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L’économie sociale

L’ESS au ministère de la Transition écologique et solidaire

Au revoir Bercy. Les cinq années de rattachement de l’économie sociale et solidaire (ESS) au ministère de l’Economie cèdent le pas à une nouvelle configuration. L’ESS est désormais rattachée au ministère de la Transition écologique et solidaire. Dans les missions de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, l’ESS arrive en troisième position, après le développement durable (et ses nombreuses thématiques associées) et le climat. Il est « chargé de la promotion et du développement de l’économie sociale et solidaire. » Cependant, il devra conduire cette politique en lien avec Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, qui « participe à la préparation et à la mise en oeuvre de la politique de développement de l’économie sociale et solidaire. » Nicolas Hulot devra également être en lien avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, pour ce qui est de la politique à l’égard des associations et avec Muriel Pénicaud, ministre du Travail, pour ce qui est de la politique de l’insertion par l’activité économique… Au total, cinq ministres ont des compétences sur l’ESS ou sur une partie de celle-ci.

Jean-Louis Cabrespines, membre du Conseil économique social et environnemental (CESE), se demande, sur un plan conceptuel, s’il s’agit là d’une nouvelle approche de l’ESS, jusqu’alors expliquée comme un « mode d’entreprendre », et désormais envisagée comme une « économie de la transition » plus diffuse.

Plus prosaïque, l’Union des employeurs de l’ESS (Udes), a estimé que la nouvelle configuration ne garantissait pas de représentation politique satisfaisante de l’ESS. D’où sa demande : la création d’un secrétariat d’Etat dédié à l’économie sociale et solidaire, afin de créer un interlocuteur visible et identifié au sein de ce ministère de la Transition écologique et solidaire aux compétences étendues, et auquel la délégation interministérielle à l’économie sociale et solidaire, créée sous la précédente mandature, pourrait être adossée. A défaut de réponse positive, ni clairement négative, suite aux élections législatives et à la recomposition du gouvernement et des cabinets, les hypothèses restent en suspens.

Et si le programme d’En Marche ! était mis en oeuvre ?

Ciriec France, de son côté, fournit un important travail de synthèse des différents éléments du programme de campagne d’Emmanuel Macron. Cet organisme de recherche, doté d’une mission d’information et de défense de l’économie publique, sociale et coopérative, fait ressortir les points-clés qui devraient logiquement être mis en oeuvre par le nouveau président de la République. Durant la campagne d’En Marche ! l’économie sociale et solidaire (ESS) a été présentée comme « un atout pour faire réussir notre pays, […] elle ancre dans le réel les valeurs républicaines ». L’engagement a été pris de « donner aux entreprises de l’ESS les moyens de consolider leurs modèles, d’accélérer leur développement, de faciliter les coopérations, y compris avec les entreprises “classiques” et de renforcer leur capacité d’innovation. » La nécessité de « relancer un agenda européen pour l’ESS, pour assurer une reconnaissance mutuelle des entreprises de l’ESS dans l’Union », a été soulignée, tout comme la nécessité de « développer l’information, la sensibilisation des jeunes à l’ESS dans leur parcours scolaire, […] intégrer l’enseignement de l’ESS aux enseignements de l’économie ».

Et Ciriec France de rappeler quelques-unes des différentes mesures annoncées pour « demain » durant la campagne : un « Social BusinESS Act », promis pour « rassembler l’ensemble des mesures d’ordre fiscal, règlementaire et législatif permettant d’accélérer la performance économique et l’impact social et environnemental des entreprises de l’ESS, quel que soit leur statut ». Une mesure pour faciliter l’accès à la commande publique de l’ESS avec l’attribution à chaque ministère, d’ici 2022, d’objectifs ambitieux en matière de recours à de la main-d’oeuvre en insertion, d’achats d’énergies renouvelables ou de produits en circuits courts et de sous-traitance avec les entreprises agréées ESUS (Entreprise solidaire d’utilité sociale). Egalement promis, les Joint-Venture Sociales, nouvelles structures détenues à majorité par des associations pour garantir leur but non lucratif, et fondées sur une collaboration entre association et entreprise ; le développement des entreprises coopératives « comme un modèle alternatif » ; le soutien au modèle associatif pour « donner aux associations les moyens d’assurer le développement de leurs projets » ; le soutien aux PTCE ; l’encouragement de la finance solidaire…

