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Introduction

Les médiums artistiques semblent être une avenue intéressante pour soutenir l’engagement occupationnel des personnes présentant des incapacités, tout en leur proposant des activités ludiques et participatives (Edwards et al., 2020; Thergaonkar et Daniel, 2019; van Lith, 2016; Van Lith et al., 2017). Il existe plusieurs formes d’activités artistiques, telles que la sculpture, la peinture et la poésie. Pour répondre à la visée de la présente étude, l’exploration des écrits scientifiques ciblera spécifiquement la littérature se référant à la musique, la danse et le théâtre comme interventions auprès des personnes présentant une déficience intellectuelle (DI). Alors que l’équipe s’engage dans la recherche sur ces trois modalités artistiques, elle la réalise avec la vision que les résultats de l’étude pourront contribuer au développement de connaissances plus élargies et importantes pour les autres activités artistiques favorisant le bien-être des personnes présentant une DI.

La musique, la danse et le théâtre semblent être des médiums de choix pour intervenir auprès des personnes présentant une DI (Foloştină et al., 2015; Snow et al., 2003; Sooful et al., 2010). Effectivement, l’utilisation de ces formes d’art contribuerait à l’amélioration de l’estime de soi (Barnet-Lopez et al., 2015; Dickinson et Hutchinson, 2019; Rickson et Warren, 2018; Wilson et MacDonald, 2019) et des capacités de communication (Agheana, 2017; Wu et al., 2020), à l’expression et la gestion des émotions (Cameron, 2017; Staab et Dvorak, 2019), en plus d’augmenter les opportunités d’interaction sociale (Moore, 2014; Sooful et al., 2010). Par ailleurs, les activités musicales semblent encourager la personne présentant une DI à faire davantage de choix et exercer un plus grand contrôle sur l’activité (Cameron, 2017; Perry, 2003). La danse favoriserait le développement de la motricité globale et la conscience corporelle (Barnet-Lopez et al., 2015; de Tord et Bräuninger, 2015). La participation à des activités théâtrales permettrait de favoriser la créativité et la résolution de problèmes (Stefańska, 2015; Wu et al., 2020).

À ce jour, plusieurs auteurs reconnaissent que le quotidien des adultes présentant une DI est synonyme de sédentarité et de manque d’activités signifiantes (Beadle-Brown et al., 2012; Haines, 2015; Talman et al., 2017), dans un environnement souvent isolé de la communauté (Milner et Kelly, 2009). Cette perception de la réalité peut avoir de nombreuses répercussions pour les personnes présentant une DI, telles qu’une perte des capacités, une expérience de déconnexion de soi (disconnectedness) et l’apparition de comportements perturbateurs (Haines, 2015; Mahoney et al., 2016; Talman et al., 2018). Au Québec, une des rares possibilités d’intégration dans la communauté est proposée par des organismes communautaires qui offrent des activités de jour aux adultes présentant une DI (Gauthier-Boudreault et al., 2017). Toutefois, les intervenants de ces organismes ont souvent de la difficulté à proposer une offre d’occupations diversifiée à leurs usagers considérant leur importante charge de travail et le manque de ressources financières et humaines auxquelles les organisations communautaires sont confrontées (ministère de la Santé et des Services sociaux, 2016). Il est également reconnu dans les écrits que plusieurs intervenants ont une connaissance limitée du potentiel des personnes présentant une DI et des stratégies pour soutenir le développement de leurs habiletés au quotidien (Hanzen et al., 2018; Zijlstra et Vlaskamp, 2005).

La mise en place d’activités de musique, danse et théâtre dans les organismes communautaires pourrait ainsi être une stratégie intéressante pour encourager l’engagement des personnes présentant une DI dans une démarche créative et multisensorielle. Bien qu’un nombre grandissant de chercheurs s’intéressent à l’utilisation de ces médiums artistiques auprès des personnes présentant une DI, la plupart s’intéressent aux impacts chez la clientèle pédiatrique alors que Sooful et ses collaborateurs (2010) recommandent d’inclure aussi des activités artistiques dans le quotidien des adultes présentant une DI. En outre, encore peu d’auteurs semblent avoir exploré les retombées de l’engagement de personnes présentant une DI dans un processus artistique menant à la présentation de leurs travaux artistiques à la communauté (Mino-Roy et al., 2021). Seulement Zyga et ses collaborateurs (2018) ont documenté les bienfaits de la participation à des activités utilisant ses trois formes d’art dans le cadre d’une même étude auprès de cette clientèle. Shogren (2016) met aussi de l’avant l’important besoin de réaliser des études dans un contexte communautaire dans le but d’établir une pratique probante qui favorise le développement du plein potentiel des adultes présentant une DI. Dans leur étude de la portée concernant les effets de la musicothérapie, de la danse-thérapie et de la dramathérapie sur les personnes présentant une DI, Mino-Roy et al. (2021) ont notamment relevé l’absence d’écrit scientifique ayant pris en compte la voix de personnes présentant une DI pour documenter leur expérience quant à leur engagement dans un tel processus artistique.

Il apparaît donc pertinent de documenter les retombées de la participation de personnes présentant une DI dans un processus artistique intégrant des activités de danse, de musique et de théâtre, mises en place dans un organisme communautaire, soit dans leur quotidien. Il est souhaité que la compréhension des bénéfices de cette démarche et de son réalisme encourage le développement de nouvelles initiatives artistiques dans les services d’activités de jour offerts aux adultes présentant une DI. La présente étude avait ainsi comme objectif d’explorer le point de vue de différents acteurs (usagers présentant une DI qui fréquentent l’organisme communautaire, parents, intervenants, responsables des ateliers et coordonnateur) concernant les retombées de la mise en place de ce type d’activités dans le cadre d’une démarche créative visant à présenter ultimement un spectacle ouvert à tous. Cet organisme communautaire, situé au Québec, offre des services de répit et d’activités de jour à une centaine d’adultes présentant une DI, de tout niveau.

