Article body

Le présent article est consacré aux rapports de pouvoir genrés qui sont négociés au sein de la culture alimentaire contemporaine, au Québec, que j’ai par ailleurs qualifiée de biomédicalisée. Cette dénomination conceptuelle est inspirée des travaux d’Adele Clarke et autres (2010) qui ont analysé les processus interreliés constitutifs de la biomédicalisation du champ social. Pour ces chercheuses, la biomédicalisation participe de changements dans la distribution du savoir biomédical dans la société américaine (et, plus largement, occidentale), de sa circulation et de son appropriation par les individus. Les rapports aux corps, à la santé et à la vie en elle-même s’en trouvent reconfigurés alors qu’émergent de nouvelles potentialités biotechniques et biomédicales d’interventions sur les corps et leur santé dans une optique d’amélioration ou d’optimisation.

J’ai mobilisé les propositions théoriques de Clarke et autres (2010) pour avancer que ces processus de biomédicalisation décrits par les chercheuses transforment également notre rapport à l’alimentation à l’aune de considérations pour la santé. Le concept comme lorgnette analytique permet de mettre en lumière la manière dont la culture alimentaire contemporaine au Québec contribue à produire des savoirs précis et des pratiques particulières sur et liant l’alimentation, les corps et la santé. Dans mon article, je réfléchis aux intersections entre alimentation, corps et santé en m’appuyant sur des enjeux liés au genre dans le contexte d’une culture alimentaire axée sur la santé (telle qu’elle est traversée par des discours healthists (Crawford 1980) qui font de la santé un impératif moral et individuel à atteindre) et au sein de laquelle l’alimentation est conçue comme un outil permettant de l’infléchir.

Dans le projet de recherche plus large duquel est tiré mon article[1], je pose l’alimentation « saine » comme le pivot autour duquel s’articulent les rapports de pouvoir – notamment genrés – qui traversent la culture alimentaire biomédicalisée. Ces rapports prennent des formes variées allant de l’exclusion à l’établissement de normativités et d’injonctions liant corps, alimentation et santé (Durocher 2020).

Il est nécessaire de préciser d’entrée de jeu que les éléments qui ont servi de trame pour l’analyse sont inspirés de mon quotidien, soit celui d’une femme blanche, en santé, habitant des territoires non cédés (Tiohtià:ke/Montréal). Les processus et les rapports de pouvoir dont je discute ici ne sont que quelques-uns des mécanismes à l’oeuvre, qui participent de la production constante de corps différenciés au sein de la culture alimentaire biomédicalisée, au Québec. Ils ne rendent pas compte de la multiplicité et de la complexité des expériences sociales inégales, différenciées, qui influent diversement sur différents corps, de femmes notamment. Ainsi, mon intention n’est certainement pas de parler au nom de toutes les expériences vécues, ni même de tracer un portrait exhaustif de tous les processus de matérialisation genrés qui surviennent au coeur de cette culture, et qui sont informés par des enjeux de pouvoir issus de conditions systémiques et structurelles inégalitaires. Loin de moi aussi l’idée de procéder à l’élaboration de constats universalisants et homogénéisants quant aux types de corps qui se retrouvent produits[2]. Ce qu’il m’importe néanmoins de souligner, c’est que des enjeux de genre sont encore produits à travers l’alimentation au sein de cette culture alimentaire, et ce, malgré les discours healthists qui la traversent et qui rendent difficile le travail de discernement des rapports de pouvoir inégaux, genrés, qui s’y trouvent négociés (Cairns et Johnston 2015; Welsh 2011). Je veux ainsi mettre en lumière certains de ces processus et rapports de pouvoir qui servent à la fois à définir les rapports entre l’alimentation et les corps de même qu’à reproduire des corps genrés.

À partir d’exemples tirés de mon analyse, je mets en évidence que ces rapports de pouvoir contribuent à produire et à affecter de manières particulières des corps de femmes, depuis des processus sociaux et de matérialisation variés[3]. Par « produire », j’entends notamment que des corps se trouvent discursivement articulés, encadrés, contrôlés; évalués, caractérisés, discriminés, exclus, stigmatisés; matérialisés. Je termine d’ailleurs par des pistes de réflexion basées sur des travaux issus des féminismes matérialistes (Alaimo et Hekman 2008) pour réfléchir aux manières par lesquelles des corps différenciés sont produits matériellement, biologiquement, dans la culture alimentaire biomédicalisée.

Des corps genrés produits par et à travers l’alimentation au sein de la culture alimentaire biomédicalisée

Performer le genre à l’intersection de la consommation alimentaire

Souper de Noël avec des amies et des amis, à la maison. À la table, quatre femmes et quatre hommes, siégeant autour d’une dinde cuite au four.

