Abstracts
Résumé
Cette étude comparative « avant-après » questionne la pertinence de l’utilisation du Snoezelen® auprès de personnes adultes atteintes de troubles du spectre autistique (TSA) et présentant une déficience intellectuelle profonde associée. Le degré d’investissement sensoriel des activités proposées, le degré d’autonomie et les autostimulations de quatre patients associant TSA et déficience intellectuelle profonde sont évalués à l’aide d’une échelle de type Likert en salle Snoezelen® pour huit critères soient cinq types d’explorations sensorielles (tactile, vibratoire, vestibulaire, auditif, visuel) et trois capacités spécifiques (détente, conscience de soi à travers un miroir, déplacements) sur deux ans. Les conclusions montrent un meilleur investissement des activités proposées, une augmentation des autonomies et une diminution des autostimulations au sein de la salle Snoezelen®.
Abstract
This «before and after» comparative study questions the relevance of Snoezelen® for adults living with autism spectrum disorders (ASD) with profound intellectual disability. The degree of sensory investment of the proposed activities, the degree of autonomy and self-stimulation of four adults with ASD and profound intellectual disability are assessed with a Likert type scale within a Snoezelen® room for eight criteria, five types of sensory explorations (tactile, vibratory, vestibular, hearing and visual) and three specific capacities (relaxation, self-awareness through a mirror and movement) over two years. The findings show a better investment of the proposed activities, increased autonomy and reduced self-stimulation within the Snoezelen® room.
Article body
Introduction
Actuellement en France « des structures d’accueil et de prises en charge spécifiquement dédiées aux personnes atteintes de troubles du spectre autistique » se développent (Longuépée, Bouvard, & Assouline, 2016). L’instauration des trois «plans autisme» (Ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, 2004, 2008, 2013) marque une évolution pour les modalités de prises en charge thérapeutiques et institutionnelles initiées afin de répondre aux besoins spécifiques des personnes atteintes de trouble du spectre autistique (TSA) tout au long de leur vie et « développer l’accompagnement et la prise en charge » (Ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, 2004).
Cadrées par un projet personnalisé, les prises en charge deviennent de plus en plus individualisées « donnant du sens aux prises en charge à long terme » (Azema, Marabet, Lionnet, & Cadernel, 2011). Dans la lignée instaurée par le troisième « plan autisme » du Ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité (2013), l’utilisation d’un espace principalement dédié à favoriser la relation en s’appuyant sur le monde du sensoriel et appelé « Snoezelen® », est destiné à améliorer l’accompagnement des patients accueillis. Peu d’études ont démontré l’intérêt de l’utilisation du Snoezelen® pour le TSA et encore moins chez des adultes alors que 22% de ces structures pour adultes avec un TSA (Rattaz et al., 2013) sont équipées d’un espace Snoezelen®.
Dans le contexte actuel français tendant vers plus de cohérence et d’affinement autour de la prise en charge des personnes avec un TSA (Haute Autorité de Santé [HAS], 2011 ; HAS & Agence Nationale de l'Évaluation et de la qualité des établissements et Services sociaux et Médico-sociaux [ANESM], 2012), le public visé dans cette étude est justement des adultes associant un TSA avec une déficience intellectuelle profonde.
Les critères diagnostiques du DSM-5 (American Psychiatric Association [APA], 2013) introduisent, en plus des troubles de la communication sociale et des interactions sociales, des intérêts restreints et stéréotypés ainsi que des comportements et activités soulignant l’importance des particularités sensorielles pourtant depuis longtemps décrites par les personnes avec un TSA, leurs familles ou les professionnels (Bodgashina, 2012 ; Grandin, 1997, 2000 ; Tammet, 2009). La considération de tels troubles existe déjà en France et sera renforcée dans les années à venir. Cette étude concerne l’accompagnement sensoriel de ces adultes associant TSA et déficience intellectuelle, car la sensorialité est souvent l’unique facteur par lequel se fait leur rencontre avec le monde extérieur. L’environnement sensoriel sur lequel porte cette étude est la salle Snoezelen®. L’étude longitudinale présentée ici relate les effets de deux années de prise en charge en Snoezelen® sur quatre adultes avec un TSA et une déficience intellectuelle associée.