Cadre théorique

Au Canada, un modèle grandement utilisé par les ergothérapeutes pour guider leur analyse du rendement occupationnel de la personne est le Modèle canadien du rendement et de l’engagement occupationnel (MCREO; Townsend et Polatajko, 2007). Ce modèle situe le rendement occupationnel comme la résultante de l’interaction dynamique entre la personne, son environnement et ses occupations, offrant une compréhension holistique. On y retrouve : 1) les différentes dimensions qui caractérisent la personne, soit la dimension physique, affective, cognitive et spirituelle; 2) les environnements qui l’entourent, tels que l’environnement culturel, institutionnel, physique et social; et finalement 3) les occupations liées aux soins personnels, aux loisirs et à la productivité (Townsend et Polatajko, 2007). Cette étude ciblera plus spécifiquement les différentes dimensions définissant une personne. La dimension physique inclut toutes les fonctions sensorielles et motrices. La dimension cognitive comprend l’ensemble des fonctions cognitives et intellectuelles, telles que la concentration et la mémoire alors que celle affective se compose de toutes les habiletés sociales et affectives de la personne. Finalement, la dimension spirituelle est au coeur de ce modèle. En référence à ce modèle, McColl (2011) propose que la spiritualité est « le désir, ou la sensibilité, à la présence de la force qui anime les êtres vivants » (p. 18). L’Association canadienne des ergothérapeutes (2002) ajoute que la spiritualité agit comme la « source de volonté et d’autodétermination, sens et fonction que les gens attribuent à leur vie » (p. 182). Une personne présente des comportements autodéterminés lorsqu’elle agit comme l’acteur principal de sa vie, qu’elle fait des choix et prend des décisions en fonction de ses aspirations et de ses intérêts, et ce, sans influence externe indue (Deci et Ryan, 2012; Wehmeyer, 2014). L’engagement occupationnel se définit comme étant le sentiment de participer activement aux activités de la vie quotidienne et de loisirs dans la communauté, qui nous offrent des opportunités d’inclusion, de découvertes et d’interactions sociales signifiantes (Hanzen et al., 2017; Meyer, 2013). Pour se sentir engagé dans une occupation, il importe d’y trouver un sens positif et d’avoir la chance de s’y impliquer à son plein potentiel (Meyer, 2013; Townsend et Polatajko, 2007).

Méthode

L’équipe a utilisé une approche interprétative descriptive afin de décrire en profondeur le phénomène à l’étude, soit l’utilisation d’activités artistiques auprès d’adultes présentant une DI (Thorne, 2016). Cette approche méthodologique a contribué à capturer la subjectivité de chaque acteur impliqué auprès des personnes présentant une DI lors de la tenue d’activités artistiques, en mettant de l’avant leurs similitudes et leurs individualités dans la compréhension des différents éléments composant le phénomène (Thorne, 2016). Reconnaissant que la réalité est multiple et socialement construite, l’équipe a favorisé la réalisation de plusieurs stratégies méthodologiques auprès des acteurs afin d’avoir une vision qui est élargie et contextualisée.

Ce projet a obtenu l’approbation du Comité d’éthique de la recherche du Centre intégré universitaire de santé et des services sociaux de l’Estrie – Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (2020-3478) en février 2020. Les sections suivantes présentent la démarche ayant permis de réaliser cette étude.

Tableau 1

Description des différents groupes participant aux activités

Description des différents groupes participant aux activités

a À noter qu’une journée de la semaine, l’organisme a accès à deux salles. Il peut donc accueillir deux groupes distincts.

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Description des activités artistiques

À l’automne 2019, l’organisme communautaire a mis en place un nouveau service proposant différentes activités de musique, de danse et de théâtre. Ce service visait la réalisation d’un spectacle de fin d’année, qui offrait une visibilité à l’organisme et à ses usagers puisqu’il était ouvert à la communauté.

Pendant 6 mois (septembre 2019 à mars 2020), la majorité des usagers de l’organisme a participé à ces activités. Ceux-ci, d’une durée de 1 heure, étaient réalisés de manière à ce que le maximum de personnes fréquentant les activités de jour de l’organisme communautaire ait accès à au moins une des activités artistiques (danse, théâtre ou musique) à raison de 2 fois par mois. Il y avait six groupes d’environ 10 à 13 usagers : 23 usagers ont participé aux activités de musique, 23 aux activités de danse et 24 aux activités de théâtre. L’attribution des activités s’est faite de façon non aléatoire en fonction de la disponibilité des responsables. Les groupes étaient constitués de personnes présentant différents niveaux de DI, allant de légère à profonde (voir Tableau 1 pour des détails sur les caractéristiques des participants aux activités). Les activités étaient animées par des citoyens partenaires choisis par l’organisme pour leur volonté d’engagement communautaire ainsi que leur expérience d’enseignement en musique, danse ou théâtre. Ces responsables d’activités étaient des acteurs externes à l’organisme communautaire. Les responsables d’activités étaient soutenus par l’ergothérapeute de l’organisme. Le Tableau 2 offre davantage d’informations sur la séquence des activités propre à chaque atelier.

Tableau 2

Déroulement des activités artistiques

Déroulement des activités artistiques

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Participants et recrutement

Cinq groupes ont participé à l’étude, soit : 1) les personnes présentant une DI ayant participé aux activités artistiques (n = 6 pour les entrevues; n = 11 pour les observations cliniques en ergothérapie); 2) leurs parents ou responsables légales (n = 6); 3) les responsables de l’animation des activités artistiques (n = 4); 4) les intervenants de l’organisme communautaire (n = 3); et 5) le coordonnateur clinique de l’organisme (n = 1).

