Abstracts
Résumé
L’article éclaire des aspects peu étudiés de la fabrique de l’analyse qualitative en illustrant en quoi certaines archives d’enquêtes permettent d’accéder à une meilleure compréhension de deux procédés essentiels de la conversion des matériaux en données : la condensation et la transposition. Il prend appui sur trois enquêtes de science politique ou de sociologie diffusées via le dispositif beQuali et illustrant des configurations contrastées en la matière. Il discute le potentiel heuristique de telles archives pour explorer des pratiques qui restent ordinairement invisibilisées et met en évidence la façon dont la construction des données peut être adaptée, concrètement, à des stratégies interprétatives plus globales, elles-mêmes articulées à des démarches d’analyse – thématique, structurale ou relationnelle – situées.
Mots-clés :
- Analyse,
- archives,
- condensation,
- entretiens,
- transposition
Abstract
The article sheds light on little-studied aspects of the production of qualitative analysis by illustrating how certain inquiry archives make way for a better understanding of two essential processes for converting materials into data: condensation and transposition. It draws on three political science or sociology inquiries disseminated through the beQuali index that illustrate contrasting configurations on the topic. It discusses the potential heuristic of such archives for exploring practices that are usually invisible and highlights the way data construction can be adapted, concretely, to broader interpretive strategies, which, in turn, are connected to thematic, structural or relational forms of analysis.
Keywords:
- Analysis,
- archives,
- condensation,
- interviews,
- transposition
Article body
Introduction
Si depuis une trentaine d’années une réflexion a émergé sur les « cuisines » de l’analyse qualitative, les opérations étayant la fabrique de cette analyse sont beaucoup moins abordées que les grandes stratégies et modes de raisonnement (établir des typologies, modéliser des processus, etc. – dans le cadre d’études de cas, de comparaisons, etc.). Notamment, les modes opératoires de la conversion des « matériaux » en « données »[1], bien que répertoriés comme des étapes consubstantielles de l’analyse, sont rarement décrits de sorte à pouvoir saisir les ficelles méthodologiques mises en oeuvre par les chercheurs. On voudrait contribuer à ouvrir cette boîte noire en montrant en quoi les archives d’enquêtes permettent d’accéder à une meilleure compréhension de deux opérations essentielles de cette conversion, soit la réduction – ou condensation – des matériaux et leur transposition – ou réarrangement – vers une « mise en données ». Dans ce but, l’article s’appuie sur trois enquêtes par entretiens diffusées via le dispositif beQuali : Représentations du champ social, attitudes politiques et changements socio-économiques (Donégani et al., 1980, 2015); Espace et temps du travail domestique (Chabaud-Rychter et al., 1985, 2021); Les conditions de vie professionnelle des femmes enceintes (Devreux, 1988, 2019). On reviendra d’abord sur l’importance méconnue des procédés de condensation et de transposition des matériaux, puis sur les archives d’enquêtes mobilisées pour les examiner. On explorera ensuite différentes configurations de procédés de réduction et de transposition dans le but d’objectiver des propriétés essentielles de la chaîne de transformation des matériaux en données. In fine, l’article discutera l’apport de ces archives qui, malgré leurs limites, recèlent un potentiel réel pour instruire des aspects de la recherche en actes qui restent ordinairement invisibilisés.
De l’importance méconnue des procédés de réduction et de transposition des matériaux
Le développement du champ de l’analyse qualitative est palpable grâce à une littérature méthodologique désormais conséquente (pour des synthèses en français, voir Guillemette & Berthiaume, 2008; Paillé, 2019; Paillé & Muchielli, 2021). Certaines approches comme l’analyse thématique, l’analyse situationnelle phénoménologique et structurale, l’analyse à l’aide des catégories conceptualisantes ou l’analyse de discours ou de récits, très empruntées, bénéficient d’une ample littérature dédiée qui porte, en majorité, sur les différents types de stratégies et raisonnements analytiques – soit les aspects les plus directement reliés aux résultats substantiels des recherches – et beaucoup moins sur les opérations concrètes caractérisant leur fabrique. Un aspect crucial est en particulier rarement creusé : comment passe-t-on des matériaux aux données (Duchesne, 2017; Levain et al., 2023)? L’idée que, pour comprendre pleinement l’analyse qualitative, il faille saisir un processus de transformation d’informations « brutes » en quelque chose d’interprétable sociologiquement est présente dans de nombreux travaux, même si elle est rarement approfondie. Les modalités de cette transformation restent floues, alors même que leur connaissance est essentielle pour comprendre ce sur quoi sont assises les opérations de théorisation ultérieures. À quel moment, et au terme de quels processus, en arrive-t-on à passer des matériaux – ici des transcriptions d’entretiens – à des données pouvant faire l’objet de protocoles interprétatifs?
Deux aspects élémentaires de cette conversion, le fait de réduire les matériaux et de les réarranger (Miles et al., 2017), restent assez peu documentés. La réduction des matériaux, ou condensation, désigne des opérations très répandues permettant au chercheur de s’approprier des corpus constitués de centaines ou de milliers de pages de transcription d’entretiens (Miles et al., 2017; Gaudet & Robert, 2018, pp. 143 et s.; Paillé & Mucchielli, 2021, pp. 269 et s.). Certaines de ces démarches de réduction ne seront pas abordées, car elles sont bien renseignées – notamment celles liées à l’analyse par codification (Lejeune, 2019). D’autres pratiques, qui consistent à condenser la transcription d’un entretien dans une version réduite du texte initial, sont moins documentées. On connaît assez bien la pratique du récit phénoménologique (Balleux, 2007; Blais & Martineau, 2006; Paillé & Mucchielli, 2021, pp. 193 et s.). Mais qu’en est-il des autres démarches? Pour ce qui est des procédés de transposition ou de réarrangement, ceux-ci sont mieux connus (Dey, 1993, pp. 201-226; Miles et al., 2017, pp. 107 et s.; Yin, 2014, pp. 184 et s.). On dispose d’exemples précis donnant à voir divers états de transposition dans des textes, tableaux, schémas, diagrammes ou graphes de toutes sortes. On connaît mieux l’une des deux fonctions de ces procédés : visualiser les données dans les publications, au titre d’illustrations des résultats proposés. On connaît cependant moins l’autre fonction consistant à étayer et à canaliser, en amont, la conversion des matériaux, plus ou moins (différemment) condensés, en données.
