Abstracts
Résumé
L’article porte sur l’impact de la transformation des marchés du travail pour les jeunes du Québec. Après avoir brièvement présenté le « modèle de centrifugation de l’emploi du coeur vers les marchés périphériques du travail dans l’après-fordisme, il montre que cette dynamique conduit à une rehiérarchisation des marchés du travail sur la base du statut d’emploi en s’appuyant sur des données publiées par l’Institut québécois de la statistique (ISQ). L’article montre que les effets délétères de cette dynamique se surimposent aux jeunes travailleurs et travailleuses non seulement parce que ceux-ci sont surreprésentés dans le travail atypique, mais aussi parce qu’ils subissent disproportionnellement l’impact de la rémunération plus faible, de l’accès restreint aux régimes de protection sociale et à la représentation syndicale associés aux emplois atypiques.
Mots-clés :
- travail atypique,
- précarisation,
- emploi,
- jeunes
Article body
Introduction
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, prenant acte des vices marquants du capitalisme de laissez-faire propre au système libéral d’antan, la majorité des gouvernements des pays dits développés, dont ceux du Canada et du Québec, adoptent les thèses keynésiennes et font de la recherche du plein emploi l’un des objectifs principaux guidant la conduite de leur politique économique interventionniste. Avec pour objectif l’étatisation du social, divers régimes de protection sociale (assurance-emploi, assurance-maladie, régime de retraite, prestation de sécurité du revenu) sont mis en place et marquent ce qu’on appellera l’État-providence. Bref, un pacte social est mis en oeuvre – liant l’État, l’entreprise et le travailleur[1]. L’emploi ne dépend alors plus du simple jeu de l’offre et de la demande sur le marché du travail et de l’emploi[2], passant du strict registre de l’économie à celui de l’économie politique, ayant désormais gagné le statut de variable indépendante, que l’on cherche à contrôler politiquement.
C’est l’ensemble de cette construction qui sera remis en question au Québec – qui ne constitue pas une exception – au tournant des années 1980, avec le passage à un régime néolibéral reposant essentiellement sur quatre piliers : la libéralisation, la déréglementation, la privatisation et la réduction des politiques sociales. Appliquée au marché du travail et de l’emploi, la déréglementation devient la flexibilisation, qui constitue le moyen par lequel on cherchera à se défaire de ses rigidités. L’idée centrale de ce néolibéralisme prétend que le marché doit assurer seul et sans entrave la distribution des biens, des services et de l’investissement, faute de quoi la répartition optimale des revenus entre les facteurs de production, c’est-à-dire entre le travail et le capital, serait empêchée (Brunelle, 2003 : 118). Pour ce libéralisme-là, le travail est une marchandise comme les autres et doit être remis aux lois du marché. Cela se fera rapidement sentir dans l’évolution du système d’emploi.
Contre certaines analyses qui associent trop rapidement néolibéralisme et « laisser-faire », il est important de souligner que la transformation de l’économie politique du travail dans le néolibéralisme est le fruit d’une action continue et multiforme des États eux-mêmes, ainsi que des entreprises et des administrations engagées dans une transformation globale des institutions, des relations sociales et des manières de gouverner en s’appuyant sur le principe de la concurrence (Dardot et Laval, 2009).
Une triple rupture s’est ainsi progressivement installée dans le pacte qui liait le travailleur, l’État et l’entreprise à l’époque du « compromis fordiste ». D’abord, l’État a procédé à la déréglementation de l’activité commerciale. Il a aussi choisi de recourir à la privatisation de sociétés d’État, laissant le champ libre à l’entreprise privée qui pouvait dès lors investir des secteurs dont l’accès était autrefois restreint[3]. L’assouplissement de la régulation des marchés du travail, que ce soit à travers la modification de l’articulation politico-juridique du marché du travail ou encore à travers une faible volonté politique de faire respecter la législation en vigueur ou de l’ajuster aux nouvelles réalités, a facilité la mise en place d’une nouvelle organisation du travail, flexible, en réseaux, répondant aux exigences de l’entreprise mondialisée[4]. Au final, l’entreprise s’est trouvée dégagée d’un certain nombre de responsabilités, parfois même jusqu’à celle de respecter les lois nationales, puisque les États ont abandonné des pans entiers de leur législation à des institutions supranationales dont les mécanismes de règlement reposent sur l’autorégulation par le secteur privé[5].
Sur un second front, en procédant à l’impartition, en scindant leurs activités dans des chaînes de sous-traitance, bref, en modifiant l’organisation du travail de diverses manières, les entreprises se sont engagées dans un processus de flexibilisation qui conduit à une rupture dans les termes du contrat entreprise-travailleur, lequel se manifeste notamment par le glissement de l’emploi depuis le salariat classique vers les marchés périphériques du travail[6].
Enfin, la rupture dans les termes du contrat entre l’État et le travailleur se traduit de diverses manières. L’appauvrissement des régimes d’assurance publique, la limitation de leur accès, la réduction des budgets à l’éducation, la mise en danger des régimes de pensions publiques, la privatisation partielle des services de santé constituent tous, en quelque sorte, des modalités différentes de refonder le contrat liant le travailleur à l’État. À terme, dans la nouvelle donne, l’accroissement de la richesse sera donc poursuivi, essentiellement, par la mise en place d’un nouveau partenariat à deux, entre les milieux politiques et les milieux d’affaires, les milieux syndicaux étant relégués à un rôle secondaire, sinon accessoire.
Alors que la période keynésienne était marquée par la progression constante de l’emploi dans le salariat classique, on assiste aujourd’hui à l’essor du travail atypique, qui prend plusieurs formes – à temps partiel, temporaire, « autonome[7] », par cumul d’emplois, invisible, lesquelles constituent des illustrations de ce que Durand (2004) appelle la dynamique de centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail. Ainsi, « la norme d’emploi d’après-guerre, soit l’emploi régulier à durée indéterminée, s’est effritée aux profits de formes d’emploi multiples » (Mercure, 2001 : 5). Pour les entreprises du secteur privé, mais aussi pour l’État employeur, ces nouvelles façons d’engager la main-d’oeuvre sont autant de manières de poursuivre l’objectif de flexibilité[8]. Ainsi, du fordisme à l’après-fordisme, il y a un saut qualitatif, un « changement de régime d’accumulation », pour reprendre le langage de l’école de la régulation, et la flexibilisation du travail ne peut plus être considérée comme une donnée conjoncturelle (Piotet, 2003). Elle constitue plutôt un trait marquant du nouveau modèle d’organisation et de régulation du travail marqué par la fragmentation et la segmentation des marchés du travail (Antunes, 1996 ; Beck, 2000 ; etc.). Dans la nouvelle donne, comme le souligne Desrochers, « flexibilité et précarité sont deux facettes d’une même réalité » (2000 : 17). Bien souvent confinés au travail atypique et précaire, les jeunes – comme les femmes par ailleurs[9] – sont au premier rang des victimes de cette transformation.
Cela dit, et il faut le rappeler, le régime fordiste est bien souvent perçu trop glorieusement par les partisans nostalgiques d’un retour à une politique économique difficilement compatible avec le stade de développement actuel du capitalisme. L’un des problèmes souvent oubliés du système keyneso-beveridgien issu de l’après-guerre est qu’il a alimenté la dualisation, en reléguant les jeunes (et encore davantage les femmes, disons-le) dans des positions subalternes, à la périphérie du salariat classique (notamment dans le travail à temps partiel). L’existence de marchés du travail sélectifs et segmentés précède donc le passage à l’après-fordisme. Il n’en demeure pas moins que l’articulation politico-juridique du marché du travail à l’époque antérieure avait pour objectif l’intégration éventuelle de l’ensemble des travailleurs dans le salariat classique. Ce salariat classique, investi par les organisations syndicales, constituait le pilier à partir duquel on cherchait à édifier le compromis fordiste, ce pacte social entre l’État, l’employeur et le travailleur visant à « boucler la boucle » et à opérationnaliser une stratégie d’encastrement du marché par l’encadrement du travail. Dans la nouvelle donne, en délaissant cet objectif, ce sont les remparts contre la segmentation excessive et le retour à la marchandisation du travail qui s’étiolent. Le glissement massif des emplois vers les marchés périphériques du travail induit par le processus de centrifugation permet de prendre la mesure de ce retournement au Québec.
Dans cet article, nous nous intéresserons donc à l’impact de la transformation des marchés du travail pour les jeunes du Québec. Dans un premier temps, nous présenterons, brièvement, le modèle de centrifugation de l’emploi du coeur vers les marchés périphériques du travail dans l’après-fordisme, tel que proposé par Durand (2004). Ensuite, en nous appuyant sur des données publiées par l’Institut québécois de la statistique (ISQ), nous montrerons que la dynamique de centrifugation conduit à une rehiérarchisation des marchés du travail sur la base du statut d’emploi, ce qui désavantage les jeunes non seulement parce qu’ils sont surreprésentés dans le travail atypique[10], mais aussi parce qu’ils subissent disproportionnellement l’impact de la rémunération plus faible, de l’accès restreint aux régimes de protection sociale et à la représentation syndicale associés à ces emplois.
Le modèle de la centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail
Au début des années 1980, étudiant les relations entre les donneurs d’ordres et les sous-traitants en s’appuyant sur le cas de la multinationale de l’intérim Manpower, Atkinson constatait que les entreprises les plus puissantes projetaient toujours plus vers l’extérieur les activités à faible valeur ajoutée et, avec elles, les types d’emplois les plus dégradés. Pour Durand, on assiste aujourd’hui à la généralisation du modèle coeur-périphérie. Dans l’après-fordisme, le modèle de la centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail devient dominant et pénètre désormais l’ensemble des activités – incluant celles considérées comme stratégiques – des entreprises, qu’elles produisent des biens ou des services. Autrement dit, le paradigme coeur-périphérie fonctionne désormais sur plusieurs échelles : la question de la sous-traitance, du travail temporaire (en particulier le travail intérimaire), des travailleurs indépendants, etc., relevant traditionnellement de la périphérie, est portée au coeur même des systèmes productifs eux-mêmes. Le modèle général apparaît alors comme une démultiplication à l’infini de ce principe de la centrifugation entre les « molécules », elles-mêmes hiérarchisées entre elles et à l’intérieur de chacune d’entre elles (Durand, 2004 : 186).
Inspirée des travaux d’Atkinson portant sur la firme flexible et la fragmentation des marchés du travail, la figure suivante illustre le modèle de centrifugation de l’emploi, du coeur vers les marchés périphériques du travail, que propose Durand.
Ainsi, s’inscrivant dans une logique de flexibilisation du travail, la dynamique de centrifugation accentue la fragmentation des marchés du travail. Le coeur atrophié de la firme regroupe les salariés à plein temps, fonctionnellement flexibles[11], avec une sécurité d’emploi et des revenus relativement élevés. Ce sont les survivants de l’ancienne division du travail entre un coeur et une périphérie.
Comme l’illustre la figure précédente, ce noyau permanent est désormais entouré de plusieurs enveloppes. Dans un premier groupe périphérique, marqué par un fort roulement (turnover), on trouve des travailleurs qui sont aussi occupés à temps plein, mais avec une sécurité d’emploi et des perspectives de carrières inférieures à celles des salariés du coeur. Parfois embauchés au rabais à la suite de renégociations de conventions collectives qui laissent le champ libre aux clauses de disparités de traitement – les clauses dites orphelin – et aux doubles échelles salariales, ils effectuent des tâches moins qualifiées et plus routinières (mais pas toujours) et assurent à travers leur statut une part de flexibilité fonctionnelle quand le coeur de la cellule n’y parvient plus et une part de flexibilité en volume quand les ressources de flexibilité – à coût inférieur – du second groupe périphérique ont été épuisées.