Le premier groupe de participants ciblé par cette étude était d’abord des personnes présentant une DI. Selon la stratégie de collecte de données, les habiletés de communication verbale étaient plus ou moins un critère d’inclusion. Effectivement, pour participer à l’entrevue individuelle, l’équipe de recherche souhaitait recruter des personnes présentant une DI en mesure de comprendre les questions simples et de pouvoir y répondre de façon verbale ou non verbale (p. ex., pointer un pictogramme). En ce qui a trait à l’analyse du journal de bord de l’ergothérapeute, tous les usagers de l’organisme ayant participé aux activités étaient invités. Les parents devaient consentir à l’utilisation des informations concernant leur enfant à des fins de recherche. Pour les parents, les intervenants, les responsables d’activités et le coordonnateur de l’organisme, le seul critère d’inclusion était qu’ils devaient maîtriser le français.

Une lettre d’information expliquant la tenue du présent projet de recherche a d’abord été envoyée aux parents. Les parents intéressés étaient invités à signer la lettre et la remettre à l’organisme. L’équipe de recherche contactait ensuite les parents intéressés et leur expliquait plus en détail l’implication demandée. Un formulaire de consentement était envoyé par courriel ou par la poste aux parents souhaitant participer. Ils avaient alors le choix de consentir à la participation de leur enfant à une entrevue, leur propre participation à une entrevue et/ou l’accès au dossier en ergothérapie de leur enfant. Avant de consentir à la participation de leur enfant, l’équipe de recherche leur demandait d’expliquer le projet à celui-ci et d’obtenir son approbation. La lettre aux parents a été approuvée par le comité d’éthique et était rédigée de façon à ce qu’il leur soit facile d’expliquer les grandes lignes du projet à leur enfant. L’intervieweur était une ergothérapeute ayant de l’expérience auprès des personnes présentant une DI. Lors de la journée de l’entrevue auprès de la personne présentant une DI, elle demandait tout d’abord à la personne si elle savait pourquoi elle la rencontrait. En fonction de sa réponse, elle lui présentait à nouveau le projet de façon vulgarisée et mentionnait clairement qu’elle était libre d’accepter ou de refuser d’y participer. Son consentement verbal ou non verbal (p. ex., signe de refus de la tête, regard fuyant) était nécessaire pour poursuivre l’entrevue. Durant la rencontre, elle était sensible aux signes de fatigue et d’inconfort.

Les intervenants, le coordonnateur clinique ainsi que les responsables de l’animation des activités ont aussi reçu une lettre d’information décrivant le projet de recherche. S’ils souhaitaient plus d’informations sur l’étude, ils en avisaient la direction de l’organisme, qui transférait leurs coordonnées à l’équipe de recherche. Un membre de l’équipe les contactait ensuite afin de leur expliquer l’implication souhaitée et de leur transmettre le formulaire de consentement.

Outils de collecte de données

Trois moyens ont été utilisés pour collecter les données qualitatives, soit des entrevues semi-dirigées individuelles conduit auprès des usagers, les parents, les responsables et le coordonnateur ; 2) un groupe de discussion auprès des intervenants seulement; et 3) le journal de bord de l’ergothérapeute de l’organisme.

Concernant les entrevues semi-structurées individuelles, l’équipe de recherche a d’abord développé des guides d’entretien pour les parents, les responsables d’activités et le coordonnateur clinique. Un guide d’animation ciblant des thématiques similaires a aussi été créé pour le groupe de discussion avec les intervenants. Avant d’entreprendre la collecte de données, l’équipe a testé le guide d’entrevue auprès d’un parent et d’un responsable d’atelier. Les données provenant de ces entrevues sont incluses dans la présente étude. Le Tableau 3 présente différentes questions posées aux parents, aux responsables d’activités ainsi qu’aux intervenants de l’organisme. Dans le cadre de cet article, les questions ciblaient les retombées des activités pour les personnes présentant une DI.

Ensuite, le guide d’entretien individuel a été adapté par l’équipe pour les personnes présentant une DI afin de faciliter leur compréhension des questions. Il a été rédigé dans un français facile-à-comprendre et il a également testé au préalable par deux personnes présentant une DI afin de s’assurer de l’utilisation de questions adaptées à leurs capacités. L’entrevue avait pour objectif de documenter leur vécu des activités artistiques et leur satisfaction concernant les ateliers. Des pictogrammes accompagnaient également les questions afin de faciliter leur compréhension. La Figure 1 présente le guide d’entrevue pour les personnes présentant une DI.

Tableau 3

Guide d’entrevue pour les parents, les responsables d’activité et les intervenants

Guide d’entrevue pour les parents, les responsables d’activité et les intervenants

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Figure 1

Guide d’entrevue pour les personnes présentant une DI

Guide d’entrevue pour les personnes présentant une DI

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En ce qui a trait aux journaux de bord, pour chaque activité, l’ergothérapeute de l’organisme devait noter ses observations cliniques. Elle documentait l’engagement de chaque usager avant, pendant et après les ateliers, les initiatives prises par ceux-ci, ses réflexions concernant le déroulement des activités et ses idées pour les améliorer. L’engagement d’une personne pouvait, entre autres, être reflété par son affect (p. ex., sourire, regard), son attention dirigée et soutenue vers l’activité, une diminution des comportements d’autostimulation et son niveau d’alerte (p. ex., dormir), comme suggéré par Mahoney et al. (2016, p. 4).

