèves, mais cette dernière est inactive. Le directeur soutient qu’il a, à maintes reprises, tenté d’inciter les parents à mieux s’organiser et à appuyer les efforts de l’administration. Cependant, le même directeur confirme que toutes ces tentatives restent sans grand succès, surtout lorsque les prémices d’une instrumentalisation de l’association de parents d’élèves à des fins privées (obtenir des privilèges, s’immiscer dans les affaires pédagogiques, etc.) viennent s’opposer farouchement à l’intérêt général de l’école.

Dans le secteur public rural, le problème est d’autant plus épineux. Le contexte social caractérisé par la forte prévalence de l’analphabétisme et de la précarité économique constitue un facteur négatif. Les familles, dans la plupart des cas pauvres et analphabètes, ne montrent aucun intérêt à entretenir des relations de proximité et de partenariat avec l’école de leurs enfants. L’effet de ces deux facteurs (vulnérabilité économique et analphabétisme) se trouve renforcé par la prévalence, dans certains cas, d’une perte d’intérêt pour les études des filles au-delà du cycle primaire. Dans l’école rurale visitée, la déconnexion de l’école par rapport à son environnement (familles, communauté, commune) est presque totale.

Pour les écoles publiques urbaines, l’Association des parents et tuteurs d’élèves de l’école autonome 2 doit son existence aux seuls efforts de son président, luttant sans cesse face au manque d’implication des parents qui reste très faible, pour ne pas dire inexistante. La situation de l’école autonome 1 n’est pas meilleure. En effet, dans cette école, l’association de parents est en cours de création. Le directeur a fait le nécessaire pour tenir l’assemblée générale qui a débouché sur l’élection d’un bureau, mais les démarches n’ont pas été entreprises pour déposer le dossier administratif auprès des autorités.

4.2.4 L’avis des élèves

Comme les élèves sont au coeur de l’action éducative, leurs avis et l’analyse du sens qu’elle⋅il⋅s donnent à leur expérience scolaire constitue un surplus permettant de clarifier davantage et éventuellement de dépasser les insuffisances qui marquent leur contexte scolaire.

Tou⋅te⋅s les élèves des écoles visitées mettent en avant la fonction éducative de l’école. Elle⋅il⋅s aiment l’école parce qu’elle⋅il⋅s y apprennent à lire et à écrire. L’école est perçue également comme un espace de rencontre avec d’autres individus d’âge et de statut variés ; les élèves aiment leurs enseignant⋅e⋅s et leurs camarades d’école. Que ce soit dans le secteur public ou privé, dans le milieu urbain ou rural, l’école est présentée par les élèves comme un lieu d’apprentissage et de socialisation. Elle est considérée par certain⋅e⋅s comme un second « chez soi ».

Les élèves dressent un ensemble d’actes et de valeurs qu’elle⋅il⋅s n’aiment pas à l’école, à savoir les jeux violents, les bagarres entre élèves, l’indiscipline, le bruit, les ordures, l’état insalubre des blocs sanitaires, la pollution, le vol, la tricherie, la punition corporelle, etc. Dans les cinq écoles, les élèves placent la violence à l’école en tête de liste des éléments décriés. Les mauvaises conditions de scolarisation et le délabrement de l’espace scolaire, notamment en milieu rural, sont autant d’éléments qui empêchent l’épanouissement des élèves.

L’inventaire des besoins ressentis au sein de l’école met en évidence les failles et les faiblesses du système éducatif marocain. Les élèves nous rappellent que l’école n’est pas seulement un lieu d’inculcation mécanique des savoirs, mais aussi un espace de vie, de jeu et d’accomplissement personnel. Tou⋅te⋅s les élèves des écoles publiques visitées souhaiteraient avoir des espaces de lecture, de jeux et de sports.

