Abstracts
Résumé
Des défis lors de l’application de la recherche phénoménologique herméneutique avec des enfants vivant avec une affection persistent et créent des obstacles à leur inclusion dans la recherche. Ce faisant, l’objectif de l’article consiste à relever les implications méthodologiques inhérentes à la mise en oeuvre de cette recherche. À travers une revue méthodologique, nous avons identifié 13 études menées selon l’approche phénoménologique herméneutique réalisées avec cette population, résultant d’une recherche systématique effectuée à l’automne 2023. À la suite d’une sélection en parallèle et d’une évaluation de la rigueur de celles-ci, une analyse de contenu a été réalisée. Elle relève des implications méthodologiques de la phase du recrutement jusqu’à l’analyse des données, liées notamment à la construction d’un lien de confiance et d’un espace communicationnel inclusif. L’inclusion des enfants vivant avec une affection dans ces études implique l’actualisation de différentes stratégies adaptées.
Mots-clés :
- Approche phénoménologique herméneutique,
- méthodes qualitatives,
- recherche inclusive,
- affection médicale et trouble,
- enfant
Abstract
Challenges in the application of hermeneutic phenomenological research with children who are living with a disorder create obstacles to their inclusion in the research. The objective of this article is to determine the methodological implications related to the implementation of such research. Using a methodological review, we identified 13 studies conducted using the hermeneutic phenomenological approach with this population, resulting from a systematic search carried out in fall 2023. After parallel selection and an assessment of the rigour of the studies, a content analysis was performed. It revealed the methodological implications from the recruitment phase all the way to data analysis, particularly related to the creation of bonds of trust and an inclusive communication space. The inclusion of children living with a disorder in these studies involves the implementation of various adapted strategies.
Keywords:
- Hermeneutic phenomenological approach,
- qualitative methods,
- child,
- inclusive research,
- medical disease and disorder
Article body
Introduction
Au cours de la première partie du 20e siècle, la recherche en enfance s’oriente sur les mesures quantitatives ou sur l’appréhension du vécu des enfants explorée à partir du discours d’adultes (John, 2007; Kelly, 2007). À l’époque, la communauté scientifique perçoit les enfants[1] comme étant trop immatures pour comprendre leur propre réalité et incapables de communiquer l’essence de leurs expériences (Kirk, 2007). La recherche en enfance se concentre alors sur le rôle des enfants comme objets d’étude plutôt que sur leur statut de personnes à part entière (Greene & Hill, 2005). Elle est menée sur les enfants, plutôt qu’avec les enfants (Christensen & James, 2008). L’attribution de ce rôle aux enfants dans la recherche peut alors être considérée comme une forme d’oppression épistémique (Burns et al., 2018; Carnevale, 2020).
La place des enfants en recherche découle de la sociologie de l’enfance. À l’époque, la sociologie est fortement influencée par la psychologie du développement issue des théories de Piaget. Ces théories se concentrent sur ce que Piaget nomme la pensée enfantine, caractérisée par l’absence de logique et de normes morales. Le développement se définit alors comme une progression intellectuelle, allant de la pensée enfantine à la pensée complexe, mettant l’accent sur une succession de stades universels (Montangero et al., 2019). Les connaissances disponibles sur le développement des enfants se centrent alors sur les limites de leur pensée.
À la fin des années 1980, un nouveau courant de la sociologie de l’enfance émerge. Les théories de Piaget sont remises en question avec la venue du constructivisme social et du développement des droits des enfants qui a recadré leur statut social. La nouvelle perspective du développement des enfants s’ancre dans les contextes sociaux. Elle reconnaît que les enfants sont des individus à part entière, activement impliqués dans la compréhension et la création de leur univers social (Christensen & James, 2008). Elle reconnaît aussi que les enfants portent des perspectives uniques sur la façon dont le monde leur apparaît (Kirk, 2007). Notamment, cette reconnaissance s’appuie sur la Convention relative aux droits de l’enfant, un traité international adopté par l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1989. Ce traité énonce les droits essentiels des enfants, dont le droit des enfants à participer aux décisions qui les concernent, comme stipulé dans l’Article 12. Cette nouvelle sociologie influence alors les pratiques de la communauté scientifique impliquée dans la recherche à l’enfance.
Depuis la fin du 20e siècle, la communauté scientifique manifeste un intérêt grandissant pour aller à la rencontre des enfants. Elle invite de plus en plus activement les enfants à contribuer à la recherche les concernant. Plusieurs études donnant une place aux enfants émergent dans une variété de disciplines académiques, dont les sciences sociales, humaines et de la santé (Graham et al., 2015; Hunleth et al., 2022). De plus, plusieurs pays reconnaissent le droit de tous les enfants à participer activement à la recherche (John, 2007), par exemple via le Children Act au Royaume-Uni (2004). Désormais, la recherche avec les enfants ne se limite plus à une participation instrumentale, essentiellement basée sur des mesures quantitatives. Leurs perspectives et leurs expériences vécues sont estimées cruciales pour mieux saisir des phénomènes sociaux. Ces nouvelles perspectives ont contribué à accroître la recherche qualitative avec les enfants (Graham et al., 2015).