Déroulement de la collecte de données

Quelques semaines (entre 1 et 4) après la fin des activités (le spectacle a dû être annulé en raison du confinement lié à la COVID-19), l’équipe de recherche a réalisé des entrevues individuelles auprès des participants dont le consentement a été obtenu pour l’entretien, soit : a) les personnes présentant une DI ayant participé aux activités (n = 6); b) leurs parents (n = 6); c) les responsables des activités de musique, de danse et de théâtre (n = 4); et d) le coordonnateur clinique (n = 1). En raison du confinement, un membre de l’équipe a réalisé les entrevues en visioconférence ou par téléphone selon le choix des participants. La durée des entrevues avec les personnes présentant une DI était d’environ 15 minutes, et entre 1h et 1h30 pour les autres participants.

L’équipe de recherche a également réalisé un groupe de discussion sur une plateforme virtuelle avec des intervenants de l’organisme (n = 3). Une animatrice ainsi qu’une co-animatrice étaient présentes lors de la rencontre pour encadrer et encourager les interactions entre les participants. Le groupe de discussion a duré environ 2 heures. Les entrevues et le groupe de discussion étaient enregistrés en mode audionumérique. Enfin, comme mentionné précédemment, une ergothérapeute devait inscrire dans un journal de bord ses observations cliniques sur les 11 personnes présentant une DI ayant reçu le consentement parental.

Analyse des données

Les données qualitatives provenant des entrevues, du groupe de discussion et du journal de bord ont été analysées selon le processus proposé par Miles et al. (2019). Tout d’abord, une première étape d’identification des extraits (unité de sens) reliés aux objectifs de l’étude a été réalisée. Pour les entrevues et les groupes de discussion, un premier membre de l’équipe de recherche a écouté les enregistrements et a retranscrit les extraits pertinents. Un deuxième membre a validé le choix des extraits en écoutant tous les enregistrements de façon indépendante, mais en connaissant les extraits choisis précédemment. Pour le journal de bord, deux membres de l’équipe de recherche ont fait une première identification des extraits dans les notes de l’ergothérapeute. Leur sélection fut validée par deux autres membres.

L’analyse a débuté par l’attribution de thèmes aux unités de sens identifiées dans les différents outils de collectes de données. Les différents thèmes ont composé une grille d’analyse, qui a évolué au fur et à mesure de l’avancement du projet (p. ex., ajout de thèmes, modification de la terminologie). Ensuite, l’utilisation de la grille a permis de faire des liens entre les différents thèmes, rechercher les divergences et les similitudes dans les propos des participants ainsi qu’entre les méthodes de collecte. Il fut par la suite possible de classer les thèmes ayant émergé de l’analyse selon les dimensions du MCREO (dimensions physique, cognitive, affective et spirituelle; Townsend et Polatajko, 2007). Lors de cette dernière étape, des retombées concernant la vie sociale des personnes présentant une DI ont été notées. Ce concept n’étant pas inclus dans les dimensions de la personne, il fut ajouté à la grille d’analyse sans égard aux dimensions du modèle conceptuel. Un premier membre a réalisé cette activité, puis son interprétation a été validée par un autre membre de l’équipe.

Résultats

La section des résultats se divise en deux principales parties, soit les caractéristiques des participants ainsi que les retombées par dimensions importantes.

Caractéristiques des participants

Concernant les personnes présentant une DI ayant participé à l’étude (voir Tableau 4), près du deux tiers des personnes ont une DI modérée (n = 8) et la majorité est de genre féminin. Cinq d’entre elles sont âgées entre 20 et 29 ans, cinq entre 40 et 49 ans et une personne a plus de 50 ans. On retrouve des incapacités motrices chez quatre personnes, deux d’entre elles sont en fauteuil roulant. L’ensemble des personnes présentant une DI vivent au domicile familial et pour cinq des six parents, il s’agit du seul enfant à y vivre. La majorité des parents ayant participé aux entrevues sont à la retraite (n = 4) et de genre féminin (n = 5).

Tableau 4

Caractéristiques des personnes ayant une DI

Caractéristiques des personnes ayant une DI

Note. TSA = trouble du spectre de l’autisme.

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Enfin, la majorité des responsables des activités sont de genre féminin (n = 3). Seul un des responsables des activités possède une expertise clinique auprès de cette clientèle. Les autres responsables détiennent un savoir expérientiel concernant la DI (p. ex., famille ou proche présentant une DI). L’ensemble des responsables a plus de 3 ans d’expérience dans son domaine d’atelier, soit en musique, en danse ou en théâtre. Les trois intervenants ayant participé au groupe de discussion sont de genre féminin et travaillent à l’organisme depuis plus de 3 ans. Le coordonnateur clinique travaille à l’organisme depuis plus de 10 ans.

Retombées par dimensions

Les retombées pour les personnes présentant une DI sont répertoriées selon différentes dimensions de la personne, soit les dimensions physique, cognitive, affective et spirituelle. Le Tableau 5 présente les différents thèmes ayant émergé de l’analyse des données pour chacune des dimensions importantes.

Tableau 5

Synthèse des retombées des activités pour les personnes présentant une DI

Synthèse des retombées des activités pour les personnes présentant une DI

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Dimension physique

Plusieurs participants, notamment les personnes présentant une DI, les parents et les responsables d’activités, ont noté des retombées des activités artistiques sur la dimension physique. Le contexte des activités semble avoir été un levier de motivation à bouger pour plusieurs personnes présentant une DI, comme le mentionne ce responsable d’atelier :

J’avais un usager qui faisait trois tours autour du feu et que juste le contexte faisait en sorte qu’il voulait continuer de marcher alors que si je l’avais juste amené pour marcher et que ça avait été hors contexte, peut-être qu’il se serait tanné plus tôt. Je pense que d’amener un contexte [théâtre], ils bougeaient sans s’en rendre compte.