Le Snoezelen® a vu le jour dans les années 70 en Hollande grâce à Hulsegge et Verheul (1987) qui souhaitaient utiliser l’aspect sensoriel afin de mieux accompagner le développement des personnes polyhandicapées (Thiry, 2014). « Snoezelen » est la contraction de "snuffelen" qui signifie renifler et de "doezelen" somnoler, ce qui atteste la double fonction de cette conceptualisation : la stimulation, dans le sens où elle peut « assister les processus d'apprentissage et d'éducation » (Hulsegge, 2009, p. 15) et la relaxation. La contraction de ces deux mots évoque le plaisir de la détente dans une atmosphère propice et un climat harmonieux. Thiry parle d’« art de la relation fondé sur la sensorialité » (2014, p. 67). Les personnes vont ainsi bénéficier, à leur rythme, de stimulations sensorielles adaptées, pouvoir être actrices de leur séance et entrer en relation avec la personne qui les accompagne (Hulsegge, 2009).
Parcours du Snoezelen® en Europe
En 1986, le Snoezelen® arrive en France pour un public de personnes polyhandicapées. Après sa reconnaissance en 1992 par le corps médical, les champs d’application se sont multipliés : « périnatalité, enfants de crèches, d’écoles de tous niveaux, enfants ou adultes avec handicaps, personnes en institution psychiatrique, en maisons de retraite, en soins palliatifs, traversant ainsi les âges de la vie » (Thiry, 2014, p. 67). Les stimulations sensorielles sont depuis longtemps exploitées pour améliorer l’état des personnes présentant une déficience intellectuelle profonde : Cleland et Clark (1966) mettent l’hypothèse de privations sensorielles comme cause à l’« idiocy » et proposent une méthode qui vise à stimuler les sens, nommée la cafétéria sensorielle.
Le Snoezelen® a été pensé à l’usage des personnes polyhandicapées, puis généralisé à d’autres publics comme des personnes présentant une déficience intellectuelle, de l’autisme… De nombreuses études soulignent le caractère bénéfique des interventions en salle Snoezelen® chez des patients présentant une déficience intellectuelle sévère (Hogg, Cavet, Lambe, & Smeddle, 2001 ; Lancioni, Cuvo, & O’Reilly, 2002 ; Stephenson, 2002). D’autres études mettent en évidence que ces stimulations visent à améliorer la sensation de plaisir, à diminuer les tensions et ainsi améliorent l’état général du patient (Lancioni, et al., 2002 ; Matson, Bamburg, & Smalls, 2004 ; Stephenson, 2002). Certaines études encore précisent les effets positifs sur le comportement social (Cuvo, May, & Post, 2001 ; Fagny, 2000 ; Kenyon & Hong, 1998 ; Shapiro, Parush, Green, & Roth, 1997). Pourtant ces effets semblent limités à la séance Snoezelen® et ne perdurent pas dans le temps (Ashby, Lindsay, Pitcaithly, Broxholme, & Geelen, 1995 ; Cuvo et al., 2001 ; Houghton, et al., 1998 ; Lindsay, Pitcaithly, Geelen, Buntin, & Ashby, 1997). Ainsi, en 2004, Singh et al. observent avant, pendant, et après des séances Snoezelen® les comportements agressifs de personnes présentant une déficience intellectuelle : les comportements d’agression à la fois envers autrui et autodirigés sont significativement plus faibles lorsque les individus sont présents dans une salle Snoezelen® qu’avant et après les séances.
Particularités des adultes avec un trouble du spectre autistique
Comme mentionné plus haut, les critères diagnostics actuels du DSM-5 comprennent des « déficits persistants de la communication et des interactions sociales dans plusieurs contextes » (APA, 2013, p. 50) ainsi que des « intérêts restreints et stéréotypés des comportements ou activités » où pour la première fois sont mentionnés dans une classification les troubles sensoriels comme suit : «Hyper- ou hyporéactivité des éléments sensoriels, ou intérêts étranges dans des aspects sensoriels de l’environnement (apparente indifférence à la douleur ou température, réponses aversives à certains sons ou textures, utilisation excessive du toucher ou de l’odorat pour explorer certains objets, fascinations visuelles pour les lumières ou les mouvements) » (APA, 2013, p. 50). Il est précisé que « la sévérité [de ces troubles] peut varier avec les contextes et être fluctuante selon les moments » (APA, 2013, p. 51). L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) quant à elle reste, pour quelque temps encore avec la triade autistique de la classification internationale des maladies (CIM-10), c’est-à-dire les troubles qualitatifs des interactions sociales, les troubles qualitatifs de la communication verbale et non verbale et l’aspect restreint et stéréotypé des comportements et activités (OMS, 1993). Le terme stéréotypie sera remplacé ici par autostimulation, en suivant la définition de Bonnot-Briey et Constant (2009) précisant que certaines autostimulations ne sont pas répétitives et qu’il existe plusieurs genres d’autostimulations.
