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L’ouvrage Responsabilités et violences envers les femmes rassemble les écrits de vingt-cinq auteures et auteurs en provenance du Québec et d’ailleurs dans le monde. Il porte sur diverses thématiques en matière des violences faites aux femmes (VFF). Grâce aux analyses théoriques et pratiques qui y sont proposées, nous prenons connaissance des pratiques d’ici et d’ailleurs se rapportant aux VFF. L’ouvrage compte trois parties, divisées elles-mêmes en sections et chapitres. La première partie présente des théories et des pratiques visant à contrer les VFF. La deuxième partie met en lumière des pistes d’intervention individuelles et collectives tandis que la troisième se centre sur différentes formes de violences sexuelles et contextuelles.
Partie 1 — Théories et pratiques contre les violences faites aux femmes (VFF)
Section 1.1 : Responsabilisation internationale et responsabilité collective à l’égard des violences faites aux femmes
Le chapitre 1 de l’ouvrage aborde la question de la responsabilisation dans le cas des VFF. D’après son auteur, les relations que les individus et collectivités entretiennent avec les codes sociaux et moraux déterminent la responsabilisation des VFF. Plusieurs organismes internationaux, comme les Nations Unies et Amnistie internationale, demandent d’accorder plus d’importance au fait que les VFF représentent une forme de violation des droits fondamentaux. À titre d’exemple, une étude produite par les Nations Unies en 2006 révèle l’importance de la responsabilisation à appliquer à différents niveaux de l’État et des communautés locales envers les VFF. Or, l’universalisation du phénomène des VFF peut engendrer des conséquences, puisque les stratégies actuelles ne sont pas adaptées aux différents contextes, tels que le manque de moyens pour former les corps professionnels, et différentes contraintes politiques et culturelles faisant en sorte que la VFF ne figure pas dans les priorités de certains pays en voie de développement. Le chapitre se termine sur la responsabilité face aux VFF à l’échelle internationale. À l’aide de l’exemple des relations hommes et femmes au Pérou, il y est démontré l’importance de soutenir les changements des normes socioculturelles par de nouvelles lois axées sur l’éradication des VFF, un renouvellement des lois pouvant mener à un renouvellement des mentalités dans la communauté.
Les notions de « revictimisation des femmes » et de « victimisation secondaire » sont exposées au chapitre 2. Il est question de revictimisation lorsque les femmes ont subi plus d’une agression par différents agresseurs. La victimisation secondaire provient pour sa part des réactions négatives reçues à la suite de l’agression, qu’elles viennent de leur famille, de leur communauté ou du personnel des ressources consultées. Puisque la formation sur l’intervention en situation de VFF n’est pas requise pour plusieurs professionnelles ou professionnels de la santé, certains facteurs favorisent la victimisation secondaire, comme les préjugés et les méconnaissances par rapport aux VFF, et la responsabilisation ou le blâme de la victime. Ces deux formes de victimisation apportent de graves répercussions non seulement pour les victimes, mais aussi pour la société.
Section 1.2 : Approches et traitements judiciaire, politique et policier des violences conjugales
La mise en contexte de divers aspects du système judiciaire en matière de violence conjugale au Québec fait l’objet du chapitre 3 de l’ouvrage. La judiciarisation de la violence conjugale en 1970 a contribué à un changement de perception des gens, et les dénonciations de la violence conjugale ont augmenté. Quelques politiques concernant la violence faite aux femmes, particulièrement la violence conjugale, ont été mises en place par le gouvernement du Québec. Elles avaient un triple objectif : démontrer l’appui de l’État dans la non-tolérance en la matière; mettre l’accent sur la prévention; offrir une protection aux femmes victimes de violence conjugale. Des modèles d’intervention sont proposés, tels que la politique d’arrestation obligatoire; mais ces interventions sont mitigées. Le recours au système judiciaire peut également soulever certains enjeux et il est important d’évaluer ses avantages (comme le fait d’aider les victimes à prendre connaissance de leurs droits) et ses limites (telle la victimisation secondaire que peuvent développer les victimes). Dans ces circonstances, il est essentiel que les agresseurs, ainsi que la société, se responsabilisent face à la violence conjugale.
