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INTRODUCTION

Quality-of-life studies will force us to come out from the comfort of technologic medicine into a world that is less concrete and less controllable but more human.

Les études de la qualité de vie vont nous forcer à sortir du confort des technologies médicales, pour un monde qui est moins concret et moins contrôlable, mais plus humain.

Schipper, 1983, p.1369; traduction libre

En 1946, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) stipule qu’une bonne santé n’est plus seulement basée sur l’absence de maladie ou d’infirmité, mais que cela représente plutôt « […] un état de complet bien-être physique, mental et social [...] ». Ce changement de conceptualisation de la santé, combiné à un mouvement ayant émergé durant les années 1960 qui soulève la pertinence d’étudier les conditions de vie des individus par le biais d’indicateurs sociaux, a favorisé le développement d’un intérêt scientifique pour l’étude de la qualité de vie (p. ex., Ben-Arieh et al., 2014). Ce champ d’études a évolué et plusieurs domaines (philosophique, économique, psychologique, sociologique et médical) se sont intéressés à la conceptualisation de la qualité de vie et aux manières de la mesurer (Eiser et Morse, 2001). En 2014, Koot et Wallender ont proposé une définition de la qualité de vie qui relève les points communs de la littérature scientifique, soit : « […] un mélange de bien-être objectif et subjectif dans plusieurs aspects de la vie se manifestant dans un espace temporel et culturel donné et respectant les droits de la personne considérés comme universels ».

L’intérêt envers la qualité de vie durant l’enfance a débuté, au cours des années 1990, dans un contexte de plus grande reconnaissance de cette période développementale (Lippman, 2007). Plusieurs exemples caractérisent cette reconnaissance tels que l’augmentation des droits et libertés des enfants, l’intérêt scientifique d’étudier cette période développementale, ainsi que le souhait de mieux évaluer les conditions de vie des enfants par le biais d’indicateurs sociaux (Ben-Arieh et al., 2014). L’étude de la qualité de vie s’est d’abord manifestée pour les enfants nécessitant des soins reliés à des problèmes de santé, pour ensuite se généraliser aux enfants présentant un trouble de santé mentale (Lippman, 2007; Wallander et al., 2001). La pertinence d’étudier la qualité de vie des enfants a été soulevée dans la littérature scientifique sur différents plans. D’un point de vue individuel, la mesure de la qualité de vie permet d’évaluer l’expérience subjective, de cibler les sphères de qualité de vie affectées et d’évaluer les effets potentiels du soulagement des symptômes dans le cas de l’introduction d’un traitement (Eiser et Morse, 2001; Fayers et Machin, 2007; Koot et Wallender, 2014). D’un point de vue sociétal, cette mesure peut orienter les prises de décision dans le système de la santé et de l’éducation, sur le plan des politiques ou lorsque des traitements disponibles sont comparés (p. ex., dans les lignes directrices abordant le traitement d’un trouble de santé mentale) (Maxwell, 2001).

Les enfants avec le SGT

Le syndrome de Gilles de la Tourette (SGT) est un trouble neurodéveloppemental qui touche 0,77 % des enfants (Freeman et al., 2000; Knight et al., 2012; Scharf et al., 2015). Ce trouble se caractérise par la présence de multiples tics moteurs et d’au moins un tic sonore, qui surviennent avant l’âge de 18 ans et qui perdurent plus d’un an (APA, 2013). Les tics présentent une nature changeante impliquant des variations sur le plan de la fréquence, de l’intensité, de la localisation et de la complexité, ils tendent toutefois à atteindre leur période de sévérité maximale entre l’âge de 10 et 12 ans (Cohen et al., 2013; Leckman et al., 1998). Le SGT entraîne plusieurs répercussions dans la vie quotidienne d’un enfant, notamment une plus grande probabilité de vivre de la stigmatisation et de la victimisation (Rivera-Navarro et al., 2014), d’avoir une moins bonne estime de soi et de présenter des problèmes émotionnels (Roessner et al., 2013), d’avoir une moins bonne communication intrafamiliale (Matthew et al., 1985) et d’avoir de moins bons résultats scolaires (Eapen et al., 2013).

Les enfants avec le SGT sont six fois plus à risque de présenter un autre trouble de santé mentale que les enfants issus de la population générale (Bitsko et al., 2013). Les deux troubles les plus associés au SGT sont le trouble de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) dans 60 à 70 % des cas (Giraldo et al., 2013; Khalifa et Von Knorring, 2006) et le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) dans 10 à 25 % des cas (Ghanizadeh et Mosallaei, 2009; Scharf et al., 2012). L’étude de Lebowitz et collaborateurs (2012) révèle que la présence concomitante du TDAH tend à amplifier les problèmes comportementaux et le stress psychosocial, tandis que la présence concomitante du TOC augmenterait les symptômes anxieux et dépressifs ainsi que la sévérité des tics (n = 158; âges 6 à 14,5 ans). La présence combinée de ces trois troubles mène à une grande possibilité d’avoir des difficultés sur le plan du sommeil et de la gestion de la colère (Freeman et al., 2000). Ainsi, la présence de troubles associés chez les enfants avec le SGT tend à complexifier le portrait clinique et le pronostic de cette population (Cavanna et al., 2009; Robertson, 2000).