La phénoménologie herméneutique, une approche pour comprendre les expériences des enfants vivant avec une affection
Il est primordial d’écouter la voix des enfants vivant avec une affection[2] en recherche qualitative pour favoriser leur inclusion en tant que membres à part entière de la société (Lundy & McEvoy, 2012). En effet, les enfants vivant avec une affection représentent un groupe à risque d’être exclu dans la société en raison de leur statut social (Lindsay & McPherson, 2012). Selon un recensement mené au Québec en 2016, 16,4 % des enfants vivent avec une affection menant à une situation de handicap (Office des personnes handicapées du Québec, 2020). Lorsque ces enfants peuvent s’impliquer dans la recherche qualitative, offrant ainsi une occasion unique d’être écoutés, leur participation peut susciter des sentiments importants d’autodétermination et d’inclusion (Bailey et al., 2015; Carroll & Sixsmith, 2016).
Parmi les différentes approches de recherche qualitative, la phénoménologie herméneutique se montre pertinente pour écouter la voix des enfants vivant avec une affection. Cette approche permet d’interpréter de façon approfondie le sens de leurs expériences uniques (Kirova & Emme, 2006). Elle fait partie des approches qualitatives utilisées pour comprendre les expériences de différents groupes de personnes liées à divers phénomènes complexes, tel qu’elles sont vécues par ces dernières (Alsaigh & Coyne, 2021). D’ailleurs, cette approche de recherche prend de l’expansion en sciences de la santé (Norlyk & Harder, 2010; Ntebutse & Croyere, 2016). En effet, l’approche phénoménologique herméneutique peut permettre de comprendre le sens de situations particulières relatives à la santé des enfants, comme une expérience de soins. Pour parvenir à cette compréhension, l’analyse de leurs propos, de leurs silences et de leur langage corporel passe inévitablement par une démarche d’interprétation que cette approche rend possible (Carnevale, 2020). Cette démarche renvoie à l’engagement dans le cercle herméneutique, une analyse réflexive des données (Alsaigh & Coyne, 2021). Elle favorise un dialogue ouvert entre les connaissances préalables des analystes ainsi que les données verbales et non verbales des enfants (Bush et al., 2019). Cet état d’acceptation de soi et d’ouverture offre la possibilité d’une richesse d’interprétation des expériences vécues des enfants vivant avec une affection.
Impératif d’avancement des connaissances méthodologiques dans la recherche menée selon l’approche phénoménologique herméneutique
Les défis méthodologiques associés à la conduite d’une recherche menée selon l’approche phénoménologique herméneutique (appelée « recherche phénoménologique herméneutique » dans la suite du texte pour simplification) avec des enfants vivant avec une affection sont multiples. Premièrement, des défis sur le plan de l’accès à la population sont envisageables. En effet, des scientifiques notent que l’inclusion d’enfants en recherche qualitative est souvent limitée aux individus plus âgés et éloquents (Hunleth et al., 2022). Ce faisant, les équipes de recherche invitent moins souvent les enfants vivant avec une affection (par exemple, les enfants avec un diagnostic de trouble du langage) à participer dans la recherche (Bailey et al., 2015). Deuxièmement, des questions sont soulevées concernant les méthodes de collecte de données appropriées, compte tenu du rapport d’autorité entre les enfants et les adultes ainsi que des différences dans la manière dont les enfants communiquent (Bailey et al., 2015; John, 2007; Kirk, 2007). En effet, les adultes ne comprennent pas toujours les modes d’expression des enfants, notamment lorsque les enfants vivent avec une affection influençant leurs façons de communiquer (Sevón et al., 2023). Troisièmement, des incertitudes persistent sur la manière d’interpréter le sens de l’expérience vécue des enfants en raison des différences entre l’expérience du monde des enfants et des adultes (Kirk, 2007; Kirova & Emme, 2006).
Face à ces défis, réfléchir à des pistes sur la manière de mener une recherche phénoménologique herméneutique avec les enfants vivant avec une affection s’avère essentiel. Cependant, d’après notre consultation des écrits, aucune description des méthodes de recrutement, de collecte ou d’analyse des données visant à faciliter ce processus de recherche n’existe. Cette absence de discussion sur les méthodes crée des obstacles aux scientifiques novices qui tentent de modéliser une recherche ancrée dans une telle approche. Plus encore, elle peut les rebuter à s’y lancer. La recherche phénoménologique herméneutique avec les enfants doit être rendue plus explicite, conviviale et accessible pour les scientifiques qui s’y engagent (Alsaigh & Coyne, 2021).
Objectif
L’objectif de la recherche consiste à relever les implications méthodologiques de la phase empirique dans la recherche phénoménologique herméneutique avec des enfants vivant avec une affection. À partir de cet objectif, les questions de recherche sont les suivantes :
Quelles sont les préoccupations méthodologiques des équipes de recherche réalisant une recherche phénoménologique herméneutique avec des enfants vivant avec une affection?
Quelles sont les stratégies privilégiées par les équipes de recherche pour faire face à ces préoccupations?
Méthodes
Nous avons mené une revue méthodologique, telle que proposée par Mbuagbaw et son équipe (2020). La revue méthodologique implique l’analyse des méthodes utilisées dans des études publiées et non publiées. Elle s’inscrit dans le courant de la métarecherche, aussi appelée la recherche sur la recherche, qui s’est popularisée au cours des dernières années en réponse aux défis de la conduite de la recherche. La revue méthodologique peut éclairer sur les avancées méthodologiques en vue d’améliorer la recherche future, par exemple pour la rendre plus accessible, rigoureuse ou inclusive (Mbuagbaw et al., 2020). En concordance avec les recommandations du Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses (PRISMA; Page et al., 2021), nous avons publié le protocole complet de cette revue méthodologique sur PROSPERO (CRD42023480573).
