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INTRODUCTION

Le TDAH se caractérise par de l'inattention, de l'hyperactivité et de l'impulsivité (APA, 2015). Les symptômes de ce trouble chez les enfants persistent à l'âge adulte dans 60 à 80 % des cas (Childress et Berry, 2012). Selon Biederman, Petty, Small et Faraone (2010), une majorité d'adultes continuent à présenter un nombre important de symptômes liés au TDAH, leur causant d'importantes atteintes fonctionnelles. La prévalence du TDAH chez les étudiants de niveau postsecondaire varie de 2 à 8 % selon les études (DuPaul, Weyandt, O'Dell et Varejao, 2009). Pour beaucoup de jeunes présentant un TDAH, la transition vers l'éducation postsecondaire peut représenter un obstacle important. Il s’agit d’une période de développement critique au cours de laquelle les étudiants sont confrontés à plusieurs défis qui nécessitent des stratégies d'adaptation majeures (Farrell, 2003). Ils font face à une baisse significative du soutien externe des parents et des enseignants (DuPaul Weyandt, O'Dell et Varejao, 2009; Fleming et McMahon, 2012). Les exigences environnementales augmentent également, par exemple, ils doivent assumer des responsabilités financières, maintenir leur santé personnelle et devenir autonomes sur le plan scolaire (Schulenberg, Sameroff et Cicchetti, 2004). L'éducation postsecondaire génère aussi de plus grandes exigences pédagogiques et organisationnelles en contraste avec leur expérience scolaire antérieure. Par exemple, les horaires de cours irréguliers donnent souvent aux étudiants l'impression qu'ils ont plus de temps libre, ce qui peut entraîner une désorganisation (Landeaux et Goupil, 2010; Meaux, Green et Broussard, 2009).

L'adaptation à la vie collégiale ou universitaire, pour les étudiants diagnostiqués avec un TDAH, présente des défis supplémentaires (Landry et Goupil, 2010; Nugent et Smart, 2014) par rapport aux étudiants sans TDAH (Weyandt et DuPaul, 2008, 2013). Plusieurs études suggèrent que les étudiants ayant un TDAH ont un plus grand risque de connaître des difficultés sociales, psychologiques et scolaires que les étudiants sans le trouble (DuPaul, Weyandt, O'Dell et Varejao, 2009; Overbey, Snell et Callis, 2011; Wolf, Simkowitz et Carlson, 2009). Plus spécifiquement concernant la santé mentale, les étudiants vivant avec un TDAH sont plus susceptibles d’éprouver des symptômes dépressifs, des problèmes sociaux, de l'instabilité émotionnelle et des problèmes de consommation de substances, comparativement à leurs pairs sans TDAH (Blase et al., 2009). De plus, Shaw-Zirt et ses collègues (2005) signalent que les étudiants vivant avec un TDAH ont plus de difficulté à s'adapter sur les plans scolaire et social et ils présentent une plus faible estime de soi. Sur le plan académique, les données disponibles suggèrent que les étudiants ayant un TDAH qui réussissent assez bien pour s'inscrire à l'université obtiennent des résultats inférieurs à ceux de leurs pairs (Green, 2012). Ils sont également moins susceptibles de décrocher leur diplôme d’études (Barkley, Murphy et Fischer, 2008; Frazier, Youngstrom, Glutting et Watkins, 2007; Kuriyan et al., 2013). De plus, comparativement aux étudiants ayant un trouble d’apprentissage, ceux avec un TDAH éprouvent plus de difficultés à se concentrer, à gérer leur temps, à identifier les points importants, à comprendre ce qui est demandé et à planifier leur travail (Reaser, Prevatt, Petscher et Proctor, 2007). D’ailleurs, plusieurs études montrent que les difficultés scolaires éprouvées par les étudiants ayant un TDAH sont probablement dues, non seulement à des symptômes d’inattention ou d’hyperactivité/impulsivité, mais aussi à un manque de préparation adéquate sur le plan de l’organisation, de la gestion du temps et de l’étude (Advokat, Lane et Luo, 2011; Blase et al., 2009; Lewandowski, Lovett, Codding et Gordon, 2008; Norwalk, Norvilitis et MacLean, 2009; Reaser et al., 2007; Weyandt et al., 2013). D'autres domaines de la vie peuvent également être problématiques, tels qu'une mauvaise gestion financière, une moins bonne performance au travail et des problèmes judiciaires (DuPaul et Weyandt, 2013). En somme, jusqu’ici la majorité des recherches s’intéressant aux étudiants ayant un TDAH, font état de résultats plutôt négatifs. Pourtant, malgré les difficultés éprouvées par ces individus, un nombre croissant de jeunes adultes vivant avec un TDAH réussissent à entrer au collège et à l’université, et à terminer leurs études. Wilmshurst, Peele et Wilmshurst (2011) soulignent d’ailleurs qu’il s’agit d’un groupe particulièrement résilient. Ainsi, il s’avère nécessaire que plus de recherches soient réalisées afin de mieux connaître les variables influençant leur réussite.

