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Introduction

La notion de « gagne-pain masculin » (male breadwinner) ou du ménage à un seul apporteur (Méda, 2008) est en déclin dans les sociétés développées, à la faveur d’une plus grande participation des femmes au revenu du ménage via l’emploi rémunéré (Warren, 2004; Raley, Martingly et Bianchi, 2006). C’est d’ailleurs le cas au Canada et au Québec, avec l’accroissement significatif ces dernières années de la contribution des femmes au revenu du ménage (voir Marshall, 2006; Sussman et Bonnel, 2006). La réalité du « double revenu » vient donc plus que jamais changer la dynamique familiale traditionnelle puisque les femmes sont maintenant très actives sur le marché du travail, même quand elles ont des enfants (Cloutier, 2007; Gaudreault, 2009; Roy, 2006). Un grand nombre d’écrits témoignent cependant que cette forte présence des femmes sur le marché du travail se traduit aussi en de multiples inégalités entre les sexes (Cloutier et al., 2011; Vosko, 2006; Raley, Martingly et Bianchi, 2006; Zhang, 2009). Par exemple, les femmes occuperaient plus souvent des emplois moins rémunérés, feraient davantage du temps partiel, détiendraient plus fréquemment des emplois de courte durée et seraient plus touchées par la surqualification (Conseil du statut de la femme, 2000; Bernier, Vallée et Jobin, 2003; Tessier, 2009; Cloutier, 2007; Cranford, Vosko et Zukewich, 2003; Johansson, Katz et Nyman, 2005; Hughes, Lowe et Schellenberg, 2003).

D’autres inégalités professionnelles se manifestent aussi entre les genres[1] dans un contexte où les responsabilités familiales jouent fortement (Kalleberg et Rosenfeld, 1990; Drobnic, Blossfeld et Rohwer, 1999) puisque ce sont les femmes encore aujourd’hui qui en assument la plus grande part malgré leur présence accrue en emploi (Tremblay, 2008; Marshall, 2006, 1999). Ainsi, il y aurait un arbitrage difficile entre les responsabilités familiales et l’emploi chez les mères qui se traduit souvent par une position plus fragile de ces dernières sur le marché du travail. En effet, plusieurs recherches montrent que les mères actives, en particulier celles qui ont de jeunes enfants, choisissent de privilégier la famille aux dépens de la sphère professionnelle (Raley, Martingly et Bianchi, 2006; Budig et England, 2001; Mandel et Semyonov, 2005), en occupant notamment des postes où les horaires de travail sont plus favorables aux obligations familiales (Drobnic, Blossfeld et Rohwer, 1999; Glass, 1990; Coverman, 1983) mais moins intéressants sur le plan des conditions de travail (salaire, avantages sociaux, etc.), ou encore, ont de la difficulté à faire reconnaître leurs compétences en vue d’obtenir de meilleurs emplois. Ainsi, ces femmes semblent davantage contraintes que les hommes ou que les femmes n’ayant pas d’enfant à détenir des emplois de moindre qualité; elles paieraient un « prix » dans leur double emploi (rémunéré et non rémunéré).

Cet article porte un nouveau regard sur les inégalités professionnelles sur le plan de la qualité de l’emploi entre les genres au Québec en tenant compte de deux grands déterminants, soit la charge familiale et le niveau d’études. En allant au-delà de la simple question des écarts femmes-hommes sur le plan salarial, nous nous attardons aux différences sur le plan de la qualité de l’emploi, en utilisant une nouvelle typologie qui tient compte à la fois de la rémunération, des heures de travail, de la qualification et de la stabilité. Notre préoccupation de recherche est de voir si les mères sont encore perdantes aujourd’hui dans leur qualité d’emploi malgré un rehaussement important de leur scolarité. L’article comprend trois sections. La première fait état de deux perspectives théoriques mises en contexte dans notre problématique. La seconde expose les éléments méthodologiques retenus alors que la troisième partie porte sur l’analyse des résultats. Enfin, une brève conclusion rappelle les principaux constats.

Perspectives théoriques

Considérée comme faisant partie des nouvelles théories d’inspiration néoclassique (voir Tremblay, 2004), la théorie du capital humain (Becker, 1975) est pertinente pour comparer la situation des femmes, et surtout des mères, sur le marché du travail à celle des hommes. Cette théorie, qui s’attarde uniquement au comportement individuel (choix rationnel), propose que l’investissement des individus dans leur capital humain (éducation, formation professionnelle, information sur le marché du travail, mobilité géographique, santé) « détermine » la productivité de leur travail. Plus cette productivité serait élevée, plus le salaire obtenu serait lui aussi élevé (Tremblay, 2004). Par extension, les travailleurs détenant un capital humain élevé occuperaient des emplois de meilleure qualité tant du point de vue du salaire, des avantages sociaux, de la sécurité et des perspectives de carrière (Young, 2010). Cette théorie semble intéressante à première vue pour comprendre pourquoi les femmes, et en particulier les mères, présentent une situation professionnelle moins favorable que les hommes. Ainsi, il est concevable de penser que ces dernières investiraient moins dans leur capital humain que les hommes, compte tenu de leur rôle plus « actif » dans la sphère familiale. Leur productivité au travail serait de ce fait moins forte que celle des hommes et expliquerait pourquoi elles occupent des emplois de moindre qualité, notamment sur le plan de la rémunération. Selon Young (2010), il semble qu’une vaste littérature appuie cette théorie explicative des différences entre les genres sur le marché du travail. Polachek (2004) considère même que la théorie du capital humain a été très pertinente pour expliquer la réduction appréciable de l’écart entre les genres sur le plan salarial au cours du 20e siècle aux États-Unis à la faveur d’un rehaussement appréciable de la scolarisation des femmes.

