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Ce livre s’interroge sur la mise en oeuvre de l’approche inclusive dans les sociétés pluralistes et plus particulièrement au Québec. Par approche inclusive on comprend « la reconnaissance et la valorisation de la diversité sociale, ethnoculturelle, religieuse et linguistique » (p. 2) ainsi que le traitement équitable des personnes, particulièrement celles issues des groupes les plus vulnérables et historiquement marginalisés. Ainsi définie, l’approche adoptée dans l’ouvrage se jumelle aux divers courants ayant comme tâche de répondre aux enjeux de la diversité, tels que le multiculturalisme, l’interculturalisme, le républicanisme ou l’antiracisme, sans pour autant se perdre dans un débat idéologique. Au contraire, ce qui importe aux auteurs de ce livre est d’apporter un appui et un regard critique sur la pratique de l’approche inclusive, et tout particulièrement de l’éducation formelle et informelle, de l’accompagnement dans divers milieux et de l’établissement de partenariats entre les chercheurs et les praticiens. Ici se trouve la contribution universitaire de l’ouvrage.
Pour faire davantage ressortir l’originalité du livre, comparons-le, à titre d’exemple, au recueil intitulé Identity Politics in the Public Realm. Bringing Institutions Back In (UBC Press, 2011) dirigé par les éminents chercheurs canadiens Avigail Eisenberg et Will Kymlicka. Les deux ouvrages nous convainquent du rôle crucial que jouent les institutions publiques inclusives pour le « vivre ensemble » dans des sociétés pluralistes. Les deux tentent de révéler et, en partie, de surmonter un nombre de défis associés à cette tâche. Par contre, si l’ouvrage dirigé par Eisenberg et Kymlicka est une étude universitaire des frictions normatives et politiques entre le particularisme présumé des revendications identitaires et l’universalisme civique – également présumé – des institutions publiques, celui de McAndrew, Potvin et Borri-Anadon se veut davantage un témoignage (auto-)évaluatif et instructif de la mise en pratique de la recherche universitaire pour bâtir des institutions inclusives. Transparaît dans cet ouvrage un véritable souci pour le transfert des connaissances entre chercheurs et praticiens et vice-versa (p. ex. : p. 96, 165, 172), une volonté de faire avancer la « démocratisation de la recherche » (p. 212) et l’investissement moral des chercheurs en tant qu’« avocats de leurs propres recommandations » (p. 208), touchant ici l’éducation inclusive en milieu pluraliste.
L’ouvrage se démarque par une définition relativement large de ce qu’est une institution. Les chercheurs s’intéressent « à tous les niveaux de l’action publique ou privée : des normes juridiques et réglementaires aux pratiques de formation, de transfert ou d’accompagnement des milieux, en passant par les programmes, les politiques et la gouvernance » (p. 3). D’où la possibilité d’étudier l’approche inclusive dans divers secteurs d’activité sans pour autant perdre de vue les questionnements clefs de l’ouvrage : qu’est-ce que l’approche inclusive? Comment peut-on la pratiquer? Comment la recherche peut-elle améliorer et appuyer cette pratique? Regardons de plus près.
L’ouvrage est divisé en quatre parties, dont la première aborde l’approche inclusive dans trois secteurs d’activités différents, soit l’éducation (Potvin sur les fondements, les principes d’action et les compétences professionnelles), le milieu municipal (Germain sur les rapports interethniques à Montréal) et l’emploi (Chicha sur les défis de la diversification de la main-d’oeuvre). La deuxième partie se penche sur la place accordée aux pratiques inclusives au sein de la formation professionnelle en gestion (Arcand, Tisserant et Leymarie sur le rôle du conseiller en gestion interculturelle) et en enseignement (McAndrew, Borri-Anadon, Larochelle-Audet et Potvin sur la formation initiale des maîtres, Estivalèzes sur les enseignants en éthique et culture religieuse, Bourhis, Carignan, Soufi et Tardif-Grenier sur la formation interculturelle des futurs maîtres). La troisième partie traite des enjeux soulevés par la rencontre entre chercheurs et praticiens dans l’accompagnement des milieux à la mise en oeuvre de pratiques inclusives (Armand sur la diversité linguistique en milieu scolaire, Saris et Amor sur la médiation dans la résolution des conflits familiaux, Le Gall, Xenocostas, Peat, Bereza et Walsh sur les professionnels de la santé et des services sociaux). La quatrième partie renverse le regard et donne la parole aux acteurs institutionnels et communautaires provenant des secteurs de l’éducation (Lemieux ainsi que Beaupré et Pierre), associatifs (Guyon), paragouvernementaux (Sarna ainsi que Akzam et Arcand) et municipaux (Fiore). Ces praticiens partagent leurs expériences et recommandations quant aux partenariats en recherche en vue de (l’amélioration de) la mise en pratique de l’approche inclusive.
En un sens, en terminant leur livre par le point de vue des acteurs institutionnels, les directrices de l’ouvrage sont restées fidèles à leurs objectifs et ont réussi à boucler la boucle : un croisement des regards apporté par des éclairages nouveaux sur l’approche inclusive en contexte institutionnel. Le panorama offert est particulièrement bienvenu, car il existe peu de synthèses sur la question et moins encore qui traitent des institutions au Québec. Toutefois, ce livre ne s’adresse pas seulement à un public québécois. Au contraire, si le contexte est particulier, les questions posées et les leçons à tirer se transposent facilement à d’autres situations, au Canada et ailleurs. En ce sens, il est dommage qu’on ait laissé le dernier mot à des réflexions particulières : ce qui manque à ce livre est une théorisation de la matière ou, du moins, une conclusion qui ferme véritablement la boucle, qui traverse intellectuellement et conceptuellement les seize contributions, qui réponde d’une façon synthétique aux questions clefs et qui nous présente une synthèse de ce que nous avons appris.