Identification des articles
Les bases de données Academic Search Complete, APA PsycINFO, CINALH et ERIC (sur la plateforme EBSCOhost), ainsi que Google Scholar, ont été consultées pour identifier les études publiées pertinentes. La base de données ProQuest Dissertations & Theses Global a été consultée afin d’identifier les documents non publiés. Lors de la recherche bibliographique, les dates ont été limitées du 1er janvier 2010 au 10 novembre 2023 afin d’inclure des études reflétant la pratique contemporaine de la recherche qualitative. La stratégie de recherche (disponible sur demande) a été élaborée avec le soutien d’une bibliothécaire disciplinaire. Nous avons choisi les critères de sélection ci-dessous.
Population : Les études doivent être menées avec des enfants de moins de 18 ans, conformément à la définition de la Convention relative aux droits de l’enfant (ONU, 1989). Les enfants doivent présenter une affection reconnue par la Classification internationale des maladies (World Health Organization, 2019) ou par le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (American Psychiatric Association, 2022). Les enfants doivent constituer 100 % de l’échantillon. Les études s’intéressant à l’expérience des enfants menées par l’intermédiaire des parents ou d’autres adultes sont exclues.
Approche de recherche : Pour être incluses, les études doivent s’ancrer dans l’approche phénoménologique herméneutique. Elles doivent référer explicitement à cette approche et appliquer une méthode cohérente à celle-ci. Les études menées selon l’approche d’analyse phénoménologique interprétative ont été exclues. Celle-ci est considérée comme une approche distincte de la phénoménologie herméneutique en raison de leurs différences dans les fondements, les objectifs et les méthodes (van Manen, 2018).
Langue : Les documents doivent être rédigés en anglais ou en français, soit les langues comprises par les membres de notre équipe.
Type de documents : Les études disponibles dans des articles scientifiques ainsi que dans des documents non publiés (par exemple, des thèses) sont admissibles. Les actes de conférences sont exclus en raison du degré insuffisant de détails sur les méthodes.
Processus de sélection des articles
Dans notre équipe, la première autrice a consigné les documents identifiés dans le logiciel de gestion bibliographique EndNote 21.2. Ensuite, elle a entamé le processus de sélection des documents en éliminant les doublons, suivi de l’examen des titres et des résumés pour identifier les documents potentiellement pertinents. Par la suite, la première et la deuxième autrice ont lu indépendamment les documents identifiés afin d’évaluer leur admissibilité. Le taux d’accord interjuge était de 95,7 % pour la totalité des décisions pour l’admissibilité. En cas de désaccord, les deux autrices ont échangé pour parvenir à un consensus sur l’admissibilité du document.
Évaluation et extraction des données
Dans notre équipe, la première autrice a entrepris une évaluation de la qualité des études afin d’interpréter la contribution potentielle des études incluses à la revue méthodologique. À cette fin, le cadre d’évaluation proposé par De Witt et Ploeg (2006) a été utilisé. Il propose cinq expressions spécifiques de la rigueur à la recherche phénoménologique herméneutique. À la lumière de cette évaluation, chaque étude a d’abord été évaluée comme une étude clé avec une richesse et une rigueur dans la méthode (CLÉ), une étude satisfaisante (SAT) ou une étude faible d’un point de vue méthodologique (FBL; Malpass et al., 2009). Cette évaluation a été menée de façon à accorder plus d’importance à l’analyse des méthodes des études CLÉ.
Ensuite, à la suite d’une lecture attentive et répétée des textes, la première et la deuxième autrice ont extrait indépendamment les données relatives aux informations bibliographiques, au pays, à l’objectif, à l’échantillon, au contexte de l’étude, au recrutement, à la collecte des données et à l’analyse des données dans un tableau. Elles se sont ensuite rencontrées pour parvenir à un consensus sur les informations extraites. Compte tenu d’informations manquantes dans les documents pour procéder à l’extraction de toutes données ciblées, des équipes de recherche ont été contactées pour obtenir ces dernières.
Analyse des données
Tout d’abord, un portrait des études incluses à partir de statistiques descriptives a été réalisé. Ensuite, nous avons examiné le contenu des documents inclus en fonction de notre objectif de recherche en utilisant la méthode d’analyse de contenu inductive (Elo & Kyngäs, 2008). L’analyse de contenu, dirigée par la première autrice et soutenue par la quatrième autrice – en tant qu’audit externe –, s’est concrétisée par les étapes suivantes :
Lire et relire attentivement les documents complets, en commençant par les textes CLÉ, suivis par les textes SAT et FBL respectivement.
Amorcer le codage ouvert en notant des réflexions préliminaires en marge des documents, dès les premières lectures. Ces réflexions visent à répondre à des questions telles que : qu’est-ce qui est fait? Qui le fait? Pourquoi?
Identifier, regrouper et nommer de manière inductive des sous-catégories, à partir des réflexions préliminaires. Ces sous-catégories expriment des préoccupations et des stratégies méthodologiques contenues de façon semblable dans les études incluses.