Quant au second groupe périphérique, il regroupe les emplois dits atypiques, c’est-à-dire le travail temporaire à contrat à durée déterminée (CDD) et le travail à temps partiel, mais également le travail sous contrat d’insertion – on peut penser ici aux multiples emplois subventionnés à travers les programmes d’« employabilité » d’Emploi-Québec (notamment dans les entreprises d’insertion) – ainsi que des emplois en régime dérogatoire (travailleurs migrants saisonniers embauchés dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers des Antilles et du Mexique ou encore à travers des projets pilotes d’« importation » de main-d’oeuvre temporaire non spécialisée)[12]. À cela s’ajoutent les travailleurs dits autonomes – qui ont souvent adopté ce statut sous la contrainte de leur donneur d’ordres/employeur (on parle alors de « faux autonome ») –, le travail intérimaire via des agences de placement ainsi que les travailleurs embauchés dans les circuits de la sous-traitance[13]. Bien qu’ils disposent souvent de diplômes ou de formations conséquentes, ces travailleurs n’arrivent pas à les mettre en oeuvre ni à les valoriser dans leur situation de travail, parce qu’on les affecte généralement à des tâches subalternes à la périphérie du procès de production. Plus encore, selon Durand, « ce second groupe périphérique illustre les thèses de la désaffiliation en même temps que celles de nouvelles voies de subsomption du travail au capital qui ne sont pas sans rappeler celles du capitalisme du XVIIIe ou du XIXe siècle » (2004 : 186).
Par ailleurs, non seulement le modèle de la centrifugation touche l’entreprise privée, mais il s’insinue également dans le secteur public. À cet égard, comme le souligne la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), « il est bien difficile […] de distinguer le secteur public du secteur privé » (2003). Au niveau canadien, on a assisté au cours des deux dernières décennies à un essor important du recours à l’emploi atypique qui, en 2002, occupait au bas mot près du cinquième des fonctionnaires fédéraux[14]. Au Québec, en 2004[15], 29,9 %[16] des effectifs de la fonction publique étaient constitués d’employés non réguliers (Secrétariat du Conseil du trésor du Québec, 2005). Dans le secteur parapublic, même calculé en termes d’« équivalent temps plein » – ce qui sous-estime le nombre de personnes dont on parle –, on constate qu’entre 1997 et 2003 le nombre d’emplois réguliers à temps partiel ou réduit s’est accru dans une proportion de 36,4 %, les emplois « autres que réguliers » de 22,6 %, alors que le nombre d’emplois réguliers n’a progressé que de 7,9 % (Secrétariat du Conseil du trésor, non daté). L’important débat entourant la question de la mise en place de clauses « orphelin » dans les conventions collectives du secteur municipal permet de constater que ce phénomène y est aussi largement présent. On notera enfin que 57,9 % des jeunes salariés dans le secteur public occupent un emploi atypique (comparativement à 42,8 % dans le secteur privé, données de 2005 ; ISQ, 2007 : 79).
Somme toute, entre la réorganisation des modes d’exécution du travail dans le coeur de l’entreprise et la recherche de flexibilité « à l’externe[17] », c’est la seconde forme qui a primé au Québec, et ce, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. La flexibilisation par les coûts de main-d’oeuvre, la flexibilisation par le temps de travail et la flexibilisation par les statuts d’emploi ont eu tendance à prédominer (Desrochers, 2000 : 19). Dans ces circonstances, il n’est pas étonnant de constater au Québec la dynamique de centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail, bien que les travaux de Durand aient été élaborés dans un cadre européen. Par ailleurs, même si cette dynamique précarisante traverse de part en part les marchés du travail[18], on constate qu’elle touche davantage les jeunes. C’est ce à quoi nous nous attarderons dans la prochaine partie.
Les jeunes, le travail atypique et la rehiérachisation des marchés du travail[19]
En 1976, la part des personnes ayant un emploi atypique – toutes formes confondues – dans l’emploi total était de 16,7 % (Matte et coll., 1998 : 25). Selon les données publiées par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), plus de 37,2 % des travailleurs occupaient ce type d’emploi en 2008 (2009 : 96)[20]. La part du travail atypique dans l’emploi total a donc plus que doublé au cours de la période[21].
Les jeunes travailleurs sont davantage touchés par la transformation des marchés du travail (CPJ, 2001, Bernier, 2007b ; Noiseux, 2008). En 1999, 46,5 % d’entre eux (15-29 ans) occupaient un emploi atypique, alors que la proportion s’établissait à 33 % chez les plus de 30 ans (CPJ, 2001 : 23). Les jeunes femmes sont plus souvent touchées par le travail atypique (54 %) que ne le sont les jeunes travailleurs masculins (41,8 %, données de 2005 ; ISQ, 2007 : 58)[22]. Entre 2000 et 2008, le taux de présence de l’emploi atypique dans l’emploi total des 15 à 24 ans est passé de 57,3 % à 62,1 % (alors qu’il déclinait légèrement pour chacune des autres tranches d’âge) (ISQ, 2009 : 97) :
Selon les données disponibles, la surreprésentation des jeunes peut être constatée dans tous les segments du travail atypique (à l’exception du travail autonome). Plus encore, elle tend dans l’ensemble à s’accroître, ce qui illustre bien la nouvelle configuration hiérarchique marquant le système d’emploi dans l’après-fordisme.
Le travail à temps partiel. De 1976 à 2005, la progression de l’emploi à temps partiel a été spectaculaire chez les jeunes. Au cours de cette période, le nombre de jeunes travailleurs (15-29 ans) salariés à temps plein a fléchi de plus de 30,2 %, alors que l’emploi à temps partiel progressait de plus de 152 % (ISQ, 2007 : 39). Chez les 15 à 19 ans, la progression de l’emploi à temps partiel est forte, la proportion de jeunes travailleurs à temps partiel passant de 27,2 % à 67,1 % entre 1976 et 1999. Chez les 20 à 24 ans, cette proportion a pratiquement quadruplé, passant de 7,6 % à 30,3 %. Chez les 25 à 29 ans, elle est passée de 6,2 % à 14,2 % au cours de la même période (CPJ, 2001 : 24)[24]. À titre comparatif, la part du travail à temps partiel chez les plus de 30 ans est passée de 7,5 % à 12,3 % entre 1976 et 2003.
La progression de l’emploi à temps partiel des jeunes (15-24 ans[25]) s’est poursuivie entre 2001 et 2009. Alors que 41,35 % des jeunes travailleurs occupaient un emploi à temps partiel en 2009, plus de la moitié (50,23 %) d’entre eux étaient dans cette situation en 2009. On notera que la proportion de travailleurs de 55 ans et plus travaillant à temps partiel a progressé également au cours de cette période (passant de 20 % à 23,4 %[26]), alors qu’elle a régressé chez les 25 à 44 ans et les 45 à 54 ans, passant respectivement de 11,8 % à 11,1 % et de 12 % à 11,7 % (ISQ, 2010 : 78)[27].
Une partie de la progression de l’emploi à temps partiel chez les jeunes réside dans l’allongement du parcours scolaire, mais, il faut le souligner, il ne s’agit pas toujours d’un choix volontaire. Si l’on examine la situation de ceux qui étaient âgés de 20 à 24 ans et de 25 à 29 ans en 1998, la proportion de travailleurs à temps partiel involontaire atteint respectivement 72,9 % et 59,3 %, comparativement à une moyenne de 38,4 % chez les plus de trente ans (CPJ, 2001 : 26)[28]). En 2005, alors que le Québec était au sommet d’un cycle de croissance économique[29], plus d’un jeune travailleur âgé de 20 à 24 ans sur cinq (22,5 %), deux (40,5 %) travailleurs âgés de 25 à 29 ans sur cinq et trois jeunes travailleurs « non étudiants » (15-29 ans) sur cinq travaillaient involontairement à temps partiel (comparativement à 29,8 % des 30 ans et plus) (ISQ, 2007 : 41). Cela dit, la crise récente laisse présager une augmentation du travail à temps partiel non volontaire[30].
Le travail temporaire. Le travail temporaire gagne également du terrain chez les jeunes. Alors qu’en 1989[31] 13,1 % de l’ensemble des travailleurs canadiens[32] de 15 à 24 ans avaient un emploi temporaire, cette proportion est passée à environ 16,7 % en 1994, puis à 18,1 % en 1997 (ISQ, 2007 : 42)[33].
Même si des données québécoises non disponibles pour la période antérieure, il semble que la trajectoire québécoise soit semblable. La part du travail temporaire chez les 15 à 24 ans était de 18 % en 1997, soit le même pourcentage que dans l’ensemble canadien (ISQ, 2007 : 42). En 1999, comme le tableau suivant permet de l’observer, la surreprésentation des jeunes était déjà visible pour l’ensemble des jeunes travailleurs du Québec. Bien qu’elle ne présente pas de données historiques, la CPJ relève que cette année-là, « il y a[vait] 1,8 fois plus de jeunes [Québécois] que de plus de 30 ans dans ce type d’emploi lorsque l’on ne tient pas compte de la période estivale » (CPJ, 2001 : 27). Alors que 9,1 % des plus de 30 ans occupaient un emploi temporaire en 1999, cette proportion grimpait à 16,5 % chez les 15 à 29 ans[34]. Plus encore, entre 1997 et 2005, la proportion des jeunes travailleurs âgés de 15 à 29 ans occupant un emploi temporaire s’est accrue, passant de 23,2 % à 25,5 % (ISQ, 2007 : 41)[35].
Lorsqu’on s’en tient exclusivement aux jeunes travailleurs (15-29 ans) qui ne sont pas aux études, ceux-ci étaient (en 2005) deux fois plus susceptibles que les plus de 30 ans d’occuper un emploi temporaire (ISQ, 2007 : 42). On notera aussi que les jeunes travailleuses de 15 à 29 ans étaient aussi susceptibles que les jeunes travailleurs d’occuper un emploi temporaire en 1997 (21,9 % contre 21,1 %), mais que l’écart entre les deux sexes s’est creusé durant cette période. Les jeunes travailleuses étaient, en 2005, 26,8 % à occuper ce type d’emploi (21,9 % chez les jeunes travailleurs, ISQ, 2007 : 58).
La surreprésentation des jeunes travailleurs de 15 à 29 ans s’est donc accentuée au moins jusqu’en 2005, dernière année pour laquelle des données portant sur ce groupe d’âge sont disponibles[36]. Les données plus récentes semblent toutefois indiquer un renversement de tendance au cours des dernières années, du moins chez les 15 à 24 ans[37]. Entre 2000 et 2009, l’emploi permanent (+13,3 %) a progressé à un rythme beaucoup plus soutenu que l’emploi temporaire (-17,9 %) (ISQ, 2010 : 94). Le taux de présence des jeunes travailleurs dans l’emploi temporaire a donc chuté de 6,7 % (ISQ, 2010 : 92). Cela dit, un peu plus d’un employé de 15 à 24 ans sur quatre détenait un statut temporaire en 2009, « alors que la proportion dans les autres groupes d'âge variait entre 8,1 % et 11,4 % » (ISQ, 2010 : 92).