Un portrait-robot des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE)

Le labo de l’ESS, think tank associatif, publie une enquête d’analyse quantitative et qualitative des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE). Apparus dans les années 2000, ces regroupements associent sur un même territoire des entreprises de l’ESS à des collectivités territoriales, des centres de recherche ou d’enseignement, différents acteurs, afin qu’ils puissent mener à bien des projets économiques et sociaux innovants grâce à une stratégie commune de mutualisation et de coopération. Où en est-on aujourd’hui ? L’enquête porte sur un échantillon de 24 PTCE, parmi les 160 que compte le territoire français (ces 24 PTCE représentant 187 structures membres), et permet de dresser un portrait-robot du PTCE. Premier élément d’analyse, 79 % des PTCE sont situés à un échelon infra départemental. Le PTCE est donc une structure ancrée sur un territoire local et de grande proximité avec ses interlocuteurs.

Le PTCE est souvent organisé autour d’une filière-pivot unique ou largement dominante (46 % des PTCE). Au sein des PTCE, le statut associatif est le plus représenté (57 % des 187 structures), suivi (de loin) par les SARL (9 %), les SCIC (8 %), les coopératives (3 %). Enfin, chaque structure emploie en moyenne l’équivalent de 19 salariés à temps plein, dont 10 % du temps est investi dans les activités d’animation et de coordination du PTCE. Quant aux 115 structures qui ont répondu à la question de leurs ressources financières, il s’avère que celles-ci, cumulées, s’élevaient à 111 millions d’euros, dont 60 % de chiffre d’affaires, et 18.5 % d’aides privées ou publiques. D’où ce point souligné par le rapport : le PTCE est une des plus belles innovations sociales des dernières années, mais il s’agit également d’une innovation fragile, qui reste à accompagner et à consolider.

La finance solidaire en bonne santé

Selon les chiffres du 15e baromètre de la finance solidaire, publié par La Croix et l’association Finansol, la quantité d’argent investie dans les produits d’épargne solidaire au 31 décembre 2016 s’élevait à 9,8 milliards d’euros, un chiffre en hausse de 15,5 % sur un an. Cet encours total de près de 10 milliards d’euros a permis de générer 280 millions d’euros de financement solidaire qui ont appuyé la création et le développement d’associations et d’entreprises utiles à la collectivité (49 000 emplois ont été créés ou consolidés, 5 500 personnes à faibles ressources ont été logées, etc...). Autre caractéristique de cette finance solidaire : elle accompagne des structures jeunes. Parmi les 1 200 entreprises financées en 2016, 50 % avait moins de trois ans, et 25 % moins d’une année d’existence.

Parallèlement, le baromètre pointe que « seulement » 196 000 produits d’épargne solidaire ont été souscrits en 2016, ce qui est inférieur aux souscriptions de l’an dernier. Quant aux sommes déposées sur ces placements, elles s’élèvent à 1,3 milliard d’euros contre 1,6 milliard en 2015. Autrement dit, le stock d’épargne solidaire est en hausse, mais le mouvement de souscription s’est quelque peu tassé. Une tendance qui pourrait bien s’inverser si Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, met correctement en oeuvre la transformation du Livret développement durable (LDD) en Livret développement durable et solidaire (LDDS). Prévue par la Loi Sapin 2, le LDDS offrirait ainsi la possibilité aux épargnants de consacrer, chaque année, une partie de leur épargne soit à une structure de l’ESS, soit à une structure de financement ou de crédit du secteur.