Camille[4] veut changer d’assiette avec son copain parce que, dit-elle, il en a moins qu’elle – sous-entendant ainsi que cela va à l’encontre de la logique ou des conventions. Sophie, alors qu’elle remplit à nouveau son assiette, se justifie : « Pourquoi j’en prends encore? C’est juste de la gourmandise… De toute façon, je n’ai pas de fond! » De même, Isabelle s’excuse de se resservir en ajoutant : « Mais c’est Noël! »

Nicolas, chef de la soirée, précise que pour faire d’aussi bonnes pommes de terre « ça a pris du beurre, des patates, encore du beurre, pis quand tu penses que t’as mis assez de beurre, t’en remets! »

Reconstitution d’une scène qui a orienté l’élaboration de mon projet de recherche, à l’automne 2016

Assise parmi mes amies et amis ce soir-là, je relevais les manières différenciées par lesquelles les personnes s’identifiant comme femmes qui m’entouraient exprimaient des rapports de restriction et de culpabilité complexes devant la nourriture servie et consommée. Par opposition, Nicolas, dans l’extrait présenté, exprime le plaisir par l’excès de consommation d’un aliment particulier : le beurre. Cette scène met en évidence des rapports genrés différenciés relativement à l’alimentation et à sa consommation qui peuvent être lus à la lumière de ce que Candace West et Don H. Zimmerman (1987) ont qualifié de « faire le genre » (doing gender) à travers les pratiques et les interactions quotidiennes. Ce « faire le genre » se matérialise notamment par les choix de certains aliments culturellement genrés (Adams 2015; Sobal 2005; Sumpter 2015; Mycek 2018; Probyn 2000; Counihan et Kaplan 2012) et par la performance de certains rapports particuliers (par exemple, de contrôle) concernant la consommation alimentaire. Ainsi, l’impression de Camille, à savoir qu’il est anormal qu’elle ait plus à manger que son partenaire, reflète des conceptions normatives genrées de ce qui constitue une portion « normale » pour une femme.

Quant aux commentaires de Sophie et d’Isabelle, ils expriment une volonté de contrôle. Le sentiment de manque de contrôle exprimé par Isabelle est justifié par le fait que c’est une occasion spéciale (Noël) et par Sophie par le fait qu’elle se juge, en quelque sorte, « incontrôlable », de toute façon. L’énonciation d’éléments justifiant leur consommation alimentaire exprime des incertitudes, sinon des tensions par rapport à une consommation d’aliments qu’elles jugent excessive, voire incontrôlée.

Pour Kate Cairns et Josée Johnston (2015 : 157), la féminité est aujourd’hui (re)produite à travers les pratiques alimentaires par la négociation des tensions entre la restriction et la surveillance des choix effectués, d’une part, et le rejet du sur-contrôle, d’autre part, qui se trouve pathologisé :

While previous feminist scholarship has shown how women actively negotiate gendered discourses […] our research demonstrates how women distance themselves not only from the abject but also from an overly perfect performance of femininity. Even as neoliberal discourse promotes the acquisition of expert health knowledge to control one’s diet, the feminine subject who is too informed, and too controlling in her eating habits is pathologized as health obsessed.

Cairns et Johnston (2015) démontrent que des femmes se trouvent au coeur de négociations complexes entre la nécessité ressentie de contrôler leur alimentation (est-elle « appropriée »? « saine »?), leur apparence corporelle et leur féminité, le tout d’après des enjeux de santé. Le beurre comme marqueur de plaisir et d’excès souligné par Nicolas dans l’anecdote présentée n’est pas anodin. Alors que les femmes sur place expriment des rapports de contrôle et des sentiments de culpabilité à l’idée de sa perte, Nicolas énonce un sentiment de satisfaction et de plaisir associé à l’excès de consommation d’un aliment culturellement connoté comme malsain. Il importe de préciser que cette manière de catégoriser les aliments est typique du paradigme nutritionnel dominant contemporain : le nutritionnisme (Scrinis 2013). Celui-ci contribue à la caractérisation des aliments comme bons ou mauvais, en fonction de leur composition nutritionnelle et de leur association particulière avec la santé (Scrinis 2013; Overend 2020; Brady, Gingras et Power 2012). Néanmoins, cette caractérisation des aliments et la manière de les approcher varient selon le genre (Cavazza, Guidetti et Butera 2015; Stein et Nemeroff 1995; Beagan et Chapman 2012), ce qui informe ainsi la performance de l’identité genrée qui s’articulera à la consommation (ou non) d’aliments jugés « sains » (ou « malsains »).

Ces articulations particulières entre alimentation « saine » et identité genrée se déploient dans le contexte d’une culture alimentaire traversée par des discours healthists (Crawford 1980) qui font de la santé un impératif moral à respecter. Ces discours et les nouvelles normativités qu’ils mettent en forme ne concernent pas que des femmes. L’hypervalorisation de la santé, définie de façon monolithique et universelle (Metzl et Kirkland 2010), et les injonctions liées à son atteinte et à son maintien touchent également les hommes (voir, par exemple, Eric Strother et autres (2012)). Néanmoins, les pressions caractéristiques de ces discours se conjuguent à celles qui sont déjà présentent et qui affectent des corps de femmes, et participent des rapports genrés liant les corps et l’alimentation.