Le cumul d’emplois. L’essor du cumul d’emplois se constate dans toutes les catégories d’âge (ISQ, 2009 : 127)[38]. Toutefois, ce sont encore une fois les jeunes qui sont davantage touchés par ce phénomène dont l’ampleur a plus que doublé depuis 1987 (ISQ, 2005 : 73 ; ISQ, 2009 : 127). Cela était déjà souligné dans les travaux de Matte, Baldino et Courchesne pour qui « il semble bien que les conditions difficiles du marché de l’emploi obligent les jeunes travailleurs à occuper simultanément plusieurs postes à temps partiel » (1998 : 80). En 1996, les jeunes travailleurs de 15 à 24 ans représentaient 20 % des personnes cumulant des emplois, alors qu’ils ne constituaient que 15 % de la main-d’oeuvre totale (CPJ, 2001 : 31 ; citant Matte et coll., 1998 : 80)[39]. La situation n’a pas changé. En 2008, les jeunes travailleurs de 15 à 24 sont encore surreprésentés. Alors que leur part dans l’emploi total est de 14,69 %, ils représentent plus du cinquième (20,8 %) des « cumulards »[40]. Le cumul d’emplois est notamment de plus en plus fréquent chez les jeunes étudiants à temps plein[41]. On notera par ailleurs que la progression du cumul d’emploi est également fortement corrélée au sexe[42].
Le travail autonome. En ce qui a trait au travail autonome, la proportion des jeunes travailleurs dans cette situation s’est d’abord accrue – passant 5,3 % en 1980 à 9 % en 1993 – pour ensuite redescendre à 7,4 % en 1998 et à 5,0 % en 2005 (CPJ, 2001 : 28 ; ISQ, 2005 : 44)[43]. Bien que les jeunes travailleurs demeurent sous-représentés dans ce segment du travail atypique, la courbe de progression est semblable à celle des travailleurs âgés de plus de 30 ans. Le pourcentage de l’emploi autonome passe de 13,8 % en 1980 à 18,4 % en 1997, puis redescend à 13,6 % en 2005 (ISQ, 2005 : 44). Il apparaît important ici de souligner que les jeunes sont davantage confinés aux formes les plus précaires de l’emploi autonome. En 1998, 75,7 % des jeunes travailleurs dits indépendants n’avaient pas d’aide salariée, comparativement à 58,8 % des 30 ans et plus (CPJ, 2001 : 28). Les données québécoises plus récentes (2003) semblent indiquer la persistance de cette situation (Asselin, 2005 : 135). Allant dans le même sens, les données de 2008, disponibles uniquement à l’échelle canadienne, indiquent que les travailleurs indépendants âgés de 15 à 24 ans et de 25 à 29 ans n’étaient, respectivement, pas constitués en société[44] dans des proportions respectives de 69,7 % et 63,9 %, alors que les travailleurs plus âgés l’étaient dans des proportions moindres (56,4 % pour les 30-54 ans et 59 % pour les 55 ans et plus ; Industrie Canada, février 2009 : 1)[45]. On notera enfin que, là encore, les effets de la crise économique laissent croire à une recrudescence du travail autonome[46].
Travail atypique et précarité sont deux facettes d’une même réalité (Desrochers, 2001 ; Bernier, 2007b ; Noiseux, 2008). Cela est d’autant plus vrai pour les jeunes travailleurs. Dans leur rapport sur l’emploi atypique des jeunes pour le Conseil permanent de la jeunesse, Blondin et Lemieux concluaient que ceux-ci étaient relégués au rang d’une main-d’oeuvre « à bas prix, compétente et jetable » (CPJ, 2001 : 103). Les données plus récentes tendent à confirmer cet état de fait.
La rémunération. En ce qui a trait à la rémunération[47], force est de constater l’effet délétère de la dynamique de centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques. Depuis toujours, il existe un écart entre la rémunération horaire moyenne du travail à temps partiel et du travail à temps plein (Akyeampong, 1999 ; ISQ 2008). En 2005, les jeunes travailleurs (15-29 ans) à temps partiel gagnaient un salaire horaire moyen (10,32 $) inférieur à celui (14,78 $) des jeunes travailleurs à temps plein (ISQ, 2007 : 97). Ainsi, parce que les jeunes travailleurs sont proportionnellement de plus en plus nombreux à travailler à temps partiel, ils se retrouvent plus souvent dans la situation de sous-rémunération associée à ce type d’emploi. Plus encore, entre 1997 et 2005, la croissance de la rémunération horaire a été deux fois plus importante chez les jeunes salariés à temps plein (+ 28,0 %) que chez les salariés à temps partiel (+ 14,0 %)[48]. Cela se traduit par un gain de pouvoir d’achat chez les jeunes travailleurs à temps plein (+ 8,7 %) alors qu’on note une chute chez les salariés à temps partiel (- 3,1 %) (ISQ, 2007 : 97)[49].
Par ailleurs, le « désavantage salarial » des jeunes travailleurs à temps partiel était, pour la première fois en 2005, légèrement plus élevé que chez les travailleurs plus âgés. L’avantage salarial[50] des jeunes travailleurs à temps plein par rapport à ceux à temps partiel est passé de 27,6 % en 1997 à 43,2 % en 2005 (ISQ, 2007 : 97) alors que dans l’ensemble du marché du travail, l’avantage salarial des travailleurs à temps plein passe de 36 % en 1999 à 42,3 % en 2005 (ISQ, 2008 : 45). Ainsi, non seulement les jeunes travailleurs sont surreprésentés dans l’emploi à temps partiel, mais, plus encore, lorsqu’on compare leur situation à celle des travailleurs à temps partiel plus âgés, la rémunération relative du travail à temps partiel des jeunes se dégrade plus rapidement.
En 2005, la rémunération horaire moyenne des jeunes salariés permanents s’établissait à 13,69 $ comparativement à 12,36 $ chez les jeunes salariés temporaires (ISQ, 2007 : 99), soit un avantage salarial de 10,8 % en faveur des premiers (ISQ, 2007 : 99[51]). Comme le soulignent Blondin et Lemieux, « les employés temporaires ne font que passer dans les organisations et restent donc souvent au bas de l’échelle salariale […] parfois, les employés temporaires ne sont pas rémunérés en fonction de la même échelle salariale, ou encore sont congédiés puis réengagés, afin d’empêcher qu’ils accumulent de l’ancienneté » (CPJ, 2001 : 29-30). Même si, au Québec[52], entre 1999 et 2007, la croissance réelle de la rémunération (lire : pouvoir d’achat) horaire des travailleurs temporaires (+9,2 %) a été plus élevée que pour les travailleurs permanents, il n’en demeure pas moins que l’écart salarial (du taux horaire) entre les revenus tirés d’un travail temporaire et d’un travail permanent est important (ISQ, 2008 : 45)[53].
Mais, surtout, l’amélioration relative de la rémunération du travail temporaire évoquée ci-dessus n’est pas observée chez les jeunes travailleurs temporaires[54]. Entre 1997 et 2005, la croissance de la rémunération horaire des jeunes travailleurs permanents a été plus forte (+24,6 %) que celle de leurs homologues temporaires (+21,8 %) ; cela conduisant à un gain de pouvoir d’achat plus élevé chez les premiers, soit de 5,8 % contre 3,5 % (ISQ, 2007 : 100). Ainsi, bien que le désavantage salarial des jeunes travailleurs temporaires soit moins important que chez les travailleurs plus âgés[55], celui-ci tend à s’accroître. Bref, non seulement les jeunes travailleurs sont surreprésentés dans l’emploi temporaire, mais, plus encore, lorsqu’on compare leur situation à celle des travailleurs temporaires plus âgés, la rémunération relative du travail temporaire des jeunes évolue dans le sens opposé.
À notre connaissance, il n’existe pas de données récentes, ventilées selon le groupe d’âge, permettant d’observer l’évolution de la rémunération du travail autonome chez les jeunes. On se contentera donc de relever, d’une part, que, selon des données de 2002, les travailleurs autonomes sans aide salariée – là où l’on retrouve l’essentiel des jeunes travailleurs autonomes – sont largement surreprésentés au bas de l’échelle des revenus (0-20 000 $), où leur part est trois fois plus importante que celle des salariés, alors que pour chacune des autres catégories – 20 000 $ à 40 000 $ ; 40 000 $ à 60 000 $ ; 60 000 $ et plus –, ils sont sous-représentés (Asselin, 2005 : 154[56]). D’autre part, lorsqu’on raffine l’analyse en fonction de l’âge, on constate que les revenus des jeunes travailleurs autonomes sont invariablement – et très largement – inférieurs à ceux des travailleurs plus âgés (Matte et coll., 1998 : 67[57]). Et les jeunes travailleuses gagnent encore moins[58].
En ce qui a trait au cumul d’emplois, en l’absence de données sur la rémunération ventilées par groupes d’âge, soulignons simplement que plus du tiers (34,1 %) des « cumulards » travaillent plus de 50 heures par semaine (ISQ, 2009 : 126), que les travailleurs à bas salaire sont les plus susceptibles de se retrouver dans cette situation (Sussman, 1998 : 28) et que, même lorsque le cumul d’emplois se maintient durant une période prolongée, le salaire horaire moyen des personnes dans cette situation se situe en deçà du salaire moyen des personnes ne cumulant pas d’emplois (données canadiennes de 1996 ; Marshall, 2002 : 11). Ce segment du travail atypique, où les jeunes sont largement surreprésentés rappelons-le, est donc lui aussi marqué du sceau de la précarité.
L’accès aux avantages sociaux, à la protection sociale et à la négociation collective. Une autre des conséquences directes de la progression du travail atypique est la diminution de l’accès des travailleurs aux avantages sociaux, aux régimes publics de protection sociale et à la représentation collective (Desrochers, 2000 ; Bernier et coll., 2003 ; Noiseux, 2008). Eu égard à l’accès à des avantages sociaux[59], toutes tranches d’âge confondues, les travailleurs à temps partiel sont trois fois moins nombreux à bénéficier de régimes complémentaires de soins médicaux dentaires et d’assurance-vie (données canadiennes de 2000 ; Marshall, 2003 : 9[60]). Les travailleurs temporaires québécois étaient cinq fois plus susceptibles de ne bénéficier d’aucun avantage social (données de 1995 ; Pérusse, 1997). La faiblesse du filet de sécurité sociale étant l’une des caractéristiques du travail autonome, on ne se surprendra pas de constater « [qu’]environ 50 % des salariés étaient couverts pour les trois aspects des régimes [d’assurances complémentaires][61] parrainés par l’employeur seulement […] soit près de trois fois la proportion (17 %) de travailleurs indépendants [autonomes] disposant d’une protection similaire » (données de 2000 ; Akyeampong et Sussman, 2003 : 16)[62]. L’ISQ souligne quant à elle que les jeunes travailleurs sont deux fois moins susceptibles – soit dans une proportion de 25 %, comparativement à 50 % pour les travailleurs de plus de 30 ans – d’avoir accès à un régime de retraite lié à leur emploi (données de 2005 ; ISQ, 2007 : 85[63]). Plus encore, on notera surtout ici que « [l]es jeunes travailleurs à temps plein sont presque trois fois plus susceptibles de bénéficier d’un régime de retraite […] que les jeunes à temps partiel (1 personne sur 10) en 2003 (ISQ, 2007 : 98). Les travailleurs à temps partiel de plus de 30 ans bénéficient quant à eux d’un régime de retraite dans une proportion de 35,2 % (ISQ, 2007 : 98). Pour conclure à cet égard, on notera donc que non seulement les jeunes travailleurs bénéficient d’un moindre accès à des avantages sociaux parce qu’ils occupent plus souvent des emplois atypiques, mais, plus encore, à l’intérieur même des emplois atypiques, il semble[64] que les jeunes travailleurs soient désavantagés par rapport aux travailleurs plus âgés.