Les associations

Le paysage associatif contemporain

Avec plus d’un million d’associations qui emploient 1,8 million de personnes (8 % de l’emploi salarié), et des ressources financières estimées à 94 milliards d’euros, le secteur associatif fait face à de nouveaux défis : baisse des subventions publiques ; concurrence du secteur privé lucratif ; évolution des besoins sociaux ; du profil des bénévoles… Le Mouvement associatif (qui réunit 600 000 associations) et l’union des employeurs de l’ESS (Udes) ont chargé le cabinet d’audit KPMG de mener une étude.

Premier constat : plus de 400 000 associations ont été créées ces six dernières années. Ce qui les place, entre elles, dans une situation de concurrence car les financements sous forme de subventions publiques ont diminué en six ans de 17 %, soit une baisse annuelle moyenne de 3 %. Dans le même temps, les commandes publiques ont augmenté à un rythme très rapide : + 73 % entre 2005 et 2011 (soit + 10 % en moyenne annuelle). Cette évolution entraîne le risque de voir l’action associative se « standardiser » et l’initiative associative « étouffée », puisque c’est la puissance publique qui choisit le cadre et les règles dans lesquelles les associations doivent s’inscrire.

L’étude avance sept propositions, dont la transformation du crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de charges accessibles aux associations employeuses. L’étude propose aussi de « valoriser les actifs immatériels des associations (bénévolat, impact social, innovation sociale) », de façon à consolider leurs fonds propres et leur permettre d’avoir un accès plus facile à certains types de financements comme les emprunts bancaires. KPMG préconise aussi de « favoriser le financement de l’innovation sociale, à travers un crédit impôt recherche dédié à la recherche et développement (R&D) associative ». Autre axe : simplifier le processus de reconnaissance de l’intérêt général par l’administration, afin que les associations puissent émettre un reçu fiscal pour les dons.

Des subventions pour les ressourceries

L’association Envie, et son réseau de cinquante entreprises d’insertion, arrive à Paris afin d’aider les Parisiens à réparer leurs appareils électroménagers. Ce crédo double est le sien depuis trente ans : promouvoir l’insertion des publics loin de l’emploi, et promouvoir l’économie circulaire. Considérée comme la petite soeur d’Emmaüs, l’organisation cherchait un bâtiment depuis deux ans. Grâce à une subvention de 800 000 euros du Conseil de Paris, elle va pouvoir construire un « laboratoire de l’économie circulaire » dans la rue Julien-Lacroix, dans le XXe arrondissement. Cette construction en bois respectera les critères de l’économie circulaire pour sa construction, et sera dédiée à la promotion du réemploi et de la réparation, aussi bien d’appareils électroménagers que d’autres biens favorisant une consommation respectueuse de l’environnement, et socialement justes. A ce jour, la capitale compte déjà onze lieux de collecte d’objets inutilisés. Une douzième ressourcerie, dont la gestion sera assurée par l’association 1 000 collectes, est en cours d’ouverture dans le XVIIe arrondissement, ce qui constitue une première pour l’Ouest parisien. Quant à l’association Du bleu dans les yeux, elle ouvrira les portes de sa ressourcerie dans le XXe arrondissement courant 2017. La mairie de Paris a pour objectif d’arriver à vingt lieux solidaires et associatifs de ce type d’ici 2020, et a débloqué à cette fin 140 000 euros.

Quelle différence entre une association et une entreprise sociale ?