Regrouper les sous-catégories vers des catégories génériques, représentant trois phases empiriques, soit le recrutement et l’obtention du consentement, la collecte des données ainsi que l’analyse des données.
Le logiciel NVivo a été utilisé pour assister les étapes de l’analyse. De plus, des notes analytiques (questions, réflexions sur les ressemblances entre les textes, élaboration des idées) ont été prises méthodiquement dans un journal (Baribeau, 2005).
Résultats
Les résultats se décomposent en deux volets distincts. Le premier volet esquisse un portrait descriptif des études incluses. Le second volet détaille les résultats de l’analyse de contenu, structurés en fonction des principales étapes empiriques de la recherche phénoménologique herméneutique.
Portrait des études incluses
Dans cette revue méthodologique, 13 études menées selon une approche phénoménologique herméneutique ont été retenues. Le processus d’inclusion des études est illustré dans la Figure 1. Une proportion élevée de documents a été éliminée à l’étape de la lecture des titres et des résumés étant donné qu’ils s’intéressaient clairement aux perspectives des parents ou des thérapeutes des enfants. Parmi les études incluses, six ont été menées en Amérique du Nord (46 %), cinq en Europe (38 %) et deux en Asie (15 %). Elles s’intéressent à des échantillons d’enfants dont les diagnostics sont principalement des troubles de santé mentale, le diabète, le cancer et la paralysie cérébrale. Aucun enfant présentant des neurodivergences, comme le trouble du spectre de l’autisme ou un handicap intellectuel, n’a été inclus dans les échantillons. De plus, l’âge des enfants varie de 7 à 18 ans. La plupart des études explorent leurs expériences vécues de la vie quotidienne avec l’affection ou leur expérience des services de santé reçus. À la lumière de l’évaluation de la qualité méthodologique, quatre études CLÉ, sept études SAT et deux études FBL ont été identifiées. Les informations principales des études, incluant leur évaluation de la qualité, sont décrites à l’appendice A.
Implications pour le recrutement et l’obtention du consentement
L’analyse montre que la protection des droits constitue la principale préoccupation lors de la phase de recrutement et l’obtention du consentement de la recherche.
Protéger les droits des enfants liés à leur participation à la recherche
Nous avons dégagé une préoccupation commune associée au respect des droits des enfants lors de la démarche de recrutement et d’obtention du consentement. Dans cette phase, plusieurs équipes de recherche soulignent leurs intentions de protection des droits au consentement éclairé et à l’autonomie décisionnelle des enfants, ainsi qu’aux droits de sécurité et de bien-être (DeStefano, 2016; Galvez et al., 2021; Lujguraj & Maneval, 2023). Les équipes de recherche implantent des stratégies pour veiller à ce que cette phase se déroule de façon respectueuse vis-à-vis de ces droits, incluant la transmission vulgarisée des informations sur l’étude et l’implication de tierces personnes protectrices.
Avec l’objectif de permettre aux enfants de prendre une décision éclairée quant à leur participation à la recherche phénoménologique herméneutique, les équipes leur ont expliqué la nature et les paramètres de la recherche, que ce soit de manière verbale ou écrite, de manière accessible. Après avoir eu l’occasion de poser toutes leurs questions, les enfants ont pu manifester leur accord, que ce soit verbalement ou par écrit (DeStefano, 2016; Galvez et al., 2021).
Plusieurs équipes de recherche ont impliqué de tierces personnes protectrices des enfants, soit des thérapeutes ou des parents, pour s’assurer que leur participation à la recherche s’aligne bien avec leur bien-être et leur sécurité. Par exemple, Binder et son équipe (2011) ainsi que DeStefano (2016) ont chargé les thérapeutes des enfants de sélectionner délibérément des enfants pour qui l’entretien phénoménologique pourrait constituer une expérience intéressante et positive. En plus, dans la vaste majorité des études, les parents, en tant que personnes responsables de la protection de leur enfant, ont offert leur consentement pour la participation de leur enfant à la recherche.
Implications pour la collecte des données
Nous avons identifié trois implications pour la collecte de données avec des enfants vivant avec une affection. Ces implications incluent l’établissement du lien de confiance ainsi que le soutien à la communication et à l’expression libre des enfants.
Établir un lien de confiance avec les enfants pour favoriser leur aisance
Au cours des entretiens phénoménologiques, une préoccupation des équipes de recherche réside dans l’établissement d’un lien de confiance avec les enfants (DeStefano, 2016; Ekra & Gjengedal, 2012; Galvez et al., 2021; Lujguraj & Maneval, 2023). Ce faisant, les équipes de recherche ont mis en oeuvre des stratégies visant à établir une connexion et à favoriser l’aisance des enfants à échanger de façon détendue. Ces stratégies incluent la gradation des questions, l’engagement avec les enfants avant les entretiens et la transmission d’informations sur les paramètres de l’étude.