Responsable 4

En effet, lors des activités, les responsables encourageaient les déplacements sans aide à la marche (p. ex., marchette ou canne), tout en assurant la sécurité des usagers, pour favoriser l’activité physique. Les responsables soulignent d’ailleurs le développement de la confiance des personnes présentant une DI pour leurs déplacements plus autonomes au fil des activités.

Plus spécifiquement, un parent mentionne que les activités de danse semblent avoir amélioré l’équilibre de son enfant présentant une DI profonde : « Aussi au niveau de l’autonomie physique, moi je pense que ça a eu un effet sur son équilibre et ça a diminué sa peur de marcher toute seule. » (Parent 2). Une personne présentant une DI a également mise de l’avant cette retombée en soulignant que sa participation à l’activité de théâtre l’a aidé sur le plan moteur : « Parce que ma canne me servait juste à faire mes trois coups au début de la pièce puis je la prenais juste à la fin. » (Usager 5).

Dimension cognitive

Les activités artistiques ont engendré des bénéfices pour cette dimension. Ces retombées ont été soulignées autant lors des entrevues, du groupe de discussion que dans le journal de l’ergothérapeute. Sans être spécifique sur l’élément amélioré, une personne présentant une DI souligne que l’activité de théâtre a stimulé ses capacités cognitives : « On dirait que mon cerveau se réveille, il travaille. » (Usager 5).

Deux responsables, deux parents et un intervenant mentionnent également l’augmentation du niveau d’éveil, principalement pour les personnes présentant une DI profonde. Cette retombée est d’ailleurs notée dans le journal de bord de l’ergothérapeute pour un participant lors des activités de musique (Usager 9). Pour ce même usager, un responsable a observé la situation suivante :

Il avait les yeux fermés durant tout l’atelier, il dort souvent dans [son fauteuil roulant] et pendant la période de relaxation, ses yeux se sont ouverts tout grands et ses jambes se sont mises à bouger un peu. Il était vraiment stimulé, vraiment un visage illuminé pendant ce moment-là.

Responsable 3

Un second élément important mentionné par une personne présentant une DI, deux responsables d’activités et un parent réfère à la mémorisation des apprentissages faits durant les activités. Malgré le fait que les pratiques étaient offertes de façon bimensuelle, « il y a vraiment un maintien des informations qui s’est passé malgré ce qu’on nous avait dit, qu’ils allaient oublier tout ça. Ça ne s’est pas passé » (Responsable 1). Les notes de l’ergothérapeute soulignent d’ailleurs l’apprentissage de la chorégraphie par deux personnes présentant une DI lors des activités de danse (Usagers 1 et 6). Elles étaient en mesure de présenter la majorité de la chorégraphie avant même que les responsables la révisent en début d’atelier. L’ergothérapeute note également l’évolution de la mémorisation des paroles de chansons à l’aide des pictogrammes lors des activités de musique. Elle note aussi lors des activités de théâtre que les participants se souvenaient davantage de leurs rôles et des actions à réaliser dans la pièce de théâtre au fur et à mesure des ateliers, et avaient besoin de moins en moins de rappels de la part de la responsable. Bien que ces améliorations soient notées majoritairement pour les personnes présentant une DI légère à modérée, une mère d’une personne présentant une DI profonde mentionne notamment que lorsque son enfant « revenait de [l’organisme], quand on le mettait en pyjama, il commençait à fredonner [et] on la reconnaît la chanson » (Parent 2). Deux responsables ainsi que deux parents soulignent également l’augmentation de l’attention des personnes présentant une DI lors des activités, ce qui peut avoir contribué à une meilleure mémorisation.

Dimension affective

Les participants relèvent différentes retombées sur la dimension affective des personnes présentant une DI. Les propos divergent concernant les retombées sur la présence de comportements perturbateurs, surtout pour les activités de musique. En effet, un responsable d’atelier souligne la diminution des comportements perturbateurs chez une personne présentant une DI profonde lors des activités de musique :

Il crie beaucoup lorsqu’il est sous-stimulé et en musique, il ne criait pas de tout l’atelier, il restait attentif. On s’est déjà approché avec la guitare et, je ne sais pas si [c’est] la vibration et le son que ça émet, mais il a approché sa main pour sentir la vibration de la guitare. Donc je voyais vraiment que ça avait un bel effet pour les comportements plus problématiques.

Responsable 1

Ce responsable soulève toutefois la surstimulation possible « face à toute cette stimulation auditive et visuelle » pour d’autres personnes lors de ces mêmes activités, ce qui peut aussi aggraver ou occasionner des comportements problématiques. Ce constat est soutenu par le coordonnateur clinique qui mentionne l’effet à moyen terme de cette surstimulation pour certaines personnes : « Le restant de la journée, la personne reste comme sur un “high” pis elle est plus difficile à gérer qu’une journée régulière où il n’y a pas d’atelier. ».

Les activités ont aussi engendré des réactions émotives pouvant potentiellement influencer positivement ou négativement le bien-être des usagers. Effectivement, pour un des participants aux activités de théâtre, le changement de routine semble avoir généré de l’anxiété selon son parent. Pour un autre participant à ces mêmes ateliers, le fait d’avoir un spectacle à la fin a occasionné une certaine nervosité : « Oui, et ça [être le personnage principal] j’étais nerveux […] Je suis un peu nerveux parce que c’est moi qui pars le spectacle. J’ai comme ça sur les épaules. Il faut que je fasse ça comme il faut » (Usager 5). Néanmoins, bon nombre d’entre eux ont également vécu des émotions positives en lien avec les ateliers, soit de la joie et une augmentation de l’énergie même chez les usagers présentant une communication non verbale.

