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C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès subit de la lumineuse Estelle Lebel, qui a été emportée par un anévrisme foudroyant le 25 décembre 2022, à Rimouski. Collègue féministe aux idées intarissables, d’une intelligence remarquable et d’un esprit pétillant, Estelle a mené une longue et brillante carrière universitaire. Après avoir été professeure titulaire au Département d’information et de communication, elle est demeurée active à l’Université Laval, après sa retraite, en tant que professeure associée et membre du comité de rédaction de la revue Recherches féministes; son expérience et sa façon de trouver des solutions nous étaient particulièrement précieuses.

Formée aux Beaux-Arts, Estelle Lebel a été une pionnière de la lecture des discours de l’image, dont la sémiotique et la rhétorique de l’image visuelle en communication. Elle s’est spécialisée dans les études féministes, principalement des représentations, des pratiques des métiers de la communication et de la réception différenciée selon le sexe; elle a publié notamment dans Recherches féministes et Vie pédagogique. Ses recherches fondamentales l’ont entraînée vers un travail d’éducation aux images qui s’incarne dans des ouvrages de vulgarisation grand public comme Mon enfant devant l’écran (2009), édité par le ministère de la Culture et des Communications. Elle s’est illustrée, entre autres, dans la discipline du cinéma d’animation, en réalisant des courts-métrages féministes à l’Office national du film du Canada (ONF) avec, par exemple, Maricoquette qui n’a ni chaud ni frette (1977) ainsi que Cogne-Dur (1978).

Directrice de Recherches féministes de 2005 à 2017, elle a obtenu de façon continue des financements du CRSH et du FQRSC, tout en régularisant la parution des numéros; l’apport d’Estelle Lebel à la revue s’est avéré incommensurable. Elle a été responsable de plusieurs numéros de la revue, notamment de celui intitulé « Communications », avec Chantal Nadeau, et du numéro spécial des 20 ans de la revue, codirigé avec Micheline Dumont. Elle est allée chercher des artistes internationalement reconnues pour que les pages couverture de Recherches féministes sortent de l’ordinaire : entre autres, une oeuvre de l’artiste Wangechi Mutu pour le numéro 27.2, « Femmes extrêmes », et un dessin de la bédéiste suédoise Nina Hemmingsson pour le numéro 25.2, « Les voies secrètes de l’humour des femmes ».

Depuis sa retraite en 2014, elle a co-organisé le colloque « (Re)productions et subversions du genre dans les médias », qui a eu lieu lors du Congrès international de la recherche féministe dans la francophonie (CIRFF), à Paris en 2018, et a coédité le numéro 33.1 de Recherches féministes portant le même titre. Estelle a aussi monté, en collaboration, une exposition qui lui tenait particulièrement à coeur, soit Pourquoi écrivent-elles tant?, qui présente le portrait de trois femmes de sa famille, sur trois générations, à partir de leurs journaux intimes (Musée de la Mémoire vivante, Saint-Jean-Port-Joli, juin 2021 à juin 2023). « Rédiger un journal intime c’est parler de soi, mais aussi du mode de vie et du contexte social dans lesquels on évolue », écrivait-elle. Quel précieux legs que cette exposition et son contenu!

Estelle Lebel était une femme chaleureuse, généreuse et bienveillante, qui a marqué le parcours de vie de plusieurs étudiantes à la maîtrise et au doctorat, d’artistes, d’intellectuelles féministes ainsi que de collègues de recherche, comme le montre le témoignage suivant :

Merci de m’avoir dit un jour, les yeux brillants : « Tu sais que j’ai chez moi une partie des archives de Femme d’aujourd’hui? Je les ai achetées! » C’était un des plus beaux moments de ma vie d’historienne! Ça m’a lancée sur une piste de recherche formidable, un projet qui m’emballe au plus haut point, d’autant que j’ai eu la chance d’y travailler avec toi : pétillante, ouverte et compétente! Nous aurions bien aimé que tu sois là pour écrire avec nous le livre sur cette émission-phare de Radio-Canada : tes lumières, ta vivacité et ton rire nous manqueront. L’ouvrage te sera dédié. Repose en paix.

Josette Brun

Professeure très appréciée, qui a partagé ses larges connaissances sur la communication par l’image du double point de vue de la sémiologie et de la sociologie, elle laissera un immense vide au sein de notre communauté universitaire et féministe.