Discordances apparentes entre le concept Snoezelen® et les caractéristiques du trouble du spectre autistique
Dans leur étude McKee, Harris, Rice et Silk (2007) montrent chez trois adultes avec un TSA que les stimulations en salle Snoezelen® ne permettent pas une diminution des comportements agressifs. Il y a pourtant une très légère amélioration pour ces patients à s’engager dans des conduites pro-sociales. Les résultats de Fava et Strauss (2010) incitent également à la prudence quant à l'utilisation de la salle Snoezelen® chez les individus présentant une déficience intellectuelle. Pour ces auteurs, l'intervention de type Snoezelen® a diminué les comportements perturbateurs seulement chez les individus avec un TSA mais sans déficience profonde associée (Fava & Strauss, 2010).
Pertinence de placer des personnes avec un TSA et une déficience intellectuelle en salle Snoezelen®
Fagny (2000) a étudié l’influence de la technique du Snoezelen® sur des signes d’apaisement chez des adultes avec un TSA. Neuf participants ont été observés de manière systématique, avant, pendant et après l’activité Snoezelen®. Il s’avère que l’utilisation du Snoezelen® fut pertinente, puisqu’elle permit une diminution notable, à court terme, de leurs comportements témoignant de l’anxiété, de la frustration ou de l’insécurité. Les recherches de Martin (2003 a et b) montrent également que les troubles du comportement liés au TSA, comme les stéréotypies et les agressions s'atténuent pendant les séances de prise en charge Snoezelen® et juste après.
Cette conceptualisation Snoezelen®, pensée pour des personnes polyhandicapées n’a donc pas été conçue pour des adultes présentant une déficience intellectuelle profonde avec un TSA. C’est pourquoi, aux vues des apparents paradoxes entre la théorie de base Snoezelen® et les caractéristiques du TSA, cette étude vient questionner la pertinence de l’accompagnement en salle Snoezelen® favorisant un éveil au monde et une ouverture sur l’environnement pour un public par essence replié sur lui-même et avec des particularités sensorielles importantes. Aux vues des différentes études effectuées montrant les limites de l’utilisation de la conceptualisation Snoezelen® avec des personnes atteintes de TSA, et pour ne pas mettre les patients en difficultés, des adaptations ont été réalisées dans la salle Snoezelen®.
Adaptations
Les spécificités sensorielles des personnes avec un TSA créent le besoin d’un espace pour s’exprimer et être accompagnées. Le TSA nécessite un cadre structuré (HAS & ANESM, 2012 ; Schopler, Reichler, & Lansing, 2002). Pour s’adapter aux caractéristiques diagnostiques de ce trouble, la salle Snoezelen® a été organisée non pas spatialement mais dans la structure même de la séance, ainsi que dans la manière de l’utiliser. Des temps repérés ont été créés et une vigilance toute particulière a été portée aux sur- et sous-stimulations. Aussi une réduction des verbalisations était imposée, car les personnes avec un TSA ont un trouble des fonctions exécutives, rendant le traitement de l’information de la voix humaine complexe à traiter (HAS, 2011). Un apprentissage de l’utilisation du matériel a enfin été introduit (celle-ci ne pouvant être effectuée de façon spontanée).
Objectif et hypothèses
L’objectif de cette recherche est donc de tester si la conceptualisation Snoezelen® en tant que salle de stimulation multi-sensorielle, avec les adaptations proposées est bénéfique à des adultes présentant une déficience intellectuelle profonde avec TSA. Cette étude propose trois hypothèses : (a) On s’attend à observer, au sein de la salle Snoezelen® une augmentation de la fréquence et de la qualité de la réponse des participants aux activités sensorielles proposées (nommées propositions) après deux ans de prise en charge dans cette salle ; (b) On s’attend à une augmentation de la fréquence et de la qualité des activités adaptées réalisées seules par les participants (nommées autonomies) à la fin de l’étude. Cette définition s’appuie sur Willaye et al. (2007) qui associent le concept d’autonomie avec celui d’apprentissage puisqu’être autonome c’est ne pas dépendre d’une personne, donc apprendre à faire seul ; (c) On s’attend à une atténuation de la fréquence et de l’intensité des autostimulations des adultes avec TSA et déficience intellectuelle profonde associée.