On retrouve, à plusieurs reprises dans le journal de l’ergothérapeute, des observations qui démontrent l’excitation des usagers avant et après la tenue des ateliers. Par exemple, à chaque activité de musique, les usagers attendaient l’arrivée du responsable à la fenêtre et couraient ensuite pour l’accueillir lors de son entrée dans l’organisme. Il est noté dans le journal de l’ergothérapeute que plusieurs usagers demandaient régulièrement quand le responsable allait revenir pour faire les activités. Trois personnes présentant une DI s’expriment également sur le plaisir ressenti lors des activités : « J’étais content de ce que je faisais. » (Usager 4), « Je suis content, je suis excité. » (Usager 5) et, finalement, « J’étais heureux. » (Usager 6). Effectivement, plusieurs parents ont rapporté un changement au niveau de l’humeur de leur enfant le matin ou le soir d’une activité artistique : « Moi j’ai remarqué que depuis qu’ils ont mis en place ce système-là, que mon enfant était plus enthousiaste, plus de bonne humeur. Oui, une bonne différence. » (Parent 3). Un participant aux activités de musique et de théâtre souligne également le bien-être que lui procurait sa participation aux activités proposées : « La musique, c’est thérapeutique. Quand tu vis des choses, moi j’ai toujours été porté à écouter de la musique, ça me donne de la force de continuer, de ne pas lâcher et de continuer. » (Usager 5). Les activités offertes étaient tellement importantes pour bon nombre d’entre eux que lorsqu’il leur était impossible de participer en raison d’un rendez-vous ou d’une blessure, ils vivaient de l’anxiété :

Je pense que vos pratiques étaient le mercredi matin et là, [le participant] avait rendez-vous chez le médecin que j’avais pris là pour mal faire. Et là, il ne voulait pas y aller. […] Là, tout le long, il en a parlé chez le médecin : « Ça ne me tente pas d’être ici, ma pratique, tu vas me faire manquer ma pratique, ma musique, mon spectacle. ». Il parlait de ça au médecin, il était envahi. Pour lui, c’était plus important, son activité qu’il monte depuis plusieurs mois qu’aller voir son médecin.

Parent 5

Dimension spirituelle

Diverses retombées sont notées sur le plan de la dimension spirituelle. On observe la présence d’un sentiment de fierté, le développement de la confiance en soi et l’amélioration de l’engagement à l’activité.

La présence d’un sentiment de fierté chez les usagers est une retombée qui a été rapportée par la majorité des participants lors des entrevues et du groupe de discussion. Une mère d’un jeune adulte présentant une DI profonde a verbalisé que « c’est rare, mais je trouvais qu’il avait l’air fier. Comme un sentiment de reconnaissance de ses capacités et de ce qu’il fait » (Parent 2). Effectivement, cette fierté chez les personnes présentant une DI a été soulevée par plusieurs participants lors des entrevues tout comme dans le journal de l’ergothérapeute autant lors des activités de danse, musique et théâtre. D’ailleurs, une responsable des activités de danse mentionne qu’elle a été émue lorsqu’elle a vu :

Dans les yeux d’une des usagères, un sentiment de grande fierté […] et tout le monde l’a applaudi à la fin et tu aurais vu dans son regard… Elle avait les yeux qui brillaient comme une enfant de “Oh wow, j’ai fait ça” et c’était vraiment… Elle était fière d’elle et en même temps surprise d’avoir réussi. […] Ça se voyait que ce n’était pas quelqu’un qui est mis à l’avant souvent et donc, du coup, tu voyais à travers ses yeux “Wow, enfin, c’est moi”. Et le côté timide aussi qui ressortait et c’était touchant.

Responsable 2

Par ailleurs, la reconnaissance des autres accentue le sentiment de fierté via les applaudissements des pairs et les encouragements de leurs proches : « Et pour eux, c’est une fierté de nous entendre. T’sais, c’est inconscient, mais le fait qu’ils entendent dire des choses positives, ils ont une image positive d’eux. » (Parent 5).

Cette valorisation d’eux-mêmes dans les activités a eu des répercussions positives sur leur estime personnelle et leur confiance en eux. La personne présentant une DI, qui avait le rôle principal de la pièce de théâtre, mentionne justement cela : « Ah, ça m’en a donné [de la confiance en moi] ça. Je me sous-estimais beaucoup, je suis le roi du sous-estimage, mais ça m’a surpris. » (Usager 5). Ce même participant avait d’ailleurs souligné son trac face à l’arrivée du spectacle (voir dimension affective). On remarque ainsi que malgré le stress occasionné par le processus créatif, il y voit des bénéfices sur son estime personnelle. Par le fait même, les comportements autodéterminés ont également été améliorés comme le mentionne ce père : « À la maison, on s’aperçoit qu’il a une approche différente avec ses parents de jaser et d’expliquer : ‘’ Moi aussi je suis capable d’accomplir quelque chose !’’. » (Parent 1).

Plusieurs responsables des activités ont mentionné l’importance de planifier « dans la pratique un moment où chacun pouvait avoir un peu sa petite heure de gloire » (Responsable 4) dans le but de favoriser la prise d’initiative. À ce sujet, l’ergothérapeute note un moment significatif où un participant à l’atelier de musique, d’habitude très timide et passif, a refusé l’instrument proposé par le responsable d’atelier et s’est avancé spontanément vers un autre instrument (Usager 8). Selon un participant présentant une DI, les activités favoriseraient également la découverte de soi en identifiant de nouveaux intérêts : « Parce que ça fait plusieurs choses qu’on fait à [nom de l’organisme], qu’on découvre des talents qu’on ne savait pas. Je sais que j’aime la musique, mais je ne savais pas que j’aimais ça autant chanter et jouer. » (Usager 5). Les activités étaient également construites afin de mettre de l’avant la créativité des participants. Par exemple, pour l’activité de théâtre, ce sont les usagers qui ont identifié la thématique, l’histoire, les personnages ainsi que les répliques de la pièce avec le soutien du responsable et de l’ergothérapeute. Dans les activités de danse, les usagers devaient choisir à tour de rôle un mouvement que tous imitaient lors de l’échauffement et de la relaxation.