Bien qu'il semble clair que les atteintes fonctionnelles du TDAH seront plus sévères chez les étudiants ayant le trouble que chez ceux qui n'en sont pas atteints, peu d’études nous renseignent sur les différences pouvant exister selon les variables personnelles des étudiants, telles que le genre ou l’âge. D’ailleurs, comme le soulignent Laplante et ses collègues (2010), nombreux sont les adultes qui reprennent les études. Au Québec, par exemple, les étudiants de 25 ans et plus constituent près de la moitié (48 % en 2006) des étudiants des universités. Un nombre élevé de jeunes adultes et d’adultes composent donc l’effectif étudiant. Ce groupe d’étudiants, soit ceux plus âgés, ne représentant pas l’étudiant « typique » et se voit, à quelques exceptions près, être mis de côté dans les études s’intéressant aux étudiants ayant un TDAH. Aussi, dans l'une des rares études à avoir examiné les difficultés fonctionnelles selon le genre des étudiants de niveau postsecondaire ayant un TDAH, Fedele et ses collègues (2012) ont montré que les femmes ont des niveaux plus élevés d’atteintes fonctionnelles que les hommes. Elles présentent notamment plus de difficultés que les hommes dans leur vie familiale, les activités sociales, les relations amoureuses, les activités éducatives, la gestion financière et les activités de la vie quotidienne.

Pour traiter les difficultés associées au TDAH, la pharmacothérapie est le traitement de première ligne le plus couramment utilisé chez les personnes de tous les âges (Prince, Wilens, Spencer et Biederman, 2015). Chez les adultes ayant un TDAH, ce traitement a montré des effets directs sur l'amélioration des symptômes et de la qualité de vie (Weiss et al., 2010). Plus spécifiquement pour les étudiants ayant un TDAH, les psychostimulants s’avèrent les médicaments les plus fréquemment prescrits (comme pour les enfants et les adolescents) (DuPaul et al., 2009). Ils leur permettent de rester concentrés et éveillés, d'être attentifs, d'éviter les distractions et de mieux organiser leurs études (Advokat et al., 2011). De plus, les résultats de la recherche de DuPaul et ses collègues (2012) montrent que la molécule dimésylate de lisdexamfétamine (Vyvanse) est associée à une réduction des symptômes du TDAH et à l’amélioration des fonctions exécutives chez les étudiants ayant un TDAH. Cette molécule, ainsi que d’autres psychostimulants à longue durée d’action sont des agents thérapeutiques utilisés en première intention pour le traitement du TDAH au Canada (CADDRA, 2018).

Bien que les étudiants ayant un TDAH rapportent que les médicaments stimulants les aident sur le plan scolaire (Advokat et al., 2011), des études ont montré que les moyennes pondérées des étudiants recevant un traitement pour le trouble, ne diffèrent pas significativement des étudiants sans médication (Advokat et al., 2011; Rabiner, Anastopoulos, Costello, Hoyle et Swartzwelder, 2008). Certaines études indiquent aussi que le traitement pharmacologique chez les étudiants n'est pas lié à une meilleure adaptation ou à une réduction des symptômes associés au TDAH (Blase et al., 2009; Rabiner et al., 2008). Plusieurs raisons pourraient expliquer pourquoi le traitement pharmacologique est moins efficace pour ces étudiants. Par exemple, il semble que les périodes de cours, pouvant aller de tôt le matin à tard le soir, sont souvent plus longues que celles de la période d'action des médicaments (Rabiner et al., 2009). En outre, la recherche sur l'efficacité des médicaments dans cette population est plutôt limitée, par rapport à celle disponible chez les enfants et les adolescents.

OBJECTIFS

Selon l’Association interuniversitaire des conseillers aux étudiants en situation de handicap (AQICESH), dont le rôle est d'aider les étudiants en situation de handicaps à accéder aux installations universitaires, aux services et aux accommodements universitaires, la population étudiante ayant un TDAH a considérablement augmenté ces dernières années (AQICESH, 2016). À ce jour, peu d’études scientifiques ont permis de documenter la population étudiante vivant avec un TDAH et bénéficiant de services adaptés au Québec. Or, considérant les nombreuses difficultés fonctionnelles rencontrées par ces individus et les résultats contrastés des études, qui ont tenté de démontrer l'efficacité du traitement pharmacologique, cela justifie d’étudier davantage le fonctionnement adaptatif et l'impact de l'utilisation d’une médication chez cette population. En ce sens, l'objectif principal de cette étude exploratoire est d'obtenir de l'information sur les atteintes fonctionnelles vécues par les étudiants de niveau postsecondaire ayant un TDAH dans différents domaines de leur vie, et de documenter la prise de médicaments chez cette même population, ainsi que son impact sur le fonctionnement de ces individus. Aussi, cette étude vise à clarifier la relation entre l'usage de médicaments et le fonctionnement général des étudiants ayant un TDAH, et à explorer les différences potentielles selon le genre, l’âge et le niveau scolaire.

MÉTHODOLOGIE

Participants

Les participants étaient des étudiants ayant un diagnostic de TDAH, âgés de 17 à 55 ans provenant de sept collèges et de deux universités de la province de Québec. Le Tableau 1 présente les données sociodémographiques de l’échantillon retenues (N = 243) pour les analyses subséquentes. Parmi les étudiants universitaires, 81,1 % étaient inscrits dans un programme de premier cycle (19,8 % dans un certificat et 61,3 % dans un baccalauréat) et 18,9 % dans un programme d'études supérieures (13,2 % dans une maîtrise et 5,7 % au doctorat). Les participants devaient répondre à trois critères d'admissibilité pour participer à l'étude : (1) avoir 16 ans ou plus; (2) avoir un diagnostic officiel de TDAH évalué par un psychologue ou un médecin[2]; (3) être étudiant dans un collège ou une université participant au projet. Au total, 13 participants ont été retirés de l'échantillon parce qu'ils n'avaient pas de diagnostic formel de TDAH (n = 6) ou en raison de données insuffisantes (n = 7).