L’inadaptation des régimes publics de protection sociale aux besoins des travailleurs atypiques est un phénomène largement documenté (Beaudry, 1985, Tapin, 1993 ; Dagenais, 1998a ; Morin et Brière, 1998 ; Vallée, 1999 ; Desrochers, 2000 ; Verge, 2001 ; Bernier et coll., 2003, etc.). Palameta (2001) montre quant à lui que les travailleurs à faibles revenus – c’est souvent le cas, nous l’avons vu, des jeunes travailleurs atypiques – ont une plus faible propension à souscrire au régime public d’épargne retraite (REER). En ce qui a trait aux régimes publics d’assurance-emploi (incluant les prestations de congés de maternité), comme l’accès à ces régimes est fonction du nombre d’heures travaillées, les travailleurs à temps partiel y ont moins souvent accès. Ainsi, en 2004, 54,3 % des personnes ayant travaillé à temps partiel au cours des 12 mois précédents auraient été admissibles, comparativement à 95,7 % des personnes ayant travaillé à temps plein (Kapsalis et Tourigny, 2006 ; cité par CIAFT-FFQ, 2009 : 14). Quant aux travailleurs temporaires, bien qu’ils aient aussi théoriquement accès à l’assurance-emploi, le fait qu’ils travaillent souvent sur de courtes périodes et pour un nombre d’heures plus limité va également dans le sens d’une limitation de l’accès à ces prestations[65]. Plus encore, les personnes qui intègrent (ou réintègrent le marché du travail après une absence de deux ans) doivent cumuler un nombre d’heures de travail plus élevé (910 heures depuis la réforme de 1997[66]) avant d’avoir droit à des prestations d’assurance-emploi[67]. Ces conditions discriminent directement les jeunes travailleurs. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’on sait que ces derniers sont, comme nous l’avons vu, surreprésentés dans le travail à temps partiel et le travail temporaire. À la discrimination systémique jouant en défaveur des travailleurs atypiques[68] s’ajoute donc une discrimination directe envers les jeunes travailleurs entrant sur le marché du travail[69]. En somme, l’assurance-emploi, reposant sur des critères non adaptés à la réalité du travail aujourd’hui, est emblématique des nombreuses difficultés rencontrées par les travailleurs à temps partiel ou temporaires en termes d’accès aux régimes publics de protections sociales[70]. On ajoutera enfin que, si l’on fait abstraction des régimes à portée universelle tels que l’assurance-maladie et la sécurité de vieillesse, la clé privilégiée de l’accès à la protection sociale réside dans le statut de salarié. Les travailleurs autonomes en sont donc généralement exclus, les jeunes comme les plus vieux[71].
La syndicalisation. En ce qui concerne l’accessibilité à la représentation syndicale et à la négociation collective, force est de constater la sous-représentation des jeunes travailleurs. À cet égard, on notera d’abord qu’historiquement ces travailleurs affichaient un taux de syndicalisation inférieur à celui de leurs homologues plus âgés. Plus encore, « une baisse importante serait même observée chez les travailleurs canadiens âgés de 17 à 34 ans entre 1981 et 2004 (Morissette, Schellenberg et Johnson, 2005) » (ISQ, 2007 : 46[72]). Certes plusieurs facteurs expliquent la faible présence syndicale chez les jeunes travailleurs. Ils travaillent davantage dans des établissements de moindre taille, dans des secteurs faiblement syndiqués, comme les secteurs du commerce, de l’hébergement et de la restauration, etc. Cela dit, « la fréquence plus forte chez les jeunes à occuper des emplois à temps partiel, temporaires et de faible durée expliquerait [aussi] leur retard face aux travailleurs plus âgés puisque ces emplois présentent une moins grande propension à la syndicalisation » (Akyeampong, 1999, cité dans ISQ, 2007 : 46). Pour s’en tenir aux données les plus récentes, on notera qu’au Québec, en 2005, le taux de syndicalisation des travailleurs à temps partiel était de 26,9 %, comparativement à 38,9 % pour les travailleurs à temps plein (Akyeampong, 2006 : 32) ; les travailleurs à temps plein avaient donc 44,6 % plus de chance d’être syndiqués que les travailleurs à temps partiel[73]. Le taux de syndicalisation des travailleurs temporaires (non permanents) au Québec est également largement inférieur à celui des travailleurs typiques : il s’établit à 32,9 % pour les travailleurs temporaires, comparativement à 36,7 % pour les travailleurs permanents (données québécoises de 2005, citées dans Akyeampong, 2006 : 32[74])[75]. Dans ces circonstances, il n’est pas étonnant que les jeunes travailleurs québécois (15-29 ans) soient, en 2005, moins syndiqués (taux de syndicalisation de 29,8 %) que les travailleurs plus âgés (44,4 %) (ISQ, 2007 : 47). On notera au demeurant la progression importante de la syndicalisation des jeunes travailleurs québécois entre 1997 et 2005. Au cours de cette période, près de la moitié (46,5 %) des nouveaux emplois des jeunes (46,5 %) sont syndiqués, alors que chez le groupe des 30 ans, seulement le quart (27,3 %) des nouveaux emplois sont couverts par une convention collective (27,3 %). Ainsi, parmi l’ensemble des emplois syndiqués qui se sont ajoutés, près de la moitié sont occupés par des jeunes (ISQ, 2007 : 46)[76]. Mais ces données ne font pas de distinction selon les statuts d’emploi et il est impossible de savoir dans quelle proportion les jeunes travailleurs atypiques ont – ou n’ont pas – profité de cette progression.
Comme les travailleurs syndiqués obtiennent généralement de meilleures conditions de travail en ce qui a trait tant à la rémunération (Cloutier, 2006a ; ISQ, 2005b ; Akyeampong, 1999) qu’aux avantages sociaux (Akyeampong, 2002), on soulignera enfin que la moindre syndicalisation des travailleurs atypiques tend à accentuer les effets délétères associés à la fragmentation des marchés du travail[77]. Cela dit, et il nous paraît important de souligner cet aspect, l’importance des clauses de disparité de traitement fait en sorte que bien souvent les travailleurs et les travailleuses atypiques dont les conditions de travail sont régies par une convention collective n’évitent pas la discrimination. Les travaux de Bernier (2007) confirment l’existence et l’importance des clauses de disparités salariales jouant à la défaveur des travailleurs atypiques dans les conventions collectives. Le double standard ne prend pas simplement la forme d’échelles de salaires différenciées. L’auteur note la présence de dispositions distinctes régissant la majoration pour les heures supplémentaires, l’absence de garantie d’un nombre réel mais minimum d’heures de travail, l’exclusion des clauses sur la protection du revenu et de l’emploi, l’accès aux avantages sociaux, etc. L’étude de Bernier permet aussi de constater la récurrence importante de clauses excluant certaines catégories de travailleurs temporaires de l’application de la convention collective (Bernier, 2007 : 9-10, 14).
Conclusion
On assiste, depuis près de trente ans, à une véritable transformation[78] du marché du travail qui propulse un nombre toujours plus grand de travailleurs et de travailleuses vers les marchés périphériques du travail. Au Québec, cette transition est marquée par un durcissement des conditions de travail qui traverse de part en part l’ensemble du système d’emploi, comme en fait foi le lent déclin des gains moyens des travailleurs à temps plein toute l’année entre 1976 et 2009[79].
Dans le nouveau contexte, comme nous avons pu l’observer, deux phénomènes se démarquent : le recul de l’emploi à temps plein et la forte croissance du nombre de travailleurs atypiques, sous toutes ses formes[80]. Cette fragmentation et cette segmentation des marchés sont associées à des conditions de travail à rabais et charcutées chaque fois un peu plus par la multiplication des statuts d’emploi (Noiseux, 2008). La dynamique de centrifugation de l’emploi vers les marchés du travail se traduit donc par un délitement des conditions de travail des travailleurs atypiques : rémunération moindre, accès restreint à la protection sociale, aux avantages sociaux et à la négociation collective.
Nous avons cherché à mettre en relief le fait que, dans l’ensemble, cette dynamique affecte davantage les jeunes travailleurs. Dit autrement, la dynamique de centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques induit une rehiérarchisation des marchés du travail en fonction du statut d’emploi qui se fait au détriment des jeunes travailleurs. Plus encore, nous évoquons ici une rehiérarchisation des marchés du travail dans la mesure où il semble qu’une discrimination indirecte et systémique fondée sur le statut d’emploi est venue se substituer à la discrimination directe affectant les conditions d’emploi des jeunes travailleurs[81]. Ainsi, malgré l’inclusion, depuis 1985, de l’âge comme facteur protégeant contre la discrimination dans la Charte canadienne des droits et libertés[82] (qui entraînera, l’année suivante, l’abolition de taux de salaire minimum différencié pour les moins de 18 ans), malgré l’intégration, depuis 1999, de dispositions visant l’abolition des clauses de disparité de traitement en fonction de la date d’embauche (les clauses « orphelin ») dans la Loi sur les normes du travail, l’analyse révèle non seulement la persistance, mais aussi la recrudescence des inégalités touchant les jeunes travailleurs. C’est en ce sens que nous évoquons une rehiérarchisation du système de l’emploi fondée sur des mécanismes d’exploitation des jeunes dans un contexte où, historiquement, ces derniers avaient réussi à faire certains gains.
Ainsi, même si des données historiques ventilées par tranches d’âge et selon les différents segments du travail atypique se font trop rares, en colligeant les données disponibles et en croisant différentes sources force nous a été de constater l’importance – et la progression – de la surreprésentation des jeunes travailleurs dans les différents segments du travail atypique[83]. Par ailleurs, bien souvent, nous avons également pu constater qu’au sein même du sous-groupe des travailleurs atypiques, les effets délétères (en termes de niveau de rémunération, d’accès à la protection sociale, à la négociation collective, etc.) tendent à se surimposer aux plus jeunes d’entre eux. Autrement dit, une double dynamique fait en sorte que les jeunes travailleurs sont plus vulnérables aux effets néfastes liés à la centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail, non seulement parce qu’ils sont plus sujets à occuper des emplois atypiques, mais aussi parce qu’il y a une polarisation des conditions de travail à l’intérieur même des emplois atypiques jouant en leur défaveur. Au surplus, on ajoutera que, dans l’ensemble, les jeunes travailleuses sont encore plus touchées par cette dynamique précarisante.
Au demeurant, et nous insistons sur ce point, la flexibilisation per se n’est pas intrinsèquement néfaste. Selon Bernier :
ces nouvelles formes d’emploi [les emplois atypiques] comportent des avantages indéniables […] elles facilitent parfois, pour les travailleurs, lorsqu’elles sont librement choisies, la conciliation travail-famille […] elles correspondent à certaines valeurs partagées notamment par bon nombre de jeunes travailleurs en permettant une plus large autonomie dans l’aménagement du temps consacré au travail.
2003b : 248
Ajoutons que ces formes d’emploi permettent également de concilier travail et étude et d’accumuler de l’expérience sur le marché du travail. Plus encore, il se pourrait même que la prolifération des emplois atypiques facilite l’intégration des jeunes au système d’emploi[84].