A la suite de la saisine de l’ancien ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Patrick Kanner, le Haut Conseil à la vie associative (HCVA), a engagé une réflexion sur la place de l’entrepreneuriat social aux côtés du secteur associatif. Quelle différence entre une association et une entreprise sociale ? Le premier constat est celui de l’absence de statut juridique de l’entreprise sociale : il s’agit davantage d’un mode de fonctionnement privilégiant l’individu et le leadership, quand l’association privilégie le fonctionnement collectif. Par ailleurs, lorsque l’entrepreneuriat social revêt la forme de sociétés commerciales, celles-ci sont conduites à faire des choix de gestion qui peuvent privilégier la rentabilité, tandis que les spécificités associatives, que François Bloch-Lainé appelait « les spécificités méritoires », reposent sur le pouvoir partagé, un patrimoine inaliénable, des activités mettant en avant l’attention à la personne avant la rentabilité.

Au terme de ces constats, le HCVA s’interroge pour savoir si, au niveau macro-économique, l’une et l’autre approche sont susceptibles de produire les mêmes résultats (le même « impact social »), et constate que le modèle de l’entrepreneuriat social délaisse au secteur associatif les activités les moins rentables. Conclusion à l’issue de ces premiers travaux (à poursuivre et approfondir) : les associations et les entreprises sociales ont chacune un rôle à jouer dans la mise en oeuvre d’actions au service de l’intérêt général. Il est nécessaire de reconnaître la place et les spécificités de chacune, pour faire vivre la complémentarité de ces différentes structures assure le HCVA.

Bizh, une nouvelle monnaie locale associative

Bizh est de l’argent qui pourra s’utiliser dans les trente-quatre communes du territoire Golfe du Morbihan – Vannes agglomération. Mise en circulation par l’association MLK-Gwened, cette monnaie locale citoyenne (MLC) veut accompagner une relocalisation de l’économie, favoriser les liens entre acteurs locaux et construire démocratiquement une société solidaire. L’association, collégiale, regroupe des consommateurs, professionnels et partenaires. Notons que pour utiliser la monnaie locale, il est nécessaire d’être adhérent à l’association où les décisions sont prises, par consentement, tous les quatrièmes lundis du mois.

Il existe une quarantaine de monnaies locales en France, toutes portées par des associations, celle de Paris étant en projet, avec pour nom La Seine. Créées pour une zone géographique limitée, reconnues par la loi ESS de 2014 et fonctionnant en complément de l’euro, elles peuvent prendre différentes formes : coupons, billets sécurisés, format électronique (ce dernier format nécessitant un agrément). Le principe est le suivant : un adhérent échange une quantité d’euros contre une quantité équivalente de MLC sur la base d’1 € = 1 MLC, auprès d’une association porteuse ou d’un comptoir d’échange de proximité. Une MLC ne peut faire l’objet de spéculation. Son but principal ? Dynamiser l’économie locale en défendant les principes de l’économie sociale et solidaire. La monnaie locale stimule un circuit court entre les producteurs et utilisateurs et réduit l’empreinte carbone ; fidélise l’échange et crée du lien entre les acteurs sur le long terme ; circule dans l’économie « réelle » du territoire de vie quatre fois plus vite que l’euro…

Lisa Telfizian

La coopération

La Journée de la coopération

Le 1er juillet 2017 s’est tenue la Journée internationale des coopératives, instituée par l’Alliance coopérative internationale (ACI) en 1995, à l’occasion de son centième anniversaire. A cette occasion, l’ACI proposait aux coopératives de s’engager, sur la plateforme Coopsfor2030.coop, à participer à la mise en oeuvre des objectifs de développement durable (ODD), définis par l’ONU en septembre 2015. La journée 2017 étant placée sous le thème de l’inclusion, l’ACI a adressé un message à l’ensemble des coopérateurs rappelant que « l’inégalité des revenus est en pleine croissance partout dans le monde » et que « des solutions existent pour la réduire […]. Au-delà de la structure non-discriminatoire de la coopérative elle-même, les coopératives favorisent également l’égalité de l’environnement externe, par le biais du septième principe : engagement envers la communauté ».

Les supermarchés participatifs : retour aux sources de la coopération de consommation ?