Mesures

Questionnaire sociodémographique

Par le portail Internet de l'étude, les participants ont été invités à remplir un questionnaire autorapporté, basé sur le questionnaire des caractéristiques cliniques pour les étudiants ayant un TDAH d'Advokat, Lane et Luo (2011). Le questionnaire contenait 10 questions, fournissant des informations générales sur le genre, l'âge, la situation de logement, le niveau d'étude, le statut d’emploi, la prise de médicaments pour le traitement du TDAH et sur leur consommation de cigarettes, de boissons énergisantes et de café.

Weiss Functional Impairment Rating Scale – Self-report (WFIR-S)

La version française du Weiss Functional Impairment Rating - Self-report (WFIR-S) (Weiss, 2011) a été utilisée pour mesurer les atteintes fonctionnelles liées au TDAH dans sept domaines de fonctionnement. L’instrument comprend 70 items à répondre sur une échelle de Likert en quatre points (0 = jamais ou pas du tout, 1 = parfois ou un peu, 2 = souvent ou beaucoup, et 3 = très souvent ou beaucoup). La consistance interne, calculée à partir de l'échantillon de l'étude, est considérée comme très bonne (Alpha de Cronbach = 0,828), ce qui était similaire à la version originale (α = .90). Les items sont divisés en sept échelles de domaine fonctionnel : famille (8 items, α = 0,814; p. ex., conflits, dépendance envers les autres), travail (11 items, α = 0,799; p. ex., travail d’équipe, absence), études (10 items, α = .804; p. ex., prise de notes, efficacité dans la réalisation des travaux, résultats obtenus), aptitudes à la vie quotidienne (12 items, α = .780; p. ex., sommeil, finances, tâches ménagères), concept de soi (5 items, α = .814; p. ex., opinion envers soi, sentiment de découragement), fonctionnement social (9 items, α = .797; p. ex., conflits avec autrui, coopération, garder ses amis) et comportement à risque (14 items, α = .825; p. ex., conduite automobile, consommation de substances psychoactives, relations sexuelles)[3].

Procédure

Les participants étaient des femmes et des hommes de deux universités et de sept collèges de différentes régions du Québec, inscrits dans les services adaptés de leur établissement d’enseignement entre mars et mai 2015. Pour des raisons de confidentialité, les contacts avec les étudiants ont été menés par les gestionnaires des services adaptés, qui ont invité les étudiants répondant aux critères de sélection, à participer au projet de recherche. Lorsque les étudiants faisaient le choix de participer, ils étaient dirigés vers le site Internet de l'étude et devaient lire le document de consentement éclairé. Les participants ont pris entre 20 et 35 minutes pour remplir le questionnaire. Ceux ayant répondu à l'ensemble du questionnaire étaient éligibles à un tirage de deux iPad mini. Les approbations éthiques nécessaires ont été obtenues par le comité d'éthique de l'Université du Québec à Trois-Rivières, et des lettres de collaboration ont été obtenues d'autres collèges et universités participants.

Analyses statistiques

Afin de mieux comparer les échelles entre elles, considérant qu'elles n'avaient pas le même nombre d'items, un score moyen a été calculé pour chacune d'elles. Comme spécifié dans les instructions du WFIR-S (Weiss, 2011), toutes échelles avec au moins deux items ayant un score de 2, ou un item ayant un score de 3, ou une moyenne supérieure à 1,5 est considéré comme une atteinte fonctionnelle. À l’exception de l’échelle de comportements à risque où le seuil moyen d’atteinte fonctionnelle est supérieur à 1. Afin d'examiner les atteintes fonctionnelles plus en détail, une analyse par item a également été effectuée. Les seuils d’atteintes fonctionnelles respectent les mêmes règles que pour l’analyse par échelle. De plus, une série de tests t pour observations appariées a été effectuée sur les scores moyens des différentes échelles du WFIR-S, afin de vérifier si ces échelles différaient significativement les unes des autres. Ensuite, des analyses de corrélation bivariées ont été menées pour examiner les relations entre les échelles fonctionnelles. Aussi, pour comparer les différences de groupe, selon les variables indépendantes de l'étude (prise de médicaments, genre, âge et niveau d'étude), deux MANOVA ont été réalisées.

RÉSULTATS

Les atteintes fonctionnelles

Le Tableau 1 présente les moyennes et les écarts-types des différentes échelles de la version française du WFIR-S et les résultats du test t pour observations appariées, ainsi que le pourcentage d’étudiants ayant au moins deux items notés 2 ou un item noté 3 aux échelles du WFIR-S. Selon les résultats des tests t pour observations appariées, les scores moyens pour les différentes échelles diffèrent significativement (p < 0,001), à l'exception de l'échelle de fonctionnement social, qui ne diffère pas significativement de l’échelle famille (p = 0,231) et travail (p = .109). Selon les moyennes des échelles, le concept de soi est le domaine présentant le plus d’atteintes fonctionnelles, alors que le travail est le domaine montrant le moins d’atteintes. Selon les données présentées au Tableau 2, les résultats montrent qu’une forte proportion des étudiants de l’échantillon vivent des atteintes fonctionnelles liées aux aptitudes à la vie quotidienne, aux études et au concept de soi.

