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L’ouvrage de Gagnon se présente sous la forme d’un assemblage de textes philosophiques mettant en lumière diverses réflexions liées aux notions d’apprentissage et de signifiance en éducation : l’auteur y propose sept textes puisant leur inspiration dans les travaux de C. G. Jung, tous ponctués de bribes réflexives aux accents plus personnels. Divisé en deux parties et en sept chapitres, l’ouvrage présente donc diverses théories jungiennes comme le cadre théorique d’une pensée qui, chez l’auteur, s’attarde successivement aux conséquences des théories de Jung en éducation, à la didactique des disciplines techniques, comme la formation en santé et sécurité au travail, aux compétences et styles d’apprentissage en formation professionnelle et technique, à l’apprentissage en milieu virtuel, à l’épistémologie des disciplines professionnelles et techniques, aux savoirs signifiants et à l’ignorance signifiante dans l’apprentissage.

L’intérêt du livre se situe surtout dans l’approche philosophique et psychanalytique de l’auteur, perspective rafraîchissante en éducation : l’ouvrage de Gagnon offre plusieurs avenues nous permettant de réitérer l’importance de la réflexion et de la recherche en fondements philosophiques de l’éducation. L’auteur offre de constants passages entre argumentaire philosophique et faits scientifiques substantiellement appuyés, conférant ainsi à ses textes sérieux et crédibilité. D’autre part, la transposition des théories de Jung aux enjeux éducatifs étudiés est habile, particulièrement en ce qui concerne l’explication des conflits possibles entre l’enseignant et l’élève du point de vue des quatre fonctions jungiennes de la psyché humaine et de la nécessité de la prise en compte des archétypes définis par Jung.

Toutefois, le style de Gagnon est souvent inégal : si l’auteur offre une multitude de références à l’appui (de la littérature classique aux recherches scientifiques les plus actuelles), elles participent d’un name-dropping un peu irritant qui dilue la profondeur des démonstrations philosophiques exposées. Paradoxalement, à certains endroits plus précis, de grands noms brillent par leur absence dans le corpus de références de l’auteur : la négativité de la Raison et l’administration du goût esthétique sont évoquées sans égard à la pensée d’Adorno, tout comme Habermas n’est pas invoqué dans le plaidoyer de Gagnon pour une entente tacite et partagée de règles en éducation. Quelques envolées littéraires superflues distraient davantage le lecteur qu’elles ne le gardent dans une présentation serrée et convaincante des apports de Jung en éducation, contributions qui, au lieu de prendre l’avant-scène dans l’ouvrage, sont reléguées au second plan derrière plusieurs fioritures.

En somme, l’auteur offre un livre bien documenté, stimulant et très important pour le domaine des fondements de l’éducation, dans la mesure où la pensée de Jung ne semble pas avoir pénétré en profondeur les sciences de l’éducation. Même s’il aurait été appréciable, compte tenu du très petit nombre d’études sur Jung en éducation, que l’ouvrage de Gagnon s’attarde plus amplement à la transposition intégrale de théories jungiennes au domaine éducatif, il participe certainement à un renouvellement fondamental, au Québec, de la pensée philosophique en éducation.