Afin d’offrir un point de vue sur le plan local et international, les chapitres 4 et 5 s’intéressent respectivement à la responsabilisation du service de police de Montréal à l’égard de la violence conjugale et à la responsabilisation collective de la ville de Paris envers les VFF. Il y est souligné l’importance de l’appui politique pour contrer les VFF. Il est du devoir de l’État d’assurer la sécurité des femmes en fournissant des services et des politiques qui luttent vers l’élimination de cette problématique. Des exemples concrets montrent qu’il est possible d’accéder à la responsabilisation collective à travers des partenariats avec l’État et les services publics, de manière plus spécifique, en formant des professionnelles ou des professionnels et en promulguant des politiques sociales.
Partie 2 — Interventions individuelles et collectives
Section 2.1 : Outiller les femmes et les hommes responsables dans la prise en charge des violences conjugales et intrafamiliales
Cette deuxième partie de l’ouvrage propose des réflexions en lien avec deux thématiques peu étudiées dans le domaine de la VFF, soit la violence conjugale chez les lesbiennes et la notion de « responsabilisation » au coeur des interventions menées auprès des hommes ayant un problème de violence conjugale et familiale. Selon l’auteure du chapitre 6, il existe peu de statistiques concernant la violence conjugale chez les lesbiennes, et ce, faute de financement et du fait qu’il s’agit là d’un sujet tabou. À l’aide d’exemples, elle nous aide à comprendre l’importance de la dénonciation du système hétérosocial dans lequel nous vivons et la primordialité de la sensibilisation auprès de toute la population quant aux réalités de la violence conjugale chez les lesbiennes. De son côté, l’auteure du chapitre 7 préconise l’importance d’améliorer les interventions menées auprès d’hommes ayant un problème de violence conjugale et familiale. Au lieu de les criminaliser systématiquement, il conviendrait de les responsabiliser, de les amener à mettre fin à de tels comportements et à remettre en question leurs valeurs et croyances. L’auteure soutient l’importance d’aller au-delà de la responsabilité individuelle des agresseurs et de changer les normes sociales qui influencent leurs comportements.
Section 2.2 : Réponses structurelles aux problématiques des femmes immigrantes, victimes de violence conjugale
Cette section étudie les violences faites aux femmes immigrantes et les responsabilités qui y sont liées. Le chapitre 8 dévoile toute la complexité de la violence conjugale en situation de migration. En étudiant les différents niveaux de l’écosystème d’une personne migrante, l’auteure démontre les violences structurelles et institutionnelles auxquelles ces femmes doivent faire face tout au long du processus de migration. La vulnérabilité des femmes immigrantes a été reconnue par le gouvernement du Québec, mais ses actions ne le reflètent pas puisque ses politiques vont à l’encontre des droits des femmes immigrantes. Le chapitre 9 traite des responsabilités face aux violences conjugales que subissent les femmes immigrantes parrainées qui connaissent plusieurs difficultés en raison de leur statut. S’appuyant sur une recherche, son auteure démontre que les femmes immigrantes et parrainées ne connaissent souvent pas leurs droits et sont isolées. Le système d’immigration maintient ces femmes sous la dépendance d’une autre personne pendant la période de parrainage. Puisque le gouvernement tend vers une approche sécuritaire plutôt qu’humanitaire, les politiques n’assurent pas nécessairement la sécurité de ces femmes. Comme elles font face à plusieurs barrières, telles que la langue, l’isolement et la méconnaissance de leurs droits, elles restent souvent silencieuses et elles hésitent à porter plainte.
Section 2.3 : Interventions étatiques et collectives dans les violences faites aux femmes
Cette section traite de VFF dans le contexte international. Le chapitre 10 expose le racisme sous-jacent aux dénonciations de viols collectifs en France. Plusieurs fausses idées entourent les agresseurs qui commettent un viol collectif. Pour nier le fait que certains des agresseurs soient français d’origine, on propage l’image de l’agresseur venant de l’étranger, en plus d’être pauvre et jeune. L’appartenance culturelle et l’âge de la victime sont des facteurs de vulnérabilité, mais ne sont pas des facteurs de risque chez l’agresseur. De plus, le partage sexuel des femmes n’appartient pas à la culture musulmane, mais il est bien un produit de la culture occidentale. L’auteur du chapitre 11 étudie les politiques et les responsabilités au Maroc vis-à-vis les VFF. La violence physique est la principale forme de violence dénoncée dans ce pays; et les femmes peuvent être tenues responsables de cette violence par les policiers si elles n’obéissent pas à leur partenaire. Le gouverne- ment du Maroc a démontré de l’intérêt à créer des réformes juridiques et politiques pour lutter contre les violences. Cela a conduit à certaines initiatives, telles la criminalisation de diffé- rentes formes de violences et la mise sur pied de services continus pour les femmes victimes.