Les activités artistiques étaient une activité signifiante pour les usagers selon les participants aux entrevues et au groupe de discussion. Un parent mentionne d’ailleurs que « ce n’est pas parce qu’ils sont rendus adultes qu’il ne se passe plus rien dans leur vie, c’est autre chose. Pis c’est là aussi qu’ils ont vraiment besoin de s’extérioriser et d’avoir des gens avec qui échanger pis faire des choses » (Parent 6). Cela démontre qu’il est essentiel d’offrir aux usagers des activités qui leur permettent de s’engager pleinement. Plusieurs usagers ont pris à coeur le processus artistique qu’ils pratiquaient à l’extérieur des ateliers. Par exemple, une personne présentant une DI « a tout recousu son costume, il l’a essayé. Je ne l’ai pas vu autant investi dans quelque chose depuis des années, des années, des années » (Parent 5).

Vie sociale

La vie sociale fait partie d’un des trois domaines d’occupations proposés par le MCREO, soit celui des loisirs. La vie sociale réfère aux opportunités de socialisation dans la communauté, telles que réaliser des activités avec un ami ou participer à des activités extérieures (Enemark Larsen et al., 2020). Les principales retombées sur le plan de la vie sociale sont au sein du groupe à l’organisme communautaire. L’aspect de l’inclusion de tous dans les activités a été nommé durant les entrevues. Effectivement, les responsables des activités avaient la visée d’inclure tous les usagers et d’adapter les activités en fonction des capacités de chacun. Par exemple, le responsable de musique a « pris le temps de magasiner des instruments adaptés pour [s]’assurer que ceux qui avaient moins de mobilité, qui avait juste un membre qu’ils pouvaient utiliser » puissent également participer (Responsable 3). Les responsables de la danse ont adapté leur chorégraphie pour les usagers en fauteuil roulant afin qu’ils puissent être aussi engagés que les autres. De plus, les usagers étaient libres de choisir plusieurs éléments dans les activités. Par exemple, « pour la musique, ils ont été engagés dans le choix de la chanson. Ensuite, le responsable a trouvé différents instruments qui étaient adaptés et c’étaient les usagers qui ont choisi c’était quel instrument [qu’ils voulaient] » (Responsable 1). Ainsi, un autre responsable mentionne que :

Si tu prends le temps, tu fais de la répétition, tu crées des outils pour les encadrer un petit peu vraiment au niveau cognitif, en fait je ne vois pas de limitation au niveau de ce qu’on pourrait faire.

Responsable 4

Les activités artistiques ont influencé les interactions sociales entre les usagers et leur entourage selon quatre parents, trois responsables, le coordonnateur et les intervenants. Par les apprentissages faits durant les ateliers, les usagers ont développé des affinités avec leurs pairs et ont acquis de nouvelles habiletés sociales.

[L’usager 1] avait peut-être de la difficulté à interagir avec certains usagers qu’il avait [moins d’affinité]. Durant la danse, plus on apprenait à comment interagir, comment danser et tout ça, comment lui demander à danser. Il a, à un moment donné, été inviter la personne qu’il n’apprécie pas beaucoup.

Responsable 1

Ce qui est intéressant, c’est que les retombées vont au-delà du temps de l’atelier. Effectivement, « c’est comme si ça lui avait fait faire le pas qu’il faut pour se mêler au groupe le reste de la journée. Ça sert de catalyseur pour l’intégrer au groupe » (Coordonnateur). Ces liens d’amitié sont également présents à l’extérieur de l’organisme comme le mentionne ce parent :

À un moment donné, il y a quelqu’un qui l’a appelé pour parler de ça, il a été dans sa chambre parce qu’il ne voulait pas que j’entende, mais t’sais il se crée des liens… Parce qu’il n’a pas d’ami autre que les amis du centre.

Parent 5

Cette création de liens d’amitié entre les usagers de l’organisme favorise d’autant plus la cohésion. Comme le mentionne cette mère d’un jeune présentant une DI profonde : « Même quand [mon enfant] était assis, il n’était pas assis tout seul. Il était assis parmi d’autres. » (Parent 2). Pour plusieurs parents, cet aspect était important, soit de savoir que leur enfant faisait partie d’un groupe, qu’il avait des amis puisque « vous avez tout ça des amis vous autres [personnes neurotypiques], lui aussi il a des amis » (Parent 2). Plusieurs responsables d’activités et les intervenants ont d’ailleurs mentionné avoir observé de l’entraide entre les usagers.

On a des personnes en fauteuil roulant. Il y avait [nom de l’usager] qui était toujours partant pour faire danser les personnes en fauteuil roulant. Il regardait et il imitait un peu ce qu’on faisait avec les autres. Donc, il réussissait lui aussi à instaurer une sorte d’interaction avec les différents usagers.

Responsable 1

Discussion

À notre connaissance, cette présente étude est une des premières à avoir documenté les retombées d’activités utilisant la musique, la danse et le théâtre d’après le point de vue d’adultes présentant une DI et de leurs parents, d’intervenants d’un organisme communautaire et de responsables d’activité artistique. En effet, dans leur étude de la portée, Mino-Roy et al. (2021) relèvent le peu d’écrits scientifiques relatant l’expérience des activités artistiques sous le regard des personnes présentant une DI, elles-mêmes, et leur famille. En ayant impliqué divers groupes de participants, cette étude apporte ainsi une vision plurielle des retombées de telles activités sur la vie des personnes présentant une DI.

