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Il s’agit d’un rapport de recherche soutenu par une subvention accordée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada à Yves Lenoir de 1998 à 2001. Ce livre présente l’examen critique des recherches menées sur la formation à l’enseignement à partir d’une conception classique, hypothético-déductive, de la recherche. Le bilan porte plus sur la qualité scientifique des recherches et de leurs résultats que sur l’inventaire structuré des conclusions tirées de ces résultats. En ce sens, les auteurs sont congruents avec leurs présupposés : si la démarche des recherches n’est guère valide, il n’y a guère à en retirer, d’autant plus que le tableau qui pourrait en résulter semble morcelé.
Comme un certain nombre de rapports de recherche, l’ouvrage a les défauts de ses qualités. D’une part, ses références théoriques sont nombreuses et son analyse des écrits sur la recherche en éducation et en formation des enseignants est très bien documentée ; d’autre part, il nous fait suivre le cheminement de la pensée des auteurs et de leurs analyses du corpus, ce qui donne l’impression de passer rapidement d’un point de vue à un autre et de revenir à un élément sans savoir comment le raccrocher à ce que l’on vient de lire.
L’ouvrage comporte cinq chapitres. Le premier fait un survol historique de l’évolution des programmes et des perspectives de formation des enseignants au Québec depuis les années 1960. Il fournit très bien le contexte nécessaire à la compréhension des analyses du quatrième chapitre. Le deuxième chapitre installe le lecteur face à la complexité du problème de la formation des enseignants et de la recherche sur cette formation. Son sous-titre est exact : Au coeur d’enjeux paradoxaux. La dynamique des enjeux politiques, économiques, syndicaux, universitaires, scientifiques, sociaux et pédagogiques aurait pu être approfondie ; mais tout y est, le tableau est complet. Ce chapitre, le plus intéressant, montre bien que la situation n’est pas simple, qu’elle dépasse de loin les opinions du public, de la presse et des politiciens, qu’elle mérite d’être conceptualisée avant d’être traitée. Le troisième chapitre présente le cadre méthodologique de la recherche : à partir de confrontations d’auteurs sur ce qu’est la recherche et sur les typologies de la recherche, l’instrument d’analyse est présenté ainsi que la constitution du corpus. Cependant, ce cadre d’analyse n’est pas complet. À l’occasion de l’analyse des matériaux recueillis, au quatrième chapitre, les discussions avec les auteurs se poursuivent à propos des typologies et des exigences de la recherche scientifique en éducation. Ce chapitre ne se termine pas par l’élaboration d’un modèle de la recherche sur la formation. Cela est sans doute relié à l’interprétation finale (En définitive…) selon laquelle ce champ paraît à la fois tendu, entre des logiques épistémologiques (sinon des idéologies) opposées, et éclaté, car chacune des composantes de la formation fait l’objet d’une recherche, sans que ses liens avec les autres soient pris en compte. Dans le cinquième chapitre, on formule des jugements critiques assez durs à l’égard de la recherche en ce domaine : pas d’objet scientifique, pas de cadres théoriques, méconnaissance de l’apport possible des disciplines contributives, manque de recul, interprétations en mi-teinte, etc. Vanhulle et Lenoir reconnaissent qu’une partie du corpus, des mémoires de maîtrise, a pu biaiser l’ensemble et que les conditions générales des recherches, sur le plan du financement et des échéances temporelles, rendent parfois difficiles l’atteinte du seuil de scientificité attendu à partir des présupposés à l’origine du projet de recherche. Au-delà des limites bien tracées de la recherche, on devine les conclusions des auteurs : mieux organiser la recherche, constituer des groupes de recherche stables et bien subventionnés, sans saupoudrage, qui se concertent avec les formateurs-praticiens et ont accès à de larges banques de données. C’est l’idéologie de la grande recherche sur la formation qui ressurgit, à l’image du mythe de la recherche scientifique productiviste, les chercheurs ayant oublié au passage certains éléments, cependant bien notés, au deuxième chapitre, lors de l’examen des enjeux paradoxaux.