L’étude de la qualité de vie chez les enfants avec le SGT

Deux revues de littérature scientifique systématique ont porté sur la qualité de vie des enfants et adultes avec le SGT depuis la dernière décennie (23 études au total) (Cavanna et al., 2013a; Evans et al., 2016). Les deux études montrent que les individus avec le SGT présentent une moins bonne qualité de vie que les individus de la population générale et que plusieurs sphères de vie sont affectées (p. ex., sphère sociale, familiale, cognitive, psychologique et physique). Cavanna et collaborateurs (2013a) concluent que chez les enfants, les variables qui viendraient expliquer une moins bonne qualité de vie sont la sévérité des tics (quatre des neuf études identifiées), ainsi que les manifestations du TDAH et du TOC (sept des neuf études identifiées). Une recension des écrits, qui porte sur la qualité de vie, les relations sociales, ainsi que les troubles associés des personnes avec le SGT, soulève aussi le rôle des symptômes du SGT et de ses troubles associés sur la qualité de vie des enfants (Eapen et al., 2016). Les auteurs proposent que l’interaction entre les tics et les symptômes des troubles associés accentue le cercle vicieux des expériences négatives (p. ex., certaines difficultés reliées à la socialisation combinées à une perception négative du SGT augmenteraient les possibilités d’expériences négatives sur le plan des relations sociales) et mène à une moins bonne qualité de vie.

À ce jour, deux études ont observé les effets de variables reliées à la famille sur la qualité de vie d’enfants avec le SGT. Liu et collaborateurs (2017) identifient que certains éléments présents dans l’environnement familial ont un effet positif sur la qualité de vie de 107 enfants âgés de 9 à 11 ans avec le SGT, tels que l’organisation, la participation à des loisirs et la cohésion familiale. L’étude d’Erbilgin et Kilincaslan (2019) révèle qu’un meilleur fonctionnement familial est associé à une meilleure qualité de vie chez 54 enfants âgés de 7 à 18 ans avec le SGT (p = 0,05, r  = 0,27). Dans les études effectuées auprès d’enfants présentant des problèmes reliés à la santé (p. ex., diabète et brûlures), il apparait que ce serait plutôt le fait d’avoir de bonnes relations familiales, qui serait associée une meilleure qualité de vie (Landolt, Grubenmann et Meuli, 2002; Rybak et al., 2017). Ainsi, il serait intéressant de voir si la qualité des relations familiales influence la qualité de vie des enfants avec le SGT.

Une bonne estime de soi, définie comme étant l’évaluation subjective positive de ses caractéristiques personnelles (Vallerand, 2006), est une autre variable qui viendrait indiquer une meilleure qualité de vie (Standage et Gillison, 2007). Plusieurs études ont soulevé le rôle déterminant d’une bonne estime de soi chez des enfants présentant divers problèmes reliés à la santé (p. ex., maladies du coeur et problèmes dentaires), dans l’atteinte d’une meilleure qualité de vie (Agou et al., 2008; Cohen et al., 2007). Une seule étude explore les effets de l’estime de soi sur la qualité de vie d’enfants présentant des tics. L’étude, de Hesapçıoğlu et collaborateurs (2014), basée sur 57 enfants âgés de 6 à 16 ans avec des troubles tics, indique qu’une moins bonne estime de soi est significativement liée à une diminution de la qualité de vie (r = -0,34; p = 0,017).

L’essai critique de Schipper (1983) révèle que l’étude de la qualité de vie est nécessaire pour saisir l’individu dans toute sa subjectivité et sa complexité, ce qui la rend donc complémentaire aux méthodes empiriques traditionnelles. Les premières études portant sur la qualité de vie des enfants avec le SGT, ont été principalement tenues en Europe et en Amérique, dans la perspective de mieux comprendre les effets des variables reliées aux symptômes du SGT sur la qualité de vie (p. ex., sévérité des tics, de l’hyperactivité, de l’impulsivité, des obsessions et compulsions). Par ailleurs, il semble essentiel d’avoir un regard global sur d’autres variables qui peuvent influencer la qualité de vie. La qualité des relations familiales et l’estime de soi sont des variables reconnues dans la littérature scientifique, comme pouvant jouer un rôle sur la qualité de vie des enfants. Une compréhension plus globale des variables expliquant la qualité de vie des enfants avec le SGT au Québec pourrait permettre de s’assurer, que les soins de santé et les services sociaux visant ces enfants soient mieux adaptés à leur réalité et à leurs besoins, tout en s’assurant de favoriser leur bien-être (Eddy et al., 2011).

L’objectif de la présente étude est d’évaluer l’effet de différentes variables sur la qualité de vie d’enfants ayant le SGT, notamment des variables symptomatiques, personnelles et familiales. Les hypothèses sont les suivantes : 1) des symptômes de tics ou de troubles associés (TOC et TDAH) plus sévères sont associés à une meilleure qualité de vie des enfants ayant le SGT; 2) une estime de soi ou une qualité des relations familiales plus faibles sont associées à une moins bonne qualité de vie des enfants ayant le SGT.

MÉTHODE

Participants

L’échantillon de la présente étude inclut un total de 58 participants (âge moyen : 9,97 ans; ÉT = 1,35), qui sont majoritairement des garçons (n = 47).

Les critères d’inclusion de cette étude sont les suivants : a) âge de l’enfant entre 8 et 12 ans; b) diagnostic de SGT tel que rapporté par un parent; c) stabilité de la prise d’un médicament depuis au moins un mois avant l’étude. Le critère d’exclusion est la présence d’un diagnostic d’un trouble du spectre de l’autisme ou de déficience intellectuelle, afin de s’assurer de la compréhension du contenu des différents instruments de mesure.

Instruments de mesure

Questionnaire sociodémographique

Un questionnaire sociodémographique a été créé par une équipe de recherche du Centre d’études sur les troubles obsessionnels compulsifs et les tics; cet instrument de huit questions cible différentes caractéristiques descriptives, notamment l’âge et le sexe de l’enfant, son milieu scolaire, sa situation familiale, sa prise de médication et le portrait diagnostic.