À partir des récits des élèves et de leur expérience scolaire, nous pouvons constater que leur attachement à l’école est justifié par sa fonction d’éducation et de socialisation. En cela, elle⋅il⋅s ne font que confirmer un principe et une fonction fondamentale de l’école. Mais ce sentiment et cette fonction sont altérés par certaines carences en matière d’équipements, mais aussi, et surtout, par certains comportements violents qui questionnent les normes du vivre-ensemble au sein et en dehors de l’école. Les élèves sont très sensibles à l’espace scolaire qui ne leur offre pas les conditions nécessaires de scolarisation et ne leur permet pas de jouir pleinement de leur statut d’élève et d’enfant.

5. Discussion et conclusion

Les résultats de notre étude de cas multiples confirment dans une certaine mesure la faiblesse des acquis des élèves marocain⋅e⋅s mise en évidence dans la littérature (Aazi et coll., 2020 ; Bou-serdane, 2015 ; Chafiqi et Alagui, 2011 ; Ikira, 2020 ; Organisation de coopération et de développement économiques, 2019), surtout dans le milieu rural et les écoles satellites. Toutefois, l’explication de la faiblesse et des inégalités des acquis des élèves du primaire au Maroc a été mise en perspective en rapport avec le contexte local ; c’est pourquoi les résultats de notre étude de cas multiples n’ont pas d’objectif de généralisation statistique, même s’ils rendent compte d’une certaine réalité du contexte marocain de la démocratisation scolaire. Ces résultats empiriques permettent en revanche d’illustrer et de présenter des limites : en effet, pourrait-on obtenir les mêmes résultats qualitatifs en menant une étude de cas multiples dans une autre commune au Maroc ?

Les échanges avec les acteur⋅rice⋅s autour de la réalité scolaire dans les écoles primaires visitées ont permis de mettre en évidence les différentes dimensions de la crise de l’école marocaine. Ainsi, le niveau très bas des acquis des élèves conduit à aborder des questions d’ordre stratégique (pertinence du projet pédagogique) et des questions d’ordre logistique (conditions d’apprentissage). De même, les questions de la gouvernance et de l’implication des acteur⋅rice⋅s ont conduit à interroger la politique des ressources humaines aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. La réalisation des objectifs associés aux deux missions de l’école primaire (éducation et formation) nécessite que les acteur⋅rice⋅s soient individuellement capables d’assumer leurs rôles et qu’elle⋅il⋅s travaillent en étroite collaboration. En ce qui concerne ces conditions, les investigations sur le terrain ont permis de constater que chaque catégorie d’acteur⋅rice⋅s est caractérisée par une diversité de profils avec une prédominance de profils en « sous-capacitation » aussi bien par rapport aux exigences de leurs missions respectives que par rapport à celles du travail collaboratif avec les autres acteur⋅rice⋅s.

Deux exemples illustrent ce constat : la catégorie du personnel d’encadrement pédagogique se caractérise par un déficit quantitatif et qualitatif, résultat des dysfonctionnements de la politique sectorielle de gestion des ressources humaines en matière de recrutement, d’affectation et de mobilisation. La segmentation de l’offre scolaire en secteurs privés et publics, ainsi que les dysfonctionnements du système de formation initiale universitaire (déconnexion entre diplôme et compétence) contribuent fortement à la dynamique d’autorenforcement des déséquilibres quantitatifs et qualitatifs qui semblent caractériser le système éducatif marocain.

La famille constitue également un maillon faible de cette chaine d’acteur⋅rice⋅s. Le manque de programmes d’alphabétisation dans la commune de Tamellalt s’ajoute à la prévalence des facteurs de vulnérabilité (précarité économique, analphabétisme massif, etc.). Dans le contexte actuel, la famille est loin d’être en mesure d’assumer son rôle d’appui et d’accompagnement de l’action de l’école. Les écoles visitées dans ce cadre fournissent une image en dégradé de l’implication des parents allant d’une implication effective d’une minorité de parents engagée (école privée et école publique en milieu urbain) à une position de retrait ou de passivité totale (écoles du milieu rural). Notons également que l’action collective organisée au sein de l’Association de parents et tuteurs des élèves reste très marginale et, quand elle existe, n’implique qu’une minorité de parents. D’après les résultats de notre étude de cas, la prise en compte de l’hétérogénéité du public scolaire et de la diversité liée à la structure éducative au Maroc est l’un des éléments à prendre au sérieux pour permettre de rehausser le niveau des écolier⋅ère⋅s marocain⋅e⋅s. C’est ici que doit intervenir une réflexion plus générale sur l’organisation scolaire et les politiques éducatives à mettre en oeuvre. La déclinaison, sous la forme de deux principales dualités (urbain/rural et public/privé), de l’inégalité des acquisitions scolaires au primaire présente le système éducatif marocain comme une juxtaposition de plusieurs offres catégorielles plutôt que comme une offre « unifiée ».