Même quand des publications abordent ces questions, on n’accède en général qu’à une connaissance partielle, et souvent abstraite, de ces modes opératoires. On n’a qu’exceptionnellement accès aux comptes rendus des procédés mis en oeuvre dans des recherches concrètes (Raab, 2015; Rondeau & Paillé, 2016). On accède plus rarement aux modus operandi réels, au-delà d’un discours sur la pratique, aussi précis et réflexif soit-il. Comme l’écrivent très justement Paillé et Mucchielli, « normalement, le lecteur n’a pas accès au matériau brut et il doit prendre acte du résultat de l’analyse tel quel » (2021, p. 453), et pourrait-on ajouter, du récit sur la méthode. Or le fait de pouvoir disposer de plus en plus d’archives d’enquêtes grâce aux entrepôts qui fleurissent un peu partout dans le cadre du mouvement de la science ouverte permet d’accéder à une connaissance plus précise de ces pratiques.
Des archives d’enquêtes qualitatives pour explorer ces procédés
Les archives d’enquêtes mobilisées proviennent du dispositif BeQuali (https://bequali.fr/fr/les-enquetes/), développé au Centre de données socio-politiques (CDSP) de Sciences Po. BeQuali propose à la communauté scientifique française et internationale des données d’enquêtes en sciences sociales accessibles sur demande, après signature d’une convention, à des fins de réutilisations scientifiques et pédagogiques (Bendjaballah et al., 2017).
La vingtaine d’enquêtes mises à disposition, réalisées entre la fin des années 1970 et le début des années 2010, s’ancrent essentiellement en sociologie et en science politique. Parmi celles-ci, trois servent de cas d’étude. D’abord, Espace et temps du travail domestique. Dans cette recherche de sociologie, Danielle Chabaud, Dominique Fougeyrollas et Françoise Sonthonnax étudient les relations entre le travail domestique et les pratiques de déplacement des femmes en fonction de leur place dans la structure familiale. Ensuite, Les conditions de vie professionnelle des femmes enceintes. Dans cette recherche de sociologie, Anne-Marie Devreux étudie comment la grossesse des femmes est prise en compte sur leur lieu de travail professionnel. Enfin, Représentations du champ social, attitudes politiques et changements socio-économiques. Dans cette recherche à l’articulation de la sociologie, de la psychologie et de la science politique, Jean-Marie Donégani, Guy Michelat et Michel Simon proposent une typologie des modèles culturels rendant compte du comportement politique individuel. Les types d’analyse mis en oeuvre dans ces enquêtes relèvent de « l’ordinaire » de la recherche, autour de démarches compréhensives inspirées par l’analyse thématique (Blanchet & Gotman, 2012, pp. 96 et s.; Paillé & Mucchielli, 2021, pp. 269-357), l’analyse situationnelle phénoménologique et structurale (Lallemant, 2017; Paillé & Mucchielli, 2021, pp. 211-215), ou l’analyse relationnelle (Lahire, 2017; Schapper, 2012)[2].
Deux raisons au moins ont guidé ce choix : les archives de ces enquêtes contiennent nombre de documents attestant précisément des processus d’analyse, beaucoup plus systématiquement que dans d’autres cas, où il était plus difficile d’objectiver ces pratiques; elles donnent à voir une variété de configurations en matière de procédés de réduction et de transposition qui s’enracinent dans des formes typiques repérées dans la littérature – fiches, notes, résumés, tableaux, schémas, etc.
Une réflexion exploratoire est possible à partir de ce nombre réduit de cas. Elle s’inscrit dans l’esprit de la sociologie des sciences de Latour et Woolgar (2006) pour étudier la science en train de se faire : s’attacher aux actes qui laissent des traces de l’analyse et à la matérialité des pratiques qui la sous-tendent. Elle repose sur un travail réalisé au moment du dépôt de ces archives sur beQuali[3], complété par un réexamen approfondi des documents d’analyse et des publications tirées de ces enquêtes. Ce travail a nécessité une généalogie des procédés de catégorisation sociologique et de leur circulation entre les guides, fiches, résumés, notes, tableaux, schémas…, un examen de la structuration de ces documents et de la mobilisation des cas individuels dans ces documents, et des opérations de comptages (du nombre de documents ou de leur volume informationnel). Il a été facilité par l’accès au témoignage oral des chercheurs et chercheuses ou la possibilité de consulter d’autres documents (non reproduits ici) explicitant diverses facettes du processus de recherche. Les protocoles de réduction et de transposition caractérisant ces trois enquêtes seront retracés de manière modélisée et illustrés à partir de cas précis d’enquêtés. Plusieurs figures extraites de ces archives seront également exhibées au fil des développements afin de montrer et d’incarner des façons concrètes – en tableau, en liste ou résumé, de façon schématique, etc. – de fabriquer les analyses. Elles seront commentées à partir de ces exemples précis, même si leur compréhension fine nécessiterait de plus amples explications, qui ne seront pas l’objet de l’article.
De la diversité des configurations de condensation et de transposition des matériaux
Deux fils rouges, prenant la forme de questions, guideront cette exploration : 1) quelle balance est opérée entre le respect de la richesse du matériau initial et la sélectivité nécessaire dans la démarche de condensation? 2) Dans quelle mesure les protocoles de transposition ou de réarrangement des matériaux en données renseignent-ils sur les mécanismes intellectuels à l’oeuvre dans ces opérations?
Mise en fiches individuelles et transposition textuelle : l’enquête Espace et temps du travail domestique
Cette enquête illustre une démarche mobilisant essentiellement un outillage textuel étayant une analyse thématique (Blanchet & Gotman, 2012, pp. 96 et s.; Paillé & Mucchielli, 2021, pp. 269-357). Pour les besoins de cette recherche, réalisée en 1978 dans la région de Lens et dans la Drôme (dans le nord et dans le sud-est de la France), Danielle Chabaud, Dominique Fougeyrollas et Françoise Sonthonnax ont mené une quarantaine d’entretiens avec des femmes mariées et constitué un échantillon diversifié sous divers aspects (notamment la catégorie socioprofessionnelle), dans le but d’étudier les pratiques du travail domestique et les rapports sociaux dans lesquels il s’intègre. L’analyse thématique met en évidence la relation de service dans laquelle se trouvent les femmes, qui implique leur disponibilité permanente au bénéfice de leur famille; pour cela, les chercheuses analysent les discours décrivant les relations familiales dans lesquelles ce travail domestique s’exerce, leur organisation temporelle et spatiale – notamment les déplacements en relation avec des institutions comme l’école, la médecine, les commerces… – et les échanges d’activités dans la famille étendue. L’échafaudage de cette analyse repose sur la réalisation de fiches individuelles puis de notes synthétiques qui condensent et réorganisent le verbatim autour de rubriques thématiques progressivement constituées en catégories plus conceptualisantes. Cette chaîne sera exemplifiée à partir du cas d’une femme (AG) d’une trentaine d’années, sans profession, mère de deux jeunes enfants; son entretien fait 53 pages.
