Abstracts
Résumé
Il n’y a pas de consensus concernant la spécificité des symptômes de la dépression postnatale (DPP). Cet article rapporte les résultats d’une étude qualitative inductive visant à éclairer les similitudes et les différences entre les symptômes de la DPP vs ceux de la dépression non postnatale (DNP). Le contenu de 20 entretiens de mères en DPP et de 10 mères en DNP a été analysé. Les deux groupes présentent un profil symptomatologique similaire. Les quelques différences observées ne justifient pas la création d’un diagnostic distinct pour la DPP. Toutefois, elles suggèrent des pistes intéressantes pour la prévention de la DPP.
Mots-clés :
- dépression postnatale,
- dépression non postnatale,
- symptomatologie
Abstract
There is no consensus regarding the specificity of symptoms of postpartum depression PPD). This article reports the results of a qualitative inductive study to clarify the similarities and differences between the symptoms of PPD and those of non-postnatal depression (NPD). The contents of 20 interviews of mothers in DPP and 10 in DNP were analyzed. Both groups have a similar symptomatological profile. The few differences observed do not justify the creation of a separate diagnosis for the PPD. However, they suggest some interesting avenues for the prevention of PPD.
Keywords:
- postpartum depression,
- not postnatal depression,
- symptoms
Article body
INTRODUCTION
À l’heure actuelle, la dépression du postpartum (DPP) constitue un problème majeur de santé publique qui affecte profondément la santé de la mère, de l’enfant et de la famille (Sword, Clark, Hegadoren, Brooks et Kingston, 2012). Un taux moyen de prévalence de 13 % est généralement rapporté (O'Hara et Swain, 1996). La plupart du temps, la DPP est définie négativement par rapport à deux manifestations thymiques qui peuvent survenir durant la période postnatale, soit le blues du postpartum et la psychose (Des Rivières-Pigeon, Saurel-Cubizolles et Romito, 2002). Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (American Psychiatric Association [APA], 2013), établit comme suit le diagnostic de DPP. Il prescrit de retenir les symptômes d’un épisode dépressif majeur (EDM) avec la spécificité que ceux-ci surviennent au cours de la grossesse ou durant les quatre premières semaines du postpartum (APA, 2013). Depuis son introduction dans la DSM-IV en 1994, la DPP est définie comme une dépression majeure (DM), comparable aux dépressions qui surviennent à d’autres périodes de la vie. Cette classification reconnait une similarité entre les symptômes de la DPP et de la DM et suggère que la principale caractéristique de la DPP est sa relation temporelle avec l’accouchement (Church, Dunstan, Hine et Marks, 2009).
Controverse entourant la définition de la DPP
Malgré cette reconnaissance nosologique, l’analyse des écrits révèle une certaine confusion dans la définition de la DPP. Bien que certains chercheurs et cliniciens reconnaissent que la DPP ne diffère pas qualitativement de la DNP (Cooper et al., 2007; Cooper, Campbell, Day, Kennerley et Bond, 1988; DiFlorio et Meltzer-Brody, 2015; Evans, Heron, Francomb, Oke et Golding, 2001; Whiffen, 1992), un certain nombre d’entre eux soutiennent que les symptômes de la DPP sont différents de ceux de la DNP de par leur nature et leur fréquence (Bernstein et al., 2008; Born et Steiner, 1999; Dalton et Holton, 1996; Eberhard-Gran, Tambs, Opjordsmoen, Skrondal et Eskild, 2003; Nieland et Roger, 1997; Pitt, 1968; Ugarriza, 2002; Whiffen et Gotlib, 1993; Wisner, Peindl et Hanusa, 1999). Ils allèguent que la présentation clinique de cette condition est unique. Certains s’interrogent à cet égard sur la pertinence d’envisager pour la DPP un diagnostic spécifique, qui la distinguerait de la DNP.
Spécificité des symptômes : état de la recherche
Pitt (1968) fut le premier à souligner le caractère atypique de la DPP. Selon lui, elle présente des particularités qui lui sont spécifiques en raison de l’importance des symptômes qu’il qualifie de « névrotiques » et parce que certaines caractéristiques se manifestent de façon opposée à ce que l’on retrouve habituellement dans la dépression classique. Un certain nombre de travaux ont permis d’appuyer les résultats de Pitt (1968). Certains chercheurs s’entendent en effet pour avancer qu’aux signes classiques de dépression (pleurs, fatigue, perte d’intérêt, difficultés de concentration et de mémoire, etc.) s’ajoute une myriade d’émotions dont les composantes majeures sont l’anxiété, l’irritabilité, la culpabilité (concernant l’incapacité d’aimer le nourrisson ou d’en prendre soin) et la présence de craintes obsessionnelles à l’égard de l’enfant (Beck, 2002; Beck et Indman, 2005; Born et Steiner, 1999; Brockington, 1996; Clemmens, Driscoll et Beck, 2004; Dalton et Holton, 1996; Halbreich et Karkun, 2006; Knudson-Martin et Silverstein, 2009; Pitt, 1968; Robertson, Curtis, Lasher, Jacques et Tom, 2013; Ross, Evans, Sellers et Romach, 2003). Des symptômes spécifiques au contexte postnatal, tels que le sentiment d’être submergé ou de se sentir inadéquate concernant les soins maternels, sont également soulignés (Ferreri, 2003; Pitt, 1968).
Certaines recherches ont également démontré que contrairement à la dépression classique, la DPP ne serait pas particulièrement empreinte de tristesse. L’humeur serait davantage labile, avec une détresse plus marquée en fin de journée plutôt qu’en début de journée. Elle serait caractérisée par moins de réveils précoces, de ralentissement moteur, de désespoir et d’idées suicidaires (Appleby, 1991; Pitt, 1968). Certains soutiennent que bien qu’il s’agisse d’un trouble de l’humeur, les patientes ne l’exprimeraient pas comme telles (Dayan, 2003). L’humeur dépressive, conditionnelle au diagnostic de DPP, ne constituerait donc pas nécessairement le symptôme premier ou prédominant de cette condition (Beck et Indman, 2005). La souffrance éprouvée en contexte postnatal est comparée à un caméléon; son expressivité va dépendre des caractéristiques individuelles de la personne atteinte et du contexte socioculturel (Beck, 2002). Les unes peuvent éprouver plus spécifiquement des sentiments d’anxiété, de culpabilité de ne pas être une bonne mère et des peurs. Les autres peuvent vivre davantage de pensées obsessives de nuire au bébé, et ressentir de la colère et de la solitude.