Par contre, comme le mentionnent Blau et Kahn (2000), les caractéristiques individuelles ou le capital humain détenu n’expliqueraient pas entièrement les différences entre les genres. Ces auteurs affirment de plus que même en prenant en compte les différences sur le plan de la profession, de l’industrie et de la présence syndicale, une différence salariale non négligeable entre les genres persiste. Il y aurait ainsi un « écart inexpliqué » qui serait attribuable selon eux à de la discrimination sur le marché du travail, ou plus précisément à de la discrimination salariale systémique (ministère du Travail, 2006). Cette discrimination exercée par les employeurs (Johansson, Katz et Nyman, 2005; Anker, 1997[2]) ferait en sorte, entre autres, que le capital humain détenu par les femmes serait moins bien reconnu et récompensé du point de vue salarial que celui des hommes, en particulier dans un contexte où ces dernières combineraient les responsabilités familiales et le travail. S’appuyant sur la théorie de la stratification des genres (gender stratification theory), Young (2010) mentionne que, par rapport aux hommes, les femmes ne subissent ainsi pas les mêmes effets de leur engagement familial sur leur situation professionnelle. Citant les travaux de Budig et England (2001) ainsi que ceux de Wright, Baxter et Birkelund (1995), elle mentionne que les femmes seraient ainsi davantage pénalisées sur le marché du travail compte tenu de leurs responsabilités familiales. Les recherches sur le sujet font ressortir le fait que les mères ont moins accès aux promotions et obtiennent une rémunération inférieure à celle des hommes durant leur carrière (Budig et England, 2001; Avellar et Smock, 2003). Elles ont très peu accès aux emplois hautement rémunérés et elles ont des difficultés à être réembauchées; les congés de maternité ont en conséquence des effets négatifs sur leur carrière (Mandel et Semyonov, 2005; Hersch et Stratton, 1994; Tremblay et Genin, 2010) et elles se voient moins souvent offrir une formation reliée à l’emploi (Hersch, 1991). Parmi d’autres conséquences d’une lourde charge familiale (plusieurs enfants ou encore présence d’enfants en bas âge) citées dans les recherches, mentionnons l’interruption de carrière, la perte d’expérience de travail, la baisse de productivité, de moindres gains d’emplois futurs, de même que l’occupation d’emplois peu rémunérés, à temps partiel contraint ou dont la qualification est faible ou non reliée aux compétences (Raley, Martingly et Bianchi, 2006; Avellar et Smock, 2003; Budig et England, 2001; Mandel et Semyonov, 2005; Hersch, 1991; Kalleberg et Rosenfeld, 1990).

Comme on peut le voir, la présence d’enfants est un facteur déterminant dans les différenciations de genre sur le plan professionnel, tout comme le serait le capital humain détenu. Nous partons donc de cette prémisse que les facteurs « capital humain » et « situation familiale » constituent des déterminants de premier plan de différenciation professionnelle entre les genres. Dans cet article, nous analysons la situation des genres en tenant compte simultanément de ces deux facteurs. Nous pourrons voir ainsi à travers le temps si la charge familiale ou l’absence de celle-ci accentue ou diminue les différences entres les genres sur le marché du travail lorsque le capital humain (ou le niveau de scolarité, qui permet de le mesurer) est identique.

Les résultats présentés ici, qui portent sur le Québec, couvrent une période particulièrement intéressante (1997-2007) au cours de laquelle on a assisté à plusieurs changements susceptibles d’avoir eu des impacts positifs sur la situation professionnelle des femmes et, par conséquent, sur la réduction des inégalités par rapport aux hommes. Brièvement, mentionnons que durant cette décennie, la conjoncture économique fut très bonne et surtout profitable aux femmes puisqu’elles ont obtenu la majorité des nouveaux emplois à temps plein (Cloutier, 2010), que ces dernières ont augmenté de façon appréciable leur scolarité (ISQ, 2006, 2008) et qu’il y a eu mise en oeuvre de politiques sociales qui leur sont normalement favorables (équité salariale, équité en emploi, services de garde). Avant de passer à l’analyse des résultats, il convient de présenter l’approche méthodologique retenue ici, qui consiste essentiellement en la création d’une typologie de la qualité de l’emploi en 12 groupes.