Instruments de mesure de la qualité de vie

L’Inventaire de la qualité de vie pédiatrique (PedsQL; Varni et al., 1999) est un instrument de mesure qui évalue la perception de l’enfant sur le plan de quatre dimensions de la qualité de vie : physique, émotionnelle, sociale et familiale. Cet instrument de 23 questions est de type générique, c’est-à-dire qu’il peut être administré à différentes populations (Patrick et Deyo, 1989). Cet outil détient de bonnes propriétés psychométriques avec une consistance interne élevée (alphas de Cronbach de 0,68 à 0,9), et des facteurs stables (une analyse factorielle relève un modèle à cinq facteurs représentant 52 % de la variance) (Varni et al., 2001).

Le Gilles de la Tourette Syndrome-Quality of Life Scale for children and adolescents (SGT-EQV-CA; Cavanna et al., 2013b) est un questionnaire qui mesure la qualité de vie chez l’enfant avec le SGT selon quatre domaines : psychologique, physique, cognitif et obsessionnel-compulsif. Le SGT-EQV-CA est donc un instrument de mesure de type spécifique, considérant qu’il est adapté à une population donnée (Patrick et Deyo, 1989), et il comprend 28 questions, en plus d’avoir une échelle mesurant la satisfaction de vie. La version originale de cet instrument de mesure étant en italien, une traduction maison a été utilisée basée sur la méthode de « translation-backtranslation » (OMS, 2018). Les qualités psychométriques de la version originale du SGT-EQV-CA sont bonnes, avec une consistance interne élevée (alphas de Cronbach de 0,7 à 0,9) et une validité de construit de moyenne à bonne (corrélations entre 0,4 et 0,7 entre les différentes sous-échelles).

Instruments de mesure des variables indépendantes de la qualité de vie

Le Yale Global Tic Severity Scale (YGTSS; Leckman et al., 1989) est utilisé pour mesurer la sévérité des tics auprès des enfants. Cet instrument de mesure est utilisé sous la forme d’entrevue structurée. Le YGTSS a de bonnes propriétés psychométriques, avec une consistance interne élevée (alpha de Cronbach = 0,93 et 0,94) et une bonne fiabilité interjuges (corrélations intra-classes = entre 0,62 et 0,85).

La version parent du Conners (troisième version) a été utilisée pour évaluer les symptômes du TDAH (Conners, 2008). Cet instrument de mesure de 27 questions présente une consistance interne élevée (alphas de Cronbach de 0,77 à 0,97) et une fiabilité interjuges de moyenne à excellente (corrélations entre les items de 0,71 à 0,98; corrélations intra-classes de 0,52 à 0,94).

Le Children’s Yale-Brown Obsessive Compulsive Scale (CY-BOCS; Goodman et al., 1986), est utilisé afin d’évaluer la sévérité des symptômes du TOC chez l’enfant. Le CY-BOCS, est un instrument de mesure de dix questions, qui a une consistance interne élevée (alpha de Cronbach = 0,86) et qui a une bonne fiabilité interjuges (corrélations de 0,66 à 0,91) (Scahill et al., 1997).

Le Battle culture free self-esteem inventory for Children (BATTLE; Battle, 1992), permet d’évaluer la perception de l’enfant de son estime de soi d’un point de vue social, scolaire, familial et général. Cet instrument de mesure comprend 30 questions, il a une bonne fidélité test-retest (corrélations de 0,79 à 0,92) ainsi qu’une consistance interne élevée (alphas de Cronbach supérieurs à 0,8)

Pour évaluer la qualité des relations familiales chez l’enfant, l’adaptation française réalisée par l’équipe de Untas et collaborateurs (2011) du Family Relationship Index (FRI; Moos et Moos, 2002) a été utilisée. Ce questionnaire de 24 questions a une bonne fidélité test-retest (corrélations de 0,77 à 0,85) et une bonne consistance (alphas de Cronbach de 0,62 à 0,79).

Procédure

Les participants de cette étude sont issus de deux modes de recrutement. Le premier s’est déroulé au Centre d’études sur les troubles obsessionnels compulsifs et les tics, dans le cadre de différents projets de recherche de plus grande envergure (évaluation de traitements pour les tics ou pour la gestion des épisodes explosifs; n = 38). Les participants ont alors été recrutés par le biais de références cliniques de professionnels et de publicité via les médias et l’Association québécoise du syndrome de la Tourette. Ils ont complété une batterie de questionnaires administrés par une évaluatrice (étudiante en psychologie formée par la deuxième auteur de cet article), à différents temps de mesure (n = 38). Seul le premier temps de mesure a été utilisé pour le bien de la présente étude, ainsi que les résultats aux instruments de mesure mentionnés ci-haut.

Le deuxième mode de recrutement s’est effectué de manière indépendante, afin de répondre aux objectifs de cette étude en augmentant la taille de l’échantillon (n = 20). Les participants ont été recrutés par le biais d’une annonce qui a été publiée via les médias sociaux et l’Association québécoise du syndrome de la Tourette. Une étudiante au doctorat en psychologie (première auteure de la présente étude) a passé les questionnaires sous forme d’une entrevue structurée. La passation des tests a eu lieu à l’Université du Québec à Montréal (n = 6), dans une pièce isolée dans la maison de l’enfant (n = 12) ou via Skype (n = 2).

La présente étude a été approuvée par le comité éthique du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal (premier mode de recrutement) et le Comité d’éthique de la recherche pour les projets étudiants impliquant des êtres humains de l’Université du Québec à Montréal (deuxième mode de recrutement). Pour l’ensemble des participants à l’étude ainsi que leurs parents, il a été obtenu un consentement éclairé.

Analyses statistiques

Les données descriptives de l’échantillon ont été comparées en fonction du type de recrutement par le biais de tests t pour les variables continues, de tests de chi-carré et de tests de Fisher pour les variables catégorielles.

