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Le volume édité par Karsenti et Larose rend compte de recherches diversifiées, tant du point de vue de leurs objets de recherche que de leurs méthodologies. En filigrane des questions traitées et de l’éclairage fécond qu’elles apportent, plusieurs chapitres ne manquent pas de rappeler la faible intégration des TIC en éducation, en raison notamment des obstacles rencontrés et de la vétusté des équipements. Dans l’utopique course pour demeurer à la fine pointe de la technologie, la question du matériel représente un gouffre sans fond qui risque de nous éloigner d’une préoccupation capitale : l’apprentissage. Dans une optique de construction de sens négocié, voire de coélaboration, des moyens technologiques modestes mais efficaces sont disponibles pour en soutenir le discours progressif (Bereiter et Scardamalia, 1993). D’autre part, le lecteur se fait rappeler que lorsque les TIC sont utilisées, c’est fréquemment dans une perspective d’assimilation des pratiques existantes. Le constat d’abandon par les personnes qui se butent à des obstacles est donc peu surprenant, surtout si, en plus, elles ont l’impression que leurs pratiques sont jugées en fonction d’un idéal théorique plutôt que des intentions pédagogiques qu’elles ont contribué à définir. Enfin, une quinzaine d’années après le début de l’expansion des TIC dans la société civile, l’impact mitigé qu’elles ont sur l’apprentissage scolaire est toujours signalé. Étonnamment, l’ouvrage ne présente pas de chapitre qui ferait de cette question un élément central de sa démarche d’investigation.
Bref, malgré des connaissances qui s’accumulent, il semble que nous demeurons sur notre appétit en ce qui a trait à l’essor des TIC en éducation. D’un point de vue quantitatif, les initiatives parviennent difficilement à dépasser un stade d’adoption précoce (Rogers, 1995). D’un point de vue qualitatif, il semble que les usagers s’en remettent souvent plus promptement aux affordances (les possibilités d’un environnement qui, lorsqu’elles sont perçues, poussent un individu à agir) menant à la reproduction de ce qu’ils faisaient lorsqu’ils n’avaient pas accès à ces moyens plutôt qu’aux affordances qui disposent d’un potentiel créateur. Pour créer, la présence d’une intention est souhaitable, un besoin doit être ressenti. Puis des moyens nécessaires peuvent alors être mis à contribution. Or, pour être animé par un désir d’innovation, encore faut-il être insatisfait de la situation actuelle. Il reste à voir si c’est le cas… À en peu douter, il s’agit d’une première condition de mise en place d’une innovation et il semble parfois qu’il y ait une dissonance entre les croyances des individus et le discours ambiant qui exhorte au changement. Toutefois, le sentiment d’insatisfaction n’est pas tout. Il y a aussi la façon dont le changement est mené et soutenu à travers les différentes composantes organisationnelles concernées. L’ensemble des conditions identifiées par Ely (1999) invitent à adopter une perspective qui ne se limite pas qu’aux outils ni à une seule composante d’un contexte panoramique dans lequel elle s’inscrit. La considération de telles conditions requiert un regard systémique, en plus des regards pointus portés sur des dimensions spécifiques. Bien que chaque composante constitue un système en soi, elle ne vit cependant pas en autarcie, d’où la pertinence de chercher à comprendre son activité en interaction avec les autres composantes concernées : classe, école, commission scolaire, université, communauté, etc.