En fait, comme le souligne D’Amours, « le problème ou le défi actuel n’est pas tant celui posé par l’hétérogénéité et la diversification [du travail], que celui des liens à renouer entre travail hétérogène […] et protection du travailleur » (2003 : 318). À cet égard toutefois, il faut le rappeler en terminant, l’État employeur a contribué à faire en sorte que la flexibilisation par la centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques et la précarisation soient deux facettes d’une même réalité. Mais, surtout, l’État régulateur a montré très peu d’empressement à ajuster les régimes de protection sociale et les lois du travail – notamment la Loi sur les normes du travail, mais aussi les dispositions du Code du travail régissant les rapports collectifs de travail et l’accès à la représentation syndicale – afin qu’ils répondent aux besoins des travailleurs atypiques dans la nouvelle donne[85]. Morin ajoute : « Les "modes d’emploi", soit les différents aménagements de la relation de travail, ont grandement évolué depuis vingt ans, [mais] les définitions fondamentales retenues aux lois du travail sont demeurées ce qu’elles étaient il y a cinquante ans » (2001 : 109). Certes, il y a bien eu, au fil du temps, certaines modifications réduisant l’ampleur du traitement différencié dont sont victimes les travailleurs atypiques, mais il faut bien reconnaître qu’il s’agit là de petites mesures, d’ajustements mineurs et à portée limitée, d’un « goutte à goutte législatif », voire d’une « logorrhée législative » dont il faut souvent corriger le tir après quelques années à peine (Morin, 2001 : 127).
La très grande majorité des recommandations proposées dans les nombreux rapports[86] sur le travail atypique n’a pas été entendue. Encore aujourd’hui, la portée du principe d’égalité de traitement demeure circonscrite à certaines catégories de travailleurs. Un principe général interdisant les clauses de disparité de traitement en fonction du statut d’emploi n’a toujours pas été intégré à la Loi sur les normes du travail. Le recours à des décrets sectoriels qui permettraient l’extension d’une convention collective à l’ensemble d’un secteur d’activité est en chute libre. Des mesures qui permettraient des négociations regroupées ou l’accréditation multipatronale n’ont pas été adoptées. L’utilisation, par les employeurs, des contrats à durée déterminée est entièrement libre et non balisée, comme c’est le cas dans plusieurs législations européennes. La notion d’entrepreneur dépendant, qui ouvre le droit à la syndicalisation, n’a toujours pas été intégrée au Code du travail québécois et aucune loi-cadre n’est venue baliser les regroupements de travailleurs autonomes[87]. Plus encore, la loi n’impose aucun garde-fou contre les pratiques abusives liées au recours à des agences de placement temporaire. Plus largement, la refonte générale des lois du travail, prenant en compte les nouvelles réalités des marchés du travail, comme le suggérait notamment la commission Beaudry dès 1985, reste à faire.
En attendant, force est de constater que les jeunes travailleurs sont au coeur d’une dynamique de centrifugation qui permet peut-être l’intégration en emploi, mais une intégration marquée du sceau de la précarité.
Appendices
Notes
-
[1]
C’est sans aucune volonté de discrimination que nous utilisons le générique masculin chaque fois que le sens ne s’y oppose pas.
-
[2]
Pour alléger le texte, nous utiliserons l’expression « marché du travail ». Le concept de système d’emploi, qui renvoie à la même notion, sera également utilisé.
-
[3]
La mise en place de partenariats publics privés constituant une autre façon de procéder et conduisant, à peu de choses près, aux mêmes résultats.
-
[4]
Il faut aussi noter que, depuis trente ans, le développement des nouvelles technologies de l’information (NTIC) a rendu possibles certaines modalités de la transformation du travail dans l’entreprise en permettant, d’une part, la mise en place de la production en flux tendus (juste-à-temps), inspirée du modèle japonais et, d’autre part, l’impartition de la production, l’externalisation des unités de travail et leurs fractionnements à travers le développement de chaînes de sous-traitance (voir notamment Manuel Castells, La Era de la Informacion : Économia, Sociadad y Cultura, 1996).
-
[5]
Dans le cas nord-américain, nous pensons ici surtout aux implications du chapitre 11 de l’ALENA. Sur le rôle de l’État comme vecteur d’une mise en concurrence accrue entre les travailleurs et comme vecteur de la dynamique de centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques, nous renvoyons le lecteur à notre thèse de doctorat (Noiseux, 2008, chapitre 2).
-
[6]
Ce glissement est également perceptible au sein des sociétés d’État et, plus récemment, dans l’administration publique comme telle (Noiseux, 2008).
-
[7]
Statistique Canada n’utilise pas le terme autonome, mais celui de travailleur indépendant. Les travailleurs indépendants sont des « propriétaires actifs d’une entreprise, d’une exploitation agricole ou d’un bureau professionnel constitué en société, ou encore les propriétaires actifs d’une entreprise, d’une exploitation agricole ou d’un bureau professionnel non constitué en société. Les travailleurs indépendants se subdivisent en deux catégories : ceux avec aide rémunérée et ceux sans aide rémunérée. Même si la jurisprudence semble souligner que le droit du travail est capable de distinguer les véritables autonomes des faux indépendants, il n’en demeure pas moins que « la "requalification" d’une situation de travail autonome comme relevant du travail salarié aux fins des lois du travail n’interviendra qu’a posteriori et à la condition qu’il y ait litige (Vallée, 1999 : 286). Cela fait en sorte que de nombreux travailleurs, qui ne sont pas en position de contester le statut d’autonome que leur impose leur employeur, demeurent en marge du champ d’application du Code du travail (qui ne s’applique qu’aux salariés).
-
[8]
On peut distinguer deux dimensions de cette quête de flexibilité. Premièrement, « [p]ar la flexibilité des statuts d’emploi, l’entreprise cherche à se soustraire à ce qu’elle considère des rigidités liées au contrat de travail pour ce qui est de la durée et du lien d’emploi. Une entreprise qui pratique cette forme de flexibilité multipliera les recours à la sous-traitance au profit d’autres entreprises ou de travailleuses et de travailleurs autonomes, conclura des contrats de travail à durée déterminée ou embauchera du personnel par l’entremise d’une agence de louage de main-d’oeuvre » (Tremblay, 1994 : 625-629). En second lieu, la flexibilité du travail (ou la flexibilité technico-organisationnelle) « renvoie à la polyvalence ou à la souplesse des équipements productifs ainsi qu’à la polyvalence du personnel, la constitution de groupe de travail autonome ». Toutefois, celle-ci « est peu utilisée au Québec, contrairement à ce que l’on observe dans certains pays européens tels que l’Allemagne, la Suède et l’Italie » (Desrochers, 2000 : 19).
-
[9]
Voir Noiseux (2008).
-
[10]
Notre définition du travail atypique sur les marchés périphériques du travail inclut le travail à temps partiel, le travail temporaire, le travail autonome, le cumul d’emplois ainsi que le travail invisible (le travail au noir, le travail des clandestins, le travail des aides familiales et le travail en régime dérogatoire effectué, entre autres, par les étudiants étrangers et les travailleurs migrants saisonniers, etc.). Ces dernières formes que prend le travail atypique ne sont toutefois pas analysées dans cet article. Pour une discussion sur la définition du travail atypique, voir Noiseux (2008 : 21-25).
-
[11]
La flexibilité « fonctionnelle » ou « technico-organisationnelle » renvoie à la polyvalence ou à la souplesse des équipements productifs ainsi qu’à la polyvalence du personnel, la constitution de groupes de travail autonomes (Tremblay, 1994 : 625-629, cité par Desrochers, 2000 : 18). Toutefois, celle-ci « est peu utilisée au Québec » (Desrochers, 2000 : 19).
-
[12]
Sur ces formes particulières de travail atypique, voir Noiseux (2008 : 215-222).
-
[13]
On notera ici que nous avons pris la liberté d’adapter le modèle Atkinson/Durand à la réalité québécoise.
-
[14]
Selon un rapport de la Commission de la fonction publique publié en 1999, les emplois atypiques représentaient 19,0 % des emplois de la fonction publique fédérale en 1997, par opposition à 12,4 % en 1981. Cette même estimation est probablement très conservatrice, puisqu’elle n’inclut pas les personnes embauchées à forfait ou par l’entremise d’agences de placement temporaire (Townson, 2002).
-
[15]
Il n’existe pas, à notre connaissance, de données sur l’évolution de l’emploi atypique dans la fonction publique québécoise depuis le début des années 1980.
-
[16]
Ce chiffre apparaît d’autant plus important lorsqu’on note que la catégorie dite d’employés réguliers comprend, outre des employés permanents avec sécurité d’emploi, des employés temporaires, des employés à temps partiel temporaire sur appel, des permanents sans sécurité d’emploi, des temps partiels permanents sur appel, des aspirants et des employés en disponibilité (Secrétariat du Conseil du trésor, 2005 : 67)
-
[17]
« La flexibilité externe renvoie à la flexibilité numérique et à la capacité des entreprises de faire varier le facteur de production qu’est la main-d’oeuvre. Par flexibilité interne, on entend la réorganisation des modes d’exécution du travail au sein de l’entreprise en ayant par exemple recours à l’allégement de la structure hiérarchique, à des descriptions de tâches plus souples, à la polyvalence du personnel ou à des équipes multifonctionnelles » (Desrochers, 2000 : 17). Bref il s’agit là de la flexibilité fonctionnelle présente au coeur de l’entreprise et évoquée dans le schéma de Durand.
-
[18]
À titre illustratif, notons ici que la croissance de l’emploi à temps partiel est un phénomène qui, en nombre de personnes, touche deux fois plus les femmes que les hommes. Cela dit, comme le soulignent Matte et coll., « le taux de croissance de l’emploi à temps partiel pour cette période [1976-1995] est légèrement plus élevé chez les hommes (142 %) que chez les femmes (137 %) (1998 : 35). Ces données permettent de constater que, bien que le phénomène de centrifugation touche davantage les femmes et les jeunes, il traverse de part en part l’ensemble des marchés du travail et les travailleurs masculins doivent eux aussi en subir les pressions.
-
[19]
Toutes les données dans cette section sont tirées de documents (Asselin, 2005 ; CPJ, 2001 ; ISQ, 2005 ; ISQ 2007 ; ISQ, 2008 ; ISQ 2009) qui s’appuient sur des données compilées à partir de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada. Malheureusement, les données désagrégées par tranches d’âge ne sont pas uniformes, ce qui rend l’analyse plus difficile. Dans certains cas, les travailleurs âgés de 25 à 29 ans – que nous considérons comme des « jeunes travailleurs » – sont assimilés aux travailleurs plus âgés (ils sont intégrés à la catégorie des 25-54 ans). L’analyse passant parfois des 15-24 ans aux 15-29 ans, le lecteur doit rester vigilant.
-
[20]
Sauf exception, l’ensemble des données présentées dans la prochaine section montre la proportion des personnes en emploi occupant une forme ou l’autre d’emploi atypique à un moment donné. Bien entendu, si l’on tient compte du fait qu’un bon nombre de travailleurs « tournent » entre des périodes de chômage et l’emploi atypique, ces proportions tendent à sous-évaluer le nombre de travailleurs concernés.
-
[21]
Entre 1976 et 2003, le travail à temps plein a connu la plus faible progression – un peu moins de 30 % –, c’est-à-dire une croissance près de dix fois inférieure à la progression du cumul d’emplois, sept fois moindre que l’emploi à temps partiel, cinq fois moindre que le travail autonome à son compte (non employeur) (Asselin, 2005 : 129).
-
[22]
Plus encore, l’écart entre les sexes se creuse légèrement. Entre 1997 et 2005, la part des jeunes travailleuses occupant un emploi à temps partiel est passée de 52,7 % à 54 %, alors que celle des jeunes travailleurs masculins est passée de 41,4 % à 41,8 % (ISQ, 2007 : 58).
-
[23]
Selon l’ISQ, le taux de présence est défini comme étant la proportion en pourcentage d’un sous-groupe de travailleurs par rapport au nombre total de travailleurs selon le groupe correspondant (ISQ, 2009 : 275). Dans ce cas-ci, il s’agit de la part des travailleurs atypiques par catégorie d’âge de travailleurs.