Les chercheuses ont d’abord confectionné des fiches individuelles pour chacune des femmes rencontrées à partir des transcriptions (tapuscrites, une cinquantaine de pages en moyenne). Les entretiens ont été menés à l’aide d’un guide semi-directif – une vingtaine de rubriques visent à circonscrire l’ensemble des activités liées au travail domestique et aux déplacements des femmes, la consigne générale demandant aux enquêtées de décrire leurs activités et leur organisation d’une journée de la semaine.
Voici la liste des rubriques du guide d’entretien selon Vandenbunder et al. (2023, p. 19).
Horaires
Tâches ménagères (lessive; repassage – travaux d’aiguille)
Ménage
Cuisine
Courses
Bricolage (appareils; bricolage)
Mari (travaux ménagers)
Jardin
Enfants (âge préscolaire; école)
Rapport à la médecine
Enfants et médecine
Hygiène
Médecin
Puériculture
Budget
Famille étendue, amis, voisinage
Entretien de la femme par elle-même
Travail extérieur
État civil
Logement
Moyens de transport
Elles réfèrent aux types d’activités (ménage, bricolage, courses, etc.), aux acteurs du réseau domestique (mari, enfants, parents, médecin, etc.), ou à des aspects organisationnels (moyens de transport, horaires, etc.).
Ces fiches manuscrites, de longueurs variables (autour de 3 ou 4 pages en moyenne), réduisent fortement le corpus des transcriptions – on passe d’environ 2000 pages cumulées à environ 200 pages. Elles sont dépourvues de commentaires ou d’analyses explicites. Elles sont organisées autour d’un court portrait de chaque femme, autour d’informations clefs (âge, profession, etc.), suivi d’un exposé des thèmes remarquables de l’entretien, à partir d’extraits du verbatim les illustrant (s’y ajoute un « tableau d’emploi du temps », mais cette partie des fiches ne sera pas explorée ici). Les rubriques sont constituées sur la base du guide d’entretien, après une étape intermédiaire (non explorée non plus), consistant en un codage des segments du verbatim, dans la marge des transcriptions, à partir d’un système de codes de couleurs qui reprennent, légèrement remaniés, les thèmes du guide. Beaucoup de ces rubriques sont des reprises du guide, comme achats, courses, conduite, sorties, tandis que d’autres ont à ce stade disparu (comme cuisine, ménage, jardin, médecin). Quelques-unes enfin sont des créations (comme administratif). Malgré une assez forte dispersion d’un entretien à l’autre, les rubriques ad hoc restent secondaires en nombre, et on a souvent affaire à des formes spécifiées de rubriques transversales (par exemple : sorties enfants, sorties en famille, etc.). Ce trait s’observe dans le cas de l’enquêtée AG (voir la Figure 1) : les chercheuses ont sélectionné deux extraits sur les achats, un extrait sur les achats du/pour le mari, un extrait sur les sorties, et un extrait sur la conduite.
Les fragments conservés dessinent le portrait d’une femme qui ne se déplace pas en voiture seule (n’ayant pas le permis de conduire), qui quitte rarement son domicile pour des activités personnelles (les sorties étant limitées au cercle familial), qui pratique un repérage systématique avant d’acheter et qui, à part les achats dédiés aux enfants ou à l’alimentaire, fonctionne en binôme avec son mari. Les passages sélectionnés ne représentent qu’une petite partie du discours de l’enquêtée sur chaque thème. Par exemple, sur les achats, une dizaine d’autres passages de l’entretien n’ont pas été retenus. Ils correspondent à des descriptions redondantes ou moins significatives (d’autres types d’achats, les sociabilités que les achats génèrent, etc.).
Les chercheuses se basent sur cette identification des thèmes pertinents, menée entretien par entretien, pour réaliser une quinzaine de notes thématiques transversales sur des thèmes suffisamment récurrents. Ces notes sont de longueurs variables, de l’ordre de quelques pages. Comme dans l’étape précédente, beaucoup sont des adaptations de rubriques du guide (par exemple achats, conduite, courses). D’autres émergent à la suite de cette opération (comme relation mères-filles, démarches administratives, relations sociales). Ces notes prennent deux formes, parfois hybridées. Quelques-unes sont essentiellement des relevés d’informations factuelles ou des listes (comme à pied, mères, mères-filles) qui concernent (quasiment) toutes les enquêtées. La majorité est plutôt des notes thématiques (comme achats, activités personnelles, conduite, courses, démarches administratives, déplacements famille « service », enfants, autres modes de déplacement, relations sociales, sorties, sortir seule, trajets en général) qui reposent sur la confrontation de quelques enquêtées dont la situation est particulièrement significative au regard du thème considéré – les configurations d’enquêtées changeant selon les thèmes. Dépourvues de commentaires ou d’analyses explicites, elles sont constituées d’une compilation de verbatims qui reconfigurent les passages contenus dans les fiches. Est à l’oeuvre une montée en généralité partielle – des noms de rubriques tels que relations sociales renvoient à des catégories plus conceptualisées, qui restent mélangées à des rubriquesplus basiques (telles que conduite). Est aussi à l’oeuvre une légère réduction – on passe à environ 120 pages de notes.
Dans le cas d’AG (désormais nommée 33), les deux verbatims sur les achats sont intégrés à la note thématique consacrée aux achats et répartis respectivement dans deux sections intitulées voir avant et acheter les vêtements des hommes (voir la Figure 2) – où son cas est mis en regard avec celui d’une autre enquêtée (repérée par le numéro 51 dans la marge gauche du document) dont la posture est très proche à cet égard. La note comprend également trois autres sections : achat de meubles, électroménager; acheter ses vêtements seule; vêtements où AG n’est pas mobilisée. Bien que le nom lui-même n’ait pas varié, les chercheuses procèdent à une abstraction de la catégorie achats en articulant différentes facettes de l’activité – ses objets, le réseau d’acteurs et les contraintes de déplacement.
Sept autres enquêtées sont également convoquées dans cette note. La mise en perspective de profils contrastés permet aux chercheuses de faire ressortir, implicitement, des lignes de clivage sur la question de l’autonomie des femmes, à l’aide de variables comme le fait d’acheter chacune de son côté versus de concert, pour soi ou pour les autres, ou d’articuler cette activité avec des sorties versus la limiter à un service domestique. Les autres verbatims d’AG sont cités dans trois autres notes : à pied (elle est intégrée à la liste des femmes ne conduisant pas), la conduite (son cas est contrasté avec des femmes qui conduisent), et les sorties (son cas est rapproché de femmes qui ne font jamais de sorties en dehors de la famille, et contrasté avec des femmes qui en font régulièrement); AG est ainsi présentée comme typique de femmes peu autonomes vis-à-vis des contraintes du travail domestique. Ce protocole est repris de manière similaire pour la plupart des enquêtées mobilisées, sur les autres thèmes.