Quelques chercheurs ont tenté d’étudier la question de la spécificité de la symptomatologie de la DPP en comparant les symptômes de cette condition à ceux d’un groupe de mères en DNP. Ils ont ainsi cherché à déterminer les différences et les similitudes entre ces deux formes de dépression. Paradoxalement, ce type de travaux a suscité peu d’attention chez les chercheurs et les résultats de ces études demeurent controversés (Augusto, Kumar, Calheiros, Matos et Figueiredo, 1996; Bernstein et al., 2008; Cooper et al., 2007; Hendrick, Altshuler, Strouse et Grosser, 2000; O'Hara, Zekoski, Philipps et Wright, 1990; Whiffen et Gotlib, 1993; Wisner et al., 1999). Elles confirment toutefois, chez les mères en DPP, la présence d’idées obsédantes et de la peur de nuire au bébé. Ces études soulignent aussi la présence de difficultés de concentration et de prise de décisions, qui semblent plus marquées chez les mères en DPP. Elles présenteraient aussi une moins bonne estime de soi. Ce type d’études indiquent également la présence de manifestations opposées à ce qui est habituellement observé dans la dépression classique : moins de ralentissement moteur, de perte d’intérêt et d’idées suicidaires que chez les mères souffrant de DNP. Toutefois, elles ne semblent pas confirmer la présence d’une irritabilité plus importante chez les mères en DPP. Tout comme la fatigue (le faible niveau d’énergie), l’irritabilité constituerait une caractéristique majeure de la dépression, tant en contexte postnatal que dans les autres formes de dépression. Quant aux résultats relatifs à l’anxiété, la tristesse, l’insomnie, la perte de poids, les réveils précoces, les plaintes somatiques et l’agitation, ceux-ci demeurent incohérents. Ces études font donc état de résultats contradictoires. Même si certaines d’entre elles révèlent des différences au niveau symptomatologique entre la DPP et la DNP, celles-ci ne sont pas toujours répliquées dans d’autres études (Cunningham, Brown, Brooks et Page, 2013).
Problématique
Actuellement, il y a absence de consensus concernant la symptomatologie de ce phénomène dépressif qui demeure complexe et contradictoire. Plusieurs raisons peuvent être invoquées. Tout d’abord, notons que cette vision distincte des symptômes de la DPP est presque absente des recherches épidémiologiques qui la mesurent selon les symptômes de l’EDM (Des Rivières-Pigeon, Gagné et Vincent, 2012). Les études de cette nature recueillent leurs données à l’aide de mesures standardisées et basées principalement sur la mesure des symptômes dépressifs. De plus, la grande majorité des recherches n’utilise pas de groupe de comparaison de mères en DNP. Les rares études qui se sont attardées à comparer ces deux phénomènes dépressifs révèlent des résultats qui nécessitent d’être corroborés. À notre connaissance, aucune étude de ce genre n’a été menée à ce jour à l’aide d’une méthodologie qualitative. Pourtant, les études qui ont été menées au moyen d’une telle méthode permettent de produire des réponses davantage explicitées. La prise en considération de la perception des mères qui souffrent de DPP permet de contextualiser et d’illustrer l’éventail de symptômes qui les affectent et qui ne se limitent pas à ceux de l’EDM. Une meilleure connaissance des symptômes de la DPP a des implications pour la prévention de ce trouble et la prise en charge des mères souffrant de DPP. Cette recherche tentera donc de pallier l’absence d’étude qualitative utilisant un groupe de comparaison de mères en DNP afin de mieux comprendre la nature de la symptomatologie de la DPP. Elle permettra ainsi de préciser si cette forme de dépression se manifeste de manière semblable ou différente de la DNP.
OBjectif de la recherche
Cette recherche a pour but de clarifier la question de la spécificité des symptômes de la DPP. L’objectif principal est de documenter sur la base de l’analyse des propos des participantes, les symptômes tels que perçus par les mères en DPP et en DNP. L’analyse des similitudes et des différences entre ces deux phénomènes dépressifs contribuera à élaborer une image clinique plus claire de la symptomatologie dépressive en contexte postnatal.
Méthodologie
Cette recherche utilise un devis qualitatif inductif. Les résultats attendus de cette démarche se composent des catégories les plus révélatrices de l’objectif de recherche initial (Blais et Martineau, 2006).
Participantes
Vingt mères souffrant de DPP et dix mères souffrant de DNP ont été recrutées sur une base volontaire de février 2008 à septembre 2009. Ce protocole de recherche a été approuvé par les comités scientifiques et d’éthique à la recherche des diverses institutions concernées. Les mères en DPP ont été recrutées lors de leur premier rendez-vous gynécologique postnatal (6e semaine postpartum), au Centre des naissances d’un hôpital de la région de Montréal et dans plusieurs bureaux privés de gynécologie/obstétrique de la région de Montréal. Elles proviennent d’une précédente recherche plus vaste dont l’objectif visait à préciser la sévérité du phénomène dépressif en contexte postnatal. Les mères en DNP ont été recrutées dans deux hôpitaux ainsi que dans divers centres communautaires, également de la région de Montréal. Les critères d’inclusion sont les suivants : (1) avoir reçu un diagnostic de DM, (2) maîtriser le français, (3) être âgée entre 18 ans et 45 ans, (4) être née au Québec. (5) Pour les mères en DPP, avoir donné naissance à un enfant âgé entre 6 et 12 semaines (primipare ou multipare); celles ayant donné naissance avant 37 semaines n’ont pas été incluses dans cette recherche. (6) Pour les mères en DNP, avoir au moins un enfant ou plus, âgé entre 3 ans et 10 ans. Les femmes en DPP et en DNP, mères de jumeaux ou celles souffrant de psychose n’ont pas été retenues pour cette étude.
Le principe de saturation des données a été respecté. Notons que, concernant le groupe de mères en DNP, nous avons cessé de recueillir de nouvelles données après 10 entretiens en raison de la difficulté de recrutement. Toutefois, nous pensons avoir atteint la saturation, car la majorité des catégories de contenus pour ce groupe présentait un individu et plus. De fait, seulement deux catégories sur les 36 présentées dans le Tableau 3, ne rapportent aucun sujet.
Instruments de collecte des données
Mesure des caractéristiques sociodémographiques et informations relatives aux antécédents de dépression et aux habitudes de consommation
Ce questionnaire recueille des renseignements d’identifications personnelles, tels que l’âge, l’état civil, la durée de l’union maritale, le nombre d’enfants, le niveau de scolarité et les revenus annuels familiaux, les habitudes de consommation (alcool, drogue, caféine) et les antécédents de dépression.
Mesure de la symptomatologie dépressive postnatale
L’Edinburgh Postnatal Depression Scale (EPDS; Cox, Holden et Sagovsky, 1987) est un instrument autoadministré constitué de 10 items permettant d’évaluer la symptomatologie dépressive durant la période postnatale.
Mesure de la symptomatologie dépressive non postnatale
Le Beck Depression Inventory II (BDI-II, Beck, Steer et Brown, 1996) est un instrument auto évaluatif comprenant 21 items basés sur les critères du DSM-IV (APA, 1994) pour la DM.
Entrevue diagnostique pour la dépression
Le Mini International Neuropsychiatric Interview (Seehan et al., 1998), ou MINI, est un guide d’entretien semi-structuré destiné à établir un diagnostic psychiatrique selon les critères relatifs aux troubles de l’axe I du DSM-IV (APA, 1996). Il a été administré à l’ensemble de l’échantillon afin de s’assurer que toutes les participantes répondent aux critères complets d’une DM.
Mesure de l’anxiété
Le State Trait Anxiety Inventory (Spielberger, Gorsuch et Lushene, 1970); la version française (Bergeron, Landry et Bélanger, 1976; Landry, 1976), le IASTA, a été utilisée pour évaluer l’anxiété des participantes. Il évalue deux types d’anxiété : l’anxiété état, qui mesure l’état émotionnel au moment de l’évaluation et l’anxiété trait, qui évalue la disposition personnelle du sujet à éprouver de l’anxiété.