Dans certaines études, les entretiens ont été structurés de façon que les questions se synchronisent avec le développement du lien affectif avec les enfants. Au début, des questions d’échauffement ont été posées dans le but d’établir un lien avec les enfants. Ces questions portent, entre autres, sur les loisirs, les amitiés, la vie scolaire ou les jouets favoris (de Schipper et al., 2017; DeStefano, 2016; Lujguraj & Maneval, 2023; Spratling et al., 2012). Lorsque les enfants développent une aisance en conversant plus aisément, des questions introductives sur l’expérience du phénomène d’intérêt sont posées (Lujguraj & Maneval, 2023). Dans le cas de l’étude de DeStefano (2016), les questions ont d’abord été centrées sur la description et la narration des expériences vécues. Ensuite, les questions plus analytiques sur le sens de leurs expériences ont été posées.
Parmi les études incluses, plusieurs équipes soulignent leur intention de s’engager avec les enfants préalablement aux entretiens, pour instaurer l’établissement d’un lien de confiance (Ekra & Gjengedal, 2012; Lulgjuraj & Maneval, 2023). Cet engagement prend diverses formes, dont établir une première conversation au téléphone (Galvez et al., 2021), s’introduire dans l’environnement de l’enfant (Ekra & Gjengedal, 2012), ou initier un jeu (Lulgjuraj & Maneval, 2023).
Les équipes de recherche ont transmis des informations sur les paramètres de l’étude aux enfants afin de les rassurer concernant les effets de leur participation et la confidentialité. Notamment, une chercheuse a soigneusement établi une connexion initiale avec les enfants en présentant l’étude comme une expérience susceptible de leur apporter des bienfaits en partageant leurs expériences (Galvez et al., 2021). Avec la même intention de favoriser la création d’un lien de confiance, DeStefano (2016) a détaillé les mesures de protection de la confidentialité aux enfants dans le cadre de son étude.
Adapter l’espace de communication pour encourager la description riche
Les équipes de recherche ont mis en évidence l’importance de soutenir la communication des enfants dans le cadre des entretiens phénoménologiques. De façon similaire à Binder et son équipe (2011), Lulgjuraj et Maneval soutiennent que « les enfants peuvent ne pas […] réagir à leurs expériences au-delà de l’expression d’un sentiment. Des enfants peuvent ne pas se souvenir clairement de leurs expériences ou ne répondre qu’en un seul mot »[3] [traduction libre] (2023, p. 70). Ce faisant, les équipes ont adapté leurs modes de communication afin d’aider les enfants à revisiter leurs expériences avec des descriptions riches. Pour ce faire, les équipes ont expérimenté différentes stratégies pour adapter l’espace de communication. Les stratégies incluent l’utilisation d’un médium artistique, le choix du moment et du lieu d’entretien, l’utilisation d’une phraséologie simple, l’intégration de questions de suivi et l’observation du langage non verbal.
Dans deux études incluses, la conduite des entretiens en utilisant un médium artistique a été privilégiée pour favoriser l’expression des enfants vis-à-vis de leurs expériences. Cette approche a permis de transcender la communication strictement verbale et normative des adultes. À titre d’exemple, Ekra et Gjengedal (2012) ont enrichi leur entretien phénoménologique en intégrant la photographie. À leur avis, la photographie a joué un rôle crucial en contextualisant et en rappelant aux enfants leurs situations vécues. De façon similaire, Galvez et son équipe (2021) ont invité les enfants à utiliser le dessin et l’écriture pour narrer l’histoire liée à leur expérience vécue du cancer. L’équipe a observé que ces médiums ont efficacement soutenu l’expression du sens de leurs expériences vécues.
Plusieurs équipes accordent une importance particulière au choix du moment et du lieu des entretiens phénoménologiques pour aider les enfants à se remémorer un maximum de détails sur leurs expériences. En ce qui concerne le moment, DeStefano (2016) a mené les entretiens dans les 24 heures suivant son événement d’intérêt, soit une rencontre en psychothérapie, afin de faciliter la remémoration des enfants vis-à-vis des détails nécessaires pour une recherche phénoménologique herméneutique. DeStefano (2016) ainsi que Lulgjuraj et Maneval (2023) ont réalisé leurs entretiens dans le même lieu que l’expérience elle-même (par exemple, à la clinique, pour une étude axée sur la relation thérapeutique). Cette décision vise à optimiser la communication des souvenirs en proposant un environnement en résonance avec le contexte initial de l’expérience étudiée.
Une stratégie partagée, transcendant la conception des entretiens phénoménologiques, concerne l’adoption d’une phraséologie adaptée aux enfants. Les questions ont été soigneusement formulées de manière à être accessibles et comprises par les enfants (de Schipper et al., 2017; DeStefano, 2016; Lulgjuraj & Maneval, 2023). DeStefano (2016) a sollicité l’avis de personnes expertes en développement et en psychologie de l’enfance afin d’opter pour une phraséologie favorisant la capacité des enfants à exprimer leurs propres expériences. DeStefano (2016) ainsi que de Schipper et son équipe (2017) ont soumis leurs questions à des enfants ou ont mené des entrevues pilotes afin de vérifier la compréhensibilité de celles-ci.
Des questions de suivi ont été posées pour aider les enfants à partager des informations supplémentaires sur les expériences vécues et clarifier leur histoire (Galvez et al., 2021; Lulgjuraj & Maneval, 2023; Sagen et al., 2013). Les conversations herméneutiques ont été mises à profit pour obtenir plus de détails sur les expériences des enfants. Ce contexte de conversation offre des opportunités pour aider les enfants à transmettre plus d’informations, en posant des questions comme : « Qu’est-ce qui t’a fait ressentir cela? », ou encore : « Que se passe-t-il quand...? » (Galvez et al., 2021; Lulgjuraj & Maneval, 2023).