Ces notes sont ensuite exploitées pour nourrir plusieurs documents intermédiaires (comptant plus d’une soixantaine de pages au total), qui donnent à voir la progression dans la phase d’interprétation, autour de catégories plus conceptualisantes comme la circulation du travail domestique, les échanges entre mères et filles, la mobilité des femmes, les contraintes impératives, etc., développées ensuite dans l’ouvrage.
Mise en fiches systématique et transposition tabulaire : l’enquête Les conditions de vie professionnelle des femmes enceintes
Cette enquête se caractérise par une systématicité plus importante des protocoles de réduction et de transposition, et une mise en données formellement plus structurée, selon une démarche s’inscrivant dans le courant de l’analyse situationnelle, phénoménologique et structurale (Lallement, 2017; Paillé & Mucchielli, 2021, pp. 211-215). Pour cette recherche, réalisée entre 1987 et 1988 en région parisienne, Anne-Marie Devreux mène, avec une enquêtrice professionnelle, des entretiens répétés avec 54 femmes enceintes ayant une activité professionnelle. Ces femmes ouvrières, employées, occupant des professions intermédiaires ou cadres sont diversifiées sur le plan des catégories socioprofessionnelles. La chercheuse s’efforce d’interroger les conséquences variables – quoique généralement pénalisantes – d’une grossesse sur l’emploi et la carrière des femmes, en fonction de leur catégorie sociale, mais aussi des conditions faites par les employeurs à la prise en compte de la gestation; elle étudie aussi les stratégies et tactiques mises en place par les différentes catégories de femmes pour s’adapter à ces conditions et articuler au mieux leur vie familiale et professionnelle.
L’échafaudage de l’analyse se fonde sur deux étapes principales : la réalisation de fiches individuelles puis une transposition tabulaire, où s’opèrent à chaque fois une réduction et une réorganisation de l’information étayant la constitution progressive de rubriques thématiques en catégories plus conceptualisées. Cette chaîne sera retracée à partir du cas de Mme Hériot (pseudonyme), une cadre de 43 ans qui attend son 3e enfant et co-dirige une petite société immobilière (ses deux entretiens font 29 et 22 pages).
Les entretiens répétés sont menés à partir de deux guides d’entretien distincts comptant 15 grands thèmes décomposés en 50 rubriques[4]. Le guide spécifique aux entretiens initiaux recueille – autour de 10 thèmes décomposés en 32 rubriques – la trajectoire biographique et professionnelle de l’enquêtée, l’historique de ses précédentes grossesses, ainsi que les conditions dans lesquelles elle mène sa grossesse dans son milieu de travail ou son espace domestique, mais aussi des aspects plus projectifs. Le guide spécifique aux entretiens complémentaires, réalisés après l’arrêt d’activité, voire après l’accouchement, retrace – autour de 5 thèmes décomposés en 18 rubriques – l’ensemble de la grossesse et saisit le sens et le vécu de l’expérience d’inactivité professionnelle pendant le congé maternité, la préparation de la naissance et les projets post-naissance, ainsi que le point de vue rétrospectif sur l’articulation gestation/travail. Ici les rubriques précisent, spécifient les grands thèmes ou s’apparentent à des questions (pour illustrer, voir l’Appendice A).
Le terrain aboutit à la production de 2000 pages de transcriptions tapuscrites. La chercheuse produit alors des fiches individuelles à partir d’une grille générique, ronéotypée et remplie manuellement. Cette grille, qui consiste en une liste des thèmes à creuser, étaye la production de 54 fiches de longueurs variables, d’une douzaine à une vingtaine de pages. Les informations saisies mêlent extraits sélectionnés du verbatim et retraductions par la chercheuse. Elles déclinent la manière dont chaque enquêtée se positionne sur 36 grandes rubriques thématiques, déclinées en presque 90 sous-rubriques. Ce canevas est élaboré de deux manières. La grille repose d’abord sur un remaniement (et une diminution du nombre) des rubriques et sous-rubriques des guides. Plusieurs disparaissent (comme itinéraire parental du couple – 4e rubrique du thème 1 du guide des entretiens préliminaires), beaucoup sont adaptées (comme le vécu du congé – 3e rubrique du thème 2 du guide des entretiens complémentaires – qui devient vécu de l’arrêt d’activité). Elle repose, secondairement, sur une logique inductive, par l’exploitation des premiers entretiens, d’autres rubriques étant créées ou « remontées » à cette occasion (comme opinions sur le mode de garde des enfants, qui n’était qu’une sous-question du guide des entretiens initiaux). La condensation est ici plus mesurée, puisqu’on descend à environ 800 pages. Davantage d’informations sont ainsi provisoirement conservées. Examinons les remaniements à l’oeuvre à travers l’exemple de la partie de la fiche de Mme Hériot portant sur la préparation et le vécu de son congé maternité (voir la Figure 3).
Lors des deux entretiens, elle exprime un sentiment profond d’interchangeabilité, lié à son expérience lors de ses précédentes grossesses, en tant que directrice financière d’une autre société où elle avait été remplacée par un homme et avait mal vécu cette épreuve; sa troisième grossesse va être l’occasion de garder davantage le contrôle (Devreux, 1988, p. 146). Comment ces discours, développés sur plusieurs pages des transcriptions, sont-ils traités dans la fiche?
D’abord les trois rubriques thématiques préparation de l’absence et du départ en congé, remplacement et vécu de l’arrêt d’activité (en lettres capitales noires soulignées sur la fiche), reprennent, sous une forme relabellisée, les trois rubriques du thème 2 du guide d’entretien complémentaire consacré à l’arrêt de travail et au congé maternité (voir l’Appendice B) : 2.1- la cessation d’activité, 2.3- le vécu du congé, 2.4- le remplacement (la dernière, 2.2- le congé maternité, est placée dans une autre partie de la fiche). Si la structuration d’ensemble reste la même, le nombre de sous-rubriques – une dizaine – a été sensiblement réduit par rapport à la quinzaine de points et les nombreuses questions présentes dans le guide.
