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Ce livre se veut un récit à caractère historique insolite, irrévérencieux, fouillé et agréable à lire sur les Autochtones d’Amérique du Nord. L’auteur, Thomas King, un Cherokee, adopte un regard autochtone sur le passé.
Le livre s’ouvre sur l’histoire telle qu’elle est racontée par l’histoire officielle, dans laquelle les Autochtones jouent toujours les mêmes rôles, comme dans un film western : le sauvage, le noble et l’agonisant. King aborde aussi les registres gouvernementaux qui permettent de diviser la population autochtone en catégories étanches (les Inscrits et les non-inscrits), pourvues de droits différents pouvant leur être retirés. En légiférant les affaires autochtones, l’État canadien s’arrogeait les terres des Premières Nations ainsi que le droit de parquer les Autochtones sur des réserves et d’amalgamer en un seul groupe la multitude de leurs nations.
King raconte ensuite la mise en place du système d’éducation (ou d’assimilation) des Autochtones du Canada à la « civilisation », système fondé sur les pensionnats que devaient gérer les gouvernements provinciaux et fédéral. Avec les pensionnats, ces gouvernements commirent trois crimes contre les Autochtones : 1) la négation des valeurs autochtones ; 2) l’absence de surveillance des écoles qu’ils devaient gérer ; 3) l’inaction contre les horribles conditions dans lesquelles étaient laissés des jeunes brutalisés physiquement, psychologiquement et sexuellement.
King s’exprime sur l’identité autochtone aux États-Unis, son pays d’origine, et au Canada, son pays d’adoption. Le livre est très centré sur ce qui se passe dans le monde anglosaxon. Il est question des Cris et des Mohawks (anglicisés), mais pas des autres peuples autochtones du Québec. Il est vrai que les exemples ne manquent pas pour illustrer ses propos sur le colonialisme, même en ne citant que ceux-là. Cependant, pour cette raison, ce volume est instructif sur le colonialisme, mais moins utilisable en contexte scolaire québécois.
Il décrit quelques initiatives politiques intéressantes entre des groupes autochtones et les gouvernements allochtones sur des questions de souveraineté territoriale et d’entente économique, mais il n’en présente que trois. Entre autres exemples omis, notons l’entente de la Paix des Braves de 2002, conclue entre les Cris et le gouvernement québécois. Bien que cette entente semble converger avec ce qu’il promeut, à savoir se doter d’outils pour la planification, la gestion, le développement des activités et le partage des revenus, cela ne sert sans doute pas le ton du livre, qui se veut ironique. De toute manière, en ce qui concerne les problèmes de colonialisme et de souveraineté, c’est toujours Washington et Ottawa qui contrôlent les crédits et dictent les règles du jeu.
Ce livre contient peu d’études, peu de comptes-rendus, mais il présente néanmoins une foule de renseignements tirés de conversations que l’auteur a eues avec de multiples universitaires de différents domaines sur des questions autochtones. King se base sur son expérience, sur le colossal bagage historique qu’il a amassé et sur ses talents de conteur pour livrer un récit ironique de l’histoire de l’Amérique du Nord plus léger à lire, malgré le lourd sujet du colonialisme. C’est donc un livre difficile à définir. Certains diront qu’il s’agit d’un essai historique ; nous choisissons plutôt de ne pas le catégoriser et de simplement en apprécier et en recommander la lecture.