La grosseur, les corps de femmes, les discours sur la santé

Janette Bertrand (JB) : Mais est-ce que tu penses pas que… là tu vas être une personnalité publique…

Katherine Levac (KL) : Ouais, ouais, c’est ça.

JB : …que tu dis aux jeunes, pour faire de la télévision, faut être mince. Et alors moi, tout ce que j’ai vu dans ma vie de télévision, ç’a été, et j’ai été là à la télévision la deuxième année qu’ça a commencé, c’est qu’les filles, dès qu’elles se voient à la télévision, se mettent au régime pour maigrir. Est-ce que…, est-ce que les grosses ont pas de place dans vie?

KL : Ben, ben moi j’pense pas parce que j’en ai eu plein de contrats… quand j’tais comme ça. Au contraire, mais… là, ça rentre dans une autre catégorie qui est ma santé.

JB : Ha bon, ok.

KL : …qui est beaucoup plus importante que toute la tv que tu pourras me faire faire dans vie, tsé.

L’extrait qui précède est tiré d’une entrevue réalisée à l’émission de télévision Tout le monde en parle, très populaire au Québec et diffusée le 2 avril 2017 sur la chaîne de Radio-Canada. L’échange entre Janette Bertrand, figure publique célèbre de la scène culturelle et médiatique québécoise, et Katherine Levac, humoriste émergente dont la perte de poids marquée au cours des dernières années a été abondamment discutée dans la sphère publique (voir, par exemple, Jhade Montpetit (2020), Marlie Beaudin (2017) et Yan Lauzon (2019)), met en évidence une série d’enjeux à l’intersection des corps de femmes, des normes esthétiques et de la santé.

Depuis les années 60, des chercheuses féministes (notamment Susan Bordo (2004) ainsi que Irmgard Tischner et Helen Malson (2008)) ont critiqué les rapports de pouvoir genrés qui contribuent à la production de féminités normatives en lien avec l’apparence physique[5] et, de ce fait, à la création de pressions genrées exercées sur des corps de femmes, alors que la minceur corporelle est encore à ce jour associée à des idéaux de féminité. Ces travaux critiques dénoncent en particulier le fait que les idéaux de féminité et les normes genrées liées à l’apparence physique sont associées à une capacité perçue d’exercer un contrôle sur le corps par l’entremise de l’alimentation. Nombre de ces chercheuses ont soutenu la nécessité d’approcher la grosseur comme un enjeu féministe (Orbach 1998; Saguy 2012; Fikkan et Rothblum 2012) et depuis une perspective intersectionnelle (Brady et autres 2017; Parker et autres 2019) afin d’analyser les pressions normatives liant les corps de femmes à l’alimentation, et qui affectent d’autant plus celles dont le corps ne correspond pas aux standards en place (par exemple, les corps gros), alors que leur féminité est remise en question devant l’incapacité perçue à se contrôler (Tischner et Malson 2011 et 2012). Ces pressions genrées s’ajoutent à celles qui sont subies par les corps gros ou médicalement construits comme obèses, dans le contexte d’une culture alimentaire biomédicalisée où se déroule une lutte moralisatrice contre l’« épidémie d’obésité » (par ailleurs abondamment critiquée au sein des études critiques sur la grosseur (critical fat studies) : voir Jan Wright et Valerie Harwood (2012), Abigail Saguy (2014), Esther Rothblum et Sondra Solovay (2009), Emma Rich, Lee F. Monaghan et Lucy Aphramor (2011) ainsi que Michael Gard et Jan Wright (2005)).

Pour Kate Cairns et Josée Johnston (2015) et Talia L. Welsh (2011), les idéaux genrés associés à la féminité et à l’apparence physique se déploient de façon pernicieuse dans des discours qui les articulent autour de la santé, alors qu’ils détournent l’attention des enjeux de genre qui y prennent forme. Welsh (2011 : 33), par exemple, examine comment l’attention détournée de l’apparence vers des enjeux de santé « has shifted attention away from feminist concerns about the objectification of women toward seemingly gender-neutral concerns of proper nutrition and adequate exercise ».