Considérations méthodologiques

Définition et mesure de la qualité de l’emploi

Le concept de qualité de l’emploi nous paraît particulièrement utile pour l’étude des inégalités entre les genres sur le marché du travail car, comme nous le verrons, il permet de mettre en relief les arbitrages que les travailleurs font entre différents avantages et inconvénients des emplois disponibles. Compte tenu des caractéristiques qui influencent leur participation au marché du travail, en particulier leur niveau de scolarité et les exigences de la vie familiale, les travailleuses et les travailleurs seront en effet appelés à « choisir », sous un certain nombre de contraintes et en présence de certaines occasions, un panier d’avantages et d’inconvénients qui, dans les circonstances, leur conviendront. C’est cela que nous voulons mettre en relief au moyen de notre typologie de la qualité de l’emploi.

Il n’existe pas de définition précise de la notion de « qualité de l’emploi », qui est très polysémique : son sens varie en particulier selon les données utilisées et les perspectives de recherche retenues (Krahn, 1992; Drolet et Morissette, 1998; Meisenheimer II, 1998; Hughes, Lowe et Schellenberg, 2003; Green, 2006; CEE, 2006; European Commission, 2008[3]). De façon générale toutefois, les recherches retiennent au moins trois dimensions fondamentales : la rémunération, la stabilité de l’emploi et les heures de travail (UNECE, 2010; Lowe, 2007; McGovern, Smeaton et Hill, 2004; Eurofound, 2002; European Commission, 2001; Anker et al., 2003; Kalleberg, Reskin et Hudson, 2000). Ces trois dimensions apparaissent ainsi incontournables dans toute étude portant sur la qualité de l’emploi.

Dans une récente étude, Cloutier (2008) présente un cadre conceptuel de la qualité de l’emploi afin de cerner les contours de ce concept. Fondé sur des études clefs effectuées sur le sujet au cours de la dernière décennie, ce cadre propose neuf dimensions : rémunération, congés, régimes de retraite, assurances collectives, heures de travail, horaires de travail, stabilité, qualification et conditions physiques et psychologiques. Ces dimensions donnent ainsi une image relativement complète de la qualité de l’emploi. Les autres dimensions souvent recensées dans les études en lien avec la qualité de l’emploi portent davantage sur la qualité du marché du travail ou la qualité du travail, plutôt que de l’emploi (voir Cloutier, 2011).

Par ailleurs, dans les études traitant des différences entre les genres sur le plan des conditions d’emploi et de travail, on utilise souvent les dimensions de base évoquées plus haut mais en les considérant souvent de façon individuelle. On examine par exemple, pour prendre les trois dimensions les plus communes, la situation comparative des femmes et des hommes sur le plan de la rémunération, on compare les écarts entre les genres sur le plan de la durée du travail ou encore on évalue les différences entre les genres en ce qui a trait à la stabilité d’emploi. Or, on conviendra que les réalités des travailleuses et des travailleurs sont plutôt multiformes et donnent lieu à des configurations souvent très variables, à des arbitrages entre ces différentes dimensions. Nous pensons qu’il faut aller au-delà de ces lectures unidimensionnelles et utiliser une catégorisation multidimensionnelle de la qualité de l’emploi, une typologie qui permette de mieux capter les différentes configurations, même si on ne pourra retenir l’ensemble des indicateurs potentiels. Une telle approche permet d’avoir une lecture plus juste de la situation professionnelle des femmes et des hommes. C’est l’approche privilégiée dans cet article.

Typologie de la qualité de l’emploi

La construction d’une typologie doit satisfaire deux exigences fondamentales. Il faut en premier lieu fournir une lecture de la qualité de l’emploi qui tienne compte de toutes les dimensions clefs pour lesquelles nous disposons de données. Comme nous l’avons vu, il y a au moins trois dimensions incontournables : la rémunération, la stabilité et les heures de travail. En deuxième lieu, il faut tenir simultanément compte de plusieurs aspects de la qualité de l’emploi en intégrant diverses combinaisons de dimensions/indicateurs. Cela permet ainsi de faire ressortir les arbitrages qui se présentent sur le marché du travail quant à la qualité de l’emploi. S’il est relativement facile d’identifier les emplois qui offrent une très bonne qualité à tous égards, d’une part, et, d’autre part, ceux dont la qualité est minimale, il reste que les positions intermédiaires sur ce plan donnent lieu à plusieurs configurations pouvant mieux être évaluées à partir d’une typologie multidimensionnelle. Ces positions intermédiaires reflètent les multiples arbitrages qui se font sur le marché du travail entre ce qu’offrent les entreprises, compte tenu du degré de concurrence dans lequel elles évoluent, et ce que recherchent les travailleurs compte tenu de leur situation et de leurs aspirations professionnelles et personnelles.

Ainsi, on aura des emplois où la stabilité sera acquise au prix d’une faible rémunération ou de longues heures, d’autres où une rémunération relativement élevée sera accompagnée de longues heures, et ainsi de suite. Nous présenterons systématiquement de telles configurations ci-dessous afin de mieux comprendre les inégalités sur le marché du travail et leur distribution selon le genre.