Pour mieux comprendre ce procédé, concentrons-nous sur la rubrique préparation de l’absence et du départ en congé de la fiche (Figure 3). Elle ne comporte que trois sous-rubriques (écriture cursive noire) formulées de manière thématique (préparation des dossiers; préparation du remplacement, formation de la remplaçante) ou de question (a-t-elle emporté du travail chez elle?). La chercheuse procède surtout à une sélection de certains items du guide (elle garde par exemple cette dernière question), qui vaut exclusion d’autres (comme la question comment a-t-elle vécu ce dernier jour de travail?); elle synthétise des éléments déjà présents dans le guide, mais subsumés dans des termes plus englobants (c’est le cas de préparation des dossiers qui reprend, sous une bannière générique, divers éléments du guide complémentaire, précisément le 2e alinéa du point 2.1), et élague d’autres aspects accessoires. L’essentiel des développements de l’enquêtée est résumé en écartant les détails, les événements, les descriptions précises des activités réalisées ou des dossiers traités. Ce mécanisme générique est à l’oeuvre pour les autres rubriques et sous-rubriques composant le reste des fiches.
De cette manière très structurée, la chercheuse se dote de la synthèse suivante : l’enquêtée a pu partir l’esprit relativement libre, en ayant préparé son départ, stabilisé les dossiers en cours et les processus de travail; mais se dessine une certaine ambivalence, puisqu’elle était en congé sans se sentir absente; la complémentarité des rôles avec son associé, l’interdépendance qui les lie, le fait que son poste n’ait pas été repris par une nouvelle personne spécialement embauchée, ou ses efforts pour se rendre disponible auprès de ses collaborateurs, ont concouru à la rendre indispensable; malgré sa faible durée (un mois), le congé s’est révélé une charge pour son associé; sont soulignés les moyens mis en oeuvre par l’enquêtée pour rassurer ce dernier et préserver une relation de confiance.
La chercheuse mène ensuite un travail de transposition des fiches en tableaux permettant de réorganiser et de synthétiser encore l’information selon un nombre réduit d’axes thématiques. En pratique, un tableau distinct a été créé pour chacun des 10 axes retenus et successivement déclinés pour les 4 groupes d’enquêtées – ce qui permet une comparaison inter et intragroupes (voir la Figure 4). Chaque tableau propose une représentation de l’information essentielle tenant sur une feuille de format A3. La condensation est plus marquée dans cette seconde passe, les 800 pages de fiches étant réduites à une quarantaine de pages de tableaux. Les 36 rubriques des fiches sont regroupées autour de ces 10 axes. Chaque tableau réorganise l’information autour d’un grand axe de catégorisation, comme l’influence de la socialisation des enquêtées sur leur rapport au travail et à la maternité, différents aspects des conditions faites à la grossesse dans les milieux de travail, le déroulé et le vécu du congé maternité et de l’éventuel remplacement, en lien avec la vie domestique, et la connaissance des droits de la femme enceinte. Dans un nouveau mouvement de synthèse, le nombre de sous-rubriques dans les fiches (environ 90) est divisé par deux – les 10 axes (numérotés de 1 à 10, colonne « Intitulé du tableau ») étant eux-mêmes subdivisés en 42 sous-axes[5].
Pour prolonger l’exemple précédent, les trois rubriques de la fiche préparation de l’absence et du départ en congé, remplacement et vécu de l’arrêt d’activité, et la dizaine de sous-rubriques qu’elles incluaient, sont regroupées dans un tableau consacré à l’axe départ – remplacement. Examinons le tableau correspondant à cet axe (no 7) et dédié à la dizaine de cadres dans lequel est intégré le cas de Mme Hériot (voir la Figure 5). Ce qui, pour chaque enquêtée (désignée en colonne par un pseudonyme et sa profession détaillée), occupait une page sur la fiche est réduit à quelques phrases courtes saisies sur une seule ligne du tableau comportant trois cases, correspondant aux trois colonnes préparation départ et remplacement,mode de remplacement et vécu de l’arrêt d’activité)[6].
À travers le cas de Mme Hériot (dernière ligne du tableau), on voit comment la chercheuse simplifie la synthèse précédemment exposée : l’enquêtée a prévu des directives, s’est arrêtée trois jours avant l’accouchement, n’a pas été formellement remplacée; aucune réelle rupture d’activité n’étant intervenue, elle ne s’est pas considérée comme absente, puisqu’elle a pu suivre les principaux dossiers par téléphone, de chez elle ou depuis la clinique; elle s’est dès lors sentie sécurisée puisqu’indispensable à la société. Est ainsi développé un portrait très typique des femmes occupant des postes de cadres qui vivent le congé de maternité et l’éloignement du travail comme une période difficile d’isolement, de solitude, d’inactivité et de mise à l’écart du monde du travail, et qui souhaitent dès lors l’écourter (Devreux, 1988). Ce procédé facilite de plus l’examen du « rendement heuristique » des différentes rubriques sur tel ou tel thème, et des « trous » dans les données – symbolisés ici par des points d’interrogation ou l’absence ou la faiblesse d’éléments dans les cases du tableau (comme dans les cas de Mme Guillaume ou Mme Florence, voir la Figure 5); ce faisant il facilite la comparaison systématique entre les positions relatives des femmes interrogées au sein d’une même catégorie – ici les cadres supérieures – ou au-delà entre les différentes catégories socioprofessionnelles, dans une démarche d’inspiration structurale. La chercheuse se fonde ensuite très directement sur le cadre fourni par ces tableaux pour rédiger les chapitres de l’ouvrage tiré de l’enquête.
Résumés et réarrangements schématiques : l’enquête Représentations du champ social, attitudes politiques et changements socio-économiques
Cette enquête se caractérise par une démarche d’analyse encore différente, ancrée dans une pensée relationnelle. L’enquête, réalisée juste avant les élections législatives françaises de 1978, repose sur 63 entretiens non directifs – la consigne initiale étant : « Voulez-vous que nous parlions de tout ce que représente pour vous le choix que vous allez faire aux prochaines élections? » Les entretiens forment un échantillon diversifié de citoyens sur plusieurs plans (social, géographique, etc.), destiné à étayer l’étude des « systèmes organisés de perceptions et de représentations, de règles sociales et de codes symboliques affectivement valorisés » (Donégani et al., 1980, p. 5) qui permettent de rendre compte du comportement politique. L’analyse déployée va soutenir l’effort visant à mettre en relation les composantes du raisonnement (ou les « schèmes de perception ») propres aux individus mais ancrées dans des modèles culturels. Précisément, il s’agit de mettre en évidence la logique présidant aux associations d’idées abordées spontanément par les enquêtés à partir de la consigne (Donégani et al., 1980, p. 13), en reconstituant le système sous-jacent au contenu manifeste, tel qu’organisé autour de thèmes qu’il faut préalablement repérer, puisque non canalisés par un guide d’entretien. Si elle puise dans les principes de l’analyse structurale (Duchesne et al., 2002), l’analyse menée est aussi et surtout inscrite dans une démarche relationnelle (Lahire, 2017; Schapper, 2012), l’objectif étant de travailler les liens entre les éléments formant ces systèmes organisés, tels qu’ils sont objectivables à partir du verbatim. L’échafaudage de cette analyse repose sur deux étapes principales : la réalisation de « résumés » des transcriptions puis de schémas individuels (ou « graphes », selon les termes des chercheurs), qui permettent de réorganiser spatialement l’information ainsi réduite. Cette chaîne sera retracée[7] à partir de l’exemple d’un homme de 21 ans, ouvrier soudeur au chômage (la transcription fait 39 pages).