Méthode
Participants
Les quatre adultes participants sont tous diagnostiqués à l’époque comme étant autistes avec déficience intellectuelle profonde, non cotable, car ils ne répondent pas aux critères minimums des tests de coefficient intellectuel. Le lieu où se déroule cette étude est une Maison d’Accueil Spécialisée (MAS) spécifiquement dédiée à l’accueil de personnes avec un TSA. Ces quatre adultes (deux de sexe masculin et deux de sexe féminin) sont âgés de 26 à 41 ans au moment des premières observations. Ils sont évalués par le COMVOOR (Verpoorten, Noens, & Van Berckelaer-Onnes, 2012) comme étant de niveau sensitif, à savoir qu’ils ne comprennent le monde qu’à partir des sensations qu’il leur procure, sans traitement central des stimuli reçus (sans interprétation de l’information captée par les différents canaux sensoriels). Le tableau 1 ci-dessous représente les caractéristiques de l’échantillon.
Matériel
Description de la salle Snoezelen®. La salle Snoezelen® est aménagée avec du matériel spécialisé permettant différents ateliers sensoriels (certains ateliers entrent dans plusieurs catégories sensorielles) classés par modalité pour les besoins des observations futures : (a) l’exploration tactile, somatique se fait grâce aux balles sensorielles, aux pressions profondes, au toucher thérapeutique et aux couvertures ou objets lestés ; (b) l’exploration vibratoire est possible grâce au matériel vibrant (matelas, coussin, petits jeux) et aux colonnes à bulles et à objets (le moteur des colonnes vibre entrainant de fines vibrations) ; (c) l’exploration vestibulaire peut s’effectuer avec la balancelle, des jeux sur un gros rouleau en mousse ou le prisme tournant ajouté au projecteur ; (d) l’exploration auditive se fait avec un poste audio, et tout le matériel sensoriel susceptible d’émettre un son (bâtonnets à frapper l’un sur l’autre, bruit des vibrations du matériel vibrant), ainsi que les colonnes à bulles et à objets (bruit des bulles et objets qui remontent) sans oublier le ronronnement du moteur du projecteur ; (e) l’exploration visuelle se fait à travers la colonne à bulles, la colonne à objets, un miroir (protégé par un rideau), le projecteur avec différents motifs, des fibres optiques, un néon de lumière noire et des balles sensorielles visuellement attractives.
En outre, cette salle permet d’évaluer également trois capacités : La détente, en référence à l’aspect « Doezelen » de la salle et à son environnement calme, visible grâce à une baisse du tonus musculaire ; La conscience de soi, grâce au miroir accroché au mur ; La motricité fine et générale (attraper des objets, se déplacer dans l’espace de la salle). Tout ceci constitue les huit critères étudiés ici. Ils sont répartis comme suit : cinq types relatifs aux explorations sensorielles (tactile, vibratoire, vestibulaire, auditif et visuel) et trois aux capacités spécifiques (détente/tonus, conscience de soi à travers le miroir et motricité-déplacements dans l’espace de la salle).
Procédure. L’étude se déroule sur deux ans de prise en charge des adultes en salle Snoezelen®. Deux évaluations sont réalisées : une au début des observations, en 2012 (évaluation 1), et une à la fin des observations en 2014 (évaluation 2). Une évaluation intermédiaire de contrôle est réalisée afin de vérifier la pertinence de l’accompagnement auprès des participants durant ces deux années. Les séances de Snoezelen® sont hebdomadaires. Les adultes sont déjà familiarisés avec la salle Snoezelen® au début des observations. Chaque évaluation est effectuée pendant cinq séances Snoezelen® habituelles. Cette évaluation concerne l’observation des cinq types d’explorations sensorielles : tactile, vibratoire, vestibulaire, auditif et visuel et des trois capacités spécifiques : la capacité de détente, la conscience de soi à travers le miroir, les capacités motrices et de déplacements. La figure 1 schématise les huit critères étudiés lors des trois moments d’évaluation.
