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L’économie sociale dans les archives socialistes
Fondé en 1969 par Guy Mollet, l’Office universitaire de recherche socialiste (Ours) se présente comme un centre de recherches théoriques et historiques. Sa bibliothèque est généralement fréquentée par les spécialistes de l’histoire du Parti socialiste-SFIO, dont elle possède l’essentiel des archives pour la période 1944-1969. Elle est moins connue des historiens de l’économie sociale, bien que certains fonds d’archives présentent un intérêt certain, notamment sur l’évolution de l’appréhension du fait coopératif par les dirigeants socialistes.
Les archives de l’ESS à l’Ours
A tout seigneur, tout honneur : les archives du Parti socialiste comportent des textes de projets, de programmes, de propositions et de motions des socialistes relatifs à l’économie sociale [1]. Ce thème peut également apparaître dans les articles de La revue socialiste mensuelle publiée de 1946 à 1973.
La coopération socialiste est représentée par le Bulletin mensuel de la Fédération des coopératives de la région Nord (1902-1910) et le Bulletin de la Confédération des coopératives socialistes et ouvrières de consommation (1911-1912).
Le fonds d’archives Maurice Deixonne (cote 1 APO 61 à 70) concerne la Fédération nationale Léo-Lagrange (1950-1986). Maurice Deixonne a été président de celle-ci de 1950 à 1976. Les cartons conservés à l’Ours contiennent des statuts, des circulaires, des comptes rendus d’activité, des procès-verbaux de réunions, des dossiers de congrès, une correspondance.
Des dossiers sur la fédération Léo-Lagrange se trouvent également dans le fonds Albert Gazier, socialiste, syndicaliste, député et ministre (65 APO 19). Ce même fonds contient divers documents sur le Centre international de recherche et d’information sur l’économie publique, sociale et coopérative (Ciriec) entre 1958 et 1994 (cote 65 APO 17).
Les archives du député socialiste et franc-maçon André Lebey (1914-1919) comprennent une correspondance avec des membres de la loge « L’économie sociale » avant la Première Guerre mondiale.
Le fonds Jacques Moreau
Jacques Moreau (1927-2004), proche de Michel Rocard, était un expert des questions économiques et financières et, surtout, en matière d’économie sociale. Il a notamment été président du Groupement national de la coopération (GNC) de 1984 à 1998 et président du Crédit coopératif (1992-2003). Ses archives personnelles sont en consultation libre, sous la cote 91 APO. En 91 APO 17, le dossier numéro 7 concerne plus particulièrement l’économie sociale entre 1976 et 1978. Il renferme diverses notes de Jacques Moreau, de Claude Alphandéry, de Michel Rocard et de Lucien Pfeiffer sur le rôle des banques coopératives et sur la constitution d’un groupe économie sociale au Parti socialiste en juin 1977. L’inventaire du fonds Jacques Moreau, en cours de classement, devrait prochainement être mis en ligne.
Parmi les illustrations, signalons la caricature d’Adéodat Compère-Morel (1872-1941), auteur de l’Encyclopédie socialiste, syndicale et coopérative de l’Internationale ouvrière, publiée en 1912. Elle est parue dans Le Cri populaire socialisme, syndicalisme, coopération, n° 629, du 15 juin 1930, organe de la fédération socialiste de la Gironde, à l’occasion du XXVIIe congrès national du Parti socialiste-SFIO, qui se tenait à Bordeaux.
Le fonds Paul Ramadier aux archives départementales de l’Aveyron
Les archives départementales de l’Aveyron [2] conservent celles de Paul Ramadier (1888-1961). Parallèlement à sa carrière politique au sein de l’Etat, ce socialiste modéré a été élu à maintes reprises dans l’Aveyron entre 1919 et 1959. Il y contribua notamment à l’organisation du mouvement coopératif avant la Première Guerre mondiale. Premier président du Conseil de la IVe République en janvier 1947, il fut l’artisan de la loi du 10 septembre 1947 portant « statut général de la coopération ».