Tableau 1

Caractéristiques des participants selon le niveau d’étude

Caractéristiques des participants selon le niveau d’étude

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Le Tableau 3 présente plus en détail les moyennes et les écarts-types des items qui répondent aux critères d’atteinte fonctionnelle (M > 1,5), selon le domaine auquel ils se rapportent. Aucun item n’est lié à la famille, au travail et au fonctionnement social. Sur la base des résultats obtenus, il apparaît que sur le plan des études, les étudiants ont des difficultés importantes dans la prise de notes en classe, dans la réalisation efficace de leurs travaux scolaires, et rapportent d’importantes variations dans leurs résultats scolaires. De plus, les difficultés de sommeil, le sentiment de découragement et la distraction au volant apparaissent comme des difficultés prédominantes chez les étudiants.

Liens entre les échelles fonctionnelles

Afin de vérifier l’existence de relations entre les échelles du WFIR-S, des corrélations bivariées de Pearson ont été réalisées. Les analyses révèlent des corrélations significatives élevées avec entre l’ensemble des échelles (p < .001) (voir le Tableau 4). Les corrélations les plus élevées sont observées entre l’échelle d’aptitudes à la vie quotidienne et les échelles des études, du concept de soi, du fonctionnement social et du travail. Ces résultats suggèrent que les étudiants ayant des niveaux de difficulté plus élevés, dans les aptitudes à la vie quotidienne, ont également un plus haut niveau de difficulté dans les sphères des études, du concept de soi, du fonctionnement social et du travail.

Tableau 2

Scores moyens, écarts-types et pourcentages d’individus avec au moins deux items notés 2 ou un item noté 3 aux échelles du WFIR-S

Scores moyens, écarts-types et pourcentages d’individus avec au moins deux items notés 2 ou un item noté 3 aux échelles du WFIR-S

Note. Selon le test t apparié, la moyenne en gras ne diffère pas significativement des moyennes soulignées à p < 0,05.

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Tableau 3

Scores moyens et écarts-types des items du WFIR-S présentant une atteinte fonctionnelle

Scores moyens et écarts-types des items du WFIR-S présentant une atteinte fonctionnelle

Note. Les items supérieurs à 1,5 représentent une atteinte fonctionnelle, à l'exception des items liés à l'échelle de comportement à risque où les items doivent être supérieurs à 1 pour représenter une atteinte fonctionnelle.

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Tableau 4

Corrélations entre les échelles du WFIR-S

Corrélations entre les échelles du WFIR-S

Note. Toutes les corrélations sont significatives à p < 0,001.

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La prise de médicaments

Les caractéristiques cliniques associées à la prise de médicaments sont présentées dans le Tableau 5. Les résultats montrent qu’une grande majorité des étudiants interrogés prennent une médication pour le TDAH. Les médicaments les plus souvent utilisés par les étudiants étaient les psychostimulants de la classe des méthylphénidates (p. ex., Ritalin, Concerta, Biphentin). Parmi les répondants ayant cessé de prendre leur médication, plus de la majorité (59,5 %) expliquent cet arrêt par des effets secondaires du traitement trop incommodants, 8,1 % par l’arrêt d’un suivi médical et 32,4 % mentionnent d’autres raisons plus spécifiques. Parmi ces raisons, on retrouve notamment « le désir de faire sans », « l’impression de ne plus être soi-même », « une période d'essai non concluant », « le prix élevé des médicaments », « un usage abusif de la médication », « développement de techniques pour mieux fonctionner ». Enfin, une grande proportion des étudiants, n’ayant jamais pris de médicament pour leur trouble, rapporte avoir le sentiment d’être capable de faire face au TDAH sans traitement pharmacologique.

Les variables influençant les atteintes fonctionnelles

Pour répondre aux objectifs de l’étude, deux MANOVA ont été réalisées avec les sept échelles du WFIR-S comme variables dépendantes, l’une avec le genre (féminin/masculin) et le niveau d’étude (cégep/université) comme variables indépendantes (VI), et l’autre avec l’âge et la prise de médicaments comme VI. Des tests d'hypothèses préliminaires ont été effectués pour déterminer si des violations se sont produites en ce qui concerne la normalité, la linéarité, l'homogénéité de la variance et l'égalité de variance. Aucune violation grave n'a été commise.

Tableau 5

Caractéristiques cliniques liées à la prise de médicaments chez les étudiants ayant un TDAH

Caractéristiques cliniques liées à la prise de médicaments chez les étudiants ayant un TDAH

Note.* Le participant pourrait mentionner prendre plus d'un médicament (max = 2).