Il ressort de cette étude que la participation aux activités artistiques a eu des retombées positives sur diverses dimensions des personnes présentant une DI, telles que la dimension physique, cognitive, affective et spirituelle. Tenant compte de leur quotidien, qui est souvent empreint de sédentarité et d’absence d’activité signifiante (Beadle-Brown et al., 2012; Haines, 2015; Talman et al., 2017), un important constat réalisé fût leur engagement considérable dans le processus artistique. À ce jour, peu d’auteurs se sont intéressés à l’engagement occupationnel des personnes présentant une DI et, encore moins, lors d’activités artistiques. L’engagement occupationnel étant un concept central au développement de toute personne (Simplican et al., 2015; Townsend et Polatajko, 2007. Il fut intéressant d’observer les bénéfices des activités sur leur estime de soi, la rétention et la généralisation de leurs apprentissages et leur humeur. Ayant un objectif commun, la cohésion du groupe s’est vue améliorée tout comme l’entraide et le développement des amitiés au sein de l’organisme. Effectivement, l’élément de préparation en vue de la réalisation d’un spectacle à la fin de la démarche semble avoir fortement contribué à la motivation des personnes à s’y engager, rendant son annulation en raison de la pandémie encore plus affligeante pour certains usagers.

Malgré les résultats divergents au sujet des retombées sur la dimension affective, le fait d’avoir accès à des activités offrant diverses stimulations et donnant un sens à leurs actions peut avoir contribué pour certaines personnes à la diminution des comportements plus problématiques. Cette hypothèse a notamment été proposée par d’autres auteurs (Foloştină et al., 2015; Kalgotra et Warwal, 2017; Savarimuthu et Bunnell, 2002). En outre, comme la majorité des études s’étant intéressées à ces modalités artistiques cible les personnes présentant une DI légère à modérée, il fût également intéressant d’observer les retombées positives des activités sur le niveau d’éveil des personnes présentant une DI profonde. Ce constat met de l’avant la pertinence d’inclure les personnes présentant une DI, de tous niveaux, dans les activités artistiques puisqu’on observe que les personnes présentant des incapacités plus importantes peuvent aussi expérimenter positivement des activités stimulantes et signifiantes. L’amélioration de leur confiance en soi et la place qu’offrait les responsables d’activités pour la prise d’initiative semblent aussi avoir permis aux personnes présentant une DI d’augmenter leurs comportements autodéterminés lors des ateliers. Bien que l’autodétermination soit un concept de plus en plus étudié, on retrouve actuellement très peu d’études qui documentent les effets de l’utilisation de modalités artistiques sur cette composante de la dimension spirituelle (Mino-Roy et al., 2021). C’est notamment le constat de Shogren (2016) qui encourage le développement d’interventions probantes pour favoriser l’acquisition des capacités permettant d’exprimer pleinement son autodétermination.

Forces et limites

Cette étude contribue au corpus de connaissances sur l’utilisation de l’art comme modalités occupationnelles. Par l’utilisation de diverses stratégies de collecte de données, les auteurs ont obtenu le point de vue de plusieurs groupes de participants concernant les retombées d’activités artistiques pour les personnes présentant une DI. La triangulation des sources provenant des entrevues réalisées auprès d’adultes présentant une DI, de parents, d’intervenants et des responsables d’activité a permis une meilleure compréhension du phénomène à l’étude. L’implication directe des personnes présentant une DI ainsi que des parents a contribué à mieux cerner leur vécu du processus artistique d’une perspective interne, en plus de faire valoir leur voix.

Afin de limiter au maximum l’influence potentielle sur l’interprétation des données, au moins deux membres de l’équipe ont procédé au co-codage des données pour l’ensemble des étapes d’analyse. Bien qu’aucun retour aux participants n’ait été réalisé, le processus de co-codage ainsi que l’accès aux données terrain ont favorisé la justesse de l’interprétation de leurs propos, optimisant la crédibilité des données. De plus, deux membres de l’organisme communautaire ont révisé le manuscrit afin de s’assurer que les résultats étaient en adéquation avec leurs observations. Une description détaillée du contexte de l’étude a été réalisée afin de favoriser la transférabilité des résultats. En raison des mesures inhérentes à la pandémie de COVID-19 (confinement, distanciation sociale), les modalités des entrevues avec les usagers ont dû être modifiées. Il était initialement prévu que les entrevues ainsi que le groupe de discussion se déroulent en présentiel lors des activités habituelles de l’organisme. Néanmoins, l’utilisation des plateformes virtuelles s’est révélée efficace pour capter la subjectivité propre à chaque participant et la richesse de leur discours.

Conclusion

Les propos des différents groupes de participants convergent vers un consensus concernant les retombées positives de la mise en place d’activités artistiques utilisant la musique, la danse et le théâtre pour les adultes présentant une DI. Effectivement, cette démarche artistique a permis à ces personnes, de tous niveaux, d’améliorer autant leurs habiletés physiques et sociales que de développer une confiance et une fierté en eux-mêmes. De plus, la modalité de groupe et l’adaptation des activités en fonction des capacités de chacun ont permis le développement d’un sentiment d’appartenance, de comportements autodéterminés ainsi qu’une augmentation du niveau d’éveil pour la majorité des participants aux activités. Cette étude a permis de mettre en lumière l’importance et les bénéfices des activités artistiques auprès de personnes présentant une DI de tout niveau. Bien que certains participants aient nommé des retombées pour les personnes présentant une DI sévère ou profonde, cet aspect serait à approfondir davantage.