Entrevue semi-structurée
Les propos des mères ont été recueillis à l’aide d’une entrevue individuelle en face à face. D’une durée approximative de 45 minutes, celle-ci a été élaborée dans le but de recueillir les symptômes perçus qui caractérisent l’expérience de dépression des mères en DPP et en DNP. Les questions ouvertes posées lors de cette entrevue ont été développées à partir du modèle de représentation cognitive de la maladie proposé par Leventhal, Meyer et Nerenz (1980), et composé des cinq dimensions suivantes : identité, causes perçues, chronologie, conséquences, traitement et contrôle. Seule la dimension identité (symptômes perçus) est présentée dans cet article.
Déroulement
Toutes les participantes ont été invitées à compléter l’EPDS. Annexés à celui-ci, on retrouvait une description de la recherche et de ses objectifs, un bref questionnaire incluant les critères d’inclusion/exclusion et un formulaire de consentement écrit autorisant la chercheure principale à contacter par téléphone les participantes rencontrant les critères de l’étude, afin de leur fournir de plus amples informations sur le déroulement de la recherche. Après l’obtention de ces informations, si elles étaient encore intéressées, une rencontre pour une entrevue à domicile était fixée. Avant de débuter l’entrevue, un second formulaire de consentement décrivant les principes de confidentialité ainsi que les consignes pour compléter les questionnaires a été remis à chaque participante. L’ordre des questionnaires a été complété en la présence de l’examinateur et soumis comme suit : 1. Questionnaire sociodémographique 2. EDPS 3. BDI-II 4. IASTA 5. MINI. Une entrevue semi-structurée a ensuite été réalisée.
Analyses des données
Analyses descriptives de l’échantillon
Dans le but de décrire les deux groupes, des analyses descriptives ont été réalisées à l’aide du logiciel SIM-Stat 2.6.5 sur les variables sociodémographiques, les habitudes de consommation, les antécédents de dépression et les niveaux d’anxiété et de dépression. Ces analyses sont les suivantes : analyses descriptives (moyenne, écart type, fréquence et %) et comparaisons des moyennes des deux groupes par test t, Man-Whitney ou Chi2 selon la nature des variables (dichotomique et catégorielle) et leur degré de normalité. Pour les statistiques descriptives, un seuil alpha de 0,05 a été utilisé.
Analyses des entrevues
Les entrevues semi-structurées ont été enregistrées, puis fidèlement retranscrites. Une analyse de contenu thématique a été réalisée sur l’ensemble du verbatim, selon les principes décrits par Van der Maren (1996). Cette méthode a été privilégiée parce qu’elle permet de mettre en lumière des différences et des similarités au sein des données (Braun et Clarke, 2006). C’est également une méthode flexible qui s’applique à travers des approches théoriques et épistémologiques différentes et qui permet de rendre accessible les données destinées au public (Van der Maren, 1996). Chaque entrevue a été lue plusieurs fois afin que nous puissions nous familiariser avec le contenu du verbatim. Le corpus a été soumis à une analyse transversale. Ce type d’analyse vise à comparer des variables et à établir des différences entre divers groupes (Roy et Garon, 2013), ce qui nous permettra de mieux mettre en évidence les différences et les similitudes entre ces deux phénomènes dépressifs (DPP et DNP). Le codage du matériel a été réalisé par une équipe de cinq personnes (étudiants en psychologie) à l’aide du logiciel QDA Miner (Péladeau, 2004) sur base d’une grille de codage mixte. Ce logiciel a été utilisé afin de faciliter le travail d’extraction des données. Il est également considéré par certains chercheurs comme étant plus adéquat pour effectuer une analyse horizontale (transversale) (Roy et Garon., 2013). Néanmoins, ce choix nous apparait pertinent dans la mesure où ce type de traitement permet de mettre plus aisément en relief certaines différences parfois invisibles à première vue (Van der Maren., 1996). Cette approche nous permet de mettre plus facilement en contraste les différences et les similitudes entre les deux groupes de mères en DPP et DNP. Le codage mixte, quant à lui, permet de faire émerger des symptômes du discours des mères en dépression qui n’auraient pas pu être révélés dans le cadre d’un codage fermé, qui ne permet pas l’ajout de nouveaux codes au fil de l’analyse des verbatims. Seuls, les segments de texte portant sur les symptômes perçus de la dépression par les mères, qui ont été préalablement sélectionnées, ont été codifiés. L’unité d’analyse considérée est la phrase ou le paragraphe. Chaque segment a été placé sous une catégorie de symptômes : émotionnel, physique, comportemental, cognitif, selon la classification proposée par Greenberger, Padesky, Chassé, Pilon et Morency (2004). Afin d’assurer la congruence ou la fidélité intercodeurs, un contre-codage a été réalisé en calculant l’indice de Krippendorff sur 25 % du corpus des 30 entrevues, ce qui a donné lieu à un accord interjuges de 80,8 %. Un codage inverse pour vérifier la fidélité intracodeurs a aussi été réalisé sur l’ensemble du verbatim. Par la suite, une réduction des codes a été opérée, les segments présentant des traits communs ont été regroupés sous un même code. Cette étape d’inférence plus élevée a été réalisée sous forme de discussion entre deux chercheurs jusqu’à obtention d’un consensus.
Le critère de présence/absence du code (pourcentage d’occurrence) a été retenu, permettant ainsi de comparer le nombre de mères en DPP avec le nombre de mères en DNP pour lesquelles le symptôme apparaît. Une analyse sur base du calcul des pourcentages d’occurrence des symptômes, produite à partir du logiciel QDA Miner, a permis de mettre en évidence les similitudes et les différences entre les deux groupes de mères. Les résultats concernant la taille d’effet ont également été pris en considération : petite taille d’effet (r = 0,15), moyenne (0,30) et grande (0,50). Considérant la petite taille de notre échantillon, une taille d’effet de 0,30 a servi de critère pour identifier des différences notables entre les deux groupes de mères, plutôt qu’un seuil alpha fixe. Toutefois, les seuils alpha observés sont inclus dans le Tableau 3. Pour illustrer les différents thèmes issus de l’analyse des entrevues, les extraits les plus représentatifs du thème ont été sélectionnés.
L’interprétation de l’ensemble des données a été faite selon les recommandations de Van der Maren (1996), reposant sur le parallélisme intersubjectif et le principe de superposition des plans. Les hypothèses émises ont été mises en lien avec le cadre théorique. Nous avons ensuite procédé à la validation et à la vraisemblance de celles-ci.
Résultats
Données descriptives de l’échantillon
Le Tableau 1 présente les caractéristiques des deux groupes. La majorité des mères en DPP ont été évaluées à domicile (90 %) entre la 8e et la 10e semaine du postpartum (8,9 semaines). Elles sont âgées de 30,6 ans en moyenne. Elles sont majoritairement primipares, de niveau de scolarité collégial ou universitaire et elles vivent en couple depuis 6,5 ans. Trente-cinq pour cent d’entre elles ont déjà reçu un diagnostic antérieur de DM. Quant aux mères en DNP la majorité a été évaluée à domicile. (70 %). Elles sont âgées de 35,8 ans en moyenne. Elles vivent pour la plupart en couple depuis 10 ans. Quarante pour cent sont célibataires. Elles sont majoritairement multipares (deux enfants âgés de 8 ans en moyenne) et de niveau de scolarité à la fois universitaire (40 %) et primaire/secondaire/DEP (40 %). Cinquante pour cent d’entre elles rapportent des antécédents de diagnostic de DM.