Dans le sillage du supermarché participatif La Louve, devenu en quelques mois une institution sociale et conviviale du XVIIIe arrondissement de Paris, d’autres projets de magasins coopératifs ont fleuri dans une vingtaine de villes françaises : à Bordeaux (Supercoop), Bayonne (Otsokop), Nantes (Scopéli), Toulouse (La Chouette Coop), Montpellier (La Cagette), Grasse (La Meute), Grenoble (L’Eléfàn), au printemps dernier SuperQuinquin a ouvert dans un quartier populaire de Lille.

Fondée par deux Américains sur le modèle de la Park Slope Food Coop de Brooklyn, créée en 1973, La Louve et ses petits n’en fonctionnent pas moins selon un principe éprouvé dans les coopératives de consommation du xixe siècle : participation financière et physique de l’adhérent, bénévolat permettant d’alléger le coût de la marchandise. A SuperQuinquin comme à La Louve, chaque client-coopérateur consacre tous les mois trois heures à la coopérative. Toutes les décisions sont prises en assemblée générale. S’y ajoutent les préoccupations environnementales propres au xxie siècle : qualité biologique des produits, approvisionnement sur le marché local, circuits courts.

La formule du supermarché coopératif, si elle vient à se développer, pourrait donc renouveler le mouvement des coopératives de consommation entrées en crise au tournant des années 1980, faute d’avoir pu soutenir la concurrence des hypermarchés. L’histoire des organisations de l’économie sociale est ainsi émaillée de ce va-et-vient entre l’enthousiasme militant des débuts, le glissement vers une banalisation mortifère, et la re-création de structures sur la base d’une pureté doctrinale déclarée intangible. L’étonnement de l’historien est de constater qu’à chaque nouvelle fondation, acteurs et observateurs croient découvrir la lune, comme si la mémoire des pratiques antérieures avait disparu et que les leçons du passé n’étaient jamais tirées. Nul doute que l’histoire des familles coopératives reste insuffisamment connue et enseignée, et que les responsables devraient s’en préoccuper.

Les coopérateurs interpellent le nouveau président de la République

En transmettant leurs félicitations d’usage au président Emmanuel Macron, les familles coopératives ont pris soin de souligner leur contribution « au dynamisme économique et à la cohésion sociale et territoriale », selon les mots de Jean-Louis Bancel. Le président de Coop FR, par ailleurs nouvellement élu à la tête de Cooperatives Europe, a précisé que « le mouvement coopératif est prêt à présenter au président de la République ses propositions afin de contribuer à la réflexion sur les moyens et solutions à mettre en oeuvre pour renforcer la capacité des entreprises à répondre aux défis économiques, sociétaux et environnementaux que doit relever la France ».

Habicoop, fédération française des coopératives d’habitants, a saisi l’occasion pour signaler que, depuis la parution en 2015 de la loi Alur octroyant un statut à l’habitat participatif et aux coopératives d’habitants, certains décrets d’application n’ont toujours pas été publiés et la mise en place des prêts aidés a pris du retard. La coopération d’habitation exprime donc son attente d’une concrétisation de l’engagement de l’Etat… sur un mode plus véloce.

Les coopératives agricoles ont pu se réjouir de l’échec de Marine Le Pen qui promettait une sortie de la politique agricole commune (PAC). Elles n’en ont pas moins rappelé au nouveau président de la République les défis à relever dans un contexte de profond malaise du monde rural : mettre en place une logique de réussite des territoires, de conquête des marchés et de création de valeur, de transitions (révolution numérique, changement climatique, ubérisation de l’économie), de relance du projet européen pour « une politique agricole commune forte, ambitieuse et pragmatique. »

Renforcement des liens inter-coopératifs sectoriels

La Fédération française des coopératives et groupements d’artisans (FFCGA), fondée en 1978, rassemble actuellement 437 sociétés coopératives artisanales. A l’occasion de son assemblée générale, qui a eu lieu en avril dernier à Paris, les artisans coopérateurs ont décidé de renforcer leurs liens ainsi que leur identité coopérative commune. Diverses actions de communication ont été engagées et un Observatoire de la coopération artisanale a été créé afin de doter le secteur de statistiques fiables.