Une fois les entretiens réalisés, les chercheurs confectionnent des versions abrégées des transcriptions, qui font en moyenne une trentaine de pages tapuscrites. Concrètement, ces résumés – une à deux pages manuscrites – sont basés sur une sélection des principales « séquences verbales » extraites des verbatims, telles que réinterprétées par les chercheurs (les résumés comprennent également, en en-tête, une présentation signalétique de la personne enquêtée). Ces séquences verbales sont traduites sous forme de « propositions », chacune reprenant les mots de la personne interviewée plus ou moins réécrits, autour d’une phrase formulée de manière simple, parfois plus complexe – les résumés ne comportent ni commentaires ni analyses explicites. Ces propositions, numérotées, sont mises bout à bout dans un ordre qui suit de manière très lâche le fil de l’entretien, dans l’optique de décomposer et de réarranger les articulations du discours de chacune des personnes enquêtées (Donégani et al., 1980, pp. 17 et s.). Le nombre de propositions, généralement autour d’une trentaine, peut aller jusqu’à une quarantaine, voire une cinquantaine d’items, ou être à l’inverse plus réduit, en fonction de la richesse et de la complexité du discours de l’enquêté. La réduction se fait essentiellement durant cette première phase, drastiquement, où on passe d’un corpus d’environ 2000 pages à une centaine de pages de résumés manuscrits. Pour exemplifier le propos est reproduit, à la page suivante, le résumé (1 page) de l’entretien réalisé avec cet homme de 21 ans, autour de 28 propositions, chaque ligne (numérotée de 1 à 28) correspondant à une proposition (voir la Figure 6).
Ces propositions peuvent correspondre à de courtes interventions qui matérialisent une idée forte (par exemple la proposition 2, c’est l’impasse, ce n’est plus vivable), ou à des synthèses de discours aux multiples ramifications – les chercheurs peuvent faire des liens entre plusieurs segments de discours situés à des moments éloignés de l’entretien[8], condensés dans une seule proposition, comme c’est le cas de la proposition 28, mais la liberté et le bonheur, ce n’est pas la même chose (plus on possède, moins on est libre).
Chacun des résumés est ensuite réarrangé en un schéma individuel qui consiste en une « transcription graphique, pour chaque entretien, de la série des propositions dégagées à l’étape précédente » (Donégani et al., 1980, p. 21). Les chercheurs ne mobilisent pas ici de grille d’analyse; ils se concentrent sur chaque entretien pris séparément, selon une démarche interprétative sui generis. Le procédé suivi vise à faire apparaître visuellement « les multiples relations existant [sic] entre les propositions fondamentales manifestant le raisonnement sous-jacent » (Donégani et al., 1980, p. 21) qui est embarqué dans chaque entretien. Chaque proposition est reliée à chacune des autres propositions avec lesquelles les chercheurs estiment qu’elle entretient un lien de signification, mais « ces liens sont représentés par des traits sans direction puisqu’il n’est jamais question ici de causalité ou d’implication » (Duchesne et al., 2002, p. 287). L’objectif est de réarranger les propositions autour de polarités de sens qui sont visualisables par des grappes plus ou moins clairement distinguées les unes des autres (comme le suggère la Figure 7), afin de reconstituer le schème (ou le « schéma ») spécifique qui sous-tend le discours de la personne enquêtée.
Examinons comment les chercheurs procèdent à partir de quelques exemples à partir du schéma de la figure 7[9] : un premier cluster situé en haut et au milieu du schéma, qui dénote une attitude pessimiste de l’enquêté face à (son avenir dans) la société de travail, et un deuxième cluster situé plus bas et sur la gauche, qui dénote une remise en cause du modèle de civilisation matérialiste favorisant un progrès destructeur et écrasant l’individu dans un monde urbain et une société de masse déshumanisés. Ces deux exemples illustrent bien le fait qu’il y a généralement davantage de propositions distribuées sur le schéma – ici une soixantaine au total – que dans le résumé, les propositions les plus longues ou les plus complexes étant segmentées en plusieurs composantes réduites à des expressions plus courtes, en vue de pouvoir être toutes placées sur une feuille de format A4. Le premier cluster relie les propositions suivantes : 1A- je vous donne mon choix parce que ça concerne d’abord les enfants que j’ai peut-être envie d’avoir; et dont je n’ai pas tellement envie; 1B- parce que pour nous c’est rapé; à part cela, que faire; 3- parce que la qualité de la vie, je n’ai pas envie de passer ma vie à serrer les boulons chez Citroën. Ici la 1re proposition du résumé (je vous donne mon choix parce que ça concerne d’abord les enfants que j’ai peut-être envie d’avoir, parce que pour nous c’est râpé) a été scindée en deux composantes, 1A et 1B, et spécifiée par deux propositions non retenues initialement dans le résumé, mais qui ont été repêchées pour constituer le schéma : et dont je n’ai pas tellement envie; à part cela, que faire. Le deuxième cluster fait très clairement apparaître une autre caractéristique de ce protocole de schématisation : le fait que beaucoup de propositions sont multireliées, de sorte qu’émergent des « noeuds de significations ». Ainsi, la 4e proposition du résumé (je suis contre la ville où les gosses ne voient jamais le soleil), est reliée à la 5e située juste en dessous et scindée en quatre composantes (5A- Les gens sont murés en eux-mêmes, automatisés; 5B- ils ne se servent plus de leurs sens; 5C- c’est la parano intégrale; 5D- un monde mort); celle-ci est elle-même reliée à la 6e, située un peu plus bas et scindée en deux composantes (6A- larmes, amour, tendresse, les gens le vivent à travers la télévision; 6B- leur vie : métro, boulot, dodo), et elle-même reliée à deux autres propositions (une proposition supplétive – plus encore à Paris qu’en province – ainsi que plus on possède, plus on est possédé, moins on est libres – proposition 28B); toutes sont connectées à une composante de la 8e proposition (on ne tient pas assez compte de l’individu), ce qui marque un « noeud de significations » lui-même connecté à d’autres noeuds, dans un mouvement global d’interconnexion des propositions et des grappes.