Dans l’extrait de l’émission présenté plus haut, il est possible d’observer un tel détournement des enjeux liant l’apparence corporelle à la féminité ou aux pressions ressenties par des femmes pour correspondre à certaines normes esthétiques (tel que le propose Janette Bertrand) vers des enjeux de santé, qui sont posés comme suffisants pour justifier et valider la volonté d’agir sur le corps dans l’optique d’atteindre un poids jugé sain. Ce recadrage est particulièrement intéressant lorsqu’il est vu à la lumière des propos de Cairns et Johnston (2015 : 170) qui suggèrent que les idéaux associés à la féminité sont invisibilisés quand ils sont envisagés du point de vue de la santé, ce qui fait des actions à l’endroit de la consommation alimentaire ou du corps, ou des deux à la fois, des actes engagés envers soi, pour soi (pour sa santé) :

[W]e have shown how gendered body ideals associating femininity with thinness persist but are re-framed as a matter of choosing health. Our research demonstrates how women articulate healthy eating as an empowering act of informed choice; yet, these same women negotiate food choices in the context of a do-diet discourse that valorizes expert knowledge, risk-management, and an ethos of perpetual improvement.

Ainsi, le corps de Katherine Levac, mis en visibilité en raison d’une perte de poids marquée, devient l’objet d’une tension double : d’abord, celle d’une négociation entre la réponse aux attentes genrées des normes esthétiques de beauté encore à ce jour largement caractérisée dans la société occidentale par la « tyrannie de la minceur » (Bordo 2004; Tischner et Malson 2008, 2011 et 2012) et l’expression d’une féminité contemporaine non pathologique caractérisée par l’excès de contrôle (Cairns et Johnston 2015; Malson et Burns 2009); ensuite, celle du souci d’une expression de la féminité contemporaine non pathologisée, mais qui répond néanmoins aux nouvelles normes contemporaines articulant féminité/sujet genré (Murray 2008; Cairns et Johnston 2015; Moore 2010) à la santé.

La motivation offerte par Katherine Levac pour justifier sa perte de poids (le choix de sa santé et la mise en oeuvre d’actions pour assurer celle-ci) contribue à détourner l’attention d’un contrôle exercé sur le corps – qui pourrait être lu en d’autres lieux et contextes comme une réponse normative genrée à des idéaux de beauté – pour la porter vers des considérations liées à la santé, procédant ainsi d’un mouvement de légitimation de ladite motivation. Pour Cairns et Johnston (2015) et Sarah E.H. Moore (2010), les discours et les pratiques entourant actuellement l’atteinte et le maintien d’un corps sain (dans la lignée des discours healthists mentionnés précédemment) reprennent et renforcent des normes hégémoniques genrées. Le corps d’une femme mis en visibilité dans l’espace public contemporain peut être scruté, évalué et soumis à des mesures de contrôle, dans la mesure où cela répond à des enjeux perçus de santé. Dans la section suivante, j’observe la manière dont ces pressions genrées s’organisent également autour des pratiques de soin, tournées tant vers soi que vers autrui.

Des corps de femmes… des corps qui prennent soin?

En septembre 2018, j’ai participé à la coorganisation d’une soirée-conférence/ projection documentaire sur le droit à l’alimentation intitulée « Votre quartier vous nourrit-il? ». Cette soirée avait pour objet de discuter d’enjeux liés à l’accès à une alimentation adéquate pour tous et toutes avec des acteurs et des actrices clés du système alimentaire montréalais. S’y trouvaient un représentant du Conseil du Système alimentaire montréalais, une chargée de projet de Vivre en ville (organisme ayant la responsabilité de conseiller les instances politiques dans le développement de collectivités et d’environnements urbains viables) et une représentante du Regroupement des cuisines collectives du Québec (RCCQ). La discussion s’est principalement orientée autour des freins à l’accès à une alimentation « saine » à l’échelle des quartiers, de même qu’autour des stratégies pour y répondre. Pour sa part, la représentante du RCCQ a insisté sur le fait que la saine alimentation varie selon les contextes, et que les activités pour en assurer l’accessibilité ne devraient pas concerner uniquement des aliments particuliers, favorisés et valorisés, au détriment d’autres. Alors qu’elle offrait l’exemple d’une mère de famille qui n’a pas les revenus ou le temps nécessaire pour cuisiner un repas « sain » à ses enfants, mais qui opte pour des aliments néanmoins susceptibles de combler leur appétit, je n’ai pu m’empêcher de réfléchir à la présence des enjeux de genre au fil des discussions tenues pendant l’événement (Durocher 2016-2018) :

Ça me frappe parce que l’exemple de la mère ou de la famille comme source pour nourrir la famille + comme source d’éducation à une saine alimentation – ça revient à des enjeux de genre classique du type mère comme pourvoyeur et éducatrice de ce qu’est « la saine alimentation ». [Un homme] dans le public demande d’ailleurs si « éducation à une saine alimentation » ne devrait pas passer par la maison plutôt… par la famille, [ce] qui, pour moi, revient à l’équivalent de dire à la mère! [Il] donne l’exemple qu’il a appris à cuisiner avec sa mère […] [La représentante de l’organisme Vivre en ville] parle de gardiennes en garderie qui font goûter des fines herbes… pour elle, ça c’est important aussi. Ce qui me frappe, c’est l’association avec « gardienne », encore la femme comme gardienne de l’apprivoisement/éducation à la saine éducation.