-
[24]
La progression est constante : en 1982 et 1992, la proportion des 20-24 ans travaillant à temps partiel était respectivement de 14 % et 25 % (DSP Montréal-Centre, 1993 : 2). En 2005, 31,9 % des 15-29 ans occupaient un emploi à temps partiel (comparativement à 13,4 % pour les plus de 30 ans.
-
[25]
La construction de la catégorie « jeunes » variant constamment dans les enquêtes de l’ISQ, il est impossible de distinguer les variations entre les 15-19 ans et les 20-24 ans au cours de cette période. Quant aux 25-29 ans, ils sont intégrés dans la catégorie des 25-44 ans.
-
[26]
Sur l’évolution de la situation concernant les personnes âgées, voir ISQ (2011).
-
[27]
On notera donc que la période est marquée par une polarisation du travail à temps partiel. Non seulement les jeunes (dont il est question dans cet article) et les femmes (Noiseux, 2011), mais aussi les travailleurs âgés (55 ans et plus) sont touchés par la précarisation liée à l’essor de travail atypique.
-
[28]
En 1999, 65,4 % des jeunes (15 à 29 ans) travaillaient à temps partiel de manière involontaire (CPJ, 2001 : 26). On notera aussi que l’emploi à temps partiel involontaire s’est accru entre 1988 et 1998, du moins chez les 20-24 ans ; seulement le tiers de ces jeunes travailleurs disaient occuper un emploi à temps partiel à cause du manque d’emploi à temps plein en 1998 (Direction de la santé publique de Montréal-Centre, 1993 : 2). Des données plus récentes indiquent toutefois une diminution du travail à temps partiel involontaire entre 2000 et 2009 (ISQ, 2010 : 82). Ces données ne font cependant pas de distinction par catégorie d’âge.
-
[29]
Étant donné le caractère contre-cyclique de l’emploi atypique, comme le soulignent Bernier, Vallée et Jobin (2003 : 25), on peut penser que le travail à temps partiel « volontaire » est plus élevé en période de croissance économique.
-
[30]
Au Québec, entre mai 2008 et mai 2009, l’emploi à temps partiel – toutes catégories d’âge confondues – a progressé (+19 800), alors que l’emploi à temps plein chutait (-34 600) (Emploi-Québec, mai 2009). Plus encore, lorsqu’on compare les données de janvier à mai 2008 avec celles de janvier à mai 2009, ce sont les 15-24 ans qui enregistrent la plus forte progression de l’emploi à temps partiel (+4,2 %, comparativement à une chute de 1,7 % pour les 25-44 ans et de 0,2 % pour les 45-64 ans) et la plus forte régression de l’emploi à temps plein (-13,1 %, comparativement à une chute de 1,1 % pour les 25-44 ans et à une augmentation de 0,25 % pour les 45-64 ans ; Emploi-Québec, juin 2009, en ligne)..
-
[31]
En ce qui a trait au travail temporaire, des données antérieures à cette date ne sont pas disponibles.
-
[32]
Données québécoises non disponibles pour la période antérieure à 1997. Cette année-là, la part du travail temporaire chez les 15-24 ans était de 18 %, soit le même pourcentage que dans l’ensemble canadien (ISQ, 2007 : 42).
-
[33]
Données compilées à partir des travaux menés par Krahn (1991 et 1995) portant sur l’Enquête sociale générale de 1989 et 1994 et des données de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada pour les années 1997 et suivantes. Ces deux enquêtes ont été réalisées par Statistique Canada et retenaient le mois de février comme période de référence. Cela a pour effet de ne pas tenir compte du nombre élevé d’emplois temporaires en période estivale chez les étudiants.
-
[34]
Données compilées en période scolaire afin d’éviter les biais dus aux emplois temporaires d’été.
-
[35]
En 2005, 14,28 % des emplois au Québec étaient temporaires (Akyeampong, 2006 : 32). Chez les 30 ans et plus, la part de l’emploi temporaire était toujours, en 2005, de 8,9 %.
-
[36]
On notera toutefois que les données publiées en 2008 par l’ISQ, qui ne portent que sur les 15-24 ans, indiquent que le taux de présence de l’emploi temporaire stagne entre 2000 et 2008 (ISQ, 2009 : 94).
-
[37]
Les 25-29 ans étant amalgamés à la tranche de 25-44 ans, il n’est pas possible de suivre la progression, au cours de cette période, de l’ensemble des 15-29 ans
-
[38]
On observe une augmentation du cumul d’emplois de 41,9 % entre 2000 et 2008 (ISQ, 2009 : 127).
-
[39]
Statistiques pour l’ensemble canadien. Les données ventilées par province ne sont pas disponibles. En 1997, les 20-24 ans avaient le taux de cumul d’emplois le plus élevé, soit 7,1 % comparativement à 5,2 % dans la population en général (CPJ, 2001 : 31 ; citant Sussman, 1998 : 27).
-
[40]
À titre comparatif, mentionnons que les 25-44 ans sont également, mais dans une moindre mesure, surreprésentés – ils comptent pour 48,1 % de cumulards alors que leur part dans l’emploi total s’établit à 44,9 % – tandis que les 45-54 ans et les 55 ans et plus sont largement sous-représentés (ISQ, 2009 : 127).
-
[41]
Depuis 2001, le nombre de ceux qui vivent cette situation est de plus de 10 000, ce qui représente entre 5,1 % et 6,1 % de l’emploi étudiant selon les années (seulement 1,3 % en 1976) (données jusqu’à 2005 ; ISQ, 2007 : 118).
-
[42]
Entre 1976 et 1996, pour toutes les tranches d’âge, la progression a été plus importante pour les femmes, mais ce sont les jeunes travailleuses (15 à 24 ans) qui ont enregistré la plus forte progression (Matte et coll., 1998 : 81). Des données plus récentes ne sont, à notre connaissance, pas disponibles.
-
[43]
La courbe de progression est relativement semblable lorsqu’on considère l’ensemble des travailleurs (ISQ, 2005 : 44). Les données de 2008 ne permettent pas de distinguer les 25-29 ans des travailleurs plus âgés. Cela dit, les données de l’ISQ permettent de constater que seulement 2,6 % des 15-24 ans (contre 14 % pour les plus de 25 ans) étaient des travailleurs autonomes en 2008, ce qui laisse croire qu’après une augmentation importante dans les années 1990 ce phénomène était devenu marginal chez les jeunes à la fin du cycle économique.
-
[44]
La distinction entre travailleurs indépendants constitués ou non en société n’est pas exactement équivalente à celle entre les travailleurs indépendants avec ou sans aide salariale. Elle permet tout de même d’identifier le segment le plus précaire du travail autonome.
-
[45]
Ajoutons que les formes les plus précaires du travail autonome atteignent des taux de croissance plus élevés chez les femmes que chez les hommes (Desrochers, 2000 : 88).
-
[46]
Depuis octobre 2008, le nombre de travailleurs indépendants a augmenté de 1,5 %, alors que l’effectif des salariés s’est contracté (Statistique Canada, 10 juillet 2009, en ligne).
-
[47]
En ce qui a trait aux différentiels des revenus entre jeunes travailleurs atypiques et travailleurs typiques, des données antérieures à 1997 et postérieures à 2005 ne sont, à notre connaissance, pas rendues disponibles par l’ISQ.
-
[48]
L’avantage salarial des jeunes travailleurs à temps plein par rapport à ceux à temps partiel est passé de 27,6 % en 1997 à 43,2 % en 2005 (ISQ, 2007 : 97), alors que dans l’ensemble du marché du travail l’avantage salarial des travailleurs à temps plein est passé de 36 % en 1999 à 42,3 % en 2005 (ISQ, 2008 : 45). Ces données semblent indiquer que le « désavantage salarial » des jeunes travailleurs à temps partiel croît à un rythme supérieur à celui observé chez les travailleurs à temps partiel plus âgés.
-
[49]
La chute du pouvoir d’achat de l’ensemble des travailleurs à temps partiel a été de 0,9 % entre 1999 et 2007 (ISQ, 2008 : 44), comparativement à une chute de 3,1 % entre 1997 et 2005 pour les jeunes travailleurs à temps partiel (ISQ, 2005 : 97). À notre connaissance, des données plus récentes ventilées par groupe d’âge ne sont pas disponibles. Cela dit, l’appauvrissement relatif de la rémunération des travailleurs à temps partiel traverse l’ensemble du marché du travail. Au Québec, en 2007, le salaire horaire moyen des travailleurs à temps partiel ne correspond plus qu’à 69 % de celui des travailleurs à temps plein (73,5 % en 1999) (ISQ, 2008 : 44). L’écart horaire est passé de 4,36 $ à 6,37 $ au cours de la période. Mesuré sur base annuelle, le salaire des salariés à temps partiel est deux fois moindre que celui des salariés à temps plein (CPJ, 2001 : 29). Les données canadiennes vont dans le même sens. Selon l’Enquête sur la population active de Statistique Canada, le salaire des salariés à temps plein s’est accru entre 1998 et 2009, le salaire horaire moyen des travailleurs à temps partiel ne représentant alors plus (en juin 2009) que 67,7 % de celui des travailleurs à temps plein (74 % en 1998) (Statistique Canada, CANSIM tableaux 282-0069 et 282-0073 et Akyeampong, 1999).
-
[50]
L’avantage salarial des travailleurs à temps plein sur les travailleurs à temps partiel se calcule comme suit : l’écart entre la rémunération horaire moyenne des travailleurs à temps plein et celle des travailleurs à temps partiel, divisé par la rémunération horaire moyenne des travailleurs à temps partiel (multiplié par 100 pour obtenir le pourcentage).
-
[51]
Curiosité à noter, chez les jeunes travailleurs non étudiants l’avantage salarial tend à favoriser les travailleurs temporaires (sauf chez les 15-19 ans) (ISQ, 2007 : 100). Il serait intéressant de se demander pourquoi. Une hypothèse serait que les jeunes ont un accès restreint aux emplois intéressants – du moins sur le plan de la rémunération – et qu’ils n’y accèdent que par le biais de postes temporaires.
-
[52]
Contrairement au cas québécois, dans l’ensemble du Canada le « désavantage salarial » des travailleurs temporaires s’est accru entre 1997 et 2008, le taux horaire des travailleurs temporaires ne représentant plus que 77,5 % de celui des travailleurs permanents (85,8 % en 1997) (Statistique Canada, CANSIM, tableaux 282-0069 et 282-0073 ; Galarneau, 2005 : 8).
-
[53]
Il demeure, en 2007, sensiblement le même (+3,36 $ en faveur des travailleurs permanents) qu’en 1999 (+3,42 $) (ISQ, 2008 : 45). On notera par ailleurs que l’écart a tendance à être plus important lorsqu’on s’attarde aux formes les plus précaires du travail temporaire ; il grimpe à 40 % dans le cas des agences de placement et à 24 % pour les travailleuses et travailleurs occasionnels (données de 2003 ; Galarneau, 2005 : 8).
-
[54]
Du moins pour la période 1997-2005, la seule pour laquelle l’ISQ présente des données historiques.
-
[55]
Les travailleurs permanents – toutes catégories d’âge confondues – avaient, en 2005, un avantage salarial de 21,6 % (ISQ, 2008 : 45).
