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Sans être absents, les ouvrages qui donnent la parole aux enseignants ne sont toutefois pas légion. Le genre n’est certes pas nouveau. Il n’y a qu’à se rappeler, par exemple, l’autobiographie d’instituteurs de la Belle Époque que présentait Jacques Ozouf en 1967 dans Nous, les maîtres d’école (Éditions René Julliard). Le développement des analyses de type qualitatif a aussi favorisé la prise en compte, sous différentes formes, dont le récit de vie, le témoignage, etc., de la parole des enseignants. Rédigé dans le cadre d’une formation de diplôme d’études avancées en sociologie organisée par des universités romandes, le présent ouvrage s’inscrit dans cette tradition.

Recourant à des entretiens auprès de neuf enseignants qui ont obtenu leur brevet d’enseignement secondaire au cours des années 1970 et 1980 et qui pratiquent dans des institutions scolaires du canton de Vaud, l’auteure, adoptant une lecture sociologique, entend proposer une approche compréhensive de dimensions relationnelles de l’activité professionnelle sur la base de l’expérience professionnelle d’enseignants. Elle centre ses analyses des entretiens sur les interactions que ces enseignants établissent avec divers acteurs éducatifs (élèves, parents, collègues, direction, autres professionnels) en tenant compte du contexte social, ce qui la conduit, dans un premier chapitre, à esquisser, sur les plans social et politique, l’évolution de l’école secondaire vaudoise depuis 1950 afin de pouvoir contextualiser le contenu des discours enseignants issus des entretiens. L’auteure entend également, toujours par le biais des entretiens, avoir accès aux représentations sociales du métier sous deux perspectives : celle de la comparaison à d’autres métiers et celle de la position de ce métier sur l’échelle sociale.

Le livre est alors structuré ainsi. Le deuxième chapitre est consacré, quant à lui, à la présentation des premiers pas de chaque enseignant afin de faire, d’une part, ressortir les circonstances et les choix qui ont prévalu et, d’autre part, leurs attentes relatives à leur engagement professionnel. Les troisième et quatrième chapitres abordent respectivement la question des interactions de ces enseignants avec leurs élèves et les parents, et, d’un point de vue plus institutionnel, avec les collègues et la direction de l’établissement scolaire. Dans le chapitre cinq, l’auteure interprète, sur la base des expériences sociales individuelles, les choix et stratégies que chaque enseignant a effectués sur le plan de sa trajectoire professionnelle afin d’échapper à la carrière plate qui caractérise le métier, ce qui témoigne d’un lien […] fort […] entre [son] système personnel de valeurs, [ses] attentes face au métier et les diversifications choisies (p. 142). D’un point de vue diachronique et plus large, le chapitre six se penche, d’une part, sur les relations entre l’État, l’école et la société, afin de montrer, à travers leur évolution depuis la moitié du XIXe siècle, le processus de délégitimation institutionnelle qui agit depuis 1980. D’autre part, l’auteure y fait part de trois mutations qui seraient à la source d’un désenchantement progressif face au métier d’enseignant, bien qu’il existe des contrepoids qui pourraient en atténuer les effets.

Ce petit livre (189 pages) va certes intéresser le lecteur soucieux de mieux comprendre l’évolution de la profession enseignante. Le contexte, s’il est strictement vaudois, lui permettra cependant de faire des rapprochements avec celui d’autres sociétés. Il regrettera l’absence d’un cadre conceptuel explicite – existant sans doute – qui aurait permis d’éclairer les interprétations, surtout celles des deux derniers chapitres, de même que l’absence d’une annexe présentant le questionnaire des entretiens.