L’accès à une alimentation « saine » et la préparation des repas sont encore une fois posés comme étant du ressort des femmes, qu’elles soient mères, liées à un rôle quelconque associé à des enfants ou à des proches dont elles auraient la charge, ou encore mères en devenir. Bon nombre d’études féministes ont critiqué déjà le caractère genré de la division des tâches liées à la préparation des repas au sein de la famille (DeVault 1991; Brady, Gingras et Power 2012; Cairns, Johnston et Baumann 2010). Ainsi, Cairns, Johnston et Baumann (2010), reprenant les propos de Marjorie DeVault (1991 : 118 et 592‑593), discutent d’ailleurs des prolongements de cette division des tâches dans la construction de rôles, voire de l’identité genrée :

[Feminist scholarship] interrogate[s] the historically naturalized connection between food and femininity that has served to legitimize women’s disproportionate food labor and to reproduce gendered divisions between the public and private spheres […] [For example, through] a careful analysis of how women become invested in relations of care that contribute to their oppression, DeVault demonstrates how cooking as caring operates as a form of doing gender in which « a woman conducts herself as recognizably womanly ».

Dans le contexte de la culture alimentaire biomédicalisée, notamment caractérisée par une multiplication des pressions et des injonctions à atteindre la santé par l’entremise de l’alimentation et par une prolifération des sources d’informations pour y parvenir (Durocher 2020), les pressions liées à la responsabilité de prendre soin sont intimement organisées autour des enjeux de santé. Emily Yates-Doerr et Megan A. Carney (2016), dans le contexte d’ethnographies réalisées dans des cuisines du Guatemala et du Mexique, ont par exemple démontré que la multiplication des connaissances nutritionnelles et des technologies permettant la quantification des corps et des aliments ont imposé de nouvelles pressions sur les femmes, tenues responsables d’assurer l’atteinte et le maintien de la santé des membres de la famille par l’entremise de l’alimentation. De façon similaire, Tischner et Malson (2012 : 52) relèvent que, dans le contexte actuel où la santé est une responsabilité morale et individuelle à atteindre, la « responsabilité morale-biologique » qui incombe aux femmes s’étend à la prise en charge de la santé de tous les membres de leur famille :

In contexts where health is so prominently construed in terms of body weight, this « biological-moral responsibility » becomes a responsibility for all family members’ body weight […] Although the neoliberalisation of health […] renders health (and therefore body weight) as the responsibility of the individual, ostensibly regardless of that individual’s gender, the production and regulation of that « responsibility » will nevertheless, we would argue, be read in articulation with these longer‐standing constructions of women as responsible for family well‐being.

Des femmes sont ainsi conviées, à titre de « pourvoyeuse alimentaire », à s’assurer de la bonne alimentation des membres de la famille, surtout des enfants, en vue de prévenir l’apparition de maladies ou de conditions, comme l’obésité. Welsh (2011 : 35‑36) critique le fait que des associations sont même créées entre les femmes comme mères de famille responsables du bon développement de leurs enfants et le bien-être de la nation, alors que l’« épidémie d’obésité » constituerait une menace à la sécurité de la nation :

In 2001, a former US Surgeon General, Dr. Richard Carmona, warned that « America’s obesity epidemic is a national security problem as the more than 9 million overweight and obese children in the country threaten to shrink the pool of eligible servicemen and women in the future » […] Too many fat children will produce too few recruits for the military.

Cette « responsabilité morale-biologique » informe ainsi une multiplicité d’énoncés et de pratiques visant les femmes à titre de mères ou de mères en devenir et prenant la forme de recommandations qui les invitent à prendre en charge leur santé et celle de leur famille.

Ces énoncés et ces pratiques soulignent l’importance d’assurer la bonne alimentation et l’éducation nutritionnelle des femmes de manière que, d’une part, elles puissent à leur tour subvenir de façon appropriée aux besoins alimentaires de leurs proches (par exemple, en fournissant une « saine » alimentation) et que, d’autre part, elles soient elles-mêmes en santé afin d’assurer la santé d’un foetus à naître ou des membres de la famille dont elles s’occupent[6].

Ces discours normatifs (voire ces injonctions à manger sainement/être en santé) participent de rapports de pouvoir genrés et réaffirment tout autant qu’ils confinent les femmes dans leur rôle de prise en charge des autres (celle de leurs enfants, par exemple, mais on pourrait penser également aux soins donnés à des parents, à titre de proche aidante, ou à des enfants dont elles ont la charge comme dans le cas de l’extrait présenté plus haut) et à un rôle de reproduction.