Au Canada, la principale source de données qui permet de satisfaire nos exigences pour la création d’une typologie de la qualité de l’emploi, est l’Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada. Cette enquête couvre les principaux éléments des conditions d’emploi et de travail depuis 1997 (rémunération, stabilité et heures de travail) et ce, sur une base mensuelle. Au-delà de ces trois dimensions de base de la qualité de l’emploi, l’EPA permet aussi d’intégrer une autre dimension tout aussi importante : la qualification[4]. La figure 1 montre le croisement des quatre dimensions possibles, de même que les catégories retenues dans chaque cas[5].

Comme l’illustre la figure 1, le croisement des dimensions rémunération, qualification, stabilité et heures de travail donne 120 configurations possibles de la qualité de l’emploi. Selon ce modèle, l’emploi offrant la meilleure qualité serait celui avec une rémunération horaire de 25,00 $ et plus, une qualification élevée, la stabilité et les heures de travail normales (temps plein – 30-40 heures). À l’opposé, un emploi dont la rémunération horaire est de moins de 10,00 $, peu qualifié et de surcroît occupé par un travailleur surqualifié, comportant de l’instabilité ainsi que des heures de travail courtes involontaires (temps partiel involontaire) afficherait la qualité d’emploi la plus faible.

Figure 1

Source : Cloutier (2008).

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Enfin, de récents travaux menés au Québec ont permis d’établir une nouvelle catégorisation de la qualité de l’emploi basée sur ces quatre dimensions (voir Cloutier, Bernard et Tremblay, 2008; Cloutier, 2008[6]). En tout, douze catégories ou groupes d’emplois ont été identifiés afin de faire ressortir les principales configurations de la qualité de l’emploi. Les paragraphes et l’encadré qui suivent présentent les caractéristiques principales des douze groupes de qualité de l’emploi qui ont finalement été retenus dans la typologie. Nous avons également associé à chacun de ceux-ci un titre afin de mieux les caractériser et de faciliter leur repérage.

Encadré 1

Catégorisation de la qualité de l’emploi en 12 groupes

Catégorisation de la qualité de l’emploi en 12 groupes

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Les travailleurs à temps partiel involontaire (groupe 1) sont des « travailleurs contraints » : les femmes et les hommes qui occupent ce genre de poste font face à des contraintes importantes puisque, d’abord et avant tout, ils ne parviennent pas à travailler autant d’heures qu’ils le désirent dans leur emploi. Les « travailleurs floués » (groupe 2) possèdent des compétences élevées, qui sont mises à contribution dans leur emploi, mais ils n’obtiennent pas une rémunération conséquente. Les « travailleurs au bas de l’échelle » (groupe 3) détiennent des emplois faiblement qualifiés et peu rémunérés. Ils sont confinés au bas de l’échelle de la qualité de l’emploi puisqu’ils n’ont vraisemblablement pas la possibilité d’améliorer leur situation. Les « travailleurs déclassés » (groupe 4) ont des compétences élevées mais n’arrivent pas à occuper des emplois conformes à leur profil professionnel; ils sont peu rémunérés, même si ces emplois sont stables et généralement d’une durée normale de travail.

Les « travailleurs standards » (groupe 5) jouissent de conditions d’emploi tout à fait acceptables puisqu’ils obtiennent une rémunération supérieure à la moyenne[7] (entre 15,00 $ et 19,00 $ l’heure), occupent des postes conformes à leur compétence et font des heures normales de travail dans des emplois stables. De leur côté, les « travailleurs privilégiés » (groupe 6) obtiennent les mêmes avantages mais se voient offrir une rémunération supérieure (entre 20,00 $ et 24,99 $ l’heure). Les « travailleurs au sommet » (groupe 7) ont la même qualité d’emploi que les travailleurs standards et privilégiés toutefois ils obtiennent la plus forte rémunération (25,00 $ ou plus l’heure). Les « travailleurs établis » (groupe 8) occupent en grande majorité des emplois peu qualifiés mais stables et à durée normale de travail. Contrairement aux travailleurs au bas de l’échelle ou défavorisés, les travailleurs établis obtiennent une meilleure rémunération. Toutefois, un certain nombre d’entre eux sont surqualifiés pour le poste.

Les « travailleurs vulnérables » (groupe 9) détiennent des emplois de faible qualité, qui ont comme caractéristique première d’être à durée limitée et peu rémunérés. Ces emplois sont en grande partie de qualification faible et sont détenus en grande partie par des travailleurs surqualifiés. De leur côté, les « travailleurs précaires » (groupe 10) jouissent d’une meilleure rémunération mais sont toujours confrontés à l’instabilité de leur emploi. Toutefois, ces derniers occupent des postes à qualification élevée la plupart du temps.

