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Objets intemporels et familiers, car les plus largement diffusés et souvent les premiers à être déchiffrés par des générations de petits Québécois, les manuels scolaires ont été longtemps les grands oubliés de l’histoire de l’éducation. Plus maintenant. Il a fallu qu’un historien, Paul Aubin, entouré de collaborateurs de divers domaines, s’y intéresse et conçoive une exposition ainsi qu’un ouvrage.
Dans ce beau livre de quelque 180 pages abondamment illustré, le lecteur peut découvrir l’évolution des manuels québécois, du premier publié en 1765 (le Catéchisme du diocèse de Sens) jusqu’à nos jours. En guise d’introduction, Michel Allard, Paul Aubin, Soraya Bassil et Monique Lebrun présentent la problématique. Claude Bonnelly, au chapitre 2, nous informe de l’existence des deux organismes détenteurs des principales collections de manuels scolaires : l’Université Laval et la Bibliothèque des Archives nationales du Québec (BAnQ). Paul Aubin rappelle les multiples formes que peut prendre le manuel, des tableaux aux cartes tous formats (chapitre 3). Les clientèles auxquelles les manuels s’adressent sont ensuite illustrées : les élèves francophones de religion catholique, évidemment (chapitre 8, Brigitte Caulier), mais également les Autochtones (chapitre 4, Anne-Marie Baraby), les anglo-catholiques (chapitre 5, Mélanie Lanouette) et enfin les maîtres eux-mêmes (chapitre 9, Marcel Lajeunesse). Trois chapitres sont consacrés à différents manuels selon la matière scolaire dont ils ont pour but d’assurer l’apprentissage : la lecture (chapitre 6, Monique Lebrun), le dessin (chapitre 7, Suzanne Lemerise et Soraya Bassil) et le catéchisme (chapitre 8, Brigitte Caulier). Les importations, traductions, adaptations qu’a connues le manuel scolaire québécois sont abordées par Paul Aubin (chapitre 10). Enfin, le dernier chapitre nous convie à une réflexion sur le manuel scolaire en tant que vecteur de la transmission des valeurs d’une société, en l’occurrence, le Québec (Alain Choppin).
300 ans de manuels scolaires au Québec « ne prétend pas faire l’histoire du manuel scolaire, mais tente plutôt d’illustrer certains aspects de son histoire au Québec » (p. 19). Présentant le mérite de poser avec clarté le rôle du manuel comme outil de transmission de savoirs, mais aussi de valeurs, il couvre une grande partie de notre histoire, particulièrement les 18e et 19e siècles (les manuels scolaires publiés depuis les 20 dernières années, mis à part certaines illustrations, n’ont malheureusement pas été traités). La liste des artefacts de l’exposition qui l’accompagne, une bibliographie des manuels scolaires, de même qu’une bibliographie générale d’études déjà réalisées dans ce domaine se retrouvent à la fin de l’ouvrage.
Saluons l’initiative de Paul Aubin et de ses collaborateurs d’avoir pu plonger les néophytes dans l’étude du livre scolaire. Espérons que la recherche se poursuivra, notamment à propos de l’importance de ce marché dans l’industrie éditoriale, de l’évolution des approches didactiques utilisées par le biais du manuel, notamment dans l’enseignement de la grammaire ou de la lecture, ou dans l’évolution des stéréotypes sexuels véhiculés dans les manuels au courant de l’histoire. Reflet de la société qui le produit, le manuel scolaire mérite d’être étudié et décortiqué encore davantage.