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La première MANOVA (voir Tableau 6) Sexe X Niveau d’étude ne montre pas d’effet multivarié significatif pour l’effet d’interaction [F(7,222), 1,015, p = 0,421; Lamba de Wilks = 0,969, η2 = 0,031, puissance observée = 0,434] et l’effet Niveau d’étude [F(7,222), 1,547, p = 0,153; Lamba de Wilks = 0,954, η2 = 0,046, puissance observée = 0,639]. Par conséquent, il n'y a pas de différence globale entre les échelles d’atteintes fonctionnelles et l’interaction du genre et du niveau d’étude. Néanmoins, il y a un effet principal multivarié avec la variable du genre : F(7,222), 2,938, p = 0,006; Lamba de Wilks = 0,912, η2 = 0,085, puissance observée = 0,927. De façon générale, les femmes (M = 0,92, ÉT = 0,40) ayant un TDAH rapportent davantage d’atteintes fonctionnelles que les hommes (M = 0,87, ÉT = 0,37). L'indice de taille de l'effet est plutôt important (Cohen, 1988), les variations observées des difficultés fonctionnelles sont expliquées à 9,3 % par le genre. Les ANOVAs montrent un effet significatif du genre pour l'échelle du concept de soi, indiquant que les femmes (M = 1,62, ÉT = 0,62) montrent significativement plus d’atteintes fonctionnelles dans cette sphère de la vie que les hommes (M = 1,33, ÉT = 0,10).

La deuxième MANOVA Prise de médicaments X Âge (voir Tableau 7) ne révèle pas d’effet principal multivarié significatif pour l’effet d’interaction Prise de médicament X Âge [F(7,220), 1,632, p = 0,068; Lamba de Wilks = 0,904, η2 = 0,049, puissance observée = 0,887]. Il y a toutefois une tendance pour l’effet principal multivarié avec l’effet de la prise de médicaments [F(7,220), 2,015, p = 0,054; Lamba de Wilks = 0,940, η2 = 0,060, puissance observée = .776] et un effet significatif avec l’effet de l’âge [F(7,220), 2,441, p = 0,003; Lamba de Wilks = 0,861, η2 = 0,072, puissance observée = .984]. Les étudiants âgés de 26 à 30 ans (M = 1,02, ÉT = 0,38) et de 31 ans et plus (M = 1,02, ÉT = 0,35) vivent plus d’atteintes fonctionnelles que les étudiants âgés de 18 à 25 ans (M = 0,87, ÉT = 0,40). L'indice de taille de l'effet de l’âge est élevé (Cohen, 1988) et explique 7,2 % des variations observées quant aux atteintes fonctionnelles. Les résultats des ANOVAs montrent un effet intersujet significatif sur la variable prise de médicaments pour l’échelle des comportements à risque. Les étudiants non médicamentés (M = 0,58, ÉT = 0,37) ont des atteintes fonctionnelles significativement plus élevées que les étudiants médicamentés (M = 0,47, ÉT = 0,34). Ensuite, des effets intersujet significatifs sont aussi observés sur la variable de l’âge pour les échelles du travail et du concept de soi. Les étudiants âgés de 18 à 25 ans (M = 0,61, ÉT = 0,44) rapportent moins de difficultés liées à l’échelle du travail que ceux âgés de 26 à 30 ans (M = 0,85, ÉT = 0,54) et de 30 ans et plus (M = 0,98, ÉT = 0,52). De plus, les résultats sur l'échelle du concept de soi indiquent que les étudiants âgés de 26 à 30 ans (M = 1,69, ÉT = 0,73) et de 30 ans et plus (M = 1,69, ÉT = 0,70) avaient beaucoup plus de difficultés dans ce domaine que ceux âgés de 18 à 25 ans (M = 1,51, ÉT = 0,83).

Tableau 6

Analyses de la variance multivariée et univariée pour le Genre X Niveau d’étude selon les échelles du WFIR-S

Analyses de la variance multivariée et univariée pour le Genre X Niveau d’étude selon les échelles du WFIR-S

Note. Les rapports F sont l’approximation du F de Lamba de Wilks. ANOVA = Analyse univariée de la variance; MANOVA = Analyse multivariée de la variance.

*** p < 0,001, ** p < 0,01, * p < -.05

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Tableau 7

Analyses de la variance multivariée et univariée pour la Prise de médicaments X Âge selon les échelles du WFIR-S

Analyses de la variance multivariée et univariée pour la Prise de médicaments X Âge selon les échelles du WFIR-S

Note. Les rapports F sont l’approximation du F de Lamba de Wilks. ANOVA = Analyse univariée de la variance; MANOVA = Analyse multivariée de la variance.

*** p < .001, ** p < .01, * p < .05

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DISCUSSION

Cette étude avait deux objectifs principaux. D’abord, l’étude visait à explorer les atteintes fonctionnelles éprouvées par les étudiants de niveau postsecondaire ayant un TDAH. Il s’agissait aussi de tenter de clarifier la relation entre la prise de médicaments et les atteintes fonctionnelles, et d'examiner les différences selon le genre, l’âge et le niveau d'étude des étudiants.