Plusieurs équipes de recherche ont documenté le langage non verbal des enfants, acquiesçant que les modes de communication des enfants ne se limitent pas à l’expression verbale (Binder et al., 2011; Ekra & Gjengedal, 2012; Roth et al., 2022). D’ailleurs, Roth et son équipe (2022) ont mené des entretiens en face à face et d’autres par téléphone. L’équipe de recherche a constaté que les entretiens menés par téléphone ont affecté négativement la richesse des données en raison des difficultés à interpréter le langage non verbal des enfants.
Assurer l’expression libre des enfants considérant l’inégalité de pouvoir avec les adultes
Notre analyse révèle que la notion d’expression libre des enfants constitue une préoccupation partagée. Les équipes de recherche reconnaissent la présence d’inégalité de pouvoir entre les enfants et les membres adultes de l’équipe. Elles soulèvent que le rapport de pouvoir influence la façon dont les enfants communiquent leur vécu (Binder et al., 2011; de Schipper et al., 2017; Sagen et al., 2013). Dans le but d’estomper ce rapport inégal, les équipes ont mis en place des stratégies comme la gestion de la participation des parents, la clarification de la posture des enfants et le choix de questions non suggestives.
La présence des parents lors de l’entretien a posé des défis aux équipes de recherche étant donné leur objectif de garantir une expression libre de la part des enfants. Les équipes souhaitent que les enfants s’expriment sur leurs expériences vécues sans crainte de contrarier leurs parents ou sans leur influence indue (DeStefano, 2016; Ekra & Gjengedal, 2012; Spratling et al., 2012). Spratling et son équipe (2012) ont amorcé une discussion avec les parents concernant la capacité de leurs enfants à exprimer leur voix et la nécessité pour les enfants de réfléchir aux questions posées. Elles ont demandé aux parents de s’abstenir de répondre aux questions et d’éviter les tentatives d’influence sur les réponses de leur enfant.
La posture des enfants dans le cadre des entretiens a été précisée avec les enfants, en les identifiant comme les personnes expertes de leurs expériences. Cette approche vise à renforcer la confiance des enfants à partager librement leur histoire en lien avec le phénomène d’intérêt. À titre d’exemple, DeStefano (2016) a invité les parents à donner la permission aux enfants de parler librement avec l’intervieweuse, avant les entretiens. Lorsque les enfants ont manifesté de l’incertitude durant leur entretien, elle leur a rappelé leur rôle en tant que personne experte de leurs expériences. Dans ces moments d’incertitude, d’autres équipes de recherche ont rappelé qu’aucune réponse n’est bonne ou mauvaise (de Schipper et al., 2017; Lulgjuraj & Maneval, 2023).
Les questions d’entretien ont été choisies de façon qu’elles demeurent non suggestives, malgré les exigences d’une phraséologie simple. Des questions ouvertes ont été choisies pour encourager les souvenirs libres et permettre aux enfants d’avoir un certain contrôle sur l’orientation de l’entretien (DeStefano, 2016; Jakobsson et al., 2022, Lulgjuraj & Maneval, 2023; Sagen et al., 2013).
Implication pour l’analyse des données
Notre analyse révèle une dernière implication, détaillée ci-dessous, concernant l’analyse phénoménologique des données avec des enfants vivant avec une affection.
S’immerger dans les expériences des enfants en préservant leur altérité
Une préoccupation dominante identifiée dans les études incluses concerne l’immersion dans les expériences vécues des enfants, en évitant d’imposer sa propre perception de l’enfance en tant qu’analystes adultes (Binder et al., 2011; de Schipper et al., 2017; Ekra & Gjengedal, 2012; Sagen et al., 2013). Plusieurs équipes de recherche soulignent leur intention de préserver l’altérité de l’expérience telle qu’elle est partagée par les enfants, tout en reconnaissant que l’interprétation est intrinsèque au processus de compréhension du sens de leurs expériences. Parmi les stratégies identifiées, l’engagement dans le cercle herméneutique par l’utilisation d’un journal, les dialogues entre pairs et la consultation auprès des enfants sont proposés.
Parmi les études incluses, la réflexivité a été facilitée de manière formelle par l’intermédiaire d’un journal de bord. La tenue d’un journal émerge comme un élément crucial pour que les analystes éclairent la manière dont leurs préconceptions, leurs valeurs et leurs expériences en tant qu’adultes influencent leur interprétation du langage des enfants. Lorsque les préconceptions sont mises en lumière, cette prise de conscience ouvre la voie à une compréhension commune des expériences (Binder et al., 2011; de Schipper et al., 2017; Lulgjuraj & Maneval, 2023; Sagen et al., 2013; Wang et al., 2010).
Des dialogues analytiques au sein des équipes de recherche, composées de pairs ayant une expertise clinique en enfance ou une compétence méthodologique en recherche phénoménologique herméneutique, ont également été mis en oeuvre. Ces dialogues visent à atteindre une réflexivité accrue sur la manière dont leurs préconceptions résonnent dans l’interprétation des expériences des enfants. Prenant parfois la forme de séminaires (Jakobsson et al., 2022), les équipes soulignent la pertinence de ces dialogues en vue de sécuriser le caractère distinct de la parole des enfants (Binder et al., 2011; de Schipper et al., 2017; Jakobson et al., 2022; Wang et al., 2010).