Le fait que les élèves du privé sont plus performant⋅e⋅s que celles⋅ceux du public ne justifie pas l’encouragement du privé. Au contraire, ne faudrait-il pas renforcer le secteur public ? D’une part, parce que ce dernier est lié aux dotations familiales et territoriales et que, d’autre part, même au niveau du privé, l’école visitée met en évidence des incertitudes quant à la qualité du système éducatif. Le développement de l’éducation primaire au Maroc doit être adéquatement régulé de manière à offrir une véritable éducation publique de qualité. L’amélioration de la performance du système éducatif et de la justice scolaire exige un renforcement du pouvoir de décision au sein de l’école publique avec un cadre de gestion plus proche du terrain, plus réactif et plus adapté aux besoins spécifiques des élèves. Ceci devrait être soutenu par des ressources et des moyens humains, organisationnels et pédagogiques.

La responsabilisation et l’encouragement des enseignant⋅e⋅s devraient figurer parmi les principales priorités pour améliorer les performances scolaires des élèves. Selon les résultats de notre étude de cas, faute de soutien, d’appui et de renforcement des capacités, le corps enseignant perd souvent confiance en toute perspective de réforme. Ce sentiment de découragement se traduit par un ensemble de comportements préjudiciables à l’apprentissage des élèves, notamment par le manque d’effort pédagogique pour surmonter les difficultés de compréhension et l’indifférence, ou la résignation, face aux élèves en difficulté. Le Maroc ne devrait-il pas alors mener d’urgence des politiques volontaristes visant à homogénéiser l’offre scolaire au primaire ? L’idée sous-jacente est que l’image et la crédibilité associées à ce que devrait être une « bonne école » se trouvent désormais directement liées à sa capacité de mobiliser et de mettre en oeuvre des modèles pédagogiques perçus comme égalitaires sur le plan de la prise en charge de l’hétérogénéité des élèves. Toute la question est alors de revoir les logiques de la distribution du service éducatif en fonction des caractéristiques de la population, de ses besoins et des divers milieux où elle réside, comme l’indiquent nos résultats empiriques. Ceci doit prendre en compte les inégalités réelles et la concentration des handicaps dans certaines aires géographiques. Autrement dit, l’amélioration des acquis des élèves au primaire au Maroc ne devrait-elle pas désormais passer par des politiques en faveur des plus démuni⋅e⋅s ?

De même, il y a lieu de penser sérieusement que les programmes d’alphabétisation devraient inclure plus largement les femmes analphabètes afin de permettre aux familles défavorisées d’encadrer et d’aider leurs enfants. Mais pour cela, alphabétiser les adultes ne devrait plus relever seulement de la responsabilité d’acteur⋅rice⋅s institutionnel⋅le⋅s et sociaux⋅les ; la responsabilité de l’État semble également engagée, et ce, à l’instar des autres politiques publiques sectorielles mises en place durant les dernières décennies (Plan Maroc vert pour le secteur agricole, Plan émergence pour le secteur industriel). Toutefois, nos résultats empiriques obtenus dans cinq établissements scolaires d’une commune marocaine sont exploités à titre illustratif. Ils n’ont donc pas d’objectif de généralisation statistique.

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Lahcen Ait Daoud
Enseignant-chercheur, Université Cadi Ayyad

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Rachid Ait Ben Assila
Enseignant-chercheur, Université Moulay Ismaïl