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Cet ouvrage, court mais percutant, se lit très rapidement. Legrand réussit à capter l’attention du lecteur, tant par son style que par son propos. Adoptant une langue colorée, juste et brève, il n’hésite pas à dénoncer certains faits par rapport au statut des enseignants, à la formation des maîtres, à la laïcité de l’école, à l’égalité des chances, à la taille des collèges et lycées français, à la violence quasi endémique dans les écoles. À partir de propositions inspirées de sa riche expérience de terrain, ce proviseur honoraire, comptant plus de vingt-cinq ans à la tête de lycées français, invite aux débats d’idées plutôt qu’aux oppositions idéologiques, aux changements de mentalité à long terme plutôt qu’à l’imposition d’un ensemble de changements dans un même temps.
Bien que ses réflexions s’adressent à l’Éducation nationale française, elles rejoignent certaines de nos préoccupations au Québec. Pensons, entre autres, aux élèves en mal d’aimer l’école ; à la valorisation insuffisante de l’enseignement technique et professionnel ; à l’absence d’engagement des jeunes dans les problèmes qui les concernent ; à la déshumanisation caractéristique des écoles à grande surface ; à la participation des parents ; à la nécessaire compétence des chefs d’établissement. Cet ouvrage suscite l’intérêt pour diverses raisons : d’abord, il y a des points communs avec nos écoles primaires et secondaires, nos institutions collégiales et nos universités canadiennes. Notons également le courage de Legrand pour exprimer haut et fort ce que plusieurs pensent mais n’osent écrire. Ces réflexions sont à considérer non seulement par les instances ministérielles, mais aussi par les praticiens et les chercheurs du domaine de l’éducation.
Il va sans dire qu’un ouvrage de ce type suscite plus d’un point de discussions. Pour notre part, nous en retenons un seul. Legrand affirme, avec raison, qu’un enseignant est dépositaire d’une certaine image de dignité et de respectabilité. Bien qu’il fasse mention de valeurs fondamentales de respect de soi et des autres à sauvegarder, il n’indique pas comment un enseignant peut atteindre ce calibre de haut niveau. De plus, quel dispositif empêchera de tomber dans l’arbitraire lorsqu’il s’agira de juger le degré de compétence d’un enseignant ? Legrand a eu la prudence de choisir un titre lui permettant d’éviter de répondre à toutes les questions soulevées par ses propos. Il choisit ses réponses et ne manque surtout pas d’exprimer toute sa confiance envers ceux qui exercent leur profession avec passion et qui savent faire aimer l’école aux élèves.
Cet ouvrage est le cri du coeur d’un homme d’expérience qui prie les instances ministérielles, scolaires et universitaires de développer une connaissance réelle de ce qui se passe sur le terrain et d’établir des règles ou des lois en accord avec les milieux et les professionnels concernés, sans oublier les élèves, adultes et citoyens de demain. On ne peut que souscrire à ces objectifs fort louables !