Aucune différence significative n’a été trouvée entre les deux groupes de mères en dépression en ce qui concerne les caractéristiques sociodémographiques, les antécédents de dépression ainsi que les habitudes de consommation, excepté en ce qui a trait à l’âge des participantes et à leurs revenus annuels familiaux. Les mères en DPP sont plus jeunes (p = 0,01) et jouissent de revenus plus élevés que les mères en DNP (p = 0,02). Il faut mentionner des tailles d’effet moyennes observées entre les deux groupes de mères concernant l’état civil (p = 0,0528). Les mères en DPP sont plus nombreuses à vivre en couple.
Le Tableau 2 indique qu’aucune différence significative n’a été trouvée entre les deux groupes pour le score total de la symptomatologie dépressive sur l’EPDS (p = 0,5940) ni sur le BDI-II (p = 0,0612). Par contre, tenant compte de la taille d’effet sur le BDI-II, les mères en DPP semblaient présenter une symptomatologie dépressive moins sévère que les mères en DNP. L’ensemble de l’échantillon (N = 30) se caractérise par une symptomatologie dépressive majeure (EPDS ≥ 13 et BDI-II ≥ 23). Le diagnostic de DM a été confirmé par le MINI pour toutes les mères chez qui la présence d’une DM a été détectée à l’aide de l’EPDS.
Aucune différence significative n’a été trouvée en ce qui concerne les niveaux d’anxiété (état et trait) entre les deux groupes de mères.
Profils des symptômes perçus des mères en DPP et en DNP
L’analyse de contenu thématique a permis de dégager un total de 2191 segments codés pour les symptômes perçus, soit : émotionnels (993 segments codés, 45,32 %), physiques (392 segments codés, 17,89 %), comportementaux (312 segments codés, 14,24 %) et cognitifs (494 segments codés, 22,54 %). Le Tableau 3 présente les pourcentages d’occurrence des symptômes par groupe (DPP-DNP) répertorié au fil du discours des 30 mères. En raison de l’abondance du matériel recueilli, la présentation des résultats se limite aux symptômes les plus prévalents (occurrence supérieure ou égale à 50 %) qui caractérisent l’expérience dépressive. Ensuite, afin de dresser leur portrait symptomatologique, les similitudes et les différences de symptômes observées entre les deux groupes de mères sont décrites. Les différences dont la taille d’effet est égale ou plus grande qu’une taille moyenne sont soulignées et illustrées par les propos des mères.
Symptômes émotionnels
L’analyse indique que la majorité des mères en dépression (N = 30) rapportent éprouver de la tristesse. Cette tristesse s’accompagne d’irritabilité, d’anxiété, de perte d’intérêt, de sentiment d’être dépassée, de peur, de colère et de sentiment d’impuissance et de perte de contrôle de façon à peu près équivalente entre les deux groupes de mères.
Les mères en DPP se distinguent toutefois des mères en DNP par la présence d’une culpabilité prédominante. Elles rapportent éprouver plus d’insatisfaction et de déception quant au rôle de mère et au manque de soutien social ou au type d’aide reçu par l’entourage. Elles rapportent aussi éprouver plus de difficultés émotionnelles en fin de journée. Notons que si l’ensemble des mères en dépression rapporte se sentir en colère, une différence quant à la nature de cette colère est observée entre les deux groupes.
Culpabilité prédominante et perception de la défaillance du rôle maternel
Les mères en DPP rapportent se sentir plus coupables que les mères en DNP. Cette culpabilité est ressentie envers leurs enfants et leur conjoint en raison de leur incapacité à remplir leur rôle de mère ou à être une mère parfaite lorsque vient le temps de gérer les soins du bébé et les besoins de leur famille (comprendre et répondre adéquatement aux besoins du bébé, allaiter, rester en contrôle de ses émotions malgré la fatigue) :
Je pense que le sentiment de culpabilité vient beaucoup avec la maternité et le sentiment d'être inadéquate […]. Je voudrais être parfaite pour mon conjoint, mes enfants, pour moi-même. Je n'y arrive pas parce que les standards sont trop élevés.
DPP 61
Je culpabilise de ne pas tout le temps être capable de répondre à ce qu’il a [en parlant du bébé]
DPP 51
La moitié des mères en DPP disent se sentir plus insatisfaites que les mères en DNP par rapport à leur rôle de mère. Elles se disent déçues de leurs propres réactions émotionnelles face à la maternité ou de ne pas se sentir tout simplement heureuse d’avoir un bébé qui soit en bonne santé. Elles rapportent aussi être déçues de l’isolement que la maternité engendre ou encore du manque de soutien et du type d’aide reçu par leur entourage :
Ce n'était pas ce tableau-là que je voyais […]. Pourtant, j'ai tout ce que je veux. Je suis supposée être très heureuse en ce moment. Je m'attendais à me voir plus enjouée. Je ne me sens pas bien. Je ne suis pas moi-même. Je voudrais être plus détendue. Ça me déçoit.
DPP55
Je suis vraiment déçue, j'aurais pensé que les gens allaient être plus présents. Au début, le premier mois, tout le monde voulait venir à la maison, mais j'étais fatiguée. Je ne voulais voir personne, mais tout le monde voulait venir pour voir le bébé. C'est là que j'ai besoin d'aide et il n’y a personne!
DPP 83
Plus de difficultés émotionnelles en fin de journée. La majorité des mères en DPP rapportent éprouver plus de difficultés émotionnelles en soirée, alors que les mères en DNP se sentent plus mal le matin au réveil.
C'est surtout en fin de journée [qu’elle éprouve de la tristesse]. La fatigue qui se fait sentir, ça donne un coup, puis là, tout vient me chercher super facilement.
DPP 80
[…] la tristesse et les pleurs sont fréquents. Ça peut arriver plus souvent le matin. C’est là que c’est le plus difficile, quand je me lève. Mais c'est quand même présent le reste de la journée.
DNP06
La colère envers l’entourage : le bébé et le conjoint. La colère éprouvée par les mères en DPP est davantage dirigée vers les autres, particulièrement envers le conjoint et le bébé. Alors que les mères en DNP ont tendance à être plus en colère envers elles-mêmes.
Je pense que c'est beaucoup envers mon conjoint. Lui, il n'est pas obligé d'allaiter. Au début, j'étais en colère contre le bébé. Je me réveillais la nuit quand je l'entendais pleurer et ça me faisait sacrer. Après, ça me faisait sentir tellement coupable que je criais. Je trouve ça terrible ! Tu ne peux pas faire ce que tu veux! Ce n'est plus pareil! Ça me fâche!
DPP 01
Des fois, j’ai de la colère. Je ne peux rien faire pour changer les choses. J’ai de la colère, pas nécessairement envers les autres, mais plus contre moi. J’ai l'impression d'être punie, parfois.
DNP01
Symptômes physiques
La majorité des mères (N = 30) rapportent éprouver une fatigue importante qui s’accompagne, pour plus de la moitié d’entre elles, de difficultés de sommeil et de plaintes somatiques.
Les mères en DPP se distinguent des mères en DNP, car elles rapportent moins de douleurs dorsales et musculaires, de ralentissement psychomoteur, d’insomnie de milieu de nuit. Elles présentent également une tendance à rapporter moins de perte d’appétit.
Moins de difficultés de sommeil et d’insomnie. De manière générale, les mères en DPP semblent avoir moins tendance à souffrir d’insomnie, particulièrement de milieu de nuit, que les mères en DNP. Les difficultés de sommeil des mères en DPP sont davantage liées à l’interruption fréquente de leur sommeil en raison des soins du bébé. Seulement trois d’entre elles expliquent avoir de la difficulté à se rendormir par la suite en raison d’inquiétudes. Elles ne rapportent pas non plus de difficulté à se lever le matin, mentionnée spécifiquement par les mères en DNP.