Les atteintes fonctionnelles chez les étudiants ayant un TDAH

Les moyennes calculées aux échelles du WFIR-S, toutes inférieures au seuil d’atteintes fonctionnelles, à l'exception de l'échelle du concept de soi, montrent que les étudiants ont généralement un bon fonctionnement. Néanmoins, lorsque les domaines d’atteintes fonctionnelles sont examinés selon le nombre d’items notés 2 et 3, les résultats permettent de faire ressortir d’autres difficultés vécues par les étudiants de l’échantillon. En effet, les pourcentages d’atteintes fonctionnelles indiquent que les participants à l’étude ont aussi des difficultés importantes sur certains aspects liés aux aptitudes à la vie quotidienne (trouble de sommeil, tâches ménagères) et aux études (prise de notes, réalisation des travaux, résultats scolaires). Ces difficultés vécues sont cohérentes avec plusieurs études montrant, entre autres, des difficultés sur le plan des études (DuPaul et al., 2009; Fleming et McMahon, 2012). Par exemple, la revue de la littérature de Weyandt et DuPaul (2006) a révélé que les étudiants ayant un TDAH peuvent avoir de faible compétence dans la gestion du temps et l’organisation, et peuvent avoir des difficultés à planifier et organiser leur temps d’étude et à utiliser efficacement le temps et les ressources. Ces étudiants rapportent également une qualité de vie inférieure à celle des étudiants sans le trouble (Grenwald-Mayes, 2002), plus de difficultés sur le plan des relations sociales (Bruner, Kuryluk et Whitton, 2015; Weyandt et DuPaul, 2006) et plus de comportements à risque (DuPaul et al., 2009; Jerome, Habinski et Segal, 2006). Concernant les atteintes fonctionnelles liées au concept de soi, peu d'études ont examiné cette variable chez cette population. Celles s’y étant intéressées ont constaté que les étudiants ayant un TDAH sont plus susceptibles de déclarer des scores d'estime de soi inférieurs à ceux des étudiants sans le trouble (Canu et Carlson, 2007; Dooling-Litfin et Rosén, 1997; Shaw-Zirt et al., 2005). Ce résultat est particulièrement intéressant, car même si les étudiants ayant un TDAH sont considérés comme un groupe particulièrement résilient (Wilmhurst, Peele et Wilmshurst, 2011; Drigger, 2014) ayant des compétences compensatoires bien développées (Frazier et al., 2007), cela ne leur permet pas de maintenir un concept de soi positif, comme l'a supposé Nelson (2013). Ces résultats peuvent avoir des implications pour les interventions spécifiques destinées aux étudiants collégiaux et universitaires présentant un TDAH. Les professionnels des collèges et des universités pourraient vérifier le concept de soi des étudiants qui consultent, et en tenir compte dans leurs interventions. Par exemple, ils pourraient les aider à mieux se connaître et à s'accepter, à se fixer des objectifs réalistes et à tirer parti de leurs forces. L'utilisation d'une approche de type coaching avec les étudiants ayant un TDAH pourrait aussi être envisagée, car cette approche a démontré des résultats positifs auprès de cette population, notamment une augmentation de l'estime de soi et une diminution des symptômes de détresse (anxiété et dépression) (Prevatt et Yelland, 2015).

Les items pour lesquels les participants à l’étude ressentent des atteintes fonctionnelles sont conformes à la littérature. Les problèmes de sommeil rapportés par les étudiants concordent avec les résultats d'études associant les troubles du sommeil au TDAH (Hines et Shaw, 1993; Janusis et Weyandt, 2010). Cela dit, c'est le sentiment de découragement, les difficultés à prendre des notes en classe et l'inefficacité dans la réalisation des travaux scolaires, qui sont les aspects affectant le plus les participants à l’étude. Nous savons que pour réussir à l'université, un étudiant doit développer une pensée conceptuelle et critique, fournir un effort mental soutenu, être flexible, persévérer, gérer son temps de lecture et développer ses compétences en écriture (Landry et Goupil, 2010). Or, le TDAH affecte plusieurs de ces capacités cognitives. Il est fort probable que les difficultés à prendre des notes et à effectuer le travail scolaire efficacement puissent conduire à un profond sentiment de découragement chez les étudiants vivant avec un TDAH. Ces difficultés rapportées concordent aussi avec de récentes études (Advokat et al., 2011; Simon-Dack, Rodriguez et Marcum, 2016) rapportant que les étudiants ayant un TDAH ont des difficultés marquées dans l’organisation et la gestion du temps de leurs examens ou de leurs travaux. D’ailleurs, la désorganisation et l'inattention semblent être des facteurs importants de dysfonctionnement chez les étudiants, en particulier chez les universitaires. Ces symptômes ont été associés à une mauvaise gestion du temps et à l'absence ou à des retards aux cours, à des réunions et au travail (Meaux, Green et Broussard, 2009; Schwanz, Palm et Brallier, 2007).

Le bon fonctionnement des étudiants peut s’expliquer par le fait que les étudiants sont tous inscrits au service de Soutien aux étudiants en situation de handicap de leur établissement d’enseignement. Les recherches rapportent que l’accès aux services d’accommodements et à un support intensif peut avoir des effets bénéfiques pour les étudiants ayant un TDAH et éprouvant des problèmes académiques importants (Getzel, 2004). Les résultats suggèrent aussi que les étudiants de cette étude pourraient possiblement avoir de bonnes compétences cognitives et des stratégies d'adaptation efficaces pour s'adapter aux défis de l'éducation postsecondaire (Frazier et al., 2007) puisqu’un seul domaine fonctionnel est problématique lors de l’analyse des moyennes. La présence antérieure de nombreuses réussites chez les étudiants (Glutting, Youngstrom et Watkins, 2005) ou l'existence de facteurs de protection relationnels peuvent constituer des facteurs de protection importants. En effet, un bon soutien parental, émotionnel et scolaire est lié à un meilleur fonctionnement scolaire et émotionnel chez les étudiants ayant un TDAH (Wilmshurst, Peele et Wilmshurst, 2011).

