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Ce livre présente un excellent aperçu de l’évolution des relations du travail dans le secteur public canadien (entendu au sens strict de fonction publique) au cours des années 1990, années au cours desquelles la plupart des gouvernements provinciaux ainsi que le gouvernement fédéral ont adopté des mesures très restrictives à l’égard des conditions de travail des employés de ces secteurs.
Le volume est un collectif d’auteurs provenant de diverses universités canadiennes, dont plusieurs sont reconnus pour leur excellente connaissance des principaux enjeux des relations industrielles au Canada. Après un premier chapitre écrit par Gene Swimmer, présentant un aperçu général de ce qui s’est passé dans l’ensemble du Canada, les autres chapitres analysent en profondeur les expériences suivantes : Nouvelle-Écosse (Terry Wagar), Ontario (Joe Rose), Manitoba (Paul Phillips et Carolina Stecher), Alberta (Yonathan Reshef), Colombie-Britannique (Mark Thompson) et le gouvernement fédéral (Gene Swimmer et Sandra Bach). Un chapitre final, écrit par Roy Adams, compare la situation canadienne à celle de différents pays de l’Union économique européenne et du G-7 du point de vue des transformations socio-économiques et de leur impact sur les finances publiques et replace le problème de la dette publique canadienne dans son contexte historique.
Le premier chapitre introduit la problématique qui sera suivie par chacun des auteurs dans les chapitres subséquents : un vent de panique a déferlé sur tous les gouvernements canadiens dans la décennie 1990 qui a amené ceux-ci à adopter diverses mesures restrictives à l’égard des conditions de travail des travailleurs des secteurs public et para-public dans le but de s’attaquer à un ennemi commun à tous les gouvernements : les déficits annuels. Des tableaux présentant, pour chacune des provinces et pour le gouvernement fédéral, des séries statistiques de 1988 à 1997 sur les déficits annuels et sur le niveau de la dette (en chiffres absolus et en pourcentage du produit intérieur brut) permettent au lecteur de bien comprendre l’ampleur des problèmes financiers auxquels faisaient face les onze gouvernements canadiens au milieu des années 1990.
Ce chapitre d’introduction est intéressant pour une autre raison : il contient un tableau synopsis de l’ensemble des mesures restrictives adoptées par chacune des provinces ainsi que par le gouvernement fédéral, ce qui permet au lecteur d’apprendre l’essentiel de ce qui s’est fait dans les provinces non couvertes par les monographies.
Selon les auteurs, le scénario a été à peu près toujours le même dans toutes les provinces : la crise des finances publiques a fourni de prétexte à plusieurs gouvernements pour : (1) réduire la taille de la fonction publique au moyen de diverses mesures telles que la création d’agences paragouvernementales, le recours à la sous-traitance, des privatisations, ou encore des départs assistés, soit sous forme de préretraite ou de mises à pied, et (2) sabrer dans les conditions de travail des fonctionnaires au moyen de législations ayant pour effet d’imposer des gels de salaire ainsi que des jours de congés non rémunérés que l’on baptisait habituellement du nom du premier ministre de la province concernée, soit des « Rae Days », des « Savage Days » ou encore des « Filmon Fridays ». La méthode forte a donc été employée par la plupart des gouvernements, sauf par celui de la Colombie-Britannique, dirigée par le NPD entre 1991 et 2001, qui a réussi à atteindre à peu près les mêmes résultats, mais en favorisant une approche plus axée sur la coopération avec les syndicats. Il est vrai que, dans cette province, les gouvernements antérieurs du parti du Crédit social avaient déjà adopté un train de mesures visant à réduire la taille de la fonction publique et qu’ils ne s’étaient pas gênés pour faire la vie dure aux syndicats du secteur public. De plus, un autre facteur a joué en faveur d’une approche gouvernementale moins belliqueuse à l’endroit des syndicats dans cette province : l’exemple de l’Ontario où la confrontation entre le gouvernement NPD et les syndicats du secteur public à propos des mêmes enjeux a directement contribué à la défaite électorale du parti et à son remplacement par un gouvernement conservateur encore plus hostile aux syndicats.
Enfin, le chapitre portant sur la situation du gouvernement fédéral est rédigé avec une abondance de détails qui permettent au lecteur de prendre connaissance des diverses stratégies déployées par le gouvernement et le principal syndicat, l’Alliance de la fonction publique du Canada, à l’occasion des nombreuses confrontations survenues entre les parties belligérantes. Bien que l’on fasse grandement état, dans ce volume comme dans plusieurs autres publications, de la lutte idéologique que livrent les gouvernements Conservateurs de l’Ontario (Harris) et de l’Alberta (Klein) au mouvement syndical, c’est définitivement le gouvernement fédéral qui s’est mérité la palme des mesures d’exception adoptées à l’encontre des droits collectifs des travailleurs du secteur public au cours de la dernière décennie. À un point tel que l’auteur nous cite un commentaire d’une personne qu’il a interrogée dans le cadre de sa recherche à l’effet que, « la négociation collective dans la fonction publique fédérale, c’est comme la monarchie : quelque chose de démodée, voire même d’inutile, mais qu’il serait trop compliqué d’abolir au moyen d’une loi. » Inutile de dire que cette boutade reflète néanmoins l’état lamentable des rapports de travail au moment où la situation des finances publiques laisse, enfin, entrevoir la perspective de jours meilleurs du point de vue de l’amélioration des conditions de travail des fonctionnaires fédéraux.
Ce volume est donc fortement recommandé à ceux et celles qui s’intéressent à la situation des relations du travail dans le secteur public canadien et particulièrement aux personnes qui ont à donner des cours sur ce sujet.