Je ne me réveille pas. Mis à part pour les boires.
DPP 54
Je dois m'en occuper tout le temps [en parlant du bébé]. C'est quasiment 24 heures sur 24. La nuit je me réveille souvent pour lui.
DPP 83
J'ai des insomnies. J'ai vécu des nuits où je ne dormais que quelques heures. Je me réveillais avant 1h du matin et je n’étais plus capable de me rendormir. Je me sentais tellement fatiguée que c’était impossible pour moi de me lever le matin.
DNP03
Moins de ralentissement moteur et de plaintes somatiques. Malgré la présence de plaintes somatiques dans le discours des mères en DPP et en DNP, les mères en DPP rapportent moins de douleurs dorsales et musculaires. Elles tendent à évoquer des douleurs de nature diverse, telles que : douleurs dans le bas du ventre et brûlures d’estomac, maux de tête ou nausées et vomissements. Les mères en DPP évoquent également moins de ralentissement moteur, qui caractérise davantage l’expérience des mères en DNP.
Symptômes comportementaux
Les pleurs constituent le symptôme comportemental le plus évoqué par les mères (N = 30). Ils s’accompagnent de façon équivalente d’isolement volontaire et de paralysie de la pensée et de l’action. Notons que les conduites dommageables telles que les tentatives de suicide et l’automutilation sont uniquement rapportées par les mères en DNP.
Symptômes cognitifs
Les pensées négatives, plus particulièrement envers soi, les difficultés de concentration et le manque de confiance en soi constituent les symptômes cognitifs les plus évoqués par les mères en dépression (N = 30). Pour la moitié d’entre elles, ils s’accompagnent de difficultés de mémoire et d’inquiétudes, en lien avec la maternité, mais aussi d’ordre général.
Les mères en DPP se distinguent des mères en DNP, car elles rapportent moins d’idéations suicidaires. Elles disent se sentir plus inadéquates en tant que mères, que les participantes en DNP. Elles ont aussi tendance à avoir une meilleure estime d’elles-mêmes, mais elles rapportent davantage de pensées de type « perfectionnistes ».
Moins d’idéations suicidaires. Très peu de mères en DPP (n = 1) rapportent des idées suicidaires. Celles-ci sont par contre évoquées par plus de la moitié des mères en DNP.
Quand je me suis arrêtée de travailler, la semaine d’après, j’ai été hospitalisée pour des idées suicidaires. C’était trop pour moi. Quand je ne travaille plus, je ne suis plus rien. Je voulais juste mourir!
DNP03
Perfectionnisme et sentiment d’être inadéquate en tant que mère. Les mères en DPP tendent à se sentir davantage inadéquates et à se percevoir comme de mauvaises mères. Elles disent ne pas se sentir à la hauteur en tant que mères. La moitié d’entre elles rapportent vouloir être une mère parfaite pour leurs enfants.
En tant que mère, j'ai l'impression que je pourrais toujours faire mieux. Avec mon fils, je fais juste jouer à la police. Fais pas ci, fais pas ça, plutôt que d'être dans le jeu comme l'est mon conjoint ou ma mère. Je fais toujours autre chose quand je m'occupe de lui. Je passe moins de temps à le stimuler parce que je n'ai pas le temps. Je ne fais jamais autant de choses que je voudrais, ni aussi bien. Je me sens inadéquate en tant que mère, je ne me sens pas à la hauteur.
DPP 64
Avec les nouvelles tâches et responsabilités, je veux être parfaite. J’ai l’image de la maman qui travaille et qui est bien organisée. Quand je suis avec les enfants, et que je m'occupe de la famille, je pense que le fait que je ne suis pas parfaite et que je ne réussis pas à faire ce que je devrai faire, ça me déprime.
DPP77
Mésestime de soi. Les mères en DPP rapportent moins de mésestime d’elle-même que les mères en DNP. La moitié des mères en DNP disent en effet avoir une faible estime d’elle-même. Elles expliquent qu’elles ont tendance à se dévaloriser.
Je n’ai pas une très bonne estime de moi. J’ai tendance à me flageller souvent quand les choses ne vont pas bien. J’ai toujours eu cette tendance, mais maintenant c’est bien pire!
DNP06
Discussion
Cette recherche est la première à comparer les similitudes et les différences des symptômes tels que perçus par les mères en DPP et en DNP. Elle avait pour but de documenter l’expérience des mères souffrant de dépression afin de déterminer si les mères en DPP décrivent des symptômes semblables ou différents de ceux des mères en DNP. Les résultats de cette recherche apportent un éclairage relatif à la question de la spécificité des symptômes de la DPP.
Profil symptomatologique des mères en DPP
Nos résultats indiquent que les mères en DPP et en DNP présentent un profil symptomatologique généralement similaire. L’expérience de la dépression dans les deux groupes est caractérisée par : de la tristesse, des pleurs abondants, une perte d’intérêt et de plaisir, accompagnée d’anxiété, d’irritabilité et d’impatience. Cette dysphorie est marquée par une fatigue importante. Des symptômes classiques de difficultés de concentration, de pensées négatives et de manque de confiance en soi comptent également parmi les symptômes les plus rapportés par l’ensemble de notre échantillon. Chez un nombre non négligeable de mères, on note aussi la présence de peurs, de sentiment d’être dépassée, d’impuissance et de perte de contrôle.
Néanmoins, certaines différences ont pu être observées, contribuant à teinter différemment l’expérience de la DPP. Les mères en DPP se caractérisent par une déception et une insatisfaction relatives à leur condition de mère. Les pensées négatives en lien avec l’échec d’être une mère parfaite engendrent chez la plupart d’entre elles une culpabilité importante. Une tendance au perfectionnisme a en effet été observée. Une colère moindre envers soi, mais plus importante envers le conjoint ou le bébé a également été relevée. Notons aussi des manifestations symptomatologiques inhabituelles par rapport au tableau classique de la dépression : les mères en DPP évoquent plus de difficultés sur le plan de l’humeur en fin de journée plutôt qu’au début, mais avec moins d’idéations suicidaires, de ralentissement moteur, de douleur dorsale et musculaire et de réveils nocturnes. Elles ont également tendance à rapporter moins de perte d’appétit/poids et de mésestime de soi.
Notre étude révèle que les critères symptomatologiques de la DPP semblent les mêmes que ceux de la dépression non postnatale. Bien que les résultats de cette étude indiquent que les symptômes dépressifs observés en postpartum ne soient pas spécifiques à cette période, quelques particularités propres à la DPP ont pu être relevées. Cependant, nous croyons, tout comme Whiffen (1991), Cooper et al., (2007), DiFlorio et al., 2015 ou encore Beck (2002), que ces quelques différences entre les deux phénomènes dépressifs, ne suffisent pas à elles seules, à justifier la création d’un diagnostic distinct pour la DPP. Les similarités et les quelques particularités sémiologiques de la DPP sont discutées au regard des résultats des études antérieures.