Les critères étudiés sont cotés selon trois modes d’apparition (propositions, autonomies et autostimulations) en suivant le déroulement naturel des évènements au cours des séances de Snoezelen®. La figure 2 schématise l’évaluation des huit critères étudiés pour chacun des trois modes d’exploration.
Chacun des huit critères étudiés est côté sur une échelle de type Likert en cinq degrés. Cette échelle (Brunet et Lézine, 2001) fut créée en s’inspirant de différents travaux (Golse, 1992 ; Guérand, 2012 ; Laranjeira & Perrin, 2013 ; Martin & Adrien, 2005). Le degré 0 correspond à un investissement nul de la part du participant et le degré 5 correspond à une réponse positive adaptée. Le tableau 2 décrit le codage de ces cinq degrés.
Pour les trois modes d’apparition (propositions, autonomies et autostimulations), toutes les cotations en degrés des huit critères étudiés sont réalisées par deux codeurs, de façon indépendante. Le coefficient de fidélité inter codeur est de 0.92.
Résultats
Les hypothèses proposées ici consistent à vérifier si la prise en charge en Snoezelen®, avec les adaptations aménagées, permettent à des adultes avec un TSA et présentant une déficience intellectuelle profonde de mieux répondre à des sollicitations d’activités sensorielles faites par leur encadrant, d’être plus autonomes sur ces activités sensorielles et de voire diminuer leurs autostimulations.
Pour cela, la moyenne des degrés des huit critères étudiés est calculée à partir des données recueillies auprès des quatre participants et pour chacun des trois modes d’apparition avant et après la prise en charge Snoezelen® en 2012 puis en 2014. Les analyses statistiques sont réalisées sur échantillons appariés avec un t de Student. L’évaluation intermédiaire de contrôle montre une progression lente mais non significative sur les critères étudiés indiquant qu’une prise en charge sur le long terme (au moins deux ans) apporte une pertinence qui n’est pas nettement visible après une première année d’accompagnement.
Évaluation de l’investissement des propositions d’activités de la part de l’encadrant chez les adultes présentant une déficience intellectuelle profonde avec un TSA
Lors des séances en Snoezelen®, les encadrants proposent des activités aux participants de cette étude. La moyenne des degrés d’investissement de ces propositions est réalisée pour les huit critères étudiés et pour l’ensemble des participants, lors de l’évaluation de début puis de celle de fin. Les deux histogrammes de la figure 3 ci-dessous représentent respectivement le degré moyen d’investissement des activités par les quatre participants lors des propositions pour les huit critères étudiés en 2012, puis en 2014, soit au début et à la fin de l’étude.
Les propositions d’activités faites aux adultes avec TSA et déficience intellectuelle profonde associée sont significativement mieux investies en 2014 qu’en 2012 (t(30) = 7,08, p<.001.). Effectivement en 2014, les adultes sont beaucoup plus souvent réceptifs aux propositions d’ateliers sensoriels et utilisaient le matériel de façon plus adaptée. Il apparait donc bénéfique de leur proposer des activités en salle Snoezelen®. L’évolution de l’investissement des adultes pour les propositions est retracée par la Figure 4 ci-dessous, en 2012 et en 2014.
Cette figure permet d’observer une évolution après l’étude, pour tous les critères observés, excepté pour la capacité de déplacements. L’évolution de certains critères est significative, c’est le cas pour l’exploration tactile (t(3) = 18,04, p<.001) ainsi que pour l’exploration auditive (t(3) = 4,18, p<.05). La capacité de déplacement, quant à elle, voit sa diminution tendre vers la significativité (t(3) = 2,35, p<.10). Le tableau 3 ci-dessous regroupe l’ensemble des données statistiques concernant les propositions d’activités pour chacun des critères observés en 2012 et 2014.
L’évolution de tous les critères montre l’impact positif de proposer des activités en salle Snoezelen® avec des adultes associant un TSA et une déficience intellectuelle profonde. Cette diminution des déplacements sur propositions doit être liée au constat qui sera fait par la suite de l’augmentation des déplacements autonomes. Ceux-ci viendront se substituer aux déplacements sur propositions ce qui atteste de meilleures capacités pour ces personnes.