Par ailleurs, en mai dernier se tenait à Bordeaux la rencontre nationale entre les coopératives d’activité et d’emploi (CAE) des deux réseaux, Copéa et Coopérer pour entreprendre. Copéa, fondé en 2001 dans la région Rhône-Alpes, regroupe une trentaine de CAE réparties sur le territoire métropolitain et en outre-mer. Coopérer pour entreprendre, créée en 1999, compte aujourd’hui soixante-quatorze CAE. Ces deux réseaux ont participé à l’élaboration des articles 47 et 48 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire d’août 2014, qui a consacré la naissance officielle des coopératives d’activité et d’emploi. Cette rencontre est une nouvelle étape dans un processus de rapprochement entre les deux réseaux.

Les mutuelles

Les mutuelles de santé dans l’expectative

Le résultat de l’élection présidentielle était très attendu par la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) qui, avant le second tour, avait appelé officiellement à faire barrage au Front national. Dès lors, à quoi les mutuelles de santé doivent-elles s’attendre au long de ce quinquennat ? Comme tous les autres candidats, Emmanuel Macron a promis de prendre des mesures propres à améliorer la couverture santé des Français. Il préconise notamment une augmentation progressive des remboursements des lunettes et des prothèses dentaires et auditives, jusqu’à parvenir à une prise en charge à 100 %, grâce à des négociations entre l’assurance maladie obligatoire (AMO) et l’assurance maladie complémentaire (AMC). Selon Thierry Beaudet, président de la FNMF, il conviendrait plutôt d’agir en amont sur les prix des équipements (notamment des prothèses) avant de contraindre les organismes complémentaires à rembourser davantage.

Quel impact aura l’élection présidentielle sur les mutuelles de santé ?

Le programme gouvernemental prévoit une modification du régime obligatoire par une augmentation et une extension de la contribution sociale généralisée (CSG) visant à compenser la baisse des cotisations sociales. Concernant l’équilibre financier des assurances complémentaires, mobilisées pour réduire les restes à charge sans augmenter les cotisations, le président de la République parie sur une intensification de la concurrence fondée sur une plus grande transparence des tarifs. En somme, la nouvelle politique gouvernementale à l’égard des mutuelles semble s’inscrire dans la continuité paradoxale de ces dix dernières années : mélange d’inspiration libérale quant aux solutions préconisées et d’ingérence dans le fonctionnement d’organismes indépendants auxquels on applique indistinctement le même traitement, qu’ils soient ou non à but lucratif.

Dans le programme du candidat d’En Marche ! figurait également la suppression des mutuelles étudiantes afin de les intégrer au régime général de la sécurité sociale. Cette décision visant à assurer une meilleure protection sociale aux étudiants se fonde sur les scandales financiers qui ont émaillé l’actualité des mutuelles étudiantes depuis l’affaire de la MNEF en 1998. La LMDE, qui a remplacé la MNEF, n’est jamais parvenue à un équilibre financier. Il appartiendra donc à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, de mettre en oeuvre ce programme présidentiel.

Bientôt, un nouveau Code de la mutualité

L’ordonnance portant modification du Code de la mutualité a été publiée au Journal officiel du 5 mai 2017, en application de l’article 48 de la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Le gouvernement dispose de cinq mois à compter de la publication pour déposer un projet de loi de ratification devant le Parlement. Le code actuel avait été adopté en 2001, afin d’entériner la mise en conformité des organismes mutualistes français avec les directives assurances européennes. La rénovation du cadre juridique est souhaitée par la mutualité, qui a dû s’adapter ces dernières années à de nouvelles contraintes (mise en place de l’accord national interprofessionnel [ANI], entrée en vigueur de la directive Solvabilité II…).

