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Depuis des années, le courant des compétences attendues a envahi la plupart des secteurs de l’activité humaine. À l’évidence, interpellés par cette vague de fond, les auteurs du présent livre hésitent entre la fascination et le doute. Certains d’entre eux cèdent à la première de ces perspectives, d’autres émettent quelques réserves sur l’hégémonie de l’approche par compétences. Cette ambivalence illustre la complexité et la difficulté de s’entendre sur la définition même du terme compétence. Dès l’introduction de l’ouvrage, on peut lire cette phrase qui campe bien la position épistémologique adoptée dans le cadre de ce livre : Il s’agit de points de vue d’acteurs « compétents » et confrontés à la question [des compétences sociales et relationnelles] dans leur pratique (p. 13). Nous voilà avertis de la visée de ce travail : la question des compétences sera abordée sous l’angle de récits circonstanciés d’expérience.

L’ouvrage ici recensé comporte 10 chapitres, la plupart assez courts et axés sur l’univers gestionnaire : relation de service interne et externe, gestion de projets, management et, enfin, coopération dans le travail. Ses auteurs se sont donné, dès le départ, la lourde tâche de tenter de clarifier la notion de compétences sociales et relationnelles. Ils ont ainsi voulu éviter, selon leurs propres dires, de chercher d’emblée une définition des compétences sociales et relationnelles (p. 12), comme trop d’experts en la matière sont portés à le faire.

Toutefois, en dépit de cette précaution, on peut se demander si la vision idyllique qu’entretiennent certains membres de ce groupe de travail à propos de l’approche par compétences correspond vraiment à la réalité. Qu’en est-il du revers de la médaille, quand, par exemple, les sujets se considèrent de plus en plus comme des objets rentables et soumis à la tyrannie d’un contrôle perpétuel ? Pour éviter une telle dérive, Thiberge, qui dirige cette publication, recommande aux responsables de permettre à l’individu d’être un entrepreneur de lui-même, de rester un sujet et un acteur au sens plein du terme. Mais cela est-il vraiment possible quand on prend en considération l’utilisation abusive de cette approche par certains détenteurs du pouvoir pour imposer leur point de vue ? Force est de constater que la plupart des auteurs de ce collectif ne semblent pas porter tellement d’intérêt à cet aspect pourtant fondamental.

Pour conclure, disons que cet ouvrage intéressera au premier chef les lecteurs qui adhèrent à l’approche des compétences ; quant à ceux qui la remettent en question, ils y trouveront l’occasion de constater une fois de plus ses limites et ses dérives. Bruno Thiberge a raison de le rappeler dans la conclusion de ce livre : La notion de compétence est loin d’être indépendante des idéologies régnantes, des représentations du travail et de l’organisation qui s’y rattachent. Il convient donc d’en repérer les déterminants (p. 220). Pour finir, ce même auteur insiste sur la nécessité que l’organisation du travail, de l’éducation et de la formation laisse une place au développement de la « compétence sociale » (p. 220). Reste néanmoins qu’à vouloir tout mettre en compétences attendues, on risque de passer à côté de ce qui résiste à la mise en catégories.