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Les chercheurs belges, français, québécois et suisses ayant participé à l’ouvrage collectif dirigé par mesdames Cros, Lafortune et Morisse ont en commun de s’intéresser aux effets de l’écriture et du processus d’écriture dans l’activité et la formation professionnelles. Sont en effet visés dans les articles, d’une part, l’écriture comme outil de travail qui permet de laisser des traces pour soi et pour autrui dans l’exercice de sa profession ou en cours de formation et, d’autre part, le processus d’écriture, en tant que composante essentielle d’une activité ou d’une formation professionnelle à dominante réflexive.
Lafortune relate une expérience d’accompagnement de professionnels de l’éducation en période de changement, et montre le rôle déterminant de l’écriture dans cette démarche ainsi que les obstacles rencontrés. Daunay et Morisse cherchent à mieux comprendre le travail des enseignants à travers les écrits – nombreux, mais cachés ou inconnus – produits dans la pratique courante des enseignants. Champy-Remoussenard s’intéresse au dossier élaboré par des travailleurs qui entreprennent une démarche de validation des acquis de l’expérience (VAE) ; genre encore mal défini, ce dossier place des gens peu à l’aise avec l’écriture devant la nécessité de produire un discours sur leur activité professionnelle. Cardinal-Picard et Bélisle dévoilent des aspects du travail de conseillers d’orientation et soulèvent, entre autres, la problématique des écrits produits dans un contexte d’accompagnement et soumis au regard de tiers. Cros analyse les effets du processus d’écriture d’une thèse sur le développement cognitif et professionnel de quelques étudiants au doctorat. Pollet se penche sur les difficultés éprouvées par des aspirants au certificat d’aptitude pédagogique approprié à l’enseignement supérieur (CAPAES), en Belgique, dans la production d’un dossier écrit et plaide pour un meilleur accompagnement de ces personnes. Dans le même ordre d’idée, Godelet s’intéresse au mémoire professionnel que doivent produire des adultes effectuant un retour aux études et au défi que représente cet écrit, oeuvre aux yeux de certains ; enfin, Mehran se penche sur le portfolio présenté par des étudiants en science de l’éducation à Genève, et qui témoigne de leur développement identitaire.
Cet ouvrage est très pertinent pour toute personne qui travaille dans le domaine de la formation et de l’éducation, et qui veut mieux comprendre le rôle que l’écriture peut jouer dans la construction de l’identité professionnelle, surtout si cette écriture est accompagnée par des formateurs conscients de son potentiel épistémique et réflexif. Il ressort de cet ouvrage qu’écrire en contexte professionnel ou en formation ne va pas de soi ; c’est exigeant, voire douloureux, mais cela constitue un enjeu majeur dans le développement professionnel, d’où la nécessité de poursuivre les travaux dans ce domaine pour mieux soutenir ceux qui, de plus en plus nombreux dans les sociétés lettrées, doivent faire de l’écriture leur alliée dans leur activité ou leur formation professionnelle. Soulignons que ce collectif, issu d’un long processus de recherche où l’écriture tient le rôle principal, révèle une grande cohérence d’ensemble qui témoigne, aussi bien que les articles eux-mêmes, de la force du processus d’écriture quand il s’inscrit dans une démarche structurée.