Les « travailleurs acharnés » (groupe 11) s’acharnent à faire de longues heures de travail mais dans des emplois peu rémunérés; peut-être le font-ils, justement, en raison de leur moins bonne rémunération. Enfin, les « travailleurs essoufflés » (groupe 12) font également de longues heures de travail, mais dans des emplois bien rémunérés. Il se peut qu’ils désirent obtenir ainsi des promotions ou responsabilités plus importantes ou qu’ils soient contraints de faire des heures supplémentaires. Les travailleurs acharnés occupent des emplois à qualification variable alors que les essoufflés occupent généralement des emplois à qualification élevée; dans les deux cas, il s’agit d’emplois stables.

Source de données et traitements statistiques

Les données utilisées dans cet article proviennent du fichier de micro-données à grande diffusion de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada. Les résultats portent sur les années 1997 et 2007, ils ne sont donc pas influencés par la crise économique survenue en 2008-2009. L’année 1997 est celle où commence la série statistique comportant les indicateurs sur la qualité de l’emploi. La population visée est celle des travailleurs salariés âgés de 15 ans et plus résidant au Québec et n’étant pas aux études à temps plein. Les travailleurs autonomes sont exclus des résultats étant donné que les données sur la rémunération ne sont pas collectées pour ce groupe et que la notion de stabilité d’emploi n’est pas appropriée dans leur cas.

Les résultats croisent à la fois la scolarité et la situation familiale afin de faire ressortir l’impact de ces deux dimensions sur la qualité de l’emploi des travailleurs. Compte tenu de la qualité des données, deux niveaux de scolarité sont retenus : 1) scolarité moyenne qui équivaut aux personnes ayant fait des études postsecondaires; 2) scolarité élevée qui correspond aux personnes ayant fait des études universitaires complètes de niveau baccalauréat (au minimum). Pour la situation familiale, les individus sont classés selon qu’ils sont en couple et sans enfant de moins de 18 ans ou encore en couple avec enfant(s) d’âge préscolaire (moins de 6 ans). Ces deux situations permettent de bien contraster la présence ou l’absence de charge familiale. Les données sur les personnes seules ne sont pas considérées en raison d’une moindre qualité des données pour les hommes. En tout, nous avons quatre groupes de femmes et quatre groupes d’hommes qui sont comparés entre eux.

Finalement, nous avons aussi effectué une autre opération de regroupement de la qualité de l’emploi qui a pour but de faciliter l’analyse comparative entre groupes d’employés et dans le temps. L’objectif était d’arriver à trois catégories, soit « qualité faible », « qualité moyenne » et « qualité élevée ». Le principal critère utilisé pour ce faire a été la prise en compte, dans chacun des 12 groupes, du nombre de dimensions considérées comme une « valeur forte » (rémunération horaire de 20 $ ou plus, emploi stable, qualification élevée et travail à temps plein [30-40 heures] ou à temps partiel volontaire) et du nombre de celles qui pouvaient être qualifiées de « valeur faible » (rémunération horaire de moins de 10 $, emploi instable, travailleurs surqualifiés et temps partiel involontaire). La dimension « rémunération » nous est apparue primordiale dans ce dernier exercice de regroupement; aussi, dès que la rémunération horaire était de moins de 15 $, le groupe était classé dans la catégorie « faible » ou « moyenne » selon les valeurs des autres dimensions. Le classement en trois catégories retenu est le suivant : 1) qualité faible : groupes 1, 3, 4, 9 et 11; 2) qualité moyenne : groupes 2, 8, 10 et 12; 3) qualité élevée : groupes 5, 6 et 7.

Résultats

Le tableau 1 présente l’évolution des indices de dissimilarité[8] entre les femmes et les hommes selon leur situation familiale et leur niveau d’études. Comme on peut le constater, la charge familiale présente des indices plus élevés (36 % en 1997) que lorsqu’il y a absence d’une telle charge (environ 30 %) ce qui va dans le sens des résultats de recherche évoqués précédemment. Quoiqu’il en soit, ces résultats indiquent de grandes différences entre les genres dans la qualité de l’emploi obtenu en 1997. Que se passe-t-il une décennie plus tard ? On constate qu’il y a eu une réduction appréciable de l’écart entre les genres chez les personnes en couple sans enfant, la baisse étant de 33 % chez celles détenant une scolarité moyenne et encore plus chez celles ayant une scolarité élevée (44 %). En 2007, l’indice était ramené à 20 % et 16 %, respectivement. En comparaison, la réduction fut beaucoup moins forte du côté des personnes en couple ayant des enfants en bas âge, même avec une scolarité élevée. Ainsi, l’indice n’a fléchit que d’environ 14-15 % et se maintient à un niveau encore très élevé en 2007, à plus de 30 %. Ces premiers résultats révèlent donc qu’il y a eu des changements dans les écarts entre les genres sur le plan de la qualité de l’emploi mais que ceux-ci ont été très variables selon la situation familiale et le capital humain détenu. Il convient dès lors de regarder plus en détail ce qui s’est réellement passé.