Chaque schéma constitue ainsi une version assez fortement réaménagée du résumé correspondant, non seulement parce que les propositions sont réaménagées (c’est le cas par exemple de la 3e proposition du résumé, je n’ai pas envie de passer ma vie à serrer des boulons, à fabriquer des voitures pour m’en acheter une, qui a été sensiblement modifiée en étant projetée sur le schéma), mais aussi en raison de la réorganisation des liens qui sont faits entre ces dernières. La structuration du schéma n’est en effet pas exclusivement axée sur la proximité initiale des propositions dans le résumé : des remaniements sont opérés. Comme l’illustre le cas des propositions 6B et 28B, des propositions éloignées dans le résumé peuvent être juxtaposées et reliées sur le schéma. Inversement, des propositions contiguës dans le résumé peuvent être éloignées sur le schéma. Ainsi, la proposition 2 (c’est l’impasse, ce n’est plus vivable) a été placée vers le bas et le milieu du schéma, sans aucun lien direct avec les propositions situées juste avant ou juste après dans le résumé (situées en haut du schéma). Les composantes d’une proposition peuvent également être éclatées à différents endroits du schéma, sans être reliées; c’est le cas par exemple de la proposition 28, dont la seconde composante est située en queue du deuxième cluster, la première composante (28A- mais bonheur et liberté, ce n’est pas la même chose) étant située tout en bas et vers le milieu du schéma, au sein d’un cluster distinct.
Par la construction des multiples relations qui unissent, dans cet espace graphique, les propositions situées dans les différentes grappes, et au-delà les grappes entre elles, les chercheurs vont pouvoir, en interprétant les liens entre les thèmes sous-jacents qui l’organisent, établir le schème de perception de cet enquêté, proche de la contre-culture et de la mouvance militante écologiste et libertaire post-soixante-huitarde (Simon & Michelat, 2004). Selon une démarche typologique, les schémas individuels sont ensuite confrontés les uns aux autres pour établir les schémas génériques des six modèles culturels que les chercheurs vont décrire dans les publications. Cet enquêté va être mobilisé au soutien de deux modèles : « Si je votais, ce serait plutôt pour l’écologie » et « pour nous, ouvriers » (Simon & Michelat, 2004, p. 21-22).
Interroger des aspects structurants des chaînes de mise en données des matériaux
Cette exploration permet d’appréhender certains des aspects structurants des chaînes de mise en données des matériaux pour en faire ressortir quelques enseignements.
La comparaison entre ces cas illustre d’abord la tension entre le respect de la richesse du matériau et la sélectivité qu’implique la démarche de condensation (Gaudet & Robert, 2018). Sont interrogés les degrés et les formes de sélectivité des informations traitées dans ces flux, ou encore le degré de progressivité qui caractérise les sauts entre les étapes suivies. Dans la première enquête, l’élagage initial est marqué, la focale étant réduite dans les fiches à quelques thèmes prélevés dans le réservoir fourni par le guide d’entretien, puis étendue via des catégories ad hoc; la confection des notes transversales aux enquêtées matérialise un mouvement de réorganisation et d’agrégation après un mouvement de dispersion, et enclenche une dynamique de conceptualisation. Les rubriques sont alimentées par une allocation de fragments de discours empruntés à des enquêtées « parlantes », mis en regard en fonction de la typicité de ces dernières. La deuxième enquête illustre une démarche en partie similaire, mais incarne surtout une posture de synthèse, marquée par une montée en généralité plus progressive, où l’information est filtrée en entonnoirs successifs, ainsi qu’une approche d’inspiration plus structuraliste : toutes les enquêtées, préalablement préclassées en catégories socioprofessionnelles, sont passées au tamis des mêmes rubriques, l’objectif étant d’optimiser la comparabilité entre les catégories sociales ainsi constituées. La troisième enquête incarne une posture encore différente, caractérisée par une réduction initiale très forte du volume d’information, alliée à une modélisation des composantes du raisonnement de chaque personne enquêtée; la schématisation qui s’ensuit ne se limite pas à une projection spatiale, des ajustements importants et une réinterprétation des résumés étant à l’oeuvre. Ces opérations étayent la construction d’une typologie (Schapper, 2012) à partir de la contribution différentielle des individus à l’élaboration des modèles culturels.
Cette tension est régulée à l’aide d’outils. Si les deux premières enquêtes mobilisent des grilles d’analyse se fondant sur des catégories en partie prédéterminées, les chercheuses ne suivent pas une approche exclusivement hypothético-déductive, puisqu’est à l’oeuvre, aussi, une logique inductive. Le codage, plutôt « indexatif » au départ, devient plus interprétatif ensuite; il est aussi hétérogène, puisque des rubriques basiques coexistent tardivement avec des catégories relativement sociologisées. Inversement, si la dernière enquête illustre une démarche essentiellement inductive, par imprégnation, en dehors d’une grille d’analyse, des filtres (cognitifs) entrent tout de même en jeu, certains passages des verbatims étant davantage mis en avant que d’autres; le protocole vise à retarder le plus possible la catégorisation savante en mobilisant essentiellement des catégories ordinaires, basées sur le langage naturel (Dubar & Demazière, 1997).
Ces trois enquêtes interrogent également l’ancrage matériel des mécanismes intellectuels à l’oeuvre dans ces opérations. La première enquête illustre une pensée caractéristique de l’analyse thématique sur laquelle on ne reviendra pas ici, car elle est assez bien décrite par ailleurs. La deuxième enquête puise à ce registre, mais s’ancre davantage dans une pensée structurale, et met en évidence l’utilité d’un outil typique de ce mode de pensée, le tableau synoptique; ce format, destiné à mieux se repérer dans une masse importante d’informations, permet de gagner en vision d’ensemble, et, en balayant les données à travers les colonnes et les lignes, de trouver – à vue d’oeil – des régularités (Bertin, 2005; Yin, 2014, p. 206). Un tel instrument offre des possibilités plus grandes pour appréhender les variations entre cas et identifier des motifs récurrents dans la structuration des données (Castellanos et al., 2018) – ce qui demande un effort de préstructuration. Cet exemple rend apparente la différence avec les métamatrices ordinairement exposées dans les publications (Miles et al., 2017), lorsque les cases des tableaux contiennent des données « digérées », et qui servent à articuler des relations entre les catégories manipulées au soutien d’une analyse déjà montée en généralité (Castellanos et al., 2018). Ici, les tableaux présentent non pas des matériaux « bruts », mais des informations encore assez proches des verbatims originels. La troisième enquête puise également dans une pensée structurale, mais aussi et surtout dans une pensée relationnelle, via la mobilisation de schémas fournissant une meilleure manipulation et représentation visuelle de la structuration des données (Bertin, 2005; Castellanos et al., 2018). Évidemment le recours à cet outil implique de disposer d’items à mettre en relation, ce qui suppose d’avoir transformé les matériaux en éléments aptes à supporter ce mode de transposition.