-
[56]
Données de 2002. Le cas des travailleurs autonomes employeurs est plus ambigu. Ces travailleurs sont également, bien que dans une moindre mesure, surreprésentés dans la catégorie inférieure (0-20 000 $), où leur part est deux fois plus importante que celle des salariés. Dans les niveaux de revenus intermédiaires (20 000 $-40 000 $ et 40 000 $-60 000 $), ils sont légèrement sous-représentés lorsqu’on les compare à l’ensemble. Par contre, ils constituent la catégorie de travailleurs la plus importante dans la tranche supérieure. Comparés à l’ensemble des travailleurs atypiques sur les marchés périphériques du travail, les autonomes employeurs constituent donc, du moins pour ce qui est de la rémunération, une exception. On notera enfin que la précarité du travail autonome se constate aussi par l’instabilité de cette situation. Comme le soulignent Beaucage et Najem, « entre 1993 et 1998, les données brutes sur les travailleurs autonomes nous indiquent qu’un peu plus de 30 % de ces derniers abandonnent leur expérience chaque année » (2001 : 18).
-
[57]
Ces dernières données sont présentées à titre indicatif. Elles datent de 1994 et ne distinguent pas les travailleurs autonomes « avec » ou « sans » aide-salariés.
-
[58]
Les données canadiennes de 1997 vont dans le même sens que les données présentées par Matte et coll. et mettent en évidence la double discrimination des jeunes femmes : « Les plus de 55 ans, mais surtout les 15-24 ans gagnent moins que les 25-54 ans, et ce, davantage chez les femmes que les hommes. Dans tous les groupes d’âge, le revenu des femmes est plus bas que celui des hommes. Mais c’est dans la tranche des 15-24 ans surtout que les revenus des femmes autonomes à compte propre sont les plus bas » (Dagenais, 1998b : 6).
-
[59]
Pour une discussion plus complète sur l’accès des travailleurs atypiques aux avantages sociaux, voir Noiseux (2008 : 252-267).
-
[60]
Seuls 22 % bénéficiaient d’un régime de retraite (comparativement à 52 % chez les travailleurs à temps plein), 3 % avaient accès à des programmes d’achats d’actions (contre 11 % pour les travailleurs à temps plein). Ils étaient également trois fois moins susceptibles d’avoir accès à des programmes de participation aux bénéfices (données pour l’ensemble du Canada ; Marshall, 2003).
-
[61]
Il s’agit ici des régimes privés d’assurance de soins médicaux, de soins dentaires ou d’invalidité.
-
[62]
Plus de 40 % des travailleurs autonomes non assurés citaient le manque de capacité de payer comme raison expliquant leur situation (2003 : 17). La comparaison se fait ici avec des salariés au sens large, ce qui inclut un certain nombre de travailleurs atypiques (les temps partiels et les temporaires). Ainsi, la comparaison avec les travailleurs typiques serait encore plus désavantageuse pour les travailleurs autonomes. Plus encore, bon nombre de travailleurs autonomes bénéficient de certaines protections par l’intermédiaire de leur conjointe ou conjoint salarié.
-
[63]
Même « en considérant [seulement] les travailleurs à temps plein durant toute l’année, la fréquence des régimes de retraite chez les jeunes âgés de 16 à 29 ans augmente à un peu plus de 30 %, mais demeure très inférieure à celle observée chez les travailleurs plus âgés (autour de 60 %) » (ISQ, 2007 : 85).
-
[64]
Cela est au moins vrai en ce qui concerne l’accès des jeunes travailleurs à temps partiel à des régimes de retraite liés à l’emploi. L’absence de données ventilées – par groupes d’âge et par segments du travail atypique – au sujet d’autres types d’avantages sociaux nous empêche de conclure de manière plus forte.
-
[65]
Les travailleurs autonomes n’ont pas accès à l’assurance-emploi. De plus, jusqu’à tout récemment, les travailleurs indépendants n’étaient pas admissibles aux prestations de maladie et de maternité de l’assurance-emploi (Akyeampong et Sussman, 2003 : 16). Cette situation a changé au Québec. Depuis le 1er janvier 2006, la travailleuse autonome dont le revenu assurable est d’au moins 2000 $ au cours de la période de référence, qui a réduit d’au moins 40 % ses activités et dont l’enfant est né après cette date a désormais accès au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Sur ce sujet, voir Phipps (2006).
-
[66]
Pour avoir droit à des prestations régulières, les autres travailleurs devront avoir accumulé entre 420 et 700 heures assurables.
-
[67]
La discrimination envers les nouveaux entrants sur le marché du travail existe depuis 1979, avec l’introduction de la règle dite DEREMPA.
-
[68]
Au Québec, l’écart entre les hommes et les femmes ayant accès au régime s’est accru encore plus fortement entre 1996 et 2001, passant de 3 % à 14 % (CTC, 2003 : 42). Les conditions d’admissibilité au régime ne discriminant théoriquement pas entre les hommes et les femmes, le fait qu’un nombre plus grand de femmes occupent un emploi atypique apparaît comme une explication plausible de l’écart enregistré et semble conforter l’argumentation voulant que les travailleurs à temps partiel soient dorénavant plus souvent non admissibles au régime. Des données semblables portant sur les jeunes travailleurs ne sont pas disponibles.
-
[69]
On notera aussi au passage que les femmes (et les jeunes femmes encore plus) sont également victimes de cette double discrimination. Voir CIAFT-FFQ (2009). Pour le même nombre d’heures de travail, et un effort beaucoup plus soutenu, les travailleurs et les travailleuses à temps partiel reçoivent un bénéfice égal à moins de la moitié de celui du travailleur à temps plein. Pour chaque heure cotisée, ils et elles reçoivent un bénéfice de 3,34 $, alors que le travailleur à temps plein reçoit plus du double, à 7,12 $.
-
[70]
En 2010, seulement « 48,4 % des jeunes de 15 à 24 ans ayant un motif valable de cessation d’emploi étaient admissibles aux prestations ordinaires d’assurance-emploi » (Statistique Canada, 2011).
Sur les difficultés d’accès des travailleurs atypiques aux régimes publics de protection sociale, voir Desrochers (2000).
-
[71]
À l’exception notable du Régime québécois d’assurance parentale.
-
[72]
S’appuyant sur l’Enquête sur les antécédents de travail (1981), l’Enquête sur l’activité (1986 et 1989) et l’Enquête sur la population active (1998, 2001 et 2004), ces auteurs constatent une baisse de 12,8 % du taux de syndicalisation chez les 17-24 ans et de 13,6 % chez les 25-34 ans. Le taux de syndicalisation des travailleurs plus âgés a aussi chuté, mais dans une proportion moindre (2005 : 6). À notre connaissance, il n’existe pas de données antérieures à 1997 sur la syndicalisation des jeunes travailleurs québécois qui soient disponibles.
-
[73]
En outre, on peut remarquer que la situation des travailleurs à temps partiel, eu égard à l’accès à l’accès à la syndicalisation, s’est dégradée entre 1998 et 2005. Alors que la proportion de travailleurs à temps plein syndiqués s’est accrue, passant de 37,3 à 38,9 %, celle des temps partiels s’est réduite, passant de 27,3 à 26,9 % (Akyeampong, 2006 : 32 et Akyeampong, 1999 : 60-61)
-
[74]
À cet égard, on doit noter l’augmentation du taux de syndicalisation – qui est passé de 29,5 à 32,9 % – des travailleurs temporaires entre 1998 et 2005, ce qui se reflète par une diminution de l’écart entre le taux de syndicalisation des travailleurs temporaires et celui des travailleurs permanents.
-
[75]
Au Québec, « le statut donnant accès au régime [de rapport collectif de travail est celui de] salarié (Bernier, 2003 : 67) », les travailleurs autonomes, puisqu’ils ne sont pas des salariés, n’ont, en règle générale, pas accès à la syndicalisation.
-
[76]
Alors que les jeunes travailleurs ne représentaient que 16,5 % de l’ensemble de l’emploi syndiqué en 1997, cette proportion est passée à 20,8 % en 2005 (ISQ, 2007 : 47).
-
[77]
Ces références sont citées dans ISQ (2007 : 46).
-
[78]
À cet égard, il paraît crucial de rappeler que cette transformation n’est pas le fruit du hasard. C’est d’ailleurs ce qui nous incite à éviter l’emploi du mot mutation, dont on abuse dans la littérature sur le sujet.
-
[79]
Mesurés en dollars constants, ceux-ci étaient de 48 200 $ en 1976. Ils s’établissaient à 47 900 $ en 2009 (CANSIM, tableau 202-0101 ; consulté en ligne (http://www5.statcan.gc.ca/cansim/a26) le 8 mars 2012).
-
[80]
Sauf le travail autonome, qui a diminué entre 1997 et 2007, mais est en forte progression depuis la crise de 2008.
-
[81]
Notons que certaines discriminations directes demeurent, notamment en ce qui concerne les critères différenciés d’accès à l’assurance-emploi.
-
[82]
Article 15, paragraphe 1.
-
[83]
À l’exception du travail autonome.
-
[84]
A contrario, pensons ici au cas français où l’intégration des jeunes au système d’emploi est particulièrement difficile et où la proportion des emplois atypiques, bien qu’en essor, est largement inférieure au cas québécois.
-
[85]
On ajoutera ici que l’État a aussi activement favorisé la centrifugation de l’emploi en votant des lois – modifications de l’article 45 du Code du travail [L.Q. 2001, c. 26 et L.Q. 2003, c. 26]), Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux [L.Q. 2003. c. 12] et Loi modifiant la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l’enfance [L.Q. 2003, c. 13], Loi sur l’Agence des partenariats public-privé du Québec [L.Q. 2004, c. 32. ], etc. –, rendant l’organisation collective des travailleurs propulsés sur les marchés périphériques plus difficile, voire impossible. Plus encore, nous l’avons évoqué, l’assurance-emploi discrimine directement les jeunes travailleurs en imposant un double standard.
-
[86]
Notons, entre autres, le rapport Beaudry (1985), le rapport Tapin (1993), le Rapport du groupe de travail interministériel sur le travail autonome (1997), le rapport Desrochers (2000), le rapport Blondin et Lemieux (CPJ, 2001) et le rapport Bernier (2003).
-
[87]
Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma [L.R.Q., chapitre S-32.1].
Bibliographie
- Akyeampong, E.B. Août 2006. La syndicalisation. L’emploi et le revenu en perspective, vol. 7, no 8, Ottawa, Statistique Canada, p. 19-44.
- Akyeampong, E.B. et D. Sussman. Mai 2003. Régimes de santés des travailleurs indépendants. L’emploi et le revenu en perspective, vol. 4, no 5, Ottawa, Statistique Canada, p. 15-21.
- Akyeampong, E.B. Automne 1999. Le point sur la syndicalisation. L’emploi et le revenu en perspective, vol. 11, no 3, Ottawa, Statistique Canada, p. 51-71.
- Antunes, R. 1996. Adiós al trabajo? Ensayo sobre las metamorfosis y el rol central del mundo del trabajo, Piedra azul, Valencia.
- Asselin, S. 2005. Conditions de travail et rémunération. Dans Données sociales du Québec – Édition 2005, Québec, Institut de la statistique du Québec.
- Atkinson, J. 1984. Flexibility, Uncertainty and Manpower Management, Institute of Manpower Studies Report No. 89, Royaume-Uni, Université du Sussex.
- Beaucage, A. et E. Najem. 2001. De l’importance des entrées et des sorties du travail autonome au Canada de 1993 à 1998, Document de recherche 2001-3, Département des relations industrielles, Université du Québec à Hull, Hull.
- Beaud, M. et G. Dostaler. 1996 [1re éd. 1993]. La pensée économique depuis Keynes, Paris, Éditions du Seuil, 444 p.
