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Dans un contexte d’accroissement des flux migratoires, dont le caractère de plus en plus permanent s’impose, l’intérêt pour l’intégration des enfants d’immigrés ne cesse de croître. En effet, en vertu de leur modèle normatif d’égalité et de participation des citoyens, les sociétés d’accueil prévoyaient qu’à l’opposé de leurs parents, qui rencontrent nombre d’obstacles dus au contexte migratoire, cette « seconde » génération connaîtrait des parcours, tant professionnels qu’identitaires, largement similaires à ceux de leurs pairs d’implantation plus ancienne. Mais, comme chacun le sait aujourd’hui, le hiatus continue souvent à être marqué à cet égard, bien que les résultats puissent varier d’un contexte à l’autre selon les caractéristiques initiales des immigrants ou les politiques plus ou moins actives d’accueil qui les visaient. En témoignent des données de recherche variées largement concordantes ainsi que divers phénomènes touchant ces jeunes qui font régulièrement les manchettes (conflits avec des institutions de la société d’accueil, violence, voire même attirance vers des mouvements marginaux). Qui plus est, ces problèmes ne se limitent pas aux pays européens où l’immigration a été subie plutôt que planifiée et qui a longtemps vécu dans le mythe du retour. Elles touchent également des sociétés traditionnelles d’immigration comme le Canada et l’Australie ou encore la Grande-Bretagne, qui a longtemps fait cavalier seul en Europe par son ouverture au multiculturalisme.
Le projet d’un ouvrage sur l’état de l’intégration de la seconde génération en France et au Québec apparaît donc comme très pertinent, même si l’on peut regretter que les responsables du collectif se soient limités à ces deux sociétés. En effet, si la France constitue souvent une société de référence pour le Québec, ce n’est guère le cas dans le domaine des politiques migratoires ou de reconnaissance de la diversité. Une comparaison avec des sociétés qui vivent des défis plus similaires aux nôtres (par exemple le Canada anglais, l’Australie, voire la Grande-Bretagne) aurait probablement été plus féconde. Quoi qu’il en soit, on ne saurait en tenir rigueur aux trois jeunes chercheurs qui ont mené cette entreprise, soit Maryse Potvin de l’UQAM, Paul Eid de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec et Nancy Venel de l’Université Lumière-Lyon 2. Ils ont réussi à produire ici un ouvrage intéressant, regroupant dix contributions de chercheurs français ou québécois chevronnés et qui touche à la fois aux mécanismes de participation, d’insertion et d’exclusion des jeunes de la seconde génération et à la dynamique de production de leurs appartenances et de leurs identités.
Cependant, le livre n’est pas sans limites, surtout si l’on tient compte de son sous-titre, Une comparaison France-Québec, dont l’ambition ne paraît guère avoir été menée à terme. Tout d’abord, la comparabilité des deux situations de départ, et donc de la transférabilité des problématiques ou des expériences, n’a pas été analysée avec rigueur. C’est particulièrement évident dans la préface de François Dubet qui, toute intéressante et sophistiquée soit-elle, est, comme on pouvait s’y attendre, un modèle de discours franco-français. Mais c’est aussi le cas de la préface introductive des trois responsables de l’ouvrage qui cerne mal les différences fondamentales des contextes français et québécois. De plus, les contributions ne sont pas équivalentes de part et d’autre de l’Atlantique et ce, tout particulièrement dans la première partie, Mécanismes de participation, d’insertion et d’exclusion, qui compte trois articles français et un seul article québécois. Les premiers brossent un portrait complexe des modalités d’insertion socioprofessionnelle et des pratiques discriminatoires en France, notamment grâce à la contribution remarquable de Patrick Simon, qui dresse un bilan d’ensemble de l’état de la situation de la seconde génération. Mais, l’unique contribution québécoise, celle de Myriam Simard, au demeurant excellente, porte sur les jeunes vivant en région, une problématique dont on connaît toute la marginalité dans notre contexte. Finalement, dans la seconde partie, Production des appartenances et des identités, qui compte des articles un peu plus similaires, le problème qui se pose est plutôt celui de la redondance des contributions nationales respectives. Ainsi par exemple, les articles de Nancy Venel sur « Les bricolages identitaires des jeunes Français d’origine maghrébine » et de Nacira Guenif Souilamas sur « Les figures de Français d’ascendance immigrante et coloniale » auraient dû être davantage mis en lien à travers un échange fécond entre leurs auteures. Il en est de même des articles de Maryse Potvin, « Blackness, haïtienneté et québécitude », de Paul Eid, « Genre et ethnicité dans la construction identitaire de la deuxième génération d’origine arabe au Québec » et de Michel Pagé et Marie-Hélène Chastenay, « Rapport à la citoyenneté et diversité chez les collégiens québécois de deuxième génération ». Une réflexion sur l’origine des différences entre les conclusions des trois études aurait été intéressante.
En résumé, si l’on aborde cet ouvrage comme un ensemble d’articles portant sur des thématiques pertinentes liées à la seconde génération, parfois en France, parfois au Québec, on le lira avec intérêt, surtout certaines contributions particulièrement articulées (pour la France, Patrick Simon et Nancy Venel ; pour le Québec, Maryse Potvin et Paul Eid). Mais on ne trouvera pas un livre véritablement intégré. Les responsables n’ont pas su le produire, au-delà d’une opération essentiellement cosmétique (par exemple, nommer les articles, chapitres ou encore rédiger une introduction et une conclusion communes), sans doute demandée par la maison d’édition, en ces temps où les collectifs sont mal considérés. Cependant, étant donné l’ampleur et la qualité des articles qu’ils ont colligés, on devrait les encourager à réaliser ultérieurement une véritable synthèse comparative des enjeux abordés.