L’examen de ces circuits de mise en données interroge enfin la consistance de la frontière entre les procédés de réduction et de transposition. Si dans la troisième enquête, cette frontière apparaît plus marquée, dans les deux premières enquêtes elle s’avère poreuse, puisque c’est en deux étapes, et dans un même mouvement, que ces protocoles sont conjointement mis en oeuvre. Le caractère opératoire de cette distinction mériterait d’être davantage étudié.
Conclusion
L’article visait à instruire des aspects de la fabrique de l’analyse qualitative ordinairement invisibilisés en illustrant en quoi certaines archives permettent d’accéder à une meilleure compréhension de deux procédés essentiels de la conversion des matériaux en données, leur condensation et leur transposition. Les trois enquêtes exposées offrent une variété de configurations possibles au regard de ces procédés, qui s’enracinent dans des formes typiques repérées dans la littérature. Si elles empruntent simultanément à différents modèles, elles sont ancrées dans une approche principale, l’analyse thématique, structurale ou relationnelle. On a pu observer une partie des chemins qui vont des matériaux aux prémices de la théorisation en découvrant l’ampleur des opérations pratiques irriguant la production des résultats de ces recherches, et qu’on serait bien en peine d’imaginer à la seule lecture des publications qui en ont été tirées. L’accès à cet envers du décor permet de dépasser la première impression que pourrait laisser la lecture des citations exhibées dans ces publications – c’est-à-dire que l’analyse consisterait à répéter et à commenter les extraits de verbatims, dans une logique illustrative (Dubar & Demazière, 1997), comme si ces verbatims étaient immédiatement accessibles à l’interprétation. Ouvrir ces coulisses – quand elles sont appropriées – rend plus discutables les résultats proposés en permettant de mieux retracer leur genèse et en montrant comment la construction des données a été adaptée aux stratégies d’analyse globales. Bien que les procédés examinés ne servent qu’à parvenir à un « horizon de compréhension » (Paillé & Mucchielli, 2021, p. 224) des phénomènes étudiés, et que les commentaires et analyses explicites n’arrivent que plus tard, on saisit mieux le fait que des processus interprétatifs sont à l’oeuvre dès la phase de condensation. Ce ne sont donc nullement des opérations purement techniques : par leur dimension intellectuelle, elles sont cruciales pour comprendre ce qui nourrit l’analyse substantielle, c’est-à-dire explicitement arrimée à des théories sociologiques. Les transformations intervenant dans cette circulation d’un état à d’autres états sont canalisées par des techniques scripturaires qui sont inséparablement des « technologies de l’intellect » (Goody, 1979, p. 48). On a affaire à des outillages de la pensée très liés aux manières de penser.
Une partie des processus d’analyse impliqués a échappé à cet examen, parce qu’ils ne sauraient être abordés in extenso dans le cadre d’un article, mais aussi parce qu’ils se dérobent en partie à l’archivage (Paillé & Mucchielli, 2021, p. 97). Ainsi, certaines opérations intermédiaires, tout comme d’autres facettes cruciales des processus d’analyse (leur durée, qui se compte au bas mot en mois, ou leur caractère plus ou moins collaboratif), ont dû être passées sous silence. Les cas mobilisés présentent également d’évidentes limites à une généralisation du propos. Parce qu’ils sont relativement anciens, ils ne recouvrent pas des pratiques liées par exemple à l’utilisation de logiciels d’analyse. De nombreuses démarches, comme l’analyse des récits de vie, ne sont pas non plus couvertes. Parce qu’elles reposent principalement sur des entretiens et que l’exploitation des matériaux est faite après la clôture des terrains, d’autres pratiques plus ethnographiques ou s’inscrivant dans la théorisation ancrée échappent aussi à cet examen. On imagine aisément ce qu’il serait possible de faire avec une plus grande diversité d’archives d’enquêtes, afin d’explorer une plus grande diversité de protocoles de condensation ou de transposition et plus largement d’aspects de la fabrique de l’analyse.
Appendices
Annexes
Appendice A. Rubriques et sous-rubriques des deux guides d’entretien (Garcia et al., 2019, p. 27)
Appendice B. Extrait du guide des entretiens complémentaires centré sur l’arrêt du travail et le congé maternité
Note biographique
Guillaume Garcia est ingénieur de recherche au Centre de données socio-politiques de Sciences Po Paris. Docteur en science politique, ses champs d’intérêt portent sur les dispositifs d’archivage, de mise à disposition et de réutilisation de données d’enquêtes qualitatives en sciences sociales, et sur l’apport de ces dispositifs à la réflexion méthodologique dans le domaine de la recherche qualitative.
Notes
-
[1]
Ces deux termes seront par la suite employés sans guillemets, même s’ils doivent être pris comme des constructions.
-
[2]
On désigne ici une conception largement partagée de l’approche sociologique comme devant être relationnelle, ce qui implique, sur le plan des méthodes d’analyses, de mobiliser des indicateurs permettant d’objectiver les relations entre les éléments considérés – comme le fait par exemple aujourd’hui l’approche des réseaux sociaux.
-
[3]
Une partie de ce travail a été fait par Sarah Cadorel, Émilie Fromont, Émilie Groshens, Karim Souanef et Jérémie Vandenbunder.
-
[4]
Ces guides sont détaillés pour permettre à l’enquêtrice professionnelle, extérieure au projet initial de recherche, de mettre en oeuvre une pratique d’interrogation comparable à celle d’Anne-Marie Devreux.
-
[5]
Chaque axe est décomposé en trois à cinq sous-axes; la dernière colonne précise le numéro du chapitre de l’ouvrage dans lequel le tableau est utilisé.
-
[6]
Les sous-rubriques de la fiche sont ici reprises quasiment telles quelles dans les sous-axes du tableau – ce qui n’est pas le cas d’autres parties des fiches. Chaque tableau comprend également une colonne reprenant, le cas échéant, une phrase clef à citer pour chaque enquêtée, qui ne sera pas étudiée.
-
[7]
Sur la description de cette enquête, voir également Souanef et al., 2015.
-
[8]
Ce trait est influencé par la structure cyclique du raisonnement développé par les enquêtés dans le cadre d’entretiens non directifs (Duchesne et al., 2002, p. 287).
-
[9]
Les propositions projetées sur le schéma ne sont pas numérotées, mais pour la clarté de l’exposé, le numéro originel de chaque proposition dans le résumé a été repris pour le schéma; leurs éventuelles composantes sont désignées par des lettres.
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