Dans le but de rester le plus près de l’expérience partagée par les enfants, des équipes de recherche ont soumis leurs analyses préliminaires aux enfants prenant part à leur étude. À la fin de chaque entretien, DeStefano (2016) ainsi que Galvez et son équipe (2021) ont soumis leurs interprétations préliminaires aux enfants afin d’en discuter et de cocréer une analyse initiale. De leur côté, Spratling et son équipe (2012) ont soumis leurs interprétations initiales aux enfants contribuant aux entretiens ultérieurs.
Discussion
Cette revue méthodologique dresse un portrait des implications méthodologiques de la mise en oeuvre de la phénoménologie herméneutique en tant qu’approche de recherche avec des enfants vivant avec une affection. L’analyse de 13 études met en valeur que l’inclusion des enfants vivant avec une affection dans ce type de recherche présente des défis à différentes phases de la recherche, comme garantir le consentement éclairé et surmonter les obstacles de communication. Face à ces défis, les équipes de recherche mettent en oeuvre une diversité de stratégies soigneusement planifiées pour inclure les enfants dans leur recherche phénoménologique herméneutique. Notamment, ces stratégies incluent la transmission d’informations vulgarisées sur le déroulement de la recherche phénoménologique herméneutique à l’enfant et la construction d’espaces de communication inclusifs. La recension de ces stratégies donne espoir de rendre la recherche phénoménologique herméneutique plus accessible aux scientifiques souhaitant comprendre les expériences vécues des enfants vivant avec une affection dans des études futures.
La recherche phénoménologique herméneutique présente le potentiel d’être considérée davantage par la communauté scientifique, alors que la communauté peut s’appuyer sur des stratégies existantes pour inclure les enfants vivant avec une affection. Elle offre l’occasion de discerner ce qui est signifiant pour les enfants dans des situations de vie particulières de façon à rendre leur voix reconnaissable et à apprendre de leurs expériences vécues (Carnevale, 2020; Neubauer et al., 2019). Contrairement à la recherche habituelle sur les enfants qui invite seulement leurs parents ou d’autres adultes, la recherche phénoménologique herméneutique propose d’aller à la rencontre des enfants pour comprendre leurs expériences comme elles sont vécues par cette population elle-même (Wickenden & Kembhavi-Tam, 2014). En ayant l’occasion de participer à la recherche phénoménologique herméneutique, les enfants obtiennent une place légitime dans le processus de la recherche en les reconnaissant comme des personnes dignes de confiance pour réfléchir et traiter leurs expériences distinctes (Ajodhia, 2017).
Plusieurs stratégies ont été développées pour faciliter l’application de l’approche phénoménologique herméneutique dans la recherche impliquant des enfants vivant avec une affection. Cependant, il reste encore des défis à relever. De plus en plus de scientifiques expriment une préoccupation commune concernant l’inclusion d’une diversité d’enfants vivant avec une affection dans une optique de justice (Gonzalez et al., 2021; Wickenden & Kembhavi-Tam, 2014). Les scientifiques expriment le besoin de trouver des pistes de solution permettant de surmonter les obstacles à leur participation à la recherche (Graham et al., 2013). Cette préoccupation revêt une importance particulière en recherche phénoménologique herméneutique étant donné la diversité des expériences vécues par les enfants. La compréhension de leurs expériences vécues demeure incomplète si les études se limitent à des groupes d’enfants plus vieux ou éloquents (Hunleth et al., 2022). L’exclusion d’enfants de la compréhension de leurs expériences peut engendrer une situation d’injustice dans la construction des connaissances (Kirk, 2007).
À la lumière des résultats de cette revue méthodologique, nous constatons que trois groupes d’enfants ont été exclus, de sorte qu’ils n’ont pas pu prendre part aux études phénoménologiques. Premièrement, aucune étude n’a été menée avec des enfants de moins de sept ans. Ce constat est cohérent avec les études en recherche qualitative plus largement, où les équipes de recherche fixent souvent une limite d’âge inférieure de sept ou huit ans pour la participation aux entretiens (Kirk, 2007). En effet, la croyance que les enfants plus jeunes ne peuvent pas partager des données utiles persiste en recherche (Kirk, 2007; Wickenden & Kembhavi-Tam, 2014). Deuxièmement, des enfants présentant des différences quant à leurs modes de communication n’ont pas été inclus. Plus encore, les enfants autistes ou présentant un handicap intellectuel ont été explicitement exclus. Ce constat est aussi cohérent avec ce qui est rapporté de façon plus large en recherche qualitative. Ce groupe est rarement invité à raconter son histoire en raison de la discrimination fondée sur leur âge et sur leurs capacités (Carroll & Sixsmith, 2016; Graham et al., 2013). Troisièmement, parmi les deux études incluses ayant eu recours à des médiums artistiques, l’une d’entre elles exclue les enfants incapables de dessiner ou d’écrire. Cette revue souligne l’intérêt des équipes de recherche à utiliser des médiums artistiques lors des entretiens phénoménologiques, notamment le dessin. Dans les études recensées, l’accent a été mis davantage sur la créativité que sur la flexibilité de ces médiums. Cependant, tous les enfants ne partagent pas la capacité ou l’intérêt de dessiner, à titre d’exemple (Kirk, 2007).