Afin de pouvoir évaluer les variables indépendantes pouvant influencer la qualité de vie d’enfants avec le SGT, des régressions linéaires multiples ont été effectuées. Les postulats de base nécessaires en ce qui a trait aux régressions linéaires, ont été vérifiés notamment la normalité des résidus, l’homoscédasticité et la multicolinéarité. Les variables indépendantes ciblées sont les scores globaux des mesures de sévérité des tics, des symptômes des troubles associés, d’estime de soi et de relations familiales. Le critère minimal de dix participants par variable indépendante a été respecté (VanVoorhis et Morgan, 2007). La variable dépendante est la qualité de vie telle que mesurée par les scores globaux des deux instruments de mesure, l’échelle de satisfaction de vie et les sous-échelles. Des corrélations préalables ont été faites entre les variables à l’étude pour préciser comment ces différentes variables peuvent s’influencer entre elles. En raison de données manquantes au FRI (qualité des relations familiales, n = 17), une imputation multiple a été effectuée pour répondre aux objectifs de l’article.

RÉSULTATS

Description de l’échantillon

La majorité des participants (77,2 %) prennent un à quatre médicaments (M = 1,75; ÉT = 1,27; n = 44), qui varient en termes de molécules, mais qui sont la plupart du temps soit des psychostimulants (n = 27) ou des antipsychotiques (n = 20)[3]. Du point de vue de l’état matrimonial des parents des participants, 61,4 % de ceux-ci sont conjoints de fait ou mariés (n = 35), 35,1 % sont séparés ou divorcés (n = 20) et 3,5 % sont décédés (n = 2). Parmi les 46 participants fréquentant une classe ordinaire (80,7 % de l’échantillon), 21,05 % de ceux-ci sont accompagnés par des éducateurs (n = 8). Les participants fréquentant des classes spécialisées pour des difficultés d’ordre comportemental (n = 8) ou des classes spécialisées pour des difficultés d’apprentissage (n = 2) représentent 19,3 % de l’échantillon. Le nombre moyen de troubles associés présents chez les participants est de 1,91 (ÉT = 1,71). Les troubles les plus fréquemment associés sont le TDAH (75,44 %), le trouble oppositionnel avec provocation (15,5 %), les troubles du sommeil (14 %), le TOC (13,8 %) et les troubles anxieux (13,8 %).

Les données descriptives de l’échantillon, telles que rapportées par un questionnaire sociodémographique, ont été comparées en fonction du mode de recrutement (groupe recruté à un centre de recherche et groupe indépendant). Les tests à échantillons indépendants ne révèlent pas de différence significative, selon le type de recrutement pour les données descriptives suivantes : l’âge, le sexe, l’état matrimonial des parents, les diagnostics de TOC, de troubles de comportement, de troubles anxieux et de troubles du sommeil. Les deux groupes semblent toutefois se différencier du point de vue du type de classe en milieu scolaire (X2 [3,57] = 10,391, p = 0,011), de la prise de médicament (X2 [1,57] = 10,39, p = 0,042), du nombre total de médicaments (t [55] = -2,20, p = 0,006), du nombre total de nombre de troubles associés présents ([55] = -4 496, p = 0,000), du diagnostic de TDAH (X2 [1,57] = 5,72, p = 0,022), du diagnostic de TOP (X2 [1,57] = 5,34, p = 0,048) et du diagnostic de troubles anxieux (X2 [1,57] = 7,27, p = 0,013). Le Tableau 1 présente un aperçu des données sociodémographiques. À noter qu’outre le sexe et l’âge des participants, seules les données présentant des différences significatives, selon le recrutement donné, ont été mises dans ce tableau.

Dans les deux groupes, les résultats aux instruments de mesure de cette étude montrent qu’aucune différence significative n’est présente pour la qualité de vie, la sévérité des tics, l’estime de soi et la qualité des relations familiales. Des différentes significatives sont seulement observées pour les symptômes de TDAH (t [56] = -2,77, p = 0,007) et les symptômes du TOC (t [55] = 4,48, p = 0,000). Dans le groupe de recrutement indépendant, il est observé des symptômes plus élevés du TDAH et du TOC. Le Tableau 2 résume les statistiques descriptives obtenues aux différents instruments de mesure.

Liens entre les variables

Afin d’éliminer certains biais potentiels, des corrélations ont été faites entre les variables à l’étude. Une corrélation négative et significative est observée entre les scores globaux des deux instruments de mesure de qualité de vie ([58] = -0,64, p < 0,001). La satisfaction de vie est significativement corrélée avec les scores globaux du SGT-EQV-CA ([58] = -0,30, p < 0,05) et du PEDSQL (r [58] = 0,40, p < 0,01) ainsi qu’avec les symptômes du TOC (r [58] = -0,29, p < 0,05) et l’estime de soi ([58] = 0,47, p < 0,001). Pour le score global du SGT-EQV-CA, des corrélations significatives sont observées avec la sévérité des tics ([58] = 0,40, p < 0,001), les symptômes du TDAH (r [58] = 0,28, p < 0,05) et l’estime de soi (r [58] = -0,30, p < 0,05). Dans le cas du score global du PEDSQL, des corrélations significatives sont observées avec la sévérité des tics (r [58] = -0,27, p < 0,05), les symptômes du TDAH (r [58] = -0,29, p < 0,05) et l’estime de soi (r [58] = 0,50, p < 0,001).

Des corrélations significatives sont observées entre la sévérité des tics et deux autres variables indépendantes, soit les symptômes du TDAH ([58] = 0,27, p < 0,05) et l’estime de soi (r [58] = -0,33, p < 0,05). Le Tableau 3 présente les corrélations obtenues.