Évaluation du degré d’autonomie des participants en salle Snoezelen®
Les adultes accompagnés présentent aussi certains comportements d’autonomie vis-à-vis l’utilisation des ressources que propose la salle Snoezelen®, autonomie également observable selon les huit critères étudiés en évaluant le gradient avec l’échelle des degrés créée pour cette étude. Contrairement aux propositions où les encadrants s’appliquent à proposer harmonieusement des activités aux adultes dans chacun des huit critères étudiés, les comportements d’autonomies exprimés spontanément par les adultes ne correspondent, lorsqu’ils sont présents, qu’à certains critères variables d’un adulte à l’autre. Les deux histogrammes de la Figure 5 ci-dessous représentent respectivement le degré moyen des comportements d’autonomie sur l’ensemble des quatre participants en salle Snoezelen® en 2012, puis en 2014 pour les huit critères étudiés
On observe une évolution significative (t(20) = 5, p<.001) entre 2012 et 2014 soulignant que l’accompagnement Snoezelen® améliore les comportements d’autonomie des adultes avec un TSA et une déficience intellectuelle profonde associée. La figure 6 montre la nature des huit critères mesurés concernant les autonomies des quatre participants avant et après l’étude.
De façon descriptive, le degré d’autonomie des participants augmente pour les critères où il était déjà présent en 2012, à savoir pour les explorations tactiles et visuelles ainsi que pour la capacité de conscience de soi à travers le miroir et pour le critère des déplacements (t(3) = 1,71, p<.01). Une autonomie présentée par les adultes en salle Snoezelen® est de surcroit apparue dans des critères où elle n’était pas présente au début des observations : les explorations vibratoires, vestibulaires, auditives ainsi que la capacité de détente. Cette apparition différée peut être expliquée par le fait que ces critères nécessitent un plus long temps d’apprentissage pour l’utilisation du matériel (par exemple, comprendre qu’il faut appuyer sur le coussin vibrant pour l’actionner, apprendre à monter dans la balancelle sans se mettre en danger pour ensuite pouvoir se détendre et observer les ressources sonores disponibles dans la salle afin de s’en saisir). Le tableau 4 regroupe l’ensemble des données statistiques de cette étude pour les comportements d’autonomie présentés dans la salle Snoezelen®.
L’augmentation des capacités de déplacement en autonomie, couplée avec l’observation de la figure 4 attestant d’une forte diminution des déplacements lors des propositions de l’encadrant, montre qu’il n’est plus nécessaire, en fin d’étude, d’inciter les adultes à se déplacer puisqu’ils le font par eux-mêmes. Ce point est donc une évolution notable puisque la volonté de déplacement des participants s’en est trouvée accrue et qu’ils le réalisent seuls. L’accompagnement en salle Snoezelen® a donc permis aux quatre participants d’être globalement plus autonomes. La figure 7 fait la comparaison des données pour les propositions et autonomies pour chacun des huit critères étudiés en fin d’étude.
D’un point de vue descriptif, le degré d’autonomie dépasse le degré d’investissement des propositions excepté pour le tactile, l’auditif et la capacité à se détendre. Ceci atteste des comportements d’autonomie et d’utilisation adaptée du matériel dont font preuve les participants, puisqu’ils prennent plaisir à faire les choses par eux-mêmes. Les critères où l’acceptation des propositions reste la plus importante sont non seulement ceux où la présence de l’encadrant rend l’activité plus motivante, (par exemple pour passer une balle à picots dans le dos, pour chanter une chanson ou pour installer correctement une personne afin de faciliter sa détente) mais aussi les domaines qui permettent une interaction avec l’encadrant (demander avec les moyens à sa disposition pour rendre accessible une activité, recommencer un jeu préféré) Il semble donc très intéressant de pouvoir garder les deux aspects au sein de cet accompagnement : le côté autonome, puisque ces personnes sont dépendantes au quotidien dans l’institution et qu’il est beaucoup plus épanouissant dans une vie d’adulte de pouvoir faire ou décider de certaines choses par soi-même ; mais il est aussi important de garder des aspects où l’autonomie n’est pas majoritaire puisque les propositions d’activités impliquent obligatoirement l’acceptation de la présence d’un tiers entre l’activité et l’adulte et donc l’instauration d’une relation. Ceci étant justement une des difficultés induites par le TSA, il est nécessaire à ces personnes de comprendre l’importance d’une interaction, ne serait-ce que pour effectuer une demande (par exemple qu’on lui passe les balles à picots sous les pieds). La comparaison de l’ensemble des données concernant les propositions avec celles concernant les autonomies avant et après l’étude est visible dans la figure 8 ci-dessous.