Classé sous la cote 52J, le fonds a fait l’objet d’une présentation détaillée par Thierry Pelat dans un appendice à l’ouvrage Paul Ramadier, la République et le socialisme (Serge Berstein [dir.], Editions Complexe, 1990). On y trouve de nombreux documents relatifs à la coopération : jurisprudence en matière coopérative (1867-1928), procès-verbaux et rapports du Conseil économique du travail – où Ramadier a été délégué de la Fédération nationale des coopératives de consommateurs (FNCC ; 1919-1920) –, archives de l’Union des coopérateurs du Rouergue (1903-1960), comptes rendus d’assemblées du Conseil supérieur de la coopération (1931-1955), comptes rendus de divers organismes coopératifs (1925-1955), rapports et projets de lois sur la coopération (1932, 1946), procès-verbaux de réunions de l’ACI (1946, 1960, 1961), rapports et bilans de la Banque des coopératives de France (1923, 1925, 1927), rapports et procès-verbaux de la FNCC (1946-1959), plusieurs collectives de revues coopératives, dont la Revue des études coopératives (première appellation de la Recma) de 1921 à 1960.
Cette liste ne donne qu’un aperçu des documents susceptibles d’intéresser les historiens de l’économie sociale. En revanche, il semble que la préparation de la fameuse loi de 1947 sur la coopération n’ait guère laissé de traces dans les archives personnelles de Paul Ramadier.
Patricia Toucas-Truyen
Panorama sectoriel et top 100 des entreprises coopératives 2014
CoopFR a présenté, fin janvier, l’édition 2014 du Panorama sectoriel et top 100 des entreprises coopératives [3]. La publication de ces données par l’organisation représentative du mouvement coopératif français atteste de la vitalité d’un modèle entrepreneurial qui poursuit son développement dans un contexte de crise. Piliers de l’économie française et acteurs majeur de l’ESS, les entreprises coopératives confirment en 2014, chiffres à l’appui, la place incontournable qu’elles occupent dans le cadre du projet de loi en discussion au Parlement.
Création d’emplois
Le poids socioéconomique des entreprises coopératives, qui totalisent plus de 23 000 sociétés et 1,07 million de salariés, en fait l’un des acteurs majeurs de l’économie nationale. Plaçant l’efficacité économique au service de l’intérêt général, ces sociétés affirment leur contribution au maintien de l’emploi (4,5 % en 2012, 4,4 % en 2010 et 4,2 % en 2008). Avec un chiffre d’affaires cumulé de plus de 298 milliards d’euros, en hausse de 10 milliards par rapport à l’année 2010, elles confortent en outre leur vitalité, surfant sur une croissance régulière depuis dix ans. Cette performance dans un contexte de crise vient étayer le projet de loi en cours sur l’économie sociale et solidaire et contribue à la reconnaissance d’un modèle entrepreneurial conjugant les valeurs identitaires de démocratie, de solidarité et de proximité à celle de responsabilité sociale.
Croissance et ancrage territorial
Cette alliance de l’efficience et de l’utilité sociale trouve une résonnance particulièrement significative parmi les cent premières entreprises coopératives de France. Totalisant un chiffre d’affaires cumulé de plus de 228 milliards d’euros, elles affichent une progression de 17,4 % par rapport à l’édition précédente (188 milliards), tout en conservant un emploi stable (765 342 salariés). Fait notoire, 76 % de ces entreprises ont leur siège social en région et s’affirment, en qualité d’employeur majeur, acteurs du développement local en même temps que leaders sur leurs marchés. Performantes et fortement ancrées sur leur territoire, les coopératives contribuent à l’économie régionale et nationale du pays et se développent à l’international.