Régressions multiples

Pour répondre à l’objectif de l’étude, des régressions linéaires multiples globales ont été effectuées avec l’ensemble des variables indépendantes identifiées. Il a été vérifié les principaux postulats de base nécessaires en lien avec les régressions multiples; pas de déviance de résultats dans les graphiques concernant la normalité des résidus et l’homoscédasticité n’a pas été observée, et la prémisse de multicolinéarité a été écartée (valeurs VIF < 2). Le modèle de régression pour le score global du PEDSQL (qualité de vie) s’avère significatif, F(5,320) = 28,46, p < 0,01, R2 = 0,31. Plus spécifiquement, une estime de soi plus élevée est significativement associée à une meilleure qualité de vie (β = 0,42, p = .001, rp = 0,42) et explique 15,21 % de la variance de la qualité de vie, au-delà de la variance expliquée par les autres variables indépendantes. Le modèle de régression pour le score global du SGT-EQV-CA (qualité de vie) est aussi significatif, F(5,320) = 21,65, p < 0,01, R2 = 0,33. Dans ce modèle, des symptômes de tics plus sévères sont significativement associés à une moins bonne qualité de vie (β = 0,35, p = 0,012, rp = 0,32) et expliquent 9 % de la variance de la qualité de vie, au-delà de la variance expliquée par les autres variables indépendantes. Le modèle de régression pour le score de satisfaction de vie du SGT-EQV-CA s’avère significatif, F(5,320) = 24,17, p < 0,01, R2 = 0,27. Plus spécifiquement, une estime de soi plus élevée est significativement associée à une meilleure satisfaction de vie (β = 0,43, p = 0,001, rp = 0,42) et explique 16 % de la variance de la qualité de vie, au-delà de la variance expliquée par les autres variables indépendantes. Le Tableau 4 résume les résultats obtenus pour ces régressions.

Tableau 1

Caractéristiques de l’échantillon selon le type de recrutement

Caractéristiques de l’échantillon selon le type de recrutement

*p < 0,05, **p < 0,01; TDAH = trouble de déficit de l’attention/hyperactivité; TOP =  trouble d’opposition avec provocation et TA =  troubles anxieux.

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Tableau 2

Statistiques descriptives de l’échantillon

Statistiques descriptives de l’échantillon

Tableau 2 (continuation)

Statistiques descriptives de l’échantillon

Note. BATTLE = Battle culture free self-esteem inventory for Children; CYBOCS = Children’s Yale-Brown Obsessive Compulsive Scale; FRI = Family Relationship Index; SGT-EQV-CA = Gilles de la Tourette Syndrome-Quality of Life Scale for children and adolescents; PedsQL = Inventaire de la qualité de vie pédiatrique; YGTSS = Yale Global Tic Severity Scale; **p < 0,01

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Tableau 3

Corrélations entre les variables de l’étude

Corrélations entre les variables de l’étude

BATTLE = Battle culture free self-esteem inventory for Children; CYBOCS = Children’s Yale-Brown Obsessive Compulsive Scale; FRI = Family Relationship Index; SGT-EQV-CA = Gilles de la Tourette Syndrome-Quality of Life Scale for children and adolescents; PedsQL = Inventaire de la qualité de vie pédiatrique; YGTSS = Yale Global Tic Severity Scale;*p < 0,05, **p < 0,01

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Tableau 4

Résultats aux régressions linéaires multiples entre les scores globaux des mesures de qualité de vie (variables dépendantes) et les variables indépendantes

Résultats aux régressions linéaires multiples entre les scores globaux des mesures de qualité de vie (variables dépendantes) et les variables indépendantes

BATTLE = Battle culture free self-esteem inventory for Children; CYBOCS = Children’s Yale-Brown Obsessive Compulsive Scale; FRI = Family Relationship Index; SGT-EQV-CA = Gilles de la Tourette Syndrome-Quality of Life Scale for children and adolescents; PedsQL = Inventaire de la qualité de vie pédiatrique; YGTSS = Yale Global Tic Severity Scale;*p < 0,05, **p < 0,01; B = coefficient B non standardisé; β = coefficient B standardisé