Le degré d’autonomie vient dépasser le degré d’investissement des propositions en fin d’étude, malgré que ce dernier ait augmenté de 0.62 degrés en moyenne (le degré d’autonomie a lui augmenté de 1.76) ce qui rend encore plus pertinent l’accompagnement en Snoezelen® d’adultes avec un TSA et une déficience intellectuelle profonde associée. Soumettre des propositions en salle Snoezelen® à ces adultes n’a pas empêché les autonomies de se développer allant même jusqu’à dépasser le degré d’investissement des propositions. Les participants ont découvert de l’intérêt dans l’utilisation adaptée de certains matériels de la salle, ce qui a motivé et renforcé leur volonté de se perfectionner dans la réalisation de ces activités autonomes.
Évaluation des autostimulations chez les participants en salle Snoezelen®
L’expression des autostimulations est propre à chaque personne ainsi que leur intensité (certains se balancent alors que d’autres alignent des objets) C’est pourquoi ici, les données renseignant les autostimulations ne touchent pas les huit critères étudiés. Les critères correspondant aux autostimulations observées sont (a) le tactile avec des manipulations stéréotypées d’objets ; (b) des agrippements, des enroulements et des frottements de différentes parties du corps agissant sur l’enveloppe corporelle ; (c) le vibratoire avec des grincements de dents ; (d) le vestibulaire avec la présence de balancements ; (e) l’auditif lors de la présence de certains types de cris qui ne peuvent pas être considérés comme de la communication et enfin (f) des déambulations, cotées dans les capacités spécifiques de déplacements. Les deux histogrammes de la figure 9 ci-dessous représentent le degré moyen de l’ensemble des autostimulations présentées par les quatre participants, pour les huit critères étudiés respectivement en 2012 puis 2014.
Les résultats de la Figure 9 soulignent une diminution significative du degré de présence des autostimulations lors des séances entre 2012 et 2014 (t(7) = 4, p<.01). La salle Snoezelen® utilisée avec les adaptations proposées, diminue donc l’intensité et la fréquence des autostimulations présentées par les participants. Par ailleurs, le regroupement des données des différents types d’autostimulations n’a que peu d’intérêt ici puisque chaque adulte présentait des autostimulations qui lui étaient propres, et que quatre participants ne suffisent pas à faire émerger d’éventuels profils d’autostimulations.
Discussion
Cette étude consiste à mettre à l’épreuve la pertinence de l’utilisation de la conceptualisation Snoezelen® (principes de base et espace de la salle) adjoint des adaptations de certains des principes de base, pour un public associant TSA et déficience intellectuelle profonde. Tout d’abord, une amélioration significative de l’investissement des participants vis-à-vis des activités proposées par les encadrants dans cette salle Snoezelen® était attendue. Les résultats obtenus montrent qu’il leur a été, en effet possible de dépasser leur repli autistique le temps des séances Snoezelen® et de s’intéresser à leur environnement grâce aux interventions des encadrants. Ensuite, l’augmentation de la présence et de la qualité des comportements d’autonomie au sein de cette salle était escomptée, ce qui a expérimentalement pu être démontré de manière significative à l’issue de ces deux années. Les adultes se révèlent davantage acteurs de leurs séances et ainsi mieux éveillés au monde qui les entoure. Leurs comportements d’autonomie ont évolué dans les critères déjà présents au début de cette étude, à savoir les explorations tactiles et visuelles ainsi que les capacités de conscience de soi à travers le miroir et les capacités de déplacement ; de surcroit, pour tous les adultes, l’apparition d’une autonomie pour les autres critères étudiés (à savoir les explorations vibratoire, vestibulaire, auditive et la capacité de détente) est observée. Les propositions d’activité auraient pu venir heurter la conceptualisation Snoezelen® originelle en empêchant les adultes avec un TSA d’être acteurs de leur séance. Les résultats présentés ici avec l’augmentation du degré d’autonomie des comportements de ces adultes entre 2012 et 2014 montrent, au contraire, que ces propositions favorisent le fait qu’ils soient acteurs de leur séance. Cette donnée demande toutefois à être dupliquée. Enfin, la fréquence et l’intensité des autostimulations présentées par les participants au sein de cette salle étaient censées diminuer pour répondre à la troisième hypothèse. C’est le constat effectivement réalisé avec leur baisse significative observée dans la salle. Ceci montre que Snoezelen®, utilisée avec les adaptations effectuées, présente un effet apaisant sur les personnes avec un TSA et une déficience intellectuelle profonde. Elles semblent pouvoir y trouver l’essentiel de leur besoin en sensorialité, tout en repérant cette salle comme un endroit sécurisant ce qui diminue leurs signes d’anxiété.