Prédominance des symptômes « névrotiques », non spécifiques à la DPP
Un certain nombre de chercheurs s’entendent pour avancer que l’expérience de la DPP est marquée par une anxiété et une irritabilité importantes (Beck, 2002; Beck et Indman, 2005; Dalton et Horlon, 1996; Knudson-Martin et Silverstein, 2009; Pitt, 1968; Robertson et al., 2013). Les résultats de notre analyse témoignent de la prédominance de ces symptômes chez les mères en DPP, puisque treize d’entre elles sur les vingt, rapportent éprouver de l’irritabilité, et la moitié (n = 10) de l’anxiété. Néanmoins, notre analyse indique que l’anxiété et l’irritabilité constituent également des symptômes caractéristiques de l’expérience dépressive chez les mères en DNP. Ces résultats ne sont pas surprenants, puisque l’anxiété coexiste fréquemment avec les symptômes de la dépression (Nanzer, 2009). Dans l’étude de Ross et al. (2003), près de la moitié de mères ayant reçu un diagnostic de DPP présentaient un score élevé d’anxiété. Des scores équivalents sont retrouvés chez les individus ayant reçu un diagnostic de dépression en dehors de la période postnatale (Kessler, Nelson, McGonagle et Liu, 1996). Les données descriptives de notre étude relative au niveau d’anxiété état et trait, confirment que l’expérience de la dépression des mères en DPP et en DNP est marquée par des niveaux d’anxiété importants, autant dans un groupe que dans l’autre. Cependant, les résultats des études antérieures demeurent contradictoires. Certaines études rapportent en effet des niveaux plus élevés d’anxiété en postpartum (Hendrick et al., 2000), tandis que d’autres révèlent des niveaux plus bas d’anxiétés (Augusto et al., 1996; Bernstein et al., 2008; Whiffen et Gotlib, 1993). Cette incohérence peut être le fruit de différentes limites méthodologies relatives à la diversité des instruments de mesure utilisés ou encore aux critères diagnostiques employés pour définir la DPP ou la DNP.
Quant à l’irritabilité, nos résultats semblent aller à l’encontre de ceux de Born et Steiner (1999), qui avancent que ce symptôme constitue une dimension oubliée de la DPP qui ne serait pas présente dans l’expérience des DNP. Pourtant, notre analyse fait état d’une proportion importante de mères en DNP qui semblent éprouver une irritabilité significative dans leur expérience dépressive. Aucune différence n’est observée entre les deux groupes de mères de notre échantillon. Notre analyse semble indiquer de manière générale que bien que la DPP soit marquée par des symptômes « névrotiques » tels que l’anxiété et l’irritabilité, ceux-ci ne sont pas spécifiques au postpartum. L’absence d’un groupe de comparaison de mères en DNP dans l’étude de la symptomatologie dépressive postnatale pourrait laisser penser, à tort, que la DPP constitue une forme particulière de dépression, alors que l’anxiété et l’irritabilité semblent être partie intégrante de toute expérience de dépression. Nos résultats témoignent de l’importance de la co-morbidité anxieuse dans l’expérience de la dépression et de la nécessité de l’évaluer plus en profondeur. L’anxiété et l’irritabilité ne font pas partie des critères symptomatologiques de l’EDM décrit dans le DSM. L’identification des mères en DPP, tout comme celles en DNP, pourrait ne pas être optimale en l’absence d’évaluation de l’anxiété et de l’irritabilité. Nous croyons, tout comme Matthey, Barnett, Howie et Kavanagh (2003), qu’une évaluation des symptômes au-delà de l’EDM demeure indispensable dans l’identification des mères souffrant de DPP.
En plus de l’anxiété et de l’irritabilité, les peurs obsessionnelles à l’égard du bébé (par exemple, la peur de nuire au bébé) sont fréquemment évoquées par les chercheurs pour désigner une particularité de la DPP. Dans notre étude, nous constatons que ce type de peurs est peu évoqué par les mères en DPP, ce qui ne correspond pas aux résultats des études antérieures (Beck, 2002; Knudson-Martin et Silverstein, 2009; Pitt, 1968 Robertson et al., 2013; Wisner et al., 1999). Plusieurs raisons peuvent expliquer cette divergence de résultats. Premièrement, il se pourrait qu’avec un plus grand nombre de participantes, nous aurions pu observer une proportion plus importante de mères en DPP exprimant ce type de peur. Deuxièmement, la structure de l’entrevue qualitative utilisée dans cette recherche pourrait également expliquer ceci. L’idée que les femmes doivent être en mesure de prendre soin de leur enfant est en effet répandue dans toutes les cultures (Knudson-Martin et Silverstein, 2009). Bien que, nous ayons été soucieux d’instaurer un cadre rassurant teinté d’empathie et d’écoute au moment du recueil des données, nous croyons que le format de l’entrevue a peut-être limité la possibilité de divulguer en priorité des informations plus sensibles. En effet, un nombre important de thèmes a été abordé au cours de l’entrevue afin de couvrir l’ensemble des dimensions du modèle de représentation de la maladie de Leventhal, Meyer et Nerenz (1980). Peut-être que de cibler davantage l’entrevue sur le recueil exclusif des symptômes, aurait pu permettre de consacrer plus de temps à l’exploration du vécu des symptômes de la dépression, et permettre aux mères de divulguer des pensées plus difficilement avouables. Le recours à des questionnaires quantitatifs pourrait faciliter la divulgation de ce type de pensées inavouables dans un contexte d’évaluation ou le temps est limité. Néanmoins, les questionnaires tels que l’EPDS ne contiennent pas d’items relatifs aux pensées obsessionnelles de nuire au bébé. Bien que les résultats de notre analyse n’aient pas mis en évidence la présence de ce type de peurs, des recherches complémentaires pourraient être envisagées afin d’évaluer la pertinence d’un tel ajout au sein des outils de mesure des symptômes dépressifs postnataux.
La tristesse n’est pas éclipsée par l’irritabilité et l’anxiété
Un autre argument fréquemment évoqué dans la littérature, pour justifier la spécificité de la symptomatologie dépressive en postpartum, est que la DPP ne serait pas particulièrement empreinte de tristesse, mais davantage de symptômes « névrotiques » (Born et Steiner, 1999; Dalton et Holton, 1996; Dayan, 2003; Pitt, 1968). Nos résultats semblent aller à l’encontre de cela et révèlent que, conjointement aux symptômes « névrotiques », la tristesse constitue l’un des symptômes les plus fréquents de la DPP et de l’expérience dépressive en général. Ils sont toutefois conformes aux résultats des études utilisant un groupe de comparaison de mères en DNP qui n’ont démontré aucune différence entre les deux groupes quant à la tristesse (Cooper et al., 2007; Hendrick et al., 2000; Nieland et Roger, 1997; Whiffen et Gotlib, 1993). Seul Bernstein et al., (2008) observent une tristesse moins importante en DPP.
Selon Dayan (2003), bien que la DPP soit décrite par le DSM comme un trouble de l’humeur, les mères ne l’exprimeraient pas comme telles. En effet, d’après cet auteur, les mères interprètent souvent leur état en termes moraux, manifestant l’inquiétude d’être blâmées, d’être jugées incapables ou mauvaises mères et tendent ainsi à dissimuler leur souffrance. Bien souvent, les femmes qui souffrent expriment leurs difficultés par des signes indirects tels que l’évocation du comportement de l’enfant (Ferreri, 2003). Il est fort probable qu’en contexte clinique, les mères expriment davantage leurs difficultés par l’entremise de doléances reliées au bébé et ne parlent pas directement de leur tristesse par peur d’être jugées. Toutefois, nous pensons que la méthodologie adoptée dans le cadre de cette recherche a permis aux mères de favoriser l’expression d’une palette plus large de symptômes qui ne se limite pas à la tristesse ou aux doléances liées au bébé, ce qui a permis d’accéder à une réalité émotionnelle peut-être plus proche que ce qu’elles peuvent dépeindre dans un contexte médical dans lequel elles ont peur d’être potentiellement jugées.