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À titre exploratoire, des régressions linéaires ont été effectuées entre les sphères de qualité de vie et l’ensemble des variables indépendantes. Dans le PEDSQL, il y a quatre sphères de qualité de vie, soit les sphères sociale, physique, émotionnelle et scolaire. Le modèle de régression pour la sphère sociale du PEDSQL est significatif, F(5,320) = 21,81, p < 0,01, R2 = 0,25. Dans ce modèle, il ressort d’une part que des symptômes du TDAH plus élevés sont significativement associés à un score plus bas du point de vue de la sphère sociale (β = -0,34, p = 0,008, Rp  = -0,35) et d’autre part, qu’une estime de soi plus grande est significativement associée à un meilleur score de la sphère sociale (β = 0,29, p = .008, Rp = 0,30). Les symptômes du TDAH et l’estime de soi expliquent mutuellement 10,24 % et 7,29 % de la variance de cette sphère ; ce qui va au-delà de la variance expliquée par les autres variables indépendantes. Le modèle de régression pour la sphère physique du PEDSQL est aussi significatif, F(5,320) = 14,29, p < 0,01, R2 = 0,18. Plus spécifiquement, une estime de soi plus élevée est significativement associée à une meilleure sphère physique (β = 0,30, p = 0,02, Rp  = 0,30) et explique 7,84 % de la variance de cette sphère, au-delà de la variance expliquée par les autres variables indépendantes. Le modèle de régression pour la sphère émotionnelle du PEDSQL s’avère significatif, F(5,320) = 16,98, p < 0,01, R2 = 0,21. Dans ce modèle, une estime de soi plus élevée est significativement associée à une meilleure sphère émotionnelle (β = 0,37, p = 0,007, Rp = 0,36) et explique 11,56 % de la variance de cette sphère, au-delà de la variance expliquée par les autres variables indépendantes. Le modèle de régression pour la sphère scolaire du PEDSQL s’est avéré significatif, F(5,320) = 29,39, p < 0,01, R2 = 0,32. Dans ce modèle, il ressort d’une part que des symptômes du TDAH plus élevés sont significativement associés à un score plus bas du point de vue de la sphère scolaire (β = -0,26, p = 0,036, Rp = -0,28.) et d’autre part, qu’une estime de soi plus grande est significativement associée à un meilleur score de la sphère scolaire (β = 0,38, p = 0,003, R = 0,39.). Les symptômes du TDAH et l’estime de soi expliquent mutuellement 5,76 % et 12,25 % de la variance de cette sphère ; ce qui va au-delà de la variance expliquée par les autres variables indépendantes. Dans le SGT-EQV-CA, il y a quatre sphères de qualité de vie, soit les sphères cognitive, physique, obsessionnelle et psychologique. Le modèle de régression pour la sphère cognitive du SGT-EQV-CA est significatif, F(5,320) = 11,72, p < 0,01, R2 = 0,16. Plus spécifiquement, des symptômes du TDAH plus élevés sont significativement associés à un plus haut score à cette sphère (β = 0,38, p = 0,006, Rp = 0,36), ce qui indique une moins bonne sphère cognitive et explique 12,96 % de la variance de cette sphère, au-delà de la variance expliquée par les autres variables indépendantes. Le modèle de régression pour la sphère physique du SGT-EQV-CA est significatif, F(5,320) = 13,17, p < 0,01, R2 = 0,17. Plus spécifiquement, une plus grande sévérité des tics est significativement associée à un score plus élevé de la sphère physique (β = 0,42, p = 0,003, Rp = 0,37) ce qui indique une moins bonne sphère physique et explique 12,69 % de la variance de cette sphère, au-delà de la variance expliquée par les autres variables indépendantes. Le modèle de régression pour la sphère obsessionnelle du SGT-EQV-CA s’avère significatif, F (5,320) = 34,93, p < 0,01, R2 = 0,35. Plus spécifiquement, une plus grande sévérité des tics est significativement associée à un score plus élevé de la sphère obsessionnelle (β = 0,47, p = 0,000, Rp = 0,46), ce qui indique une moins bonne sphère cognitive et explique 16,81 % de la variance de cette sphère, au-delà de la variance expliquée par les autres variables indépendantes. Finalement, dans le cas de la sphère psychologique du SGT-EQV-CA, le modèle de régression ne s’est pas révélé significatif et aucune variable indépendante n'apparaît associée à cette sphère. Le Tableau 5 résume les résultats obtenus à ces régressions.

Tableau 5

Résultats aux régressions linéaires exploratoires entre les sphères de qualité de vie (variables dépendantes) et les variables indépendantes

Résultats aux régressions linéaires exploratoires entre les sphères de qualité de vie (variables dépendantes) et les variables indépendantes

Tableau 5 (continuation)

Résultats aux régressions linéaires exploratoires entre les sphères de qualité de vie (variables dépendantes) et les variables indépendantes

BATTLE =  Battle culture free self-esteem inventory for Children; CYBOCS = Children’s Yale-Brown Obsessive Compulsive Scale; FRI = Family Relationship Index; SGT-EQV-CA = Gilles de la Tourette Syndrome-Quality of Life Scale for children and adolescents; PedsQL = Inventaire de la qualité de vie pédiatrique; YGTSS = Yale Global Tic Severity Scale;*p < 0,05, **p < 0,01; B =  coefficient B non standardisé; β =  coefficient B standardisé.

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DISCUSSION

L’objectif du présent article était d’établir un portrait de la qualité de vie d’enfant québécois de 8 à 12 ans avec le SGT, par l’évaluation de l’effet de variables reconnues comme influençant la qualité de vie. Contrairement à ce qui est identifié dans la littérature scientifique qui met souvent de l’avant le rôle des troubles associés sur la qualité de vie des enfants avec le SGT, c’est l’estime de soi qui se démarque dans la présente étude comme jouant un rôle central à cet égard. Les symptômes de tics ainsi que les symptômes du TDAH ont également montré qu’ils avaient un rôle dans l’atteinte d’une qualité de vie optimale; ce rôle est toutefois plus spécifique que l’estime de soi. Seules les hypothèses initiales concernant l’influence des symptômes du TOC et des relations familiales sur la qualité de vie n’ont pas été confirmées dans la présente étude.

Les résultats obtenus suggèrent qu’une meilleure estime de soi est associée à une meilleure qualité de vie globale (taille de l’effet entre moyenne et élevée) et à une meilleure satisfaction de vie (taille de l’effet moyenne), ainsi qu’à de moins grandes difficultés sur le plan des sphères sociale, émotionnelle, physique et scolaire (tailles de l’effet allant de moyenne à entre moyenne et élevée). Une estime de soi de niveau moyen est relevée chez les participants de la présente étude, bien que des profils variables d’estime de soi soient toutefois observés (très basse à très haute estime de soi). La revue de littérature scientifique d’Orth et collaborateurs (2012) soulève également les bénéfices d’une meilleure estime de soi dans différentes sphères de vie, et ce, durant toute la vie de l’individu (p. ex., milieu de travail, santé physique et relations sociales). Étant donné les bienfaits que l’estime de soi peut apporter sur la qualité de vie ainsi que la variabilité des profils de l’estime de soi observée chez les participants de la présente étude, il semble pertinent que les enfants avec le SGT aient accès à des interventions qui misent sur cet aspect. Ce travail thérapeutique peut être fait, soit, par le biais de stratégies qui visent directement l’estime de soi de l’enfant et les préoccupations sous-jacentes à celle-ci, ou par le biais de stratégies qui aident le jeune à mieux se comprendre et à s’accepter tel qu’il est (Zeigler-Hill, 2011). Dans la présente étude, la présence de tics plus sévères est associée à une moins bonne estime de soi, ce qui indique que ces symptômes représentent potentiellement une préoccupation sous-jacente à l’estime de soi des enfants avec le SGT, et par le fait même, une cible d’intervention pertinente à cibler. La revue de littérature de Bloch et Leckman (2009) permet d’identifier que les interventions qui ciblent le développement d’amitiés et d’intérêts significatifs sont favorables au développement de l’estime de soi des enfants avec le SGT (p. ex., un programme universel d’habiletés sociales).