Ainsi, des recommandations sont formulées pour maintenir ou améliorer la capacité de reproduction potentielle des femmes qui ne sont pas encore mères, ou en vue de protéger la santé du foetus ou de l’enfant à naître. C’est notamment ce qui traverse cet article (La Dépêche 2018) où sont tracés des liens entre la consommation d’aliments particuliers (malbouffe) et le potentiel reproducteur des femmes :

Source : Capture d’écran de La Dépêche (2018).

-> See the list of figures

Dans cet article paru en mai 2018, on discute d’une étude qui démontrerait que la malbouffe peut entraver ou, à tout le moins, ralentir les capacités reproductrices des femmes. Je comprends de tels énoncés et ce qu’ils mettent en forme à l’aide des critiques formulées par Becky Mansfield (2012 : 588) qui s’est intéressée aux technologies de gouvernance biopolitique genrées dont l’objet est d’encadrer la consommation de fruits de mer par les femmes dans l’optique d’assurer la bonne santé du foetus à naître et, dans un mouvement plus large, la sécurité future de la nation :

These advisories are not merely a rational response to an environmental health dilemma but, rather, a form of gendered biopolitics of responsibility for population security. First, because advisories encourage individuals to self-manage risk by altering their lifestyles, they are exemplary of contemporary neoliberal public health approaches that make individuals responsible not only for their own well-being but also for the well-being of the population. Second, advisories also combine elements of reproductive politics, including the medicalization of pregnancy, the production of fetal personhood, and enduring notions about « good » and « bad » mothers. As such, advisories are a gendered technology of biopolitics that intensifies the self-disciplining of women as mothers of potential, future children.

Mansfield (2012) démontre que ces recommandations introduisent différentes manières moralisatrices d’être (ou non) une bonne mère (présente, potentielle ou future), dans le choix (ou non) de la consommation d’aliments jugés à risque. Au fil de ces recommandations, tout autant que dans l’article sur la malbouffe, des corps de femmes sont appréhendés à travers le prisme des rôles de reproduction, voire y sont confinés, tout en étant associés à une responsabilisation par rapport à la santé d’autrui, de l’enfant à naître ou à la nation en général.

Ces différents exemples mettent en lumière la manière dont le soin (care), tel qu’il s’articule à l’intersection de l’alimentation et de la santé au coeur de la culture alimentaire biomédicalisée, participe à renforcer normes, pressions et injonctions qui doivent être lues en fonction du genre puisqu’elles instaurent des rapports différenciés à l’alimentation. Les derniers exemples discutés, qui portent sur les recommandations et les restrictions alimentaires dans un contexte de grossesse actuelle ou potentielle, évoquent le biologique dans ce qu’il est informé par ces choix et pratiques alimentaires. Dans la dernière partie de mon article, je m’intéresse aux liens entre les matérialités biologiques et les différents rapports genrés à l’alimentation culturellement produits et discutés jusqu’à présent.

La production de corps matériellement différenciés

Je souhaite mobiliser ici les littératures issues des matérialismes féministes (Alaimo et Hekman 2008) pour proposer une réflexion quant à la façon dont la culture alimentaire biomédicalisée participe à la production de corps différenciés, genrés. Ma démarche est notamment inspirée de Stacy Alaimo et Susan Hekman (2008) qui soutiennent qu’il est essentiel que la recherche féministe se penche sur les matérialités (et, non uniquement sur des enjeux discursifs ou idéologiques) de manière à pouvoir entamer la discussion (même le débat) avec des sciences biologiques ou physiologiques comme les sciences médicales.

Je m’inspire également de Rosi Braidotti et Maria Hlavajova (2018) qui, tout en soulignant l’apport théorique de Judith Butler (1993) quant à la matérialisation des discours genrés dans les corps humains, rejoignent Karen Barad (2003) dans sa critique de la notion de performativité et des enjeux qu’elle permet d’explorer. Barad soutient que le concept de performativité maintient la matérialité dans un statut passif, sur laquelle le « social » ne ferait que s’inscrire. Aux yeux de Braidotti et Hlavajova (2018 : 360), il est nécessaire de remettre en question la manière dont « matter and discourse entwine and co-participate in the definition and materialization of the human and its others » pour comprendre pleinement les enjeux de pouvoir négociés à travers la matière. Ces propositions théoriques résonnent d’ailleurs avec les recherches de féministes comme Anne Fausto-Sterling (2005) qui étudie les matérialités biologiques (les os, dans son cas) afin de remettre en question les savoirs culturels dominants (traversés par des rapports de pouvoir notamment genrés) qui contribuent à leur matérialisation.

Je retiens de ces propositions une compréhension de la matière – spécialement biologique – comme étant le fait de processus actifs et constants de matérialisation, infléchis par des rapports de pouvoir, entre autres socioculturellement produits et négociés : « Hence, within this framework, matter is not just ‘ a kind of citationality ’ […] but rather an active ‘ agent ’ in its ongoing materialization » (Barad 2003, citée dans Braidotti et Hlavajova (2018 : 360)).