- Beaudry, R., Gagnon, J.-J., GErin-Lajoie, J., Larouche, V. et Mc Neil, J. 1985. Le travail : une responsabilité collective. Rapport final de la Commission consultative sur le travail et la révision du Code du travail, Québec, La Commission, 490 p.
- Beck, U. 2000. Un nuevo mundo feliz. La precariedad del trabajo en la era de la globalización, Paidós, Barcelone.
- Bernier, J. 2007a. Les conventions collectives et les emplois atypiques. Dans Regard sur le marché du travail, Québec, Ministère du Travail, p. 2-17.
- Bernier, J. 2007b. Les mutations dans les formes d’emploi et leurs conséquences sur les jeunes. Dans Sylvain Bourdon et Mircea Vultur (dir.), Les jeunes et le travail, Québec, Les Éditions de l’IQRC et Les Presses de l’Université Laval, p. 247-258.
- Bernier, J., Vallée, G. et Jobin, C. 2003. Les besoins de protection sociale des personnes en situation de travail non traditionnelle, Québec, Les Publications du Québec, 807 p.
- Boyer, R. 2004. Théorie de la régulation : les fondamentaux, Paris, La Découverte, 120 p.
- Brunelle, D. 2003. Dérive globale, Montréal, Boréal.
- Castells, M. 1999 [1996]. La Era de la informacion : Economia, sociedad y cultura. La Sociedad Red, Edicion Siglo XXI, Mexico.
- CENTRALE DES SYNDICATS DU QUEBEC (CSQ). Septembre 2003. Du déjà vu : un projet de loi anticonstitutionnel, injuste et discriminatoire, Mémoire présenté à la Commission des affaires sociales lors des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 7, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, Montréal, 14 p.
- CIAFT-FFQ. 2009. Les répercussions du Régime d’assurance-emploi actuel sur les femmes au Canada, Montréal, 14 p.
- Cloutier, L. Février 2006. Qualité de l’emploi syndiqué et non syndiqué au Québec : évolution 1997-2004. Flash-info Travail et rémunération, vol. 7, no 1, Institut de la statistique du Québec, p. 8-11.
- Commission de la fonction publique. 1999. L’avenir du travail : l’emploi atypique dans la fonction publique du Canada, Ottawa, Direction générale des politiques, de la recherche et des communications.
- CONGRES DU TRAVAIL DU CANADA. Mars 2003. La protection de l’assurance-chômage à la baisse pour les sans-emploi du Canada.
- Conseil permanent de la jeunesse. 1993. Dites à tout le monde qu’on existe. Avis : résumé, Québec, 4 p. Consulté en ligne (http://www.cpj.gouv.qc.ca/fr/pdf/existe.pdf).
- Conseil permanent de la jeunesse. 2001. Emploi atypique et précarité chez les jeunes : une main-d’oeuvre à bas prix, compétente et jetable (rédigé par Sébastien Blondin et Georges Lemieux), Québec, Gouvernement du Québec, 123 p.
- D’Amours, M. Décembre 2003. Le travail indépendant : une hétérogénéité construite socialement. Cahiers du CRISES, collection thèses et mémoires, vol. 3, no 7, Montréal, CRISES, 449 p.
- Dagenais, L.-F. 1998a. Travail éclaté : protection sociale et égalité, coll. Études et documents de recherche sur les droits et libertés, vol. 7, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais,. 233 p.
- Dagenais, L.-F. 1998b. Le travail autonome au Québec : analyse selon le sexe, l’âge et incidences sur le revenu, Montréal, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 12p.
- Dardot, P. et C. Laval. 2009. La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale, Paris, La Découverte.
- Desrochers, L. 2000. Travailler autrement : pour le meilleur et pour le pire ? Les femmes et le travail atypique, Québec, Conseil du statut de la femme, 201 p.
- Direction de la santé publique de Montréal-Centre. 1993. Étudier et travailler, Montréal, 3 p [http://jmtsociologue.uqac.ca/www/html/Bibliographies/stats_jeunes_mtl_centre/sujet_13_travail/sujet_13.html]
- Durand, J.-P. 2004. La chaîne invisible, Travailler aujourd’hui : Flux tendu et servitude volontaire, Paris, Éditions du Seuil.
- Emploi-Québec. Mai 2009. L’emploi au Québec, Bulletin mensuel, vol. 25 no 5. Consulté en ligne (http://emploiquebec.net/publications/pdf/00_imt_be_200905.pdf).
- Galarneau, D. Janvier 2005. L’écart salarial entre les employés temporaires et permanents. L’emploi et le revenu en perspective, vol. 17, no 1, p. 5-20.
- Groupe de travail interministériel sur le travail autonome. Novembre 1997. Rapport du groupe de travail interministériel sur le travail autonome, Document à l’attention du ministre du Travail et de la ministre de l’Emploi et de la Solidarité, Québec, Gouvernement du Québec, 50 p.
- Industrie Canada. Février 2009. Bulletin trimestriel sur la petite entreprise, vol. 10, no 4. Consulté en ligne (http://www.ic.gc.ca/eic/site/sbrp-rppe.nsf/fra/rd02366.html).
- Institut de la statistique du Québec (ISQ). Septembre 2005. Annuaire québécois des statistiques sur le travail (AQST). Portrait historique des principaux indicateurs du marché du travail (2e éd. rév., sous la dir. de Luc Cloutier et Anne-Marie Fadel), vol. 1, no 2, 214 p.
- Institut de la statistique du Québec (ISQ). Novembre 2007. Réalité des jeunes sur le marché du travail en 2005.
- Institut de la statistique du Québec (ISQ). 2008. Annuaire québécois des statistiques sur le travail (AQST). Portrait des principaux indicateurs du marché du travail, vol. 4, no 2, 246 p.
- Institut de la statistique du Québec (ISQ). Juin 2009. Annuaire québécois des statistiques sur le travail (AQST). Portrait des principaux indicateurs du marché du travail, 2000-2008, vol. 5, no 1.
- Institut de la statistique du QUEBEC (ISQ). Juin 2010. Annuaire québécois des statistiques sur le travail (AQST). Portrait des principaux indicateurs du marché du travail, 2000-2009, vol. 6, no 1.
- Institut de la statistique du Québec (ISQ). Février 2012. La qualité de l’emploi des travailleurs plus âgés au Québec : regard sur l’évolution de la situation des hommes et des femmes, Québec.
- Krahn, H. 1991. Les régimes de travail non standard. L’emploi et le revenu en perspective, vol. 3, no 4, Statistique Canada, hiver, p. 41-52.
- Krahn, H. Hiver 1995. Accroissement des régimes de travail atypiques. L’emploi et le revenu en perspective, no 75-001-F au catalogue, Statistique Canada, p. 39-47
- Laporte, C. Printemps 2001. Dispositions particulières des principales conventions : Les travailleurs à temps partiel entre 1988 et 1998. Gazette du travail, vol. 1, no 4.
- Marshall, K. Mai 2003. Les avantages de l’emploi. L’emploi et le revenu en perspective, vol. 4, no 3, Ottawa, Statistique Canada, p. 5-14.
- Marshall, K. Avril 2002. Durée du cumul d’emploi. L’emploi et le revenu en perspective, vol. 14, no 2, Ottawa, Statistique Canada, p. 5-12.
- Matte, D., Baldino, D. et Courchesne, R. 1998. L’évolution de l’emploi atypique au Québec. Le marché du travail, vol. 19, no 5, Québec, Gouvernement du Québec.
- Mercure, D. 2001. Nouvelles dynamiques d’entreprise et transformation de l’emploi : du fordisme à l’impartition flexible. Dans Jean Bernier et coll. (dir.), L’incessante évolution des formes d’emplois et la redoutable stagnation des lois du travail, LVIe congrès des relations industrielles de l’Université Laval, Québec, Les Presses de l’Université Laval, p. 6-21.
- Morin, F. 2001. L’adaptation des lois du travail aux besoins du XXIe siècle : carence du processus législatif ou simple absence d’une réelle volonté ? Dans Jean Bernier et coll. (dir.), L’incessante évolution des formes d’emploi et la redoutable stagnation des lois du travail, LVIe congrès des relations industrielles de l’Université Laval, Québec, Les Presses de l’Université Laval.
- Morin, F. et J.-Y. BriEre. 1998. Le droit de l’emploi au Québec, Montréal, Wilson & Lafleur, 1448 p.
- Morissette, R., Schelleberg, G. et Johnson, A. 2005. La syndicalisation : tendances divergentes. L’emploi et le revenu en perspective, no 75-001-XIF au catalogue, Statistique Canada, p. 5-12.
- Noiseux, Y. 2008. État, syndicalisme et travail atypique au Québec : une sociologie des absences et des émergences, Thèse de doctorat, UQAM, Montréal. 871 p.
- Palameta, B. Automne 2001. Qui cotise à un REER ? Un nouvel examen. L’emploi et le revenu en perspective, vol. 13, no 3, p. 7-13.
- PErusse, D. Hiver 1997. Disparité régionale et emplois non permanents. L’emploi et le revenu en perspective, vol. 9, no 4, p. 43-49.
- Phipps, S. Mai 2006. Working for Working Parents : The Evolution of Maternity and Parental Benefits in Canada. IRPP Choices, vol. 12, no 2, Montréal, Institute for Research on Public Policy, 42 p.
- Piotet, F. 2003. La sociologie du travail depuis Georges Friedmann. L’année sociologique, vol. 53, no 2.
- Secrétariat du Conseil du trésor. 2005. L’effectif de la fonction publique du Québec 2003-2004 : Analyse comparative des cinq dernières années, Québec, Gouvernement du Québec.
- Secrétariat du Conseil du trésor. Non daté. L’effectif en équivalent temps complet par statut d’emploi et par secteur du 1er juillet 1997 au 30 juin 2003, Québec, Gouvernement du Québec.
- Statistique Canada. 27 juin 2011. Enquête sur la couverture de l’assurance-emploi.Le Quotidien, Ottawa. Consulté en ligne (http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/110627/dq110627a-fra.htm).
- Statistique Canada. 10 juillet 2009. Communiqué de l’enquête sur la population active, Ottawa. Consulté en ligne (http://www.statcan.gc.ca/subjects-sujets/labour-travail/lfs-epa/lfs-epa-fra.htm).
- Sussman, D. Été 1998. Cumuler des emplois : une habitude bien ancrée. L’emploi et le revenu en perspective, vol. 10, n° 2, Ottawa, Statistique Canada.
- Tapin, J.-R. 1993. Agences de placement temporaire, Québec, Gouvernement du Québec, Ministère de la Main-d’oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, 84 p.
- Townson, M. Décembre 2002. Les incidences des formes de travail non traditionnel dans l’application des dispositions fédérales d’équité salariale. Examen de la législation sur l’équité salariale, Ottawa, Ministère de la Justice du Canada.
- Tremblay, D.-G. 1994. Chômage, flexibilité et précarité d’emploi. Dans Fernand Dumont, Simon Langlois et Yves Martin (dir.), Traité des problèmes sociaux, IQRC, p. 625-634.
- Vallée, G. Printemps 1999. Pluralité des statuts de travail et protection des droits de la personne. Quel rôle pour le droit du travail ?, Relations industrielles, vol. 54, no 2, p. 277-312.
- Verge, P. 2001. L’adaptation du droit du travail à la nouvelle entreprise. Dans Jean Bernier et coll. (dir.), L’incessante évolution des formes d’emploi et la redoutable stagnation des lois du travail, LVIe congrès des relations industrielles de l’Université Laval, Québec, Les Presses de l’Université Laval.