Lutter contre le renoncement aux soins

Invalidant le discours abusif sur la consommation excessive de soins par les assurés, le phénomène du renoncement aux soins est en augmentation, non seulement dans les catégories défavorisées, mais aussi chez les salariés les plus modestes, les jeunes et les petits retraités : un assuré sur quatre serait concerné, selon un sondage réalisé dans dix-huit caisses primaires d’assurance maladie (CPAM). Un dispositif de repérage des personnes vulnérables a été mis en place par certaines CPAM en partenariat avec la mutualité. Expérimenté avec succès en Languedoc-Roussillon, il va être progressivement étendu à l’ensemble du territoire.

Les mutuelles communales : ombres et lumières

Les mutuelles communales fleurissent actuellement dans diverses localités de toutes tailles situées dans des territoires touchés par les difficultés économiques et sociales. Dernière en date : Arras, préfecture du Pas-de-Calais. Ces initiatives émanent généralement de conseils municipaux soucieux de proposer une couverture sociale à des personnes qui n’ont pas les moyens de souscrire un contrat auprès d’une mutuelle.

Les médias tendent à les présenter comme des formules innovantes, alors qu’elles rappellent l’entreprise de mutualisation du Second Empire qui s’appuyait sur la faculté des édiles à mobiliser et convaincre leurs administrés à adhérer à une société de secours mutuels communale. Certaines relèvent d’une éthique authentiquement mutualiste comme celles labellisées Mamutuelledevillage, marque déposée par l’Association diversité proximité mutualiste (ADPM) [1].

Cependant, selon un article du Monde daté du 19 mai 2017, il convient de rester vigilant quant au risque d’instrumentalisation politique de ces dispositifs. Le journal a ainsi enquêté sur l’origine de la marque La Mutuelle communale déposée par un militant frontiste qui essaime dans les communes gérées par le Front national.

Dénuées d’arrière-pensée propagandiste, les mutuelles communales peuvent certes présenter une utilité sociale immédiate et ciblée, mais elles ne constituent pas une réponse généralisable aux insuffisances du système de protection sociale. En outre, le terme « mutuelle » apparaît impropre à définir certains de ces dispositifs relevant d’une entente entre un conseil municipal et un assureur pas nécessairement mutualiste pour proposer des contrats à des adhérents dépourvus des pouvoirs conférés à des sociétaires. Il y a là un flou juridique à éclaircir.

Les mutuelles d’assurance assurément dynamiques

La Fédération internationale des coopératives et mutuelles d’assurance (Icmif) a publié son étude annuelle intitulée « Global Mutual Market Share » sur la place de ces organismes dans le marché de l’assurance. Fondé sur les données de l’année 2015, le rapport confirme la bonne santé financière du modèle coopératif et mutualiste, dont les parts de marché mondial sont passées de 23,8 % en 2007 à 27,3 % en 2014. En Europe, les mutuelles d’assurance représentent 31,2 % du marché de l’assurance, derrière l’Amérique du Nord (36,2 %).

A l’intérieur du marché européen, la France occupe la troisième place du podium (49,7 %), derrière l’Autriche (60,5 %) et les Pays-Bas (53 %). L’intégralité des données est consultable sur le site de l’Icmif, Icmif.org.

Parmi ses 287 adhérents l’Icmif compte l’Association des coopérateurs mutualistes et coopérateurs en Europe (Amice) et l’Association des assureurs mutualistes (AAM).

L’AAM a été créée en mai 2016 afin de porter les spécificités mutualistes au sein de la Fédération Française de l’assurance (FFA), née en juillet 2016 du regroupement de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) et du Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (Gema). Pascal Demurger, directeur général de la Maif et président du Gema, a été élu à la tête de l’AAM.

Patricia Toucas-Truyen