Face à ces constats, nous croyons qu’il est crucial d’identifier des stratégies favorisant l’inclusion d’une diversité d’enfants vivant avec une affection afin de rendre la recherche phénoménologique herméneutique future plus juste (Graham et al., 2013). Cela rejoint des préoccupations déjà exprimées par plusieurs scientifiques en recherche qualitative (Gonzalez et al., 2021). L’adoption de méthodes de recherche participative avec des enfants jeunes présentant une neurodivergence ou encore ayant un profil intellectuel ou physique différent représente une piste pertinente à explorer. Leur inclusion dans les équipes de recherche permettrait de coconstruire des approches inclusives, réfléchies et adaptées pour engager une diversité d’enfants dans le processus de la recherche phénoménologique herméneutique, par exemple, en développant du matériel de recrutement plus accessible aux enfants jeunes (Bailey et al., 2015). Elle serait aussi cohérente avec la nouvelle sociologie de l’enfance qui reconnaît tous les enfants comme des personnes pouvant contribuer significativement à la recherche et à la société.
Limites
Il est probable que nous n’ayons pas identifié toutes les études pertinentes lors de notre recherche dans les bases de données. En effet, nous avons seulement retenu les études publiées en français et en anglais. De plus, les équipes de recherche n’utilisent pas toujours la même étiquette pour référer à la phénoménologie herméneutique dans leur titre, leur résumé ou leurs mots clés. Norlyk et Harder (2010) ont d’ailleurs déjà critiqué la faible cohérence des mots clés référant à la recherche phénoménologique herméneutique. La stratégie de recherche a toutefois été validée avec une bibliothécaire disciplinaire afin de repérer le plus d’études pertinentes à l’égard de la méthode examinée.
De plus, notre analyse a été limitée par les informations disponibles dans les documents inclus. En effet, il est possible que des équipes de recherche aient mis en oeuvre des stratégies pertinentes liées à l’inclusion des enfants dans leur recherche phénoménologique herméneutique sans toutefois détailler ces stratégies dans leurs publications. Face à cette limite, nous avons contacté six équipes de recherche pour solliciter des éclaircissements sur leurs méthodes. Deux d’entre elles ont partagé des informations additionnelles.
Conclusion
Dans cet article, nous avons présenté les résultats d’une revue méthodologique réalisée afin de préciser les implications méthodologiques liées à la recherche phénoménologique herméneutique avec des enfants vivant avec une affection. Notre revue méthodologique considère 13 études menées avec des enfants présentant des affections variées comme la paralysie cérébrale et le diabète. Notre analyse relève des implications méthodologiques importantes, du recrutement jusqu’à l’analyse des données, notamment concernant la protection des droits et la gestion des inégalités de pouvoir. Nous souhaitons que notre revue méthodologique fournisse des pistes pour guider la communauté scientifique s’engageant dans de prochaines recherches phénoménologiques herméneutiques pour comprendre les expériences vécues des enfants vivant avec une affection.
Appendices
Annexe
Appendice A. Tableau d’extraction des données. Données sommaires sur les méthodes des études incluses
Notes biographiques
Sandrine Gagné-Trudel, erg., est candidate au doctorat en sciences biomédicales, sous la direction de Noémi Cantin et Pierre-Yves Therriault, un programme de l’Université de Montréal (UdeM) offert en extension à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Elle oeuvre comme chargée de cours au Département d’ergothérapie de l’UQTR. Elle s’intéresse à la phénoménologie ainsi qu’à la participation des familles et des enfants dans la recherche.
Geneviève Rochon, erg., est étudiante au doctorat en sciences biomédicales, sous la direction de Noémi Cantin, un programme de l’UdeM offert en extension à l’UQTR. Elle travaille à titre d’ergothérapeute en milieu scolaire. Dans sa thèse, elle mène des études inductives sur l’utilisation des mesures de contrôle avec les enfants.
Pierre-Yves Therriault, erg., Ph. D., est professeur titulaire au Département d’ergothérapie de l’UQTR depuis 2013. Il a dirigé plusieurs étudiants en recherche à la maîtrise et au doctorat. Ses thèmes d’intérêt incluent la recherche en partenariat avec les acteurs concernés, la collaboration et la méthode d’enquête en psychodynamique du travail.
Noémi Cantin, erg., Ph. D., oeuvre comme professeure au Département d’ergothérapie de l’UQTR depuis 2011. Ses principaux intérêts méthodologiques comprennent la recherche sur les interventions efficaces auprès des enfants ayant des troubles neurodéveloppementaux et les méthodes de recension des écrits.
Notes
-
[1]
Le terme enfant fait référence à toutes les personnes âgées de 0 à 18 ans, en cohérence avec la définition de la Convention relative aux droits de l’enfant (Organisation des Nations unies, 1989).
-
[2]
Dans cet article, le terme affection est utilisé en référence à l’ensemble des affections mentales, génétiques, neurodéveloppementales, neurologiques, médicales ou physiques (American Psychiatric Association, 2022).
-
[3]
« Children […] may not be able to reflect on expériences beyond an expression of feeling or emotion. Some children may unclearly recall their expériences or only respond in one-word answers. » (Lulgjuraj & Maneval, 2023, p. 70).
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