Expérience de la maternité marquée par la culpabilité
Jusqu’à présent, nos résultats n’appuient pas l’existence de symptômes spécifiques à la DPP. Néanmoins, la culpabilité pourrait constituer une particularité sémiologique de ce phénomène dépressif. Conformément aux résultats des études antérieures (Beck, 2002; Knudson-Martin et Silverstein, 2009; Pitt, 1968; Robertson et al., 2013), notre analyse indique qu’une part importante de notre échantillon de mères en DPP évoque une culpabilité qui semble prédominer dans l’expérience de la maternité. Les mères en DPP se sentent coupables envers leur conjoint, envers leurs enfants, et spécifiquement envers le bébé, en raison de leur incapacité à subvenir adéquatement aux besoins de ce dernier. De plus, cette culpabilité s’alimente aussi de leur sentiment de ne pouvoir être une mère parfaite, de leur déception et de leur insatisfaction face à leur condition de mère. Les mères en DNP sont moins nombreuses à évoquer ce type de sentiment (n = 3), mais lorsqu’elles le font, cette culpabilité est à l’effet que leur état dépressif limite leur capacité à remplir leur rôle de mère.
Au cours de l’expérience dépressive, il est habituel d’éprouver un tel sentiment. Il peut donc être surprenant de ne pas retrouver un nombre plus important de mères en DNP qui témoignent de cette culpabilité. Nos résultats vont à l’encontre des études qui utilisent un groupe de comparaison et qui n’ont démontré aucune différence entre les deux groupes quant à la culpabilité (Nieland et Roger, 1997; Whiffen et Gotlib, 1993). La nature qualitative de notre recherche pourrait constituer un premier élément expliquant ces résultats contradictoires. La culpabilité pourrait ne pas constituer le symptôme qui occupe la place la plus importante dans l’expérience des mères en DNP. Les méthodes quantitatives utilisent des échelles systématiques qui ne tiennent pas compte de l’importance attribuée à chacun des symptômes. L’approche qualitative peut s’avérer à cet égard un complément riche aux méthodes quantitatives dans l’étude des symptômes de la DPP. Une seconde hypothèse, pour expliquer la prédominance de la culpabilité chez les mères en DPP, est le décalage attendu entre la mère parfaite et en contrôle et l’échec de cette image, décalage qui peut s’avérer très culpabilisant pour une nouvelle mère. Le contexte culturel peut intensifier ces attentes et les expériences contradictoires de la maternité (Knudson‐Martin et Silverstein, 2009). À cet égard, dans un contexte préventif, les professionnels de la santé devraient être attentifs aux mères pour qui l’idéal de la maternité semble présent. Ce qui pourrait améliorer la détection des mères souffrant de difficultés émotionnelles en postpartum.
Symptômes opposés à ceux retrouvés dans la dépression classique
Le fait que certains symptômes se manifestent, de façon opposée à ce qui est habituellement observé dans la dépression « classique », constitue un autre argument avancé par les partisans d’une vision spécifique des symptômes de la DPP. En continuité avec les résultats des études antérieures, notre analyse indique que l’humeur des mères en DPP est plus difficile en fin de journée que le matin, tel qu’habituellement observé dans la dépression classique. De plus, les mères en DPP présentent moins d’idéations suicidaires, d’insomnie (particulièrement de réveils précoces), de ralentissement moteur, de plaintes somatiques (douleurs dorsales et musculaires) ainsi qu’une tendance à signaler moins de perte d’appétit et de poids (Beck, 2002; Bernstein et al., 2008; Cooper et al., 2007; Eberhard-Gran, Tambs, Opjordsmoen, Skrondal et Eskild (2003); Knudson-Martin et Silverstein, 2009; Pitt, 1968; Robertson et al., 2013; Ugarriza, 2002).
Tout comme les travaux d’un certain nombre de chercheurs qui se sont intéressés à la symptomatologie de la DPP, notre analyse indique que les pensées suicidaires semblent moins fréquentes en contexte postnatal. Nos résultats sont conforment à ceux retrouvés dans les travaux de Pitt (1968), Nahas et Amasheh (1999), Ugarriza (2002) ou encore Bernstein et al., (2008). Plusieurs hypothèses ont été avancées par les chercheurs afin d’expliquer de tels résultats. Pour certains, ceux-ci s’expliquent par la présence du bébé qui agirait comme un facteur de protection. Toutefois, les données relatives à l’absence ou à la rareté de pensées suicidaires en contexte postnatal ne font pas consensus. Certains travaux ont documenté le fait que le fardeau de la culpabilité éprouvée par certaines mères en DPP pouvait engendrer chez certaines d’entre elles, l’apparition de pensées suicidaires, soit en raison de leur perception de l’échec de la maternité et en raison aussi de la présence de pensées obsessionnelles de nuire au bébé (Berggren-Clive, 2009; Knudson-Martin et Silverstein, 2009). Une telle divergence de résultats entre les études pourrait s’expliquer comme suit : certains chercheurs ont identifié les mères en DPP au moyen d’outils diagnostiques, tandis que d’autres chercheurs se sont appuyés sur l’autodiagnostic des mères pour sélectionner celles qui souffraient de DPP. Cette dernière forme de sélection pourrait davantage refléter une humeur dépressive, plutôt qu’un trouble clinique, et expliquer la faible occurrence des idées suicidaires en contexte postnatal (Ugarriza, 2002).
Les difficultés de sommeil constituent un autre symptôme courant de l’expérience dépressive, particulièrement les insomnies. Notre analyse indique que les mères souffrant de DPP semblent présenter moins d’insomnie de milieu de nuit et de réveil précoce que les mères en DNP. Les mères en DPP évoquent aussi davantage des difficultés de sommeil occasionnées par les soins au bébé plutôt que des insomnies. Tandis que chez les mères en DNP, ce sont les ruminations qui provoquent l’insomnie et qui engendrent des difficultés à se lever le matin. Nos résultats sont cohérents avec ceux des études antérieures (Bernstein et al., 2008; Cooper et al., 2007; Ugarriza, 2002).
L’estime de soi est habituellement affectée lorsqu’un individu expérimente la dépression (Goudemand, 2010). En dépit du fait que la littérature révèle une absence de consensus quant à l’estime de soi des mères en DPP, les résultats de notre analyse indiquent que celles-ci rapportent moins de mésestime de soi que les mères en DNP. Plusieurs éléments retrouvés dans l’analyse des propos rapportés par les mères peuvent expliquer ces résultats. Rappelons que les personnes qui présentent des erreurs de pensées caractérisées par une vision négative de soi, de l’avenir ou du monde sont plus à risque de développer une dépression (Milgrom et Beatrice, 2003). Aucune différence n’a été observée concernant la présence de pensées négatives entre les deux groupes de mères de notre échantillon. Cependant, les mères en DPP rapportent moins de pensées négatives relatives à la dévalorisation globale de soi, ce qui pourrait expliquer que l’estime de soi des mères en DPP soit davantage préservé. De plus, même si les mères en dépression n’ont démontré aucune différence quant au fait de vivre de la colère, les mères en DPP semblent davantage en colère envers leur conjoint et ont moins tendance à diriger leur colère envers elles-mêmes, contrairement aux mères en DNP.