Leadership européen
Le secteur coopératif français affirme, en outre, son leadership européen, voire mondial dans de nombreux domaines. Premier en termes de nombre de coopérateurs, avec plus de 24 millions de membres (sociétaires et adhérents), devant l’Allemagne (20,5 millions) et l’Italie (13 millions), il caracole en tête de liste en matière d’effectifs salariés et de nombre d’entreprises au niveau européen. Les coopératives françaises sont aussi bien représentées au classement des trois cents plus grandes coopératives au monde (classement réalisé sur des données de 2012 par le World Co-operative Monitor), se positionnant comme leaders dans les secteurs de l’agriculture, du commerce et de la banque.
Chrystel Giraud-Dumaire, CoopFR
Coopérer dans les territoires : vingt-trois PTCE sélectionnés
Le gouvernement lançait, courant juillet 2013, un appel à projets doté de 3 millions d’euros sur trois ans, pour sélectionner les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), dans une perspective d’essaimage de ces inter-coopérations, en cohérence avec les politiques de cohésion sociale, de redressement productif, d’égalité des territoires et de la ville. La cérémonie d’annonce des vingt-trois lauréats, sur cent quatre-vingts candidatures, a eu lieu le 10 janvier 2014.
Diversité géographique et sectorielle
Défini comme un groupement d’acteurs sur un territoire, un PTCE met en oeuvre une stratégie commune et continue de coopération et de mutualisation au service de projets économiques innovants de développement local durable.
Ecologie industrielle, services à la personne, services aux entreprises, éco-construction, entrepreneuriat social, agriculture, numérique, restauration solidaire, musique… : autant de secteurs d’activité structurés par les PTCE dans quinze régions (Pôle Sud Aquitain ; Le Damier, en Auvergne ; La Coursive Boutaric, en Bourgogne ; Coopaxis, en région Centre ; Ardaines et Coopération industrielle et sociale pour le développement territorial [CIS-DT52], en Champagne-Ardenne ; les Gouttes d’or de la mode et du design, Appui, Coallia, Marmite d’Afrique, Taf et Maffe, la Verrière et le Phares, en Ile-de-France ; Clus’Ter Jura ; Florange e2i, écologie industrielle et insertion, en Lorraine ; Les Ateliers et La Serre, en Midi-Pyrénées ; Lille Métropôle solidaire, dans le Nord-Pas-de-Calais ; le pôle de gestion des déchets et de développement environnemental des Alpilles et le Comité d’expansion pour la région Paca ; la Maison de l’économie solidaire du pays de Bray, en Picardie ; le pôle régional des musiques actuelles, en Poitou-Charentes ; le Comité de bassin d’emploi du pays d’Ancenis, en Pays de la Loire ; le pôle Entrepreneurs solidaires du Centre Isère, Pôle Sud Archer, Culture et Coopération, en Rhône-Alpes).
Forte présence des collectivités
Le 28 février, le Réseau des collectivités territoriales pour l’économie solidaire (RTES), en partenariat avec Le Labo de l’ESS, Coorace, le Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale (CNCres) et le Mouvement pour l’économie solidaire (MES), rendait compte d’une étude sur « le rôle des collectivités dans les dynamiques de PTCE ». Les quarante-deux pôles étudiés regroupaient en moyenne une quinzaine d’entreprises, totalisant des chiffres d’affaires de plusieurs millions d’euros et plus de cent salariés. Les pôles d’animation et de coordination de ces projets apparaissent toutefois fragiles (deux équivalents temps plein en moyenne, pour un budget de fonctionnement médian annuel de 150 000 euros).
S’il existe une corrélation entre l’ancienneté des projets, le montant des budgets de fonctionnement des pôles et le nombre d’emplois permanents créés, les structures les plus anciennes ne sont pas forcément celles qui s’autofinancement le plus largement : 95 % des PTCE sont soutenus par leur région, 86 % par des intercommunalités, alors que les communes sont présentes dans 75 % des projets (aides foncières et immobilières), et les départements, qui interviennent directement en soutien aux activités d’insertion, dans 66 % des pôles. En moyenne, deux collectivités sont donc impliquées par projet, à hauteur de 25 000 euros chacune.