Partie 3 — Violences sexuelles et violences contextuelles
Section 3.1 : Politique et violences sexuelles
Puisque la prostitution est un enjeu majeur dans le domaine des VFF, il n’est pas surprenant qu’un chapitre soit consacré à cette manifestation de la violence. Les auteures du chapitre 12 soulèvent l’importance de ne pas aborder cet enjeu de façon individuelle, mais bien d’une façon collective. Après avoir présenté un historique de la prostitution, elles démontrent les rapports entre la prostitution et la traite des femmes, puisque celle-ci amplifie le nombre de victimes de cette violence. Comme la prostitution, la pornographie est une façon de dénigrer les femmes et d’envoyer le message que la VFF est acceptable. La prostitution est une forme d’exploitation et il est important de se mobiliser pour la contrer, de même que la traite des femmes et la pornographie. Il faut lutter sur le plan judiciaire, en criminalisant les agresseurs et les profiteurs, et sur le plan social, en protégeant les femmes victimes de ces formes de violence.
Les violences sexuelles en République démocratique du Congo sont dénoncées au chapitre 13. En dépit de lois criminalisant les agresseurs, les Congolaises sont toujours victimes de violence sexuelle. La société congolaise encourage la soumission de la femme à son mari et le viol d’une femme par son mari est encore socialement accepté. Ainsi, les messages qu’envoie le gouvernement se contredisent. Un des problèmes majeurs soulignés est le dysfonctionnement du système judiciaire; par manque de ressources pour venir en aide aux victimes, des personnes qui ont un statut social plus élevé profitent d’exceptions et échappent aux lois. Dans le passé, en temps de guerre, les Congolais avaient recours au viol comme forme de représailles et ce sont certains de ces ex-soldats qui promeuvent les violences sexuelles contre les femmes. C’est donc à l’État congolais de se responsabiliser et d’offrir des ressources nécessaires à combattre cette violence.
Section 3.2 : Mariages forcés et crimes d’honneur
Cette section porte sur les mariages forcés et les crimes d’honneur au Canada. Le chapitre 14 fait état des sept formes de mariages forcés qui transforment ces derniers en acte social. Malgré la diversité de motifs qui accompagnent ces types de mariages, ils demeurent néanmoins un outil de contrôle de la sexualité des femmes. Si la jeune fille rejette un projet de mariage, elle peut en subir des conséquences : différents types de violences, tensions familiales, voire suicide ou condamnation à mort.
Les crimes d’honneurs perpétrés au Canada font l’objet du chapitre 15. Ils se produisent quand les gestes ou comportements d’un membre de la famille sont jugés comme allant à l’encontre de l’honneur de la famille. Celle-ci considère donc qu’il est légitime de tuer la personne qui est responsable du « déshonneur » causé à la famille. Les agresseurs sont souvent vus comme des héros dans les communautés qui cautionnent les crimes d’honneur. Les jeunes filles immigrées au Canada, celles dont les familles pratiquaient les crimes d’honneur dans leur pays d’origine, sont particulièrement vulnérables; elles constatent la liberté dont jouissent les autres jeunes filles de leur âge et elles remettent en question les règles imposées par leurs parents. Des responsabilités individuelles et collectives sont liées aux crimes d’honneurs, à savoir, la responsabilité individuelle de l’agresseur qui a planifié et exécuté le crime, et la responsabilité collective des communautés et de l’État de protéger les victimes potentielles et de contrer la VFF. Bref, il est important que le gouvernement canadien mène des enquêtes par rapport à ces deux nouvelles manifestations de VFF au pays et qu’il vienne en aide aux victimes en créant des services adaptés à leurs besoins.