Tableau 1

Indices de dissimilarité entre les genres basés sur une catégorisation de la qualité de l’emploi en 12 groupes, résultats selon la situation familiale et le niveau d’étude, Québec, 1997 et 2007

Indices de dissimilarité entre les genres basés sur une catégorisation de la qualité de l’emploi en 12 groupes, résultats selon la situation familiale et le niveau d’étude, Québec, 1997 et 2007
Source : Enquête sur la population active de Statistique Canada (Québec).

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Ce sont surtout dans les emplois de faible et de moyenne qualité que la réduction appréciable de l’écart s’est produite entre les femmes et les hommes en couple détenant une scolarité moyenne mais n’ayant pas d’enfants (voir le tableau 2). En effet, c’est en raison principalement d’une moindre présence des travailleuses contraintes (celles faisant du temps partiel involontaire) et des travailleuses flouées (celles peu rémunérées occupant des emplois à qualification élevée), de même que d’une hausse des travailleuses établies (celles ayant des emplois bien rémunérés malgré qu’ils soient de qualification faible) qu’il y a eu une diminution de plus du tiers des écarts dans ce groupe. La hausse non négligeable de la proportion de femmes sans enfant avec une scolarité moyenne dans les emplois de qualité élevée (presque de 4 points) n’a pas permis pour autant une réduction plus appréciable de l’écart, étant donné que les hommes du même groupe ont eux aussi profité de ce type d’emploi, mais davantage.

Tableau 2

Évolution de la qualité de l’emploi selon le genre à partir d’une typologie en 12 groupes, résultats selon la situation familiale, employés ayant une scolarité moyenne, Québec, 1997 et 2007 (excluant les étudiants en emploi)

Évolution de la qualité de l’emploi selon le genre à partir d’une typologie en 12 groupes, résultats selon la situation familiale, employés ayant une scolarité moyenne, Québec, 1997 et 2007 (excluant les étudiants en emploi)

1. Un écart positif (négatif) indique que les femmes (les hommes) sont plus présentes (présents) dans la catégorie ou le regroupement de qualité de l’emploi.

Source : Enquête sur la population active, Statistique Canada.

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Que peut-on dire maintenant de la situation des mères et des pères ayant le même niveau d’études mais avec des enfants d’âge préscolaire ? On note une certaine amélioration de la qualité de l’emploi des mères puisque la part de celles détenant des emplois à temps partiel involontaire diminue de façon non négligeable mais, en revanche, celles qui sont flouées prennent de l’importance. En parallèle, on observe une baisse appréciable des travailleurs acharnés chez les pères, soient ceux qui font de longues heures de travail mais dans des emplois faiblement rémunérés. Ce changement favorise un rapprochement avec les mères qui sont très peu présentes dans ce type d’emploi. Mais ce qui ressort surtout dans les résultats c’est que la part des travailleuses standards, privilégiées et au sommet (emplois avec des rémunérations supérieures à la moyenne et de qualification élevée notamment) diminue même sur la période alors que c’est tout le contraire du côté des pères, où un accroissement important des travailleurs standards est observé. Cette tendance limite ainsi une plus forte réduction de l’écart entre les genres.

La situation chez les personnes ayant une scolarité élevée est présentée au tableau 3. Comme on peut le voir, la qualité d’emploi des femmes en couple sans enfant s’améliore grandement entre 1997 et 2007. Ainsi, la proportion de travailleuses au sommet (emplois rémunérés à 25,00 $ ou plus et à qualification élevée), augmente de plus de 8 points pour se fixer à 23 % en 2007. Elles réduisent ainsi fortement leur retard face aux hommes, qui augmentent aussi leur part dans ce type d’emploi. Par ailleurs, il y a également chez les femmes de ce groupe beaucoup moins de travailleuses contraintes, ce qui fait baisser de façon appréciable leur part dans des emplois de faible qualité. Outre le fait que les hommes en couple sans enfant et fortement scolarisés accroissent leur part dans les emplois standards et au sommet, on doit relever aussi qu’il y a beaucoup moins de travailleurs essoufflés (emplois de longue durée bien rémunérés) en 2007 qu’en 1997 (baisse de presque 7 points). Ce changement, notamment, favorise aussi la réduction appréciable de l’écart observé entre les genres dans ce groupe.

Tableau 3

Évolution de la qualité de l’emploi selon le genre à partir d’une typologie en 12 groupes, résultats selon la situation familiale, employés ayant une scolarité élevée, Québec, 1997 et 2007 (excluant les étudiants en emploi)

Évolution de la qualité de l’emploi selon le genre à partir d’une typologie en 12 groupes, résultats selon la situation familiale, employés ayant une scolarité élevée, Québec, 1997 et 2007 (excluant les étudiants en emploi)

1. Un écart positif (négatif) indique que les femmes (les hommes) sont plus présentes (présents) dans la catégorie ou le regroupement de qualité de l’emploi.

Source : Enquête sur la population active, Statistique Canada.