Exemple des Ateliers à Castres
Le projet Les Ateliers est en cours de construction depuis trois ans au sein d’une friche industrielle de 4 000 mètres carrés à Castres. Parmi les entrepreneurs concernés, l’association de paysans entrepreneurs les « Paysans de l’atelier », qui comptent aujourd’hui treize membres originaires de diverses localités de la région, travaille à l’ouverture d’un magasin de producteurs au rez-de-chaussée du bâtiment, avec des produits uniquement fabriqués par des agriculteurs tarnais : produits laitiers, fruits et légumes, conserves, viandes et produits bio. L’ensemble des acteurs du projet devrait assurer une permanence pour faire fonctionner ce nouveau lieu de commercialisation. A l’étage, des restaurateurs proposeront une carte conçue exclusivement à partir des produits du magasin.
PTCE et ESS
Sans surprise, les PTCE émergent là où les acteurs travaillent depuis longtemps de manière transversale, à l’échelle d’un quartier, d’une commune ou d’une intercommunalité, soulignant ainsi les limites des traditionnelles sectorisations (transport, culture, emploi, etc.) à l’oeuvre dans les politiques publiques. Ils posent la question de l’appartenance à l’économie sociale et solidaire. Certains acteurs ne souhaitent en effet pas se revendiquer de l’ESS, alors que d’autres font de cet affichage une quasi-condition de reconnaissance des PTCE. Le projet de loi-cadre ESS, annoncé à l’Assemblée nationale fin avril après une première lecture au Sénat en novembre, propose (article 5 du titre 3 du projet de loi n° 1536) la définition suivante des PTCE : « Les pôles territoriaux de coopération économique sont constitués par le regroupement sur un même territoire d’entreprises de l’économie sociale et solidaire au sens de l’article 1er de la présente loi [coopératives, mutuelles, associations], qui s’associent à des entreprises, en lien avec des collectivités territoriales, des centres de recherche, des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, des organismes de formation ou toute autre personne physique ou morale pour mettre en oeuvre une stratégie commune et continue de mutualisation, de coopération ou de partenariat au service de projets économiques et sociaux innovants socialement ou technologiquement et porteurs d’un développement local durable ».
Jordane Legleye
Pour une recherche et un enseignement économiques pluralistes
Dans le numéro 328 de la Recma (avril 2013), nous relayons l’initiative de l’Association française d’économie politique (Afep) pour la création d’une soixante-dix-huitième section « Economie et société » au Conseil national des universités. Si le point peut sembler obscur, cette décision ministérielle est essentielle : elle fournirait les conditions institutionnelles pour l’existence d’un véritable pluralisme dans l’enseignement économique, préalable nécessaire à la reconnaissance des enseignements en économie sociale et solidaire.
L’ESS dans l’enseignement supérieur
A l’occasion de la semaine de la coopération à l’école (du 17 au 22 mars), l’Office central de la coopération à l’école (OCCE) et CoopFR ont actualisé le support de cours pour les lycées Les entreprises coopératives (lire « En bref » de ce numéro). Les acteurs se mobilisent donc pour introduire le fait coopératif dans l’enseignement primaire, secondaire et, même, supérieur. L’Association pour le développement de la documentation sur l’économie sociale (Addes) travaille ainsi à un guide « ESS », pour le compte de la Conférence permanente des universités (CPU), à destination des enseignants en économie et des étudiants.
Ces initiatives par en bas sont essentielles pour la reconnaissance du secteur, en témoigne la réapparition à la suite de la mobilisation des responsables de master de la mention « ESS » dans la nomenclature des masters, mais non des licences, alors qu’elle avait disparu d’un premier projet d’arrêté en octobre 2013 (arrêté du 4 février, www.recma.org/node/3879).