Parallèlement à l’estime de soi, deux types de manifestations affectent négativement la qualité de vie. Tout d’abord, la sévérité des tics s’est vue associée à une moins bonne qualité de vie globale et de plus grande difficulté dans les sphères physique et obsessionnelle. Ces résultats soulignent l’importance d'identifier des traitements pour les tics qui sont adéquats, accessibles et précoces, et qui tiennent compte du fait que ces symptômes ont des effets globaux dans la qualité de vie du jeune. D’ailleurs, les tics peuvent mener à des conséquences plus spécifiques dans la vie du jeune, notamment, de la stigmatisation (Rivera-Navarro et al., 2014) et des difficultés scolaires (Eapen et al., 2013). Les lignes directrices canadiennes pour le traitement des tics recommandent les thérapies comportementales comme traitement de première ligne pour les enfants avec le SGT, car elles représentent une option efficace et sécuritaire pour la gestion des tics (p. ex., absence d’effets secondaires) (Steeves et al., 2012). La thérapie comportementale la plus citée dans la littérature scientifique présentement est le Comprehensive Behavioral Intervention for Tics (CBIT) (Pringsheim et al., 2019; Woods et al., 2008). Parallèlement aux thérapies comportementales, qui proposent des stratégies d’autocontrôle ciblant directement les tics, le traitement Façotik a une approche thérapeutique globale qui vise les variables psychologiques, physiologiques et cognitives sous-jacentes à la manifestation des tics (Leclerc et al., 2013). Peu d’études ont évalué si les traitements psychologiques de gestion des tics permettent à la fois d’améliorer les tics et la qualité de vie de l’enfant avec le SGT; l’étude de J-Nolin et Leclerc (sous presse) a toutefois mis en lumière qu’après le traitement Facotik, une diminution de 30 % des tics était observée et que celle-ci était associée à une amélioration significative de la qualité de vie (n = 17).

Dans un deuxième temps, les symptômes du TDAH semblent avoir un rôle plus spécifique, en accentuant les difficultés de certaines sphères, soit les sphères sociale et cognitive de la qualité de vie, ce qui est concordant avec la littérature scientifique. Du point de vue social, il est connu que certains symptômes de ce trouble tels que l’impulsivité, l’agitation et les comportements agressifs, peuvent augmenter les risques de rejet et de stigmatisation des pairs (Robitaille et Vézina, 2003). La présence de symptômes du TDAH serait également associée à de plus grandes difficultés sur le plan de l’interprétation des indices sociaux, ce qui mènerait à des échecs sociaux répétés et à diverses conséquences sociales (p. ex., isolement du jeune, hostilité envers ses pairs et victimisation) (Purper-Ouakil et al., 2006). Pour ce qui concerne la sphère cognitive, les symptômes du TDAH sont associés à diverses difficultés, notamment sur les plans de la planification, de l’inhibition, de la mémoire de travail et de la prise de conscience des conséquences de ses actions et de ses échanges sociaux (Purper-Ouakil et al., 2006; Termine et al., 2016). Dans tous les cas, le milieu de vie où ces difficultés se manifestent le plus souvent est le milieu scolaire, des stratégies éducatives et des interventions adaptées sont donc nécessaires à implanter (p. ex., programme d’habiletés sociales, suivi en orthopédagogie et développement d’habiletés d’organisation et de planification), afin de s’assurer de l’inclusion optimale de ces enfants. D’ailleurs, comme la sévérité des symptômes du TDAH s’est révélée positivement associée à la sévérité des tics dans cette étude, il semble intéressant que le milieu scolaire puisse offrir des services qui visent à la fois ces deux troubles.

À l’opposé de ce qui avait été prévu dans les hypothèses initiales, la qualité des relations familiales et les symptômes du TOC n’ont pas été identifiés comme des variables influençant la qualité de vie des enfants avec le SGT. La qualité des relations familiales des participants à l’étude était deux fois plus élevée que celle d’un échantillon d’étudiants tout venant (Untas et al., 2011). Ces résultats révèlent que les enfants recrutés dans la présente étude rapportent somme toute une bonne qualité de leurs relations familiales et ne permettent donc pas de statuer sur la relation entre cette variable et la qualité de vie. Bien que ce constat soit rassurant, il apparait essentiel d’évaluer si cette relation demeure dans le cas d’un plus grand échantillon ou lorsque la perception du parent est évaluée quant à la qualité des relations familiales (Conolea et al., 2011; Wilkinson et al., 2002).