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Du côté des personnes en couple fortement scolarisées mais ayant des enfants en bas âge, on constate à la fois une baisse notable de la part des mères dans les emplois de faible qualité et une hausse importante de leur proportion dans des emplois de qualité élevée. Là encore, il y a moins de travailleuses contraintes mais aussi moins de travailleuses vulnérables (emploi temporaire faiblement rémunéré). On doit noter également que mêmes en ayant des enfants en bas âge, il y a eu une augmentation des travailleuses privilégiées sur la période de presque 6 points. Par contre, il s’est produit des mouvements opposés dans le cas des emplois de qualité moyenne alors que les travailleuses établies ont décliné de plus de 5 points mais en contrepartie, les travailleuses flouées et les précaires (emploi temporaire mieux rémunéré) sont plus présentes. Chez les pères, il y a un accroissement marqué des emplois de qualité élevée (7 points), soit davantage que ce qui a été observé chez les mères, limitant ainsi une plus forte réduction entre les genres dans ce groupe. Par ailleurs, les pères de jeunes enfants réduisent aussi de façon notable leur part de travailleurs essoufflés entre 1997 et 2007 se rapprochant ainsi des mères et voient leur présence dans des emplois de moindre qualité (vulnérables et acharnés) également diminuer en importance.

Ces résultats indiquent donc de façon générale, aussi bien chez les femmes que chez les hommes, que l’effet du capital humain rend bien compte des différences entre les personnes ayant une scolarité élevée et celle ayant une scolarité moyenne et ce, peu importe la situation familiale. Par exemple, la part d’emplois de qualité élevée chez les femmes hautement scolarisées (ayant des enfants ou non) est beaucoup plus élevée en 2007 (entre 45 % et 55 %) que celle observée chez les femmes moyennement scolarisée (entre 28 et 29 %). À l’inverse, la proportion de femmes avec une scolarité moyenne (avec ou sans enfant) occupant des emplois de qualité faible est nettement plus forte en 2007 (35-36 %) que celle constatée chez les plus scolarisée (14 %). Tous ces constats valent également pour les hommes.

Par ailleurs, sur la période étudiée, le rendement de la formation est aussi plus élevé chez les femmes ayant une scolarité élevée, qu’elles aient ou non des enfants, comparativement à celles qui sont moins scolarisées. En effet, on note simultanément une baisse appréciable de la proportion d’emplois de qualité faible et une hausse tout aussi notable de la part d’emplois de qualité élevée chez les plus scolarisées alors que du côté des femmes ayant une scolarité moyenne, c’est surtout la baisse dans les emplois de qualité faible ou encore la hausse dans les emplois de qualité moyenne qui ressort. Ces tendances s’observent aussi en grande partie chez les hommes.

Même si ces résultats semblent bien soutenir le modèle explicatif de la théorie du capital humain, nous avons observé que la réduction dans le temps des écarts entre les genres est très différente selon la situation familiale, indiquant que le capital en question ne rapporte pas de la même manière pour tous, ce qui est intéressant. En particulier, il convient de revenir sur la moindre réduction chez les personnes en couple avec des enfants en bas âge qui révèle peut-être ici l’effet « pénalisant » de la charge familiale sur la qualité de l’emploi des mères, qui persiste sur la période.

Malgré le fait, comme on l’a vu, que les mères aient amélioré de façon notable leur sort entre 1997 et 2007, surtout celles ayant une scolarité élevée, les différences par rapport à leurs homologues masculins demeurent fortes. Ainsi, même si 55 % des mères hautement scolarisées ont un emploi de qualité élevée en 2007 comparativement à 47 % chez les pères, il demeure que ces derniers ont davantage accès aux meilleurs emplois de cette catégorie, soit ceux au sommet et qu’ils ont même accru leur avantage sur ce plan. Par ailleurs, les pères de jeunes enfants ont certes diminué leur présence dans les emplois bien rémunérés et exigeant de longues heures de travail (travailleurs essoufflés), ce qui pourrait favoriser une plus grande contribution de leur part aux responsabilités familiales, mais il reste qu’une forte proportion de ces derniers occupent encore aujourd’hui ce type d’emploi, entretenant ainsi une inégalité professionnelle marquée par rapport aux mères.

La tendance à une moindre présence des travailleurs essoufflés n’est cependant pas observée du côté des pères détenant une scolarité moyenne mais c’est plutôt la baisse des travailleurs acharnés (emploi de 41 heures ou plus faiblement rémunérés) qui se produit. À l’instar des pères plus scolarisés, la part de travailleurs faisant de longues heures de travail, peu importe la rémunération associée à l’emploi, demeure également élevée en 2007. En parallèle toutefois, on doit mentionner à nouveau que la présence des pères avec une scolarité moyenne dans les emplois de qualité élevée s’est accrue, alors qu’elle a diminué du côté des mères. Comme on l’a constaté, ces dernières ont vu l’écart s’apprécier de façon notable par rapport à leurs homologues masculins. Un autre signe également que les mères moyennement scolarisées s’en sortent beaucoup moins bien est le fait que l’écart relatif dans les emplois de qualité faible à augmenté. Tous ces indices révèlent bien selon nous que la qualité de l’emploi des mères de jeunes enfants, peu importe leur capital humain – mesuré ici par la scolarité –, demeure dans bien des cas inférieure à celles des pères de jeunes enfants.