Les analyses corrélationnelles suggèrent également l'existence de relations entre les aptitudes à la vie quotidienne et plusieurs domaines fonctionnels, tels que les études, le concept de soi, le fonctionnement social et le travail. Plus les étudiants éprouvent des difficultés à acquérir des compétences de base (p ex., une bonne hygiène de sommeil, se présenter à l’heure à ses rendez-vous, accomplir toutes ses tâches ménagères, gérer ses finances, etc.), plus ils subissent des impacts négatifs dans d'autres sphères de leur vie (études, concept de soi, fonctionnement social, travail). Ces résultats peuvent d’abord être liés à la transition vers les études postsecondaires qui est caractérisée par une perte brusque de la structure familiale (Landry et Goupil, 2010), exigeant donc une prise de responsabilité nouvelle pour l’étudiant. Aussi, accomplir des tâches exige un certain niveau de motivation. Or, les individus ayant un TDAH ont plus de difficultés à générer des émotions positives nécessaires pour s’engager dans les tâches et aussi plus de difficulté à inhiber les tentations de distractions, y compris celles permettant d’échapper à ce qui est désagréable (Ramsay et Rostain, 2015, p.48-59). Par conséquent, les difficultés rencontrées dans le quotidien peuvent provoquer des situations désagréables qui peuvent être difficiles à éviter pour les étudiants qui vivent avec un TDAH.

L’influence des variables personnelles sur les domaines d’atteintes fonctionnelles

Les analyses montrent que les étudiantes ayant un TDAH ont des niveaux plus élevés de difficultés que les étudiants ayant le trouble. Ces différences liées au genre sont similaires aux résultats rapportés par Fedele (2012) et Biederman et al. (2004), mais différent des résultats d’autres études (entre autres, Biederman et al., 2005; DuPaul et al., 2001). Le concept de biais positif d’auto-évaluation de compétence (positive illusory bias) pourrait être utile pour mieux comprendre ce résultat. Ce concept fait référence aux individus percevant leurs capacités comme plus positives que ce qu’elles sont réellement. Les recherches ont démontré que ce biais est présent chez les enfants ayant un TDAH (Hoza, Pelham, Dobbs, Owens et Pillow, 2002), mais aucune n’a examiné si cela s’étend au-delà de l’enfance. Bien que spéculatifs, nos résultats et ceux de Fedele (2012) pourraient suggérer que les hommes aux études et vivants avec un TDAH continuent de démontrer un biais positif d’auto-évaluation de compétence, alors que les femmes évaluent leurs difficultés plus précisément.

Les résultats de l’étude montrent des atteintes fonctionnelles plus importantes chez les étudiants de 26 ans et plus que chez les étudiants âgés de 18 à 15 ans. Les différences selon l’âge des étudiants ayant un TDAH sont peu documentées dans la littérature scientifique. Néanmoins, on peut supposer que le nombre de responsabilités augmente avec l’âge, et que cela engendre plus d’impacts au quotidien. Il est aussi possible que les étudiants du groupe les plus âgés représentent des étudiants ayant peut-être retardé leur inscription à l’éducation postsecondaire et qui retournent au collège ou à l'université, après une période de latence. La présence d'étudiants plus âgés pourrait aussi s'expliquer par l'amélioration de l'accessibilité aux études universitaires (notamment par la reconnaissance des acquis sur la base de l’expérience) ou par le soutien croissant, ces dernières années, des services aux étudiants, notamment en ce qui concerne les services de soutien et les mesures d'accommodement pour les étudiants en situation de handicaps (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2010). Il s’avère pertinent que le groupe des étudiants de 26 ans et plus soit considéré dans les recherches futures, d’autant plus que c’est cette tranche d’âge qui présente le plus d’atteintes fonctionnelles au collège ou à l’université.

Ensuite, les résultats suggèrent que les étudiants prenant une médication diffèrent des étudiants qui ne prennent pas de médicaments sur le plan des atteintes fonctionnelles. En effet, les étudiants médicamentés pour le TDAH montrent moins de difficultés fonctionnelles que les étudiants non médicamentés. Selon les résultats obtenus, la prise de médicaments pourrait même apparaître comme un facteur de protection dans certaines sphères de vie des étudiants ayant un TDAH, au même titre que pour les enfants et les adolescents (Biederman, Spencer et Wilens, 2004). Ceux sans traitement pharmacologique sont plus susceptibles de manifester davantage de comportements à risque (conduite dangereuse, consommation de substances à risque, relations sexuelles non protégées, etc.). Aussi, malgré le fait que le contrôle de la variable « prise de médication » diffère d’autres études, il est intéressant de soulever que cette variable ne semble pas avoir d’influence sur le domaine des études, alors que de récentes études (Weyandt et al., 2017) ont rapporté que chez les étudiants TDAH, l'utilisation de médicaments stimulants sur ordonnance était associée à une amélioration de la performance dans certaines tâches neuropsychologiques. Une analyse qualitative approfondie apparaît indiquée pour les recherches futures auprès de cette population, afin d’étudier l’influence de la médication sur les études.

Par ailleurs, il est intéressant d'observer que le domaine du concept de soi ne semble pas être influencé par la prise de médicaments. Cela suggère que la médication en elle-même est insuffisante pour influencer positivement le concept de soi, soulignant alors l’importance d’envisager un traitement multimodal combinant la médication et des interventions psychosociales (Smith et Shapiro, 2015). D’autant plus que le concept de soi est une entité pouvant se cristalliser au fil du temps et être difficile à modifier une fois à l’âge adulte (Hay, 2005). En revanche, cette hypothèse ne peut être vérifiée, puisqu'aucune donnée n'a été collectée pour déterminer si les participants avaient reçu un traitement psychosocial dans le passé ou s'ils en bénéficiaient au moment de l’étude.