Ce cadre théorique m’amène à proposer que la culture alimentaire biomédicalisée contemporaine, au Québec, participe à la reproduction de matérialités corporelles genrées différenciées. J’ai mis en évidence jusqu’ici la façon dont divers rapports genrés sont établis entre l’alimentation et les corps, orientant ce faisant ce qui sera (ou non) ingéré et la manière dont cela aura lieu. Ainsi, la création et la circulation de savoirs culturellement ancrés, genrés, engendrent la production de corps particuliers par, notamment, l’adoption de pratiques alimentaires différenciées. J’ai donné plusieurs exemples jusqu’à présent qui illustrent ce type de processus. Sans réduire l’argument de la matérialisation des rapports de pouvoir genrés à des relations de causalité strictes, selon lesquelles ce qui est ingéré se matérialise directement dans les corps, j’estime difficile de ne pas tenir compte du fait qu’une consommation d’aliments différenciée (en raison des savoirs culturels genrés qui orientent ce qui est compris comme une alimentation appropriée), engendrera nécessairement des processus différenciés de matérialisation dans les corps. Des aliments et des quantités différenciées seront ingérées et, par conséquent, traitées, absorbées par les corps selon des processus eux aussi différenciés. Par exemple, Tischner et Malson (2008) démontrent que des pratiques comme l’adoption de diètes à répétition, qui touchent davantage de femmes dans une optique de contrôle et de volonté d’atteindre les standards corporels associés à la féminité, entraînent des changements corporels importants, sur la forme du corps tout autant que sur la santé[7].

Cet exemple amène d’ailleurs à réfléchir non seulement aux savoirs culturels différenciés (genrés) qui engendrent des comportements alimentaires différenciés, mais également aux pressions et aux tensions vécues qui vont aussi engendrer des processus (organiques, biochimiques) de matérialisation différents dans lesdits corps. Ainsi, ce qui est consommé et qui ne correspond pas aux attentes des savoirs culturels en vigueur (selon lesquels certains aliments sont jugés appropriés, associés à un genre particulier, etc.) créera également des tensions, largement vécues par des femmes, que ce soit en lien avec leur corps, ou avec ce qu’elles devraient ou ne devraient pas manger, tensions qui pourront elles aussi se matérialiser dans les corps. Je m’inspire ici notamment des travaux féministes qui intègrent à leurs critiques des considérations pour les avancées scientifiques en épigénétique (voir, par exemple, Julie Guthman (2014); Sarah S. Richardson (2017); Becky Mansfield (2012); Noela Davis (2014); Megan Warin et Anne Hammarström (2018)) ou plus largement pour les travaux qui explorent le fait que des stresseurs, qu’ils soient physiques ou sociaux (causés par l’expérience de stress lié à la discrimination, aux injustices sociales et matérielles, à la stigmatisation, etc.), sont matérialisés dans les corps, alors qu’ils enclenchent des mécanismes d’adaptation de l’organisme (voir, par exemple, Bruce McEwen (2012), Peter Muennig (2008), Peter Muennig et autres (2008) ainsi que Jennifer Brady et Jacqui Gingras (2019)). Ces mécanismes peuvent générer la production de substances, modifier les fonctionnements hormonaux, affaiblir les mécanismes de défense de l’organisme et jouer des rôles clés dans l’apparition ou l’expression de troubles ou encore de maladies ou de conditions chroniques.

Ainsi, au-delà de comportements alimentaires genrés différenciés, les pressions, les tensions et les stresseurs que peuvent éprouver des femmes devant l’alimentation, leur corps ou les multiples responsabilités et les charges mentales différenciées qui leur incombent au sein d’une culture alimentaire encore traversée par des inégalités de genre – peuvent également être réfléchies comme autant de marqueurs sociaux différenciés ayant le potentiel d’engendrer des processus de matérialisation physiologiques ou biochimiques eux aussi différenciés.

Par ailleurs, je souhaite introduire ici un dernier processus de matérialisation différencié (genré) trop brièvement exploré encore dans le contexte de mes recherches. Je m’inspire des travaux de Gillian Einstein, neuroscientifique (mentionnée par Kate Allen (2017)[8]), qui se demande pourquoi les troubles cognitifs comme l’Alzheimer semblent affecter davantage les femmes que les hommes. Plutôt que d’essayer de trouver des différences essentialisantes entre les hommes et les femmes, la chercheuse remet en question ce qui est, culturellement, incorporé. Ainsi, elle soutient que les pratiques culturelles et les problèmes de santé ne reflètent pas simplement des différences entre les sexes, mais participent plutôt à les créer. Présentant encore plus d’intérêt pour ce que je souhaite développer dans cette dernière partie de l’article, ses recherches exposent notamment que des « cultural narratives can influence how we interpret results, or stop us from asking questions that might lead to different results » (Allen 2017). Cette perspective féministe coïncide avec celle des chercheuses féministes qui s’inscrivent dans le champ des études sur les sciences et les technologies, dont Donna Jeanne Haraway (1991 et 1997) est l’une des pionnières, et qui investiguent la manière dont les savoirs culturels notamment liés au genre informent l’élaboration des recherches scientifiques, de l’articulation des questions de recherche à la conduite de la recherche elle-même, en passant par l’interprétation des résultats et leurs mobilisation subséquente (Weber 2006). Ces recherches déconstruisent la conception de l’objectivité en recherche et mettent en lumière les processus de construction des savoirs qui relèvent de l’essentialisation et de la naturalisation des organismes, de « la nature » et des sexes au sein de ces travaux.

