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Né à Lévis, Pierre Roberge a fait ses études de sociologie à l’Université Laval. Après avoir étudié une année à Paris, il amorce une carrière d’enseignement à l’Université York de Toronto qu’il poursuivra durant près de dix ans. De retour au Québec à la fin des années 1970, il se tourne vers la recherche, d’abord à l’Université Laval, puis dans la fonction publique québécoise où il a oeuvré pendant 23 ans, principalement en évaluation de programmes.
Pierre Roberge a fait partie de l’équipe de recherche ASOPE (Aspirations Scolaires et Orientation Professionnelle des Étudiants), la première recherche longitudinale au Québec qui s’est déroulée de 1972 à 1978, sous la direction des professeurs Guy Rocher et Pierre-W. Bélanger. Il y a produit un certain nombre de documents de recherche dont « Le nombril vert et les oreilles molles : l’entrée des jeunes québécois dans la vie active dans le second tiers des années 1970 », qui retrace les parcours de finissants des niveaux secondaire, collégial et universitaire. Il est ensuite entré dans la fonction publique, au Conseil des Universités, puis il s’est joint à la Direction de l’évaluation au ministère de la Santé et des Services sociaux, où il travailla pendant une vingtaine d’années. Parmi plusieurs travaux qu’il a réalisés, notamment sur le système québécois de protection de la jeunesse et de services aux jeunes, il faut se rappeler particulièrement son rapport intitulé « Le système québécois d’aide aux jeunes en difficulté et à leurs parents : esquisse et questions » (1991). Cette étude et d’autres subséquentes ont été et sont encore utilisées pour bien saisir la réalité complexe qui est en cause et pour identifier les meilleures voies d’amélioration des services dans ce domaine. Il a enfin travaillé au ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale durant les trois dernières années de sa carrière, s’attachant à la production d’analyses sur la situation des jeunes de 18 à 30 ans et sur les compétences de base de la main-d’oeuvre. Ses travaux se distinguent par la justesse et la rigueur remarquable des descriptions et analyses des réalités québécoises, par un esprit critique aiguisé et habité par une évidente érudition. Tous ont pu apprécier la qualité et la richesse de son écriture. Aborder la lecture d’un rapport écrit par Pierre Roberge, c’est non seulement s’engager dans une démarche éminemment instructive, mais c’est aussi vivre une expérience de lecture hors du commun. Un style très personnel, vivant, imagé, toujours signifiant, parfois incisif, très loin de la langue de bois tant prisée dans les officines.
Pierre Roberge a suivi un itinéraire personnel, à la fois conventionnel et marqué par la différence, animé par la volonté de « faire autrement ». Homme engagé et toujours prêt à défendre ses convictions et ses valeurs, il revendiquait la capacité de penser librement tout en étant ouvert à l’idée de l’autre. Québécois assuré et assumé, culture francophone impeccable, cela ne l’empêchait pas de se nourrir de la culture de nos concitoyens anglophones. Anglophile reconnu, pratiquant et fier de l’être, il démontrait, là aussi, une liberté de pensée peu commune face à la « rectitude politique » de l’époque. On gardera de lui le souvenir d’un intellectuel à l’esprit libre, habité par la passion et par l’amour de la connaissance.