Pour synthétiser, l’augmentation de l’investissement des activités proposées, l’apparition et l’augmentation des comportements d’autonomie concernant les activités de la salle Snoezelen® ainsi que la diminution des autostimulations démontre une certaine pertinence à accompagner des adultes avec un TSA et une déficience intellectuelle profonde en salle Snoezelen®, avec les modifications apportées à la conceptualisation de base. Il est légitime de s’interroger sur la question des adaptations réalisées aux séances Snoezelen® spécifiquement pour cette étude. Cette décision s’est faite suite aux constats des études utilisant le Snoezelen® tel qu’il a été décrit originellement et dont les résultats étaient peu ou pas concluants, comme celle de Van Lankveld (1992) cité par Singh et al. (2004) qui ne relève aucun effet du Snoezelen® sur l’activité sensorielle ni sur l’activité physique des participants. Il relève même une réduction notable des gestes et contacts à l’intérieur de la salle Snoezelen®. Adapter cette conceptualisation pourrait permettre de trouver des solutions d’accompagnement dans un établissement possédant une salle Snoezelen®. Martin (2003a) avait pressenti une « nécessité de directives » pour guider des adultes ayant un TSA et une déficience intellectuelle associée lors de l’utilisation de la salle au risque de voir les résidents « trop librement évoluer » (p. 160) et ne pouvoir profiter des activités. Ses conclusions incitent à proposer des adaptations telles que présentées ici avec les propositions d’activité par exemple. Martin (2003a) fait le choix de ne pas dénaturer la méthode, mais précise « que la structuration du lieu et les accompagnants ont joué un rôle fondamental dans l'amélioration des comportements » (p. 160).
Proposer ce genre d’adaptations, à priori contraires à la conceptualisation de base offre un biais important dans l’utilisation du Snoezelen®. Le but premier recherché ici était d’effectuer une étude exploratoire afin de convenir du bénéfice de la conceptualisation Snoezelen® même adaptée, pour un public avec TSA et déficience intellectuelle. Les résultats montrent, en fin d’étude, un investissement accru des activités proposées, une forte augmentation des autonomies qui deviennent même plus fréquentes et de meilleure qualité que les réactions aux activités proposées. Ces résultats attestent du bénéfice d’accompagner des adultes avec un TSA et une déficience intellectuelle profonde associée en salle Snoezelen® dans les conditions de cette évaluation. La conceptualisation originelle ayant pour principe de laisser la personne libre, actrice de sa séance, cette apparition importante des comportements d’autonomie montre que les adultes avec un TSA peuvent eux aussi devenir autonomes, acteurs de leur séance alors que leur autisme les en empêche d’emblée. Les adaptations apportées ici n’ont donc été qu’un chemin détourné mais nécessaire à des personnes souffrant d’un trouble de l’initiation motrice pour accéder à cette volonté du Snoezelen® d’être acteur de sa séance. Cela rallonge inévitablement le parcours, mais rappelons que les personnes avec un TSA réagissent mieux lorsque le rythme des stimulations les entourant est réduit, notamment visuelles et auditives pour la perception de la parole (Gepner, 2005 ; Lainé, Rauzy, & Gepner, 2008). Or justement certaines des adaptations proposées ici consistent en un ralentissement du rythme des déplacements des encadrants, du débit de leurs paroles, etc. Avec ces adaptations et cette longue plage d’étude, il se pourrait qu’un équilibre respectant le TSA des participants et permettant finalement de ne pas dénaturer le Snoezelen® ait été trouvé. D’une manière plus générale, il est possible de penser qu’en prenant en compte et en adaptant l’environnement sensoriel des personnes avec un TSA (Cermak et al., 2015), de nombreuses difficultés du quotidien disparaissent ce qui améliorerait également leur qualité de vie dans de nombreux domaines.
Appendices
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