Ces travaux invitent à réfléchir à la façon dont sont appréhendées, problématisées et mobilisées les matérialités biologiques humaines et alimentaires de façon genrée, notamment dans le contexte de recherches scientifiques. C’est le cas de certaines de ces études que j’ai consultées en cours de recherche, qui visent à établir des liens entre les composantes et les processus corporels associés aux corps des femmes et l’alimentation. Par exemple, Mathieu Perreault (2016) discute des travaux de la psychologue Kelly Klump qui cherche à « mieux » appréhender le cycle menstruel et à contrôler l’appétit des femmes en conséquence. La production de ces connaissances est cadrée comme permettant des avancées dans les manières de réfléchir les corps des femmes et d’intervenir sur ceux-ci, tant en ce qui a trait aux programmes de restrictions alimentaires qu’aux campagnes de prévention ou au traitement des troubles alimentaires. Les nouvelles connaissances liant alimentation et corps des femmes qui émergent de ce type de recherches et prennent régulièrement la forme de recommandations ou de diètes particulières sont autant de moyens de tenter d’infléchir les matérialités corporelles de femmes. Le fait que ces recherches sont menées et présentées ainsi, dans le but de « régler » les « problèmes » associés aux corps des femmes, contribue non seulement à (re)produire des conceptions essentialisantes des corps des femmes, mais également à orienter les recherches et les « découvertes » effectuées par la suite, et liant ces corps (et la santé) de façon genrée à l’alimentation. N’y aurait-il pas lieu plutôt de s’interroger sur les rapports de pouvoir socioculturels qui participent de la création de relations troubles et tendues avec l’alimentation ou les corps? Est-il nécessaire d’agir sur des corps de femmes afin de mieux contrôler l’appétit et la consommation alimentaire? Une réponse biologique à ce qui pourrait être appréhendé comme des formes d’oppressions culturelles liées à l’alimentation et aux corps (Malson et Burns 2009), et les liant, est-elle nécessaire ou appropriée? Ne contribue-t-elle pas à renforcer des normes et des conceptions genrées à l’intersection des corps et de l’alimentation?

Conclusion

Cet article expose et discute certains des processus affectifs, discursifs et matériels qui sont à l’oeuvre au sein de la culture alimentaire biomédicalisée, au Québec, et qui contribuent à la production d’une multitude de corps genrés différenciés. Comme je l’ai mentionné en introduction, ces processus interreliés et les rapports de pouvoir qui les informent et qui sont mis en évidence ici ne sont que quelques-uns de ceux qui se trouvent à l’oeuvre, et qui participent de la production constante de corps différenciés, notamment genrés. La recherche menée depuis ma perspective située, privilégiée de multiples façons, ne rend pas compte de la multiplicité et de la complexité des expériences sociales inégales, qui affectent différemment une hétérogénéité de corps et d’expériences de femmes, au coeur de la culture alimentaire biomédicalisée. Les normes, les injonctions et les pressions différenciées que celle-ci concourt à produire à l’intersection des corps, du genre, de l’alimentation et de la santé mériteraient d’être analysées depuis l’hétérogénéité de ces positions sociales différenciées, afin de comprendre les multiples processus de production des corps infléchis par des rapports de pouvoir liés à des inégalités structurelles et systémiques. Par exemple, comment les rapports de pouvoir caractéristiques de la culture alimentaire biomédicalisée prennent-ils forme à travers l’alimentation, à l’intersection d’enjeux liés à la race et au genre (voir notamment Alison Hope Alkon (2013) et Kimberly Nettles-Barcelon (2007))? Comment traversent-ils différentes manières, culturellement ancrées, de penser « l’alimentation saine » (voir, par exemple, Psyche Williams-Forson (2007 et 2019))? Comment s’articulent-ils à l’intersection d’enjeux coloniaux (voir, par exemple, Debbie Martin et Margaret Amos (2017), Hiʻilei Julia Hobart (2017) ainsi que Hiʻilei Julia Hobart et Stephanie Maroney (2019)) et sont-ils négociés en fonction de manières autres d’approcher l’alimentation « saine » et la santé?