Les symptômes du TOC et de la satisfaction de vie se sont toutefois vus corrélés ensemble. La relation entre ces deux variables semble s’expliquer par la nature même des symptômes du TOC, qui sont égo-dystones, soit qu’ils sont en désaccord avec l’identité même des individus présentant ce trouble, et qu’ils peuvent mener à une grande détresse émotionnelle (Stern et al., 2014; Woods et al., 2007). Il a été constaté que la majorité des participants à l’étude présente des symptômes sous-cliniques du TOC (n = 37). Or, il apparait un écart entre le nombre de participants rapportant avoir un diagnostic du TOC et les symptômes identifiés par l’outil mesurant les symptômes obsessionnels et compulsifs (13,8 % versus 35,09 % respectivement). Ainsi, dans le contexte d’un enfant avec le SGT, il ne faut pas négliger le dépistage des symptômes du TOC, considérant les effets potentiels sur la satisfaction de vie et la complexité du traitement de ces symptômes (Mancebo et al., 2011).

La présente étude a inclus deux types d’instruments de mesure de la qualité de vie, qui se sont révélés significativement associés l'un avec l’autre. Malgré cette association, des différences ont été observées sur le plan de l’influence des différentes variables selon l’instrument de mesure en question. Pour l’instrument de mesure de type spécifique, ce sont les manifestations symptomatiques associées au SGT (tics et symptômes du TDAH) qui se sont démarquées, tandis que pour l’instrument générique c’est plutôt une variable propre à l’individu (estime de soi). Ces résultats indiquent qu’un certain biais peut être présent dans les résultats obtenus selon le type d’instrument de mesure choisi. Une solution qui pourrait être intéressante, afin de répondre à cette limite, serait la création d’un instrument de mesure de la qualité de vie de type modulaire qui intègre les deux types d’instruments (Missotten et al., 2007). Parallèlement, une limite observée aux deux instruments de mesure est qu’aucun modèle conceptuel sous-jacent n’est proposé (J-Nolin et Leclerc, 2019). L’ajout d’un modèle conceptuel semble nécessaire pour s’assurer de mieux camper du point de vue théorique l’instrument de mesure en question et pour éviter de mener à certaines confusions pour l’utilisateur (Eiser et Morse, 2001). Par exemple, dans le SGT-EQV-CA, une sphère obsessionnelle est incluse, qui semble plus faire référence à des symptômes, plutôt qu’à une sphère de qualité de vie, et une échelle qui évalue la satisfaction de vie. L’absence de modèle théorique dans cet instrument de mesure nous empêche de bien comprendre le rationnel derrière l’inclusion de ces deux aspects.

Dans la présente étude, certaines limites méthodologiques ont été notées, telles que l’utilisation d’un instrument de mesure traduit qui n’a pas encore été validé scientifiquement (SGT-EQV-CA), l’absence de passation d’une des mesures d’intérêt pour plusieurs des participants (qualité des relations familiales) et la présence de critères d’inclusion spécifiques et restreints pour les bienfaits des études cliniques (p. ex., stabilité de la médication et exclusion d’enfants présentant un trouble du spectre de l’autisme ou de déficience intellectuelle). Malgré la présence d’une procédure uniformisée, il est également possible qu’un biais ait été présent dans le recrutement du groupe indépendant. Le fait d’avoir deux types de recrutement, semble avoir eu la conséquence que l’échantillon était plutôt hétérogène, par exemple, il a été remarqué un portrait clinique plus sévère des participants dans le recrutement indépendant sur le plan de certaines variables descriptives (p. ex., plus grande tendance à être médicamenté, à présenter plusieurs troubles associés et à fréquenter un milieu scolaire spécialisé) et de deux variables indépendantes identifiées (symptômes plus élevés du TDAH et du TOC). Malgré ce portrait clinique plus sévère, il n’apparait pas de différence significative sur la majorité des variables au coeur de l’étude. Le fait d’avoir eu recours à différents types de recrutements semble avoir augmenté la validité écologique de l’étude en ouvrant la possibilité d’avoir accès à une plus grande population (p. ex., population en dehors de l’île de Montréal et qui présente un portrait clinique plus complexe), ce qui a semblé d’autant plus pertinent dans la perspective d’avoir le portrait global de la qualité de vie des enfants québécois avec le SGT.

Plus d’études semblent nécessaires pour établir un portrait plus complet de la qualité de vie de cette population diversifiée et complexe, notamment en explorant si d’autres variables que les variables symptomatiques reliées au SGT peuvent influencer la qualité de vie, ce qui a été constaté dans la présente étude. Il pourrait également être pertinent de comparer les résultats à différents échantillons, afin de préciser si la qualité de vie des enfants québécois est comparable à la qualité de vie d’enfants d’autres pays. Pour permettre un échantillon représentatif de la population québécoise, il pourrait être intéressant que les prochaines études soient faites par le biais de plateformes informatiques. Finalement, concernant le rôle central de l’estime de soi sur la qualité de vie des enfants avec le SGT dans la présente étude, plus d’études semblent nécessaires pour mieux cerner les facteurs influençant l’estime de soi de ces enfants.

CONCLUSION

Cette étude met en lumière le rôle central de l’estime de soi, tout en relevant le rôle plus spécifique de la sévérité des tics et des symptômes du TDAH, dans l’atteinte d’une qualité de vie optimale chez des enfants québécois avec le SGT âgés de 8 à 12 ans. La présente étude illustre le portrait des familles avec un enfant avec le SGT de façon positive; les enfants recrutés rapportent avoir de bonnes relations familiales. Ces résultats mettent en évidence un plus grand rôle des variables personnelles dans l’atteinte d’une bonne qualité de vie chez les enfants avec le SGT, tout en révélant un moins grand rôle des variables systématiques et symptomatiques. Plus d’études sont nécessaires pour clarifier l’ensemble des variables qui influencent la qualité de ces enfants, afin de s’assurer qu’ils peuvent avoir accès à des traitements adaptés à leur réalité.