En bref, nous sommes d’avis, tout comme Cooper et al (2007), que peu de différences existent entre la DPP et les autres formes de dépression. Seuls quelques symptômes, tels que la culpabilité qui marque l’expérience de la DPP ou certaines manifestations opposées à ce que l’on observe habituellement dans la dépression classique, relevés à travers notre analyse, marquent certaines particularités. De notre point de vue, nous considérons que ces différences ne sont pas suffisantes pour établir que la DPP constitue une condition différente de la DNP. Nos résultats s’inscrivent dans la lignée des travaux qui suggèrent que les preuves actuelles sont insuffisantes pour justifier la création d’un diagnostic distinct (Beck, 2002; Cooper et al., 2007; Jones et Cantweel, 2010; Purdy et Frank, 1993; Riecher-Rössler et Hofecker Fallahpour, 2003; Whiffen, 1991, 2004). Ces différences s’expliquent, selon eux, en raison du contexte postnatal qui détermine l’expressivité des symptômes. Les symptômes demeurent une variable trop restrictive pour statuer sur la question de la spécificité de la DPP. Toutefois, nos résultats apportent un éclairage quant à l’existence de ces quelques particularités propres à cette forme de dépression, éclairage qui fournit des indices précieux pour l’optimisation de la prévention du phénomène dépressif en contexte postnatal.
Implications cliniques
L’analyse des propos des mères en dépression a permis d’illustrer la complexité et la pluralité des symptômes de la DPP. Le manque de connaissance des symptômes de la DPP par les professionnels de la santé a été documenté dans la littérature, comme un obstacle à l’identification des mères en DPP (Edge, Baker et Rogers, 2004). Afin de pouvoir repérer les mères souffrant de cette condition, les professionnels de la santé devraient être sensibilisés au fait que, d’une part, tout comme dans la DNP, la comorbidité anxieuse et l’irritabilité occupent une place importante dans l’expérience de la DPP. D’autre part, bien que la sémiologie de cette condition s’apparente de manière générale à celle de la DNP, il existe quelques particularités propres à la DPP dont il faut tenir compte, car elles peuvent influencer sa détection. Leur prise en compte nous semble essentielle dans le cadre de la prévention de ce phénomène dépressif. À cet égard, l’utilisation d’instruments spécifiques à la DPP reflétant les quelques particularités de cette condition est préconisée pour évaluer les mères soupçonnées de souffrir de symptômes dépressifs en postpartum. Nous recommandons aussi de ne pas se limiter à la simple mesure des symptômes dépressifs, mais plutôt de recourir à des outils de mesures complémentaires telles que l’anxiété et l’irritabilité, qui permettront de couvrir la vaste gamme de symptômes qui peuvent être rencontrés en contexte postnatal.
Note analyse a également permis de mettre en lumière la part importante de la culpabilité éprouvée par certaines mères en DPP quant à leur échec à être des mères parfaites. La stigmatisation sociale associée à la DPP et la faible estime dans les capacités de maternage influencent certaines d’entre elles à ne pas aller chercher de l’aide (Beck, 2002). Dans une optique préventive, les professionnels de la santé auraient un rôle à jouer dans l’éducation des parents et des nouvelles mères. Ils devraient être encouragés à lutter contre le stéréotype de « la mère parfaite », par exemple, en normalisant le fait d’éprouver de la tristesse ou certaines difficultés à la suite de la naissance d’un enfant afin de déculpabiliser les mères qui en souffrent, mais aussi normaliser le fait de demander de l’aide dans un contexte de maternité. Des changements dans la société quant à l’image du rôle de la mère véhiculé dans notre culture, pourraient également être envisagés via les médias sociaux. De plus, les professionnels de la santé devraient également informer les parents de la gamme possible des symptômes que l’on peut rencontrer lorsqu’on souffre de DPP, leurs similarités avec ceux de la DNP, mais aussi les quelques particularités qui peuvent être observées en raison du contexte postnatal. Une étude canadienne a en effet révélé une incapacité des nouvelles mères et de leur réseau à identifier les symptômes de la DPP, ce qui interférerait dans leur recherche d’aide (Sealy, Fraser, Simpson, Evans etHartford, 2009). L’éducation du public est donc, elle aussi, préconisée concernant les symptômes caractéristiques de ce phénomène dépressif, mais aussi des facteurs de risque et de protection.
Limites de l’étude et recommandations pour les recherches futures
Cette étude constitue à notre connaissance la première recherche qualitative à avoir documenté les similitudes et les différences concernant les symptômes perçus entre la DPP et la DNP. Il est cependant nécessaire d’interpréter les résultats avec prudence en raison de certaines limites. Tout d’abord, le statut socioéconomique élevé ainsi que le niveau de scolarité majoritairement universitaire des participantes de cette étude, impliquent une relative homogénéité du profil des mères en dépression. Le manque d’hétérogénéité des participantes ne nous permet pas de savoir si les mères qui vivent dans un contexte plus défavorisé rapporteraient le même type de symptômes. De plus, il aurait été souhaitable que le diagnostic de dépression clinique soit confirmé par une seconde personne afin d’éviter les biais diagnostiques. Finalement, nos résultats n’ont pas pu être validés par les mères elles-mêmes, ce qui selon Van der Maren (1996), pourrait limiter la validité de nos résultats. Malgré tout, les résultats qualitatifs démontrent un niveau de transférabilité acceptable en raison des liens effectués avec les recherches antérieures. De plus, la majorité des critères de qualité énoncés par Van der Maren (1996) ont été respectés. Aussi, précisions que nous sommes partis d’un cadre épistémologique sans a priori, ce qui limite les biais d’interprétation. Nos résultats encouragent la poursuite d’études, de nature qualitative, menées à l’aide d’un groupe de comparaison de mères en DNP, afin de préciser la nature des symptômes de la DPP. L’identification des mères en dépression devrait se baser sur l’utilisation d’une entrevue clinique structurée plutôt que d’utiliser des questionnaires autorapportés. Enfin, la poursuite des recherches relatives à la comparaison des causes perçues par les mères en DPP et en DNP pourrait également contribuer à apporter des éléments de réponse à la question de la spécificité du diagnostic de la DPP.
Conclusion
En conclusion, du point de vue symptomatologique, la DPP se manifeste de manière similaire à la dépression classique. Bien que quelques particularités soient observées entre les mères souffrant de DPP et celles souffrant de DNP, plusieurs aspects des résultats de notre étude sont cohérents avec la vision, selon laquelle, la DPP ne constitue pas un diagnostic distinct. Toutefois, il semble nécessaire de tenir compte du contexte postnatal qui pourrait induire une expressivité particulière des symptômes dépressifs et influencer la détection de cette condition. La culpabilité que peuvent éprouver certaines mères, en raison de leur échec à être des mères parfaites, peut avoir des implications majeures dans l’identification des mères en DPP. Comprendre le phénomène dépressif en période postnatale demeure un défi et la poursuite d’études de nature qualitative menées à l’aide d’un groupe de comparaison de mères en DNP est préconisée.
Appendices
Note
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[1]
Adresse de correspondance : 1130, rue Sherbrooke Ouest, bureau 350, Montréal (QC), H3A 2M8. Téléphone : 514-581-2405. Courriel : stephgoron@gmail.com
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