La réduction beaucoup plus appréciable de l’écart entre les genres chez les personnes sans enfant est particulièrement intéressante dans le cas de celles ayant une scolarité élevée. En effet, la baisse très marquée (presque de 9 points) de la part des femmes de ce groupe dans les emplois de qualité faible combinée à une forte hausse (presque également 9 points) dans les emplois de qualité élevée révèle ici une amélioration très nette de leur situation professionnelle. Plus particulièrement, on doit rappeler la croissance très prononcée des femmes sans enfant ayant une scolarité élevée dans les emplois au sommet (plus de 8 points), réduisant du coup de façon appréciable leur retard face aux hommes. Même si l’enjeu des responsabilités familiales ne joue pas ici, les hommes sans enfant ayant une scolarité élevée ont diminué fortement leur présence dans les emplois bien rémunérés mais exigeant de longues heures de travail (travailleurs essoufflés) réduisant tout autant leur écart avec les femmes. Si ces derniers ont également amélioré leur sort en étant présent davantage dans les emplois de qualité élevée, on doit dire cependant que ce sont les femmes qui affichent le meilleur résultat sur la période. Enfin, l’absence de responsabilités familiales semble permettre aux femmes ayant une scolarité moyenne un plus grand accès aux emplois de qualité élevée concurremment à une réduction appréciable de leur présence dans certaines catégories de qualité d’emploi faible (contraintes) et moyenne (flouées).

Conclusion

La problématique des inégalités professionnelles entre les genres n’est certes pas nouvelle, mais plus souvent qu’autrement, celle-ci est étudiée simplement sous l’angle des écarts de salaire hommes-femmes. En allant plus loin dans l’étude du phénomène, nous avons pris en compte plus d’une dimension des conditions de travail en analysant simultanément la stabilité d’emploi et la durée du travail, pour mettre de l’avant une analyse fondée sur le concept de qualité de l’emploi. À l’aide d’une typologie en 12 groupes, nous avons pu mieux circonscrire les différentes réalités des femmes et des hommes. Nos perspectives théoriques permettaient de poser que le capital humain détenu (scolarité) et la situation familiale sont deux déterminants majeurs de la qualité de l’emploi des femmes et des hommes. À partir de données portant sur une période assez longue (10 ans) intégrant ces paramètres, il a été possible de cerner les tendances qui se dessinent chez les travailleuses et les travailleurs du Québec en matière de qualité de l’emploi et de voir comment les écarts ont évolué à travers le temps.

À la lumière des résultats, il ne fait aucun doute que la qualité de l’emploi s’est grandement améliorée entre 1997 et 2007 chez les Québécoises, tout comme chez les Québécois. Sachant qu’il y a eu durant cette période une appréciation notable de la scolarisation des femmes (ISQ, 2006, 2008), on peut penser que le niveau de scolarité explique bien ces changements. Cependant, comme nous l’avons vu, d’autres changements importants se sont aussi produits et sont attribuables cette fois-ci non pas aux individus mêmes mais plutôt aux politiques sociales mises en oeuvre, soit celles relatives à l’équité salariale, à l’équité en emploi dans les organismes publics et aux services de garde[9]. Nous pensons que ces dernières ont pu jusqu’à un certain point jouer un rôle dans l’appréciation de la qualité de l’emploi des femmes et dans la réduction des écarts avec les hommes (voir Cloutier, 2007). Également, il ne faudrait pas oublier qu’il y a eu aussi un contexte économique favorable qui a permis à bon nombre de femmes d’accéder à des emplois à temps plein et à d’autres de les conserver, une condition plus que nécessaire pour occuper des emplois de qualité.

Mais on ne peut conclure cette analyse sans rappeler que la réduction de ces écarts a été véritablement prononcée du côté des personnes n’ayant pas d’enfants alors qu’elle a été, somme toute, assez limitée pour ce qui est des personnes ayant au contraire des responsabilités familiales. Le fait que les mères ayant de jeunes enfants accusent encore un retard marqué sur le plan de la qualité de l’emploi par rapport à leurs homologues masculins, même en disposant d’un fort capital humain, témoigne selon nous que d’autres facteurs jouent en défaveur de ces dernières. C’est là l’apport principal de la présente analyse, qui présente bien sûr certaines limites. Ainsi, une analyse de la qualité de l’emploi des mères et des pères qui contrôlerait les effets de structure, tels que ceux liés à la profession, à l’industrie et à la présence syndicale, par exemple, permettrait de voir si les écarts entre les genres se maintiennent lorsqu’ils ont des responsabilités familiales. Ce sont là des pistes de recherche pour l’avenir et, dans l’affirmative, on devrait conclure qu’il y a une forte probabilité qu’une forme de discrimination professionnelle s’exerce encore contre les femmes ayant des responsabilités familiales.