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L’ouvrage débute par un entretien que l’auteur a eu avec Étiennette Vellas, de l’Université de Genève. Les principaux enjeux du livre y sont présentés : l’anti-pédagogisme, les valeurs fondatrices de la démocratie, les comportements violents des jeunes, l’autoritarisme, l’enfant tyran, la dictature de l’évaluation, l’école, etc. À tous ces défis qui se posent à l’éducation, la solution est de recentrer sur la pédagogie qui permet de suppléer aux pulsions qu’entretient la publicité des marchands par un désir longuement nourri par la réflexion sur des vérités et l’élaboration d’un bien commun.
À partir d’une réfutation des principaux arguments des anti-pédagogistes (chapitre 1), Meirieu n’installe sa thèse qu’au tiers du livre. La pédagogie est sa propre solution. Ainsi, du troisième au neuvième chapitre, il construit un argumentaire qui amène le lecteur à comprendre la raison pour laquelle la pédagogie constitue la voie de salut aux problèmes contemporains auxquels est confrontée l’éducation. En effet, la pédagogie est le fondement de l’éducation de l’enfant parce qu’elle est le chemin qui mène à l’institution de l’élève-sujet. En d’autres mots, la pédagogie est la méthode qui permet, fidèle aux principes d’éducabilité et de liberté, d’amener les enfants à penser par eux-mêmes les savoirs et les valeurs qui les accompagnent. La pédagogie consiste à faire vivre à l’enfant l’expérience du monde afin qu’il puisse intérioriser le sens commun. Meirieu propose, à la fin du livre, des changements non de l’enseignement, mais de l’espace où il se produit. Il suggère la création de classes communautaires réunissant une centaine d’élèves et une équipe d’adultes qui ont le futur des enfants à coeur : parents, enseignants, professionnels de tout genre, etc. Ainsi, l’espace est important pour la pédagogie parce qu’il est le lieu de médiation où l’élève-sujet fera l’expérience de l’altérité et du monde.
On est en droit de se demander à qui peut bien s’adresser ce livre qui ressemble tantôt à un pamphlet, tantôt à un essai de pédagogie, car autant les pédagogistes que les anti-pédagogistes y verront peu de neuf. Par contre, pour le néophyte, il s’agit d’une porte d’entrée dans le monde trop souvent mal compris de la pédagogie.
Meirieu introduit de longues parenthèses dans le texte, identifiables par la bande grise sur le côté extérieur de la page. Il en profite pour y définir ce qu’il entend au sujet de certains concepts auxquels il fait le plus souvent référence. L’auteur y apporte aussi des précisions. Enfin, et c’est probablement le contenu le plus intéressant de ces parenthèses, il introduit une courte présentation de 61 pédagogues-résistants auxquels il réfère dans son texte. Cela lui permet d’installer ses positions pédagogistes sur une longue tradition qu’il fait remonter au Xive siècle.
Certes, la pédagogie que présente l’auteur n’est pas une idée nouvelle. Ce qu’il propose pour créer l’espace nécessaire pour la mettre en oeuvre ne semble pas, sous sa forme actuelle, assez détaillé ; une charmante utopie qui fera sans doute sourire les administrateurs scolaires les plus endurcis par les nombreuses réformes qui prétendent chaque fois réinventer la roue. Cependant, la réflexion sur la relation dialectique qui conduit le sujet-élève à se construire en se frottant au monde et à l’altérité revient installer la pédagogie sur ses véritables fondements.