Section 3.3 : Mobilisations concrètes contre les violences genrées
Cette dernière section de Responsabilités et violences envers les femmes nous permet de voir de façon plus concrète les mobilisations conduisant à l’éradication des VFF. L’auteur du chapitre 16 présente certaines recherches communautaires qui ont été réalisées à cette fin. Celles-ci sont importantes afin de mieux structurer, coordonner et améliorer les réponses aux VFF. Par contre, la question soulevée dans les recherches communautaires est l’identification de l’« expert ». On demande aux professionnelles ou professionnels de donner leur opinion. Mais en l’occurrence, ces personnes sont-elles vraiment les expertes? Les vraies expertes ne seraient-elles pas plutôt les victimes elles-mêmes des VFF? L’auteur soutient qu’en développant de nouvelles recherches, il est possible de développer des connaissances théoriques et des savoirs pratiques qui pourront contribuer à l’élimination des VFF et encourager les pensées politiques à devenir des actions politiques.
Le chapitre 17, rédigé en anglais, présente une étude menée dans une université italienne auprès d’étudiantes et d’étudiants en médecine dans le but de vérifier leurs connaissances et leurs préjugés avant et après une formation sur le sujet. Les résultats démontrent que les préjugés de la population étudiante ont été déconstruits et que la formation a été appréciée.
Également rédigé en anglais, le chapitre 18 suscite une réflexion sur la responsabilisation à la protection des femmes et des enfants victimes de violences. L’auteure prône une action sur le plan international afin d’amener des répercussions sur le plan local. Un problème sur le plan international concerne la dénonciation de la violence aux services de police, puisque plusieurs pays ont des lois différentes quant à l’obligation de la dénonciation de la violence conjugale de la part de la victime. Certains pays n’offrent aucun soutien aux victimes si elles ne dénoncent pas, tandis que d’autres favorisent la continuité des services pour les victimes de violences. Puisque les droits des victimes ne sont pas toujours respectés en l’état actuel, il faut trouver des méthodes alternatives pour protéger les victimes. Conséquemment, il ne faut pas que la protection « paternalise » les femmes, mais bien que les agresseurs se responsabilisent de façon individuelle, et que la société se responsabilise de façon collective en promouvant la prévention des VFF et en offrant de manière continue des services pour les femmes victimes de violences.
Réflexion personnelle
Responsabilités et violences envers les femmes pourrait être apprécié non seulement par les personnes qui s’intéressent à la problématique des VFF, mais aussi par le public en général. Aucun terme n’y est utilisé sans explication; il n’est donc pas nécessaire d’avoir fait des études féministes pour comprendre les sujets abordés. Les auteures ou auteurs de l’ouvrage amènent des perspectives différentes afin de montrer un portrait global, sur les plans local et international, des multiples manifestations de violences faites aux femmes. Les chapitres sont bien divisés, ce qui favorise la fluidité de la lecture. Grâce aux exemples concrets, aux citations et aux études menées, les lecteurs peuvent apprécier l’apport théorique et pratique à une meilleure compréhension des VFF.
En revanche, la collaboration des vingt-cinq auteures ou auteurs occasionne quelques répétitions des termes d’un chapitre à l’autre. Et les deux chapitres rédigés en anglais peuvent constituer une embuche pour certains lecteurs ou lectrices. Vu leur grand intérêt, il aurait été bon d’en publier la traduction afin de les rendre accessibles à plus de personnes.
De plus, la majorité des articles de l’ouvrage consistent en études occidentales. Il aurait été intéressant d’y consacrer un chapitre sur des interventions menées ailleurs par des communautés locales. Il est facile de tomber dans le piège des pratiques ethnocentriques basées uniquement sur la pensée occidentale. Afin de reconnaître l’existence d’autres cultures, il aurait été pertinent de discuter davantage des pratiques hors occident et d’ainsi favoriser l’apport de nouvelles formes d’interventions au Canada.
Cela dit, Responsabilités et violences envers les femmes fournit de bonnes pistes de réflexion au sujet des VFF et propose des analyses importantes quant aux changements à apporter autant dans nos interventions que dans les politiques gouvernementales. Il faut en effet continuer de se responsabiliser individuellement et collectivement face aux VFF. À force de sensibilisation, de prévention et d’éducation, nous pourrons briser le silence, avancer des politiques adaptées et changer les normes de notre société patriarcale afin que tous puissent en retirer des bénéfices.