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Pour avoir une bonne idée du contenu du livre de Marc-Urbain Proulx, il est indispensable de s’attarder aux sous-titres. L’organisation territoriale du Québec y est abordée selon un angle multidisciplinaire avec une perspective historique. L’économie des territoires est en fait une analyse de la multiplicité des interrelations d’ordres biophysique, géographique. économique, politique et administratif qui concourent à la diversité régionale du Québec. La dimension économique est ainsi abordée en référence à un vaste ensemble de facteurs organisationnels et structurels.
L’étude des territoires est réalisée en mettant à profit les outils de la science régionale. Le Québec est ainsi analysé à travers les nombreux concepts et théories qui articulent la complexe problématique de l’aménagement et du développement. La gestion du territoire avec les nombreux organismes existants et leurs modalités d’intervention est aussi un aspect qui retient beaucoup d’attention de la part de l’auteur. Bien que toutes les composantes de la structure de peuplement du Québec soient prises en compte, Proulx a choisi de privilégier l’analyse des espaces non métropolitains. Cela ne l’empêche toutefois pas de bien mettre en évidence le rôle structurant des villes et agglomérations urbaines sur le tissu de peuplement québécois et sur le développement et l’évolution de son économie.
Le livre est découpé en 14 chapitres regroupés sous trois grands thèmes : l’aménagement des territoires, la gestion à l’échelle des territoires et le développement des territoires. La section ayant pour thème l’aménagement des territoires comprend quatre chapitres intitulés respectivement : la dispersion des lieux, la distance à franchir, la polarisation dans l’espace et la dynamique spatio-économique contemporaine. Ces titres qui font tous référence à l’aménagement coiffent des contenus qui traitent de la forte interrelation entre aménagement et développement. Ils sont aussi indicatifs des thèmes majeurs que privilégie l’auteur dans son analyse spatiale. Tous ces éléments sont aussi abordés avec une mise en évidence du rôle des interventions du passé dans la construction du contexte actuel. L’exploitation des ressources occupe à cet égard une place importante. Tout en étant des facteurs de localisation, les ressources sont aussi responsables de l’étalement du tissu de peuplement et de la diversification socio-économique des territoires.
L’étude de la transformation de la structure spatiale conduit à une analyse originale concernant l’évolution des agglomérations urbaines du Québec. En tenant compte tout particulièrement de l’évolution de l’emploi, de la population et des échanges, Proulx en arrive à une lecture de la dynamique spatiale qui nuance et enrichit la traditionnelle dichotomie centre-périphérie. Il procède à une reconfiguration de la division spatiale des activités économiques structurées en fonction des centres de production, de consommation et d’extraction.
La deuxième partie du livre, consacrée à la gestion, est introduite par un chapitre sur les aires et leur contenu. Ce chapitre qui aurait aussi eu sa place dans la première partie consacrée à l’aménagement du territoire, contribue à souligner l’importance de la dimension territoriale de la gestion privilégiée par l’auteur. La formation, l’évolution et la gestion de différentes catégories d’entités territoriales dont tout particulièrement les municipalités et les régions administratives sont au coeur de l’analyse dans deux sections consacrées spécifiquement à la gestion des territoires. La multiplicité et la rapidité des changements qui se sont opérés et la transformation incessante des découpages administratifs témoignent à la fois de l’évolution rapide de la structure de peuplement et des mécanismes et moyens de gestion et de contrôle mis en place aux différentes échelles spatiales. Une très intéressante analyse sur la décentralisation termine cette deuxième partie du travail. Après avoir rappelé l’histoire de la démarche décentralisatrice, Marc-Urbain Proulx s’attarde à en montrer les avantages et les inconvénients et surtout les difficultés à trouver le mode de décentralisation le plus approprié. Il s’agit sans aucun doute d’une des analyses les plus éclairantes produites sur le sujet.
La troisième partie du livre porte sur le développement des territoires. Dans six chapitres différents, l’auteur analyse la situation québécoise en référence aux théories et modèles existants, au contexte mondial et aux modalités d’interventions gouvernementales, le tout étant considéré dans une perspective historique. Les aspects théoriques viennent encadrer une analyse empirique mettant en relief les multiples dimensions du développement avec leur spécificité territoriale. Ainsi, après un chapitre dans lequel il résume huit modèles de développement régional, il fournit une étude de l’évolution économique de chacune des grandes régions du Québec non métropolitain de 1850 à 2000 en s’inspirant du modèle de la croissance économique de Rostow. L’évolution différenciée de chacune des régions est particulièrement bien mise en évidence. Plus loin, ce sont les MRC qui servent de périmètres de référence à une étude sur l’évolution et le potentiel industriels. Le dernier chapitre du livre aborde la politique territoriale et fait état de l’approche qui prévaut actuellement au Québec en matière de développement régional et des nombreuses transformations qu’elle a connues au cours des ans.
En plus de bien renseigner sur l’état du développement territorial au Québec, le livre présente de nombreux exemples étrangers. Ce contexte élargi permet de mieux relativiser le cas québécois. L’examen de politiques régionales présentement en vigueur à travers le monde est à cet égard très instructif. Même si l’analyse demeure sommaire, elle permet de constater la grande diversité de stratégies utilisées et pourrait même inspirer nos décideurs pour d’éventuelles réorientations des politiques régionales en vue d’atténuer les disparités territoriales.
Bref voilà un livre très intéressant, fortement documenté, qui renseigne tout autant sur les aspects théoriques du développement territorial que sur les réalités socio-économiques des diverses régions du Québec. La perspective historique largement utilisée aide à mieux saisir les enjeux actuels du développement et de l’aménagement en plus de bien illustrer les diverses phases de construction du Québec. L’analyse des processus et facteurs de développement régional dans leurs interrelations avec les cadrages administratifs et l’intervention des acteurs peut constituer une importante source de référence et d’inspiration pour les intervenants du développement territorial et de l’aménagement. La structure du travail en fait aussi un outil didactique de grande utilité pour les étudiants de niveau universitaire.