De la même manière, il faut saluer la toute récente signature (le 31 mars 2014) d’un accord-cadre de coopération entre le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le ministère délégué à l’ESS, la CPU, la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (Cedefi) et les acteurs du secteur (CoopFr, Conseil des entreprises, employeurs et groupements de l’économie sociale [Ceges], et L’Esper [L’Economie sociale partenaire de l’école de la République]). Il s’agit du pendant de l’accord signé le 13 juin 2013 [4] concernant l’enseignement économique et social dans le secondaire. L’accord-cadre sur le supérieur tend également à rapprocher l’ESS du monde de l’enseignement, avec la particularité d’insister sur les actions de formation tout au long de la vie, les formations en alternance et l’information des étudiants en matière d’insertion professionnelle.
Ces nécessaires appels à la « sensibilisation à des modèles économiques différents » ne changent toutefois rien au fait que pour le moment le Conseil national des universités, se prononçant sur la qualification, le recrutement et la carrière des enseignants-chercheurs, refuse de reconnaître académiquement une économie différente de celle qui est majoritairement enseignée aujourd’hui, en d’autres termes une discipline économique ouverte sur la société. C’est notamment le combat de l’Afep.
Economie politique et démocratie
Depuis sa création en septembre 2010, l’Association française d’économie politique, présidée par André Orléan, oeuvre à la reconnaissance du pluralisme en économie, positionnement qui a des implications très concrètes pour les enseignants-chercheurs. L’association recommande ainsi à ses membres siégeant dans les comités de sélection des maîtres de conférences (MCF) de défendre quelques principes, qui ne peuvent laisser indifférents les auteurs de la Recma : « La qualité des candidats doit être jugée en prenant en compte l’ensemble des travaux apparaissant dans le CV. En d’autres termes, la prise en compte des articles scientifiques publiés dans des revues à comité de lecture ne doit pas occulter les autres formes possibles de publication des travaux ou de valorisation de la recherche. Si les comités de sélection s’accordent sur la prise en compte d’une liste de revues, celle-ci devra être utilisée “à plat” (sans hiérarchie des revues). La liste Econlit peut être mobilisée à cet effet. La qualité d’un article ne peut se réduire à la réputation d’une revue, surtout quand cette réputation est construite sur la bibliométrie. Les membres des comités de sélection ne sauraient se satisfaire d’effectuer une simple addition de points obtenus par les différents candidats à partir de la lecture des CV. »
L’Afep dénonçait en octobre 2013 la composition de la Commission Hautcoeur, du nom de président de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Pierre-Cyrille Hautcoeur, mandaté par la ministre de l’Enseignement supérieur pour réfléchir à l’avenir de la science économique en France. La dite commission, théoriquement « représentative des différents courants de pensée », ne comprend en effet aucun économiste issu des principaux courants de l’hétérodoxie (conventionnaliste, régulationniste, marxiste, post-keynésien, socioéconomiste, etc.), même si une personnalité comme Philippe Frémeaux, sensible à l’ESS et à la Recma, y figure (lire « Varia », Recma, n° 328).
Le 13 mars 2014, l’association organisait donc à l’Assemblée nationale une réunion publique sur le thème « Une analyse factuelle de la fin programmée du pluralisme intellectuel en économie : quelles solutions ? ». Deux cents participants sont venus écouter et débattre avec André Orléan, Florence Jany-Catrice (Lille-1) et Olivier Favereau (Paris-X-Nanterre), manifestant ainsi tout l’intérêt de « redonner vie au pluralisme » dans l’enseignement et la recherche économique. Le succès de la manifestation laisse penser que la création d’une nouvelle section au CNU « est à portée de main », si la mobilisation se poursuit. L’association organise donc son IVe congrès, à Paris les 2 et 4 juillet, sur le thème « Economie politique et démocratie » : « La gestion de la crise européenne a fait apparaître combien l’expertise économique officielle se présente comme la seule légitime et à même de proposer des solutions, se substituant ainsi à la communauté politique et donc à la construction démocratique de l’intérêt général. Ajoutés aux politiques monétaires et budgétaires, ce sont tous les instruments par lesquels les décisions politiques orientent le développement économique d’un pays, l’innovation et la répartition des richesses qui passent désormais aux mains de présumés spécialistes » (www.recma.org/node/3996).