LIMITES

La présente étude comporte plusieurs limites devant être prises en compte lors de l'interprétation des résultats. D’abord, puisque les participants à l'étude étaient tous inscrits et pouvaient bénéficier des services adaptés de leur établissement, il est possible que cela ait pu influencer positivement les résultats. Par conséquent, en supposant que tous les participants reçoivent des mesures appropriées à leurs besoins, il est important d'en tenir compte lors de l'interprétation des résultats, car il est possible que cela ait pu atténuer les impacts négatifs. Aussi, comme il s’agit seulement des étudiants provenant des services adaptés des établissements postsecondaires, les résultats ne peuvent être généralisés aux étudiants ayant un TDAH ne bénéficiant pas des services adaptés. Il serait donc utile d'inclure ce groupe dans d'autres recherches.

Bien que les sondages par courrier électronique/Internet représentent une option prometteuse pour les évaluateurs, des recherches antérieures suggèrent que cette approche entraîne des taux de réponse inférieurs à ceux des modes traditionnels (Converse, Wolfe, Huang et Oswald, 2008). Aussi, l'exactitude des informations fournies ne peut être vérifiée ainsi que la compréhension exacte des questions par le participant. Il serait alors important que les recherches futures puissent inclure d'autres sources d'information (p. ex., questionnaire des parents, révision des dossiers scolaires, etc.) pour corroborer les informations autorapportées des participants.

Plusieurs facteurs n'ont pas pu être contrôlés dans l'étude, tels que le quotient intellectuel (QI), la fatigue cognitive résultant de la longueur du questionnaire, des informations sur le diagnostic complet (type de présentation du TDAH) et la présence de comorbidités. De plus, aucune information n'a été recueillie pour vérifier si les étudiants sous médication respectaient leur posologie ou s'ils ne l'utilisaient que pendant la semaine ou pendant la période d'examen. Aussi, compte tenu de l'écart d'âge dans notre échantillon et des différences significatives selon l’âge des étudiants, il aurait été intéressant de pouvoir documenter davantage leurs situations. Notamment, de savoir si les étudiants retournaient à l'école après une période d’absence ou s'il s'agissait de leur première présence à l’éducation postsecondaire.

RECOMMANDATIONS

Les atteintes fonctionnelles significatives sur le plan du concept de soi sont des difficultés qui peuvent apparaître dans l'enfance, persister et se cristalliser avec le temps. À cet égard, les interventions développées pour les étudiants ayant un TDAH doivent prendre en compte la difficulté qu'ils peuvent avoir à modifier leur perception de soi. De plus, comme nos résultats l’indiquent, le concept de soi n'est pas influencé par la prise de médicaments pour le TDAH, ce qui souligne l’importance d'offrir des services psychosociaux à cette population. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour aider les étudiants (médicamentés et non médicamentés) ayant un TDAH à développer des stratégies pour réduire les effets négatifs associés au trouble. Il s’avère important de développer des initiatives psychoéducatives ou psychologiques pour cette population afin d'améliorer leur fonctionnement adaptatif, notamment en ce qui concerne le concept de soi (image de soi et estime de soi) et les méthodes de travail, comme la prise de notes en classe et la réalisation efficace des travaux scolaires. Les recherches futures devraient également porter sur les différences qui peuvent exister entre les étudiants vivant avec un TDAH en termes de leurs antécédents scolaires (retour à l'école, formation continue, etc.).

En terminant, il semble important de soulever le fait que malgré la diversité de services disponibles, ces derniers sont peu fréquentés par la clientèle cible, soient les étudiants à risque ou en situation de handicap (Philion, Bourassa, Leblanc et Plouffe, 2010). À cet égard, dans l’étude de Chew, Jensen et Rosen (2009), environ la moitié des étudiants ayant un TDAH rapportent avoir reçu des mesures d'adaptation adéquates, et seulement 45 % ayant accès à des accommodements ont déclaré utiliser l'aide (Chew, Jensen et Rosen, 2009). Plusieurs raisons peuvent expliquer le faible recours aux services des établissements postsecondaires. Cela pourrait être dû au processus de la demande d’aide. Des recherches révèlent que les étudiants ayant un trouble d’apprentissage ou un TDAH sont peu habiletés à soutenir tout ce processus de demande d’aide (Getzel et Thoma, 2008; Trammell, 2003; Webb, Petterson, Syverud et Seabrooks-Blackmore, 2008). Cette difficulté serait d’ailleurs considérée comme la principale barrière à la réussite au postsecondaire (Finn, Getzel et MacManus, 2008). Or, les faibles atteintes fonctionnelles, ressenties par les étudiants de notre échantillon, révèlent aussi la possibilité que les services de Soutien aux étudiants en situation de handicap des établissements participants soient peu fréquentés par les étudiants vulnérables. Il est aussi probable que certains étudiants reçoivent du support à l’extérieur de l’établissement scolaire. Enfin, une réflexion s’impose quant aux services de soutien répondant le mieux à cette population. Pour ce faire, il semble important de développer des techniques d'entrevue et d'enquête qui pourraient aider à mieux connaître les étudiants ayant un TDAH, dont ceux qui n’utilisent pas les mesures accommodements.