A l’occasion du remaniement ministériel intervenu début avril, Benoît Hamon, ministre délégué à l’ESS et à la Consommation, a quitté Bercy pour la rue de Grenelle. Gageons que la sensibilité du nouveau ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche favorise la reconnaissance académique de l’ESS, tout au moins d’une discipline économique pluraliste et ouverte sur la société.
Jordane Legleye
Les lauréats du Ve prix de la recherche coopérative organisé par le Crédit mutuel et la « Recma »
Stimuler la recherche en économie sociale en récompensant les travaux de masters qui portent sur les entreprises coopératives constitue depuis 2009 l’objectif du prix de la recherche coopérative organisé par le Crédit mutuel, en partenariat avec la Recma. Etienne Pflimlin, président d’honneur du Crédit mutuel, a remis les trois prix de cette cinquième édition le 17 mars [5].
Quels apports des Scic dans la gestion de l’eau ?
Le premier prix de la recherche coopérative a été remis à Jean Huet, pour son riche questionnement sur « les apports des sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic) dans la gestion de l’eau », qui articule biens communs, action publique et multisociétariat à l’échelon local, régional, national et européen. Un sujet on ne peut plus d’actualité, évoquant les difficultés de l’assimilation des Scic à la privatisation, au moment où la « remunicipalisation » de l’eau s’impose parfois dans le débat public. Avec ses rappels de l’expérience bolivienne de coopératives de l’eau, comme celles qui ont été expérimentées en Allemagne, l’auteur livre une riche réflexion sur la place de la délégation coopérative des services publics. A poursuivre, sans aucun doute.
Le conseiller-technicien à l’heure de l’agriculture écologiquement intensive
Le deuxième prix de la recherche coopérative récompense un autre sujet d’actualité. Il a été décerné à Marine Lietti, pour son mémoire « Le métier de conseiller-technicien à l’épreuve du développement de l’agriculture écologiquement intensive », fonction centrale dans la coopération agricole et dans sa volonté de « transition écologique ». Ce travail éclaire, à partir d’entretiens réalisés dans trois coopératives agricoles, les pratiques des conseillers (horizontales, extra coopératives), leurs formations et leurs intérêts financiers et citoyens à la mise en oeuvre d’une agriculture écologiquement intensive.
Territoire et légitimité des banques coopératives
Le troisième prix de la cinquième édition de la recherche coopérative, enfin, a été remis à Sébastien Le Foll, pour son étude sur les chargés de clientèle du Crédit mutuel Bretagne. La « reconquête de l’identité coopérative » de la banque passe aussi par le recrutement de profils certes très divers, mais motivés principalement par les « valeurs de démocratie, de proximité et de solidarité ». « De manière générale, le chargé de clientèle peut ainsi être considéré, même s’il ne connaît pas toujours la position de sa hiérarchie sur le sujet, comme un banquier-citoyen actif incarnant la proximité et les valeurs de sa banque auprès des clients ». Il est intéressant de constater l’attachement des salariés à leurs structures, perçues parfois comme un véritable service public.
Le prix de la recherche coopérative récompense donc cette année trois explorations de liens complexes entre la coopération et l’intérêt général, une recherche à poursuivre, assurément.
Jordane Legleye
Appendices
Notes
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[1]
12, cité Malhesherbes, 75009 Paris. Les chercheurs sont accueillis sur rendez-vous, du lundi au jeudi, de 13 heures à 17 h 30. Il est conseillé de préparer sa visite en consultant préalablement les inventaires en ligne sur le site www.lours.org. Tél. : 01 45 55 08 60. Mél. : info@lours.org.
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[2]
25, avenue Victor-Hugo, Rodez. Avant toute visite, il est recommandé de consulter http://archives.aveyron.fr.
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[3]
Téléchargeable sur http://www.entreprises.coop.
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[4]
Lire « Actualité », Recma, n° 329 et www.recma.org/node/3501.
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[5]
